Il faisait un froid de canard quand je suis sorti de chez moi. Exactement comme le jour où les affreux m’avaient agressé pour la première fois. Malgré moi, j’ai tremblé en me disant que c’était juste parce qu’il devait faire 4 ou 5 degrés. En réalité, je savais bien que ce n’était pas la vraie raison.
J’ai serré ma paire de rollers sous le bras pour rejoindre les copains derrière mon immeuble.
Ils étaient déjà là, Zélie, Delphine et Saïd. Manquait juste Paulo. Pas pour longtemps. Il arrivait, les mains dans les poches.
– Salut. Je trouve qu’il fait trop froid pour jouer dehors…
– Oh, là, là, Paulo, tu te fais vieux, a rigolé Saïd. Il ne gèle pas encore !
– C’est vrai, mais je voulais dire : pour jouer dehors et surtout pour parler ! Pas pratique de discuter sérieusement en faisant du roller, non ?
– Ouais, mais qu’est-ce qu’on peut faire d’autre ? Où veux-tu qu’on aille ?
– Venez chez moi. Y a pas un chien aujourd’hui. Piotr est au lycée jusqu’à midi, mon père et ma mère sont au boulot…
– C’est une bonne idée.
Et nous voilà tous partis chez Paulo, sans faire de bruit en passant devant la porte de Mme N’Guyen qui habite juste en dessous. On dirait toujours qu’elle nous surveille et quand elle le peut, elle nous balance son chiffon à poussière sous le nez.
J’aime bien l’appartement de Paulo. Il y a de chouettes couleurs partout, des poupées russes, des coussins sur tous les fauteuils et même sur les chaises. On s’est installés confortablement autour de la table basse.
Saïd a sorti une feuille de sa poche :
– Voilà toutes les écoles de Lille. Ça en fait un paquet ! Étant donné qu’on ne sait pas si ces types sont élèves de collège ou d’école ; du public ou du privé…
– Moi je crois qu’ils sont déjà au collège. Parce que je ne vois pas comment ils peuvent être dans notre quartier de si bonne heure pendant des jours de classe. À tous les coups, ils n’ont pas cours certains matins.
– Dites, les copains, a fait remarquer Delphine d’un air entendu, ce n’était pas la peine de se casser la tête pour trouver ça. La liste est dans le calendrier de la poste. Je n’y avais pas pensé hier. Mais de toute façon, ça ne sert vraiment à rien !
– Qu’est-ce que tu veux dire ?
– Ben, réfléchissez deux secondes : ces quatre voyous vont à pied comme nous, éventuellement en autobus… Alors, réfléchissez ! Comment pouvaient-ils déjà être à la sortie du théâtre à 16 h 45, s’ils ont été en retenue dans leur établissement jusqu’à quatre heures et demie ?
– Euh, parce que leur école ou leur collège est dans le coin ? j’ai répondu.
– Donc, ça veut dire qu’ils habitent dans le coin…
– Bravo, Delphine ! Et en plus, t’as raison, j’ai pas vu les autres élèves de leur classe monter dans un bus… J’ai l’impression qu’ils se sont tous dispersés en sortant du théâtre Sébastopol.
– Mais c’est vrai ça !
– Qu’est-ce qu’on doit faire alors ? a interrogé Paulo.
– Hum. Est-ce que tu as dit à tes parents qu’on a revu les types hier ? m’a demandé Saïd.
– Non. J’aimerais bien régler le problème avec vous. J’en ai assez de passer pour une poule mouillée.
– Bon, alors, je propose qu’on mène l’enquête sur le terrain. Qui a une idée pour qu’on aille dans le quartier Sébasto sans que les parents nous prennent la tête ?
– On pourrait aller au marché du samedi qui a lieu devant le théâtre, a suggéré Zélie.
– Faudrait trouver une bonne excuse.
– J’en ai une. C’est l’anniversaire de ma mère dimanche et elle aime les vrais fruits exotiques. Or, le marchand qui fait les plus beaux plateaux-cadeaux a un étal sur cette place. Vous pourriez dire que vous m’accompagnez tous pour ne pas me laisser seule et qu’il ne faut pas en parler parce que c’est une surprise…
– Génial, Zélie, tu es géniale, j’ai crié.
Je l’aurais bien embrassée !
– Oui, mais si on les rencontre, les gars, qu’est-ce qu’on fait ?
– On les tape, Delphine ! j’ai répondu du fond du cœur.
– Ouais, mais vous avez vu leur taille ? Même à cinq, on ne fait pas le poids.
– Ce ne sont pas des géants non plus quand même. Qu’est-ce que vous en pensez ?
– Bonne idée, Charlie. Je suis d’accord, a déclaré Paulo en premier.
Mes autres copains ont suivi. On s’est séparés presque joyeusement.
Ah, ils allaient voir ce qu’ils allaient voir, ces gangsters !
Les deux jours suivants nous ont paru longs comme des jours sans pain. On n’a rencontré aucun de ceux qui voulaient me racketter… Est-ce parce qu’ils nous voyaient à cinq pour aller à l’école ou parce que leurs cours commençaient plus tôt ? Il suffisait que certains profs qui étaient peut-être malades les fameux jours de castagne soient revenus… Après tout, la grippe n’est pas réservée aux enfants…
Le samedi matin est enfin arrivé.
Comme convenu, Zélie est venue me chercher.
– Bonjour, madame, elle a dit à ma mère avec son plus beau sourire. Est-ce que Charlie peut m’accompagner jusqu’au marché Sébastopol ?
– Bonjour, Zélie. Pourquoi donc ? Ta maman est d’accord pour que tu ailles là-bas toute seule ? Moi ça ne me plaît pas beaucoup de vous laisser aller à deux.
Alors ma copine préférée a expliqué son idée de plateau de fruits exotiques pour l’anniversaire de sa mère. Et elle a fini par :
– Saïd et Paulo vont venir aussi, madame. Et même Delphine nous a donné rendez-vous à l’arrêt de bus place de la République devant la poste. Comme je ne pouvais pas en parler chez moi puisque c’est un secret, j’ai dit à ma mère et à Yaya que c’était Charlie qui me demandait de l’accompagner. On sera à cinq. On ne craint rien, madame.
– Hum… ! T’es pas gênée, Zélie ! Bon, d’un autre côté, je ne veux pas t’empêcher de faire plaisir à ta mère. Bon, ben, écoute, Charlie, je te laisse partir avec tes copains mais tu en profiteras pour m’acheter du poisson pour ce soir. Ça m’évitera d’aller en chercher cet après-midi. Tu te souviens de mon poissonnier ? Il se met juste devant le théâtre Sébasto. Tiens, je te fais une liste.
Zut ! Ça, ce n’était pas prévu dans l’histoire ! Me balader avec des merlans et des moules ! N’importe quoi ! Devoir me coltiner un sac, la barbe ! J’allais répondre que je ne saurais pas bien choisir, quand Zélie a murmuré « Chut » en me faisant de gros yeux. J’ai compris. Je me suis tu. Résultat : je suis parti avec un filet à provisions que j’ai fourré immédiatement dans ma poche avec la liste et deux billets de 10 euros.
– Tu ne perds pas les sous, hein, Charlie ? Range bien ton porte-monnaie. Non, pas là. À l’intérieur de ton anorak. Et n’oublie pas tes tickets d’autobus, m’a ordonné ma mère du pas de la loge.
Je n’étais pas trop heureux en sortant de chez moi. Mais Paulo et Saïd nous attendaient déjà sur le trottoir.
Rue des Postes, on est montés dans le bus La Citadine no 2.
Faut croire que tout le quartier allait à Sébastopol. Mme N’Guyen a fait semblant de ne pas nous voir et Mme Radenne, accompagnée de Raphaël, expliquait à une voisine que ce n’était pas la joie d’avoir un mari qui faisait le taxi.
– Jamais là pour moi, elle se plaignait. J’en ai assez de prendre le bus alors que mon mari roule en voiture toute la journée.
– Oui, mais ne vous plaignez pas, au moins il a du travail, votre homme. C’est pas comme le mien…, faisait remarquer la femme à côté d’elle.
Raphaël nous a fait signe en demandant à sa mère s’il pouvait nous rejoindre.
– Pas question, mon garçon. J’ai pas l’intention de porter les sacs toute seule, elle a répondu.
Il nous a regardés d’un air dépité en haussant les épaules et en écartant les mains dans un geste d’impuissance. Finalement, il est assez chouette Raphaël Radenne comme meilleur ennemi. On a de la chance de l’avoir. Tous les meilleurs ennemis ne sont pas aussi sympas.
Delphine nous attendait déjà place de la République devant le grand bureau de poste à l’angle de la rue Inkerman où son père, qui est facteur, avait une réunion.
– Il m’a donné rendez-vous ici après. J’ai pas intérêt à être en retard, elle a dit avant de remonter la rue avec nous jusqu’au théâtre Sébastopol.
Avec nos gros blousons, on aurait dit un groupe de cinq petits pingouins un peu perdus. Parce que, finalement, on ne savait pas exactement ce qu’on allait trouver.
– On devrait peut-être faire les courses d’abord, a suggéré Zélie. Si tu ne reviens pas avec ce que ta mère a demandé, ça va chauffer pour toi, Charlie.
J’étais de son avis, mais si on rencontrait nos gangsters, comment on ferait pour se défendre sans mains libres ? Et si on les repérait sans qu’ils nous voient, comment on ferait pour les prendre en filature ? Avec des filets à provisions, c’était un peu tarte, non ?
– Oui, mais d’un autre côté, ça expliquerait, mine de rien, pourquoi on est sur le marché.
Alors on s’est rendus tout de suite au stand du marchand de fruits exotiques. Zélie a commandé le panier qu’elle voulait, elle l’a payé et le commerçant lui a dit de revenir une demi-heure plus tard, le temps qu’il le garnisse entre deux clients.
Ça nous arrangeait bien.
Le poissonnier n’était pas loin. Je lui ai lu la commande de ma mère. Il a emballé la marchandise et il me l’a tendue. Je n’ai pas osé lui demander de garder mon filet à provisions jusqu’à midi. J’ai payé, c’est tout.
Puis les copains ont proposé de faire un tour du marché avant de reprendre les fruits exotiques. Nous nous sommes déplacés lentement en regardant tous les étals et en parlant fort. Personne ne pouvait nous ignorer. Mais rien. Pas un chacal, pas un malfrat, pas un gangster en vue.
Zélie a récupéré son plateau-cadeau bien emballé et on s’est dirigés vers l’arrêt de bus place de la République devant la Grand-Poste sur le coin de la rue Inkerman.
Et là, au tournant, boum !
La foudre nous est tombée dessus, ou tout comme !
Le plus impressionnant des voyous m’a donné un coup sur l’épaule à me faire tomber à la renverse, mais, devant Zélie, pas question de me dégonfler. J’ai levé mon filet à provisions et j’ai tapé de toutes mes forces sur le gars qui s’est pris un merlan dans la tronche avant d’avoir eu le temps de dire ouf et pouah ! Un autre qui voulait me déstabiliser a eu droit aux moules qui se sont écrasées sur son menton en un bruit de castagnettes. Il a mis ses mains en protection devant son visage en vociférant :
– Ouille, ouille, t’es un malade, toi !
Et il m’a laissé pour s’attaquer aux filles.
Delphine lui a mordu le bras et Zélie, tout en protégeant son panier du mieux qu’elle pouvait, l’a poussé jusqu’à ce qu’il s’étale les quatre fers en l’air en beuglant des grossièretés.
Saïd boxait comme un pro contre le troisième. Paulo donnait des coups de pied au dernier.
On n’avait même pas le temps de crier, tellement ça allait vite. Mais j’avais envie de rire en voyant la tête du type que j’assommais maintenant avec les poissons qui partaient en lambeaux à travers le sachet éventré et les mailles du filet à provisions. Lui hurlait :
– Ça va pas, non ? C’est pas du jeu de se battre avec des poissons. Ça pue.
– C’est pas vrai ! je répondais. Ils sont frais mes merlans et les moules aussi.
On devait faire un vacarme du diable. Si bien qu’au bout d’un moment, des adultes sont intervenus.
– Vous voulez qu’on appelle la police, sales gosses ? C’est quoi ces manières de voyous ?
Mais aucun ne faisait mine de vouloir nous séparer jusqu’au moment où, sortant de la poste, M. Delforge, le père de Delphine, a déboulé dans la scène avec un de ses collègues facteurs.
– Mais nom d’un chien, de nom d’un chien, ça va pas, les gamins ? Arrêtez tout de suite votre cinéma.
Ils ont attrapé le plus grand voyou qui sentait le poisson écrasé et celui que Delphine avait mordu au bras si fort qu’il était sur le point de tourner de l’œil. Le plus petit s’est sauvé pendant que le quatrième donnait un coup d’épaule à M. Delforge qui est tombé assis par terre en lâchant celui qu’il tenait. Son collègue l’a aidé à se relever en laissant filer le gars qu’il maintenait.
La scène s’est déroulée si rapidement qu’on n’a pas eu le temps de réagir. Le père de Delphine et son collègue étaient hors d’eux, même si on voyait bien qu’ils se maîtrisaient.
– Bon. Je vous reconduis chez vous et on va s’expliquer. Le mieux serait d’aller chez toi, Charlie, étant donné que tes parents sont forcément là.
Aïe, aïe, aïe ! Qu’est-ce que j’aurais voulu que mon père et ma mère travaillent dans un bureau au lieu d’être concierges ! J’aurais pu dire qu’ils n’étaient pas chez eux ! Mais là, ce n’était pas possible. Alors, sans discuter, nous sommes montés dans sa Scénic, après qu’il eut remercié son collègue de lui avoir donné un coup de main.
Zélie regardait son panier de fruits complètement bouleversé sous le papier cellophane. Les mangues avaient des gnons, et les figues fraîches semblaient avoir fait le tour du monde à pied. Du jus de moules et de merlan suintait de mon filet à provisions sur mon pantalon et par terre. Je n’ai pas pu m’empêcher de dire :
– Monsieur, je vais salir votre voiture…
– On n’est plus à ça près, mon garçon, a répondu sévèrement le père de Delphine.
– Oui, mais, papa, a fait remarquer ma copine, maman ne va pas apprécier de devoir nettoyer.
– C’est bien pour ça que c’est toi qui vas nettoyer la voiture, ma fille.
Delphine a changé de couleur. Elle a ouvert la bouche pour répondre puis elle s’est ravisée. La tête de son père montrait que ce n’était pas la peine d’insister.
– Je le ferai avec toi, j’ai murmuré. Enfin… si ma mère me laisse encore sortir après ça, j’ai précisé en montrant les restes de poisson et mon pantalon dégoûtant.
En moi-même, je mourais de peur. Qu’allait dire maman devant le désastre ? Pourvu qu’il y ait encore des œufs dans le frigo pour ce soir !
En sortant de voiture devant la loge, Paulo et Saïd ont essayé de se défiler :
– Au revoir, monsieur, et merci de nous av…
– Non mais, mes gaillards, vous allez venir avec nous, a répondu M. Delforge en les attrapant par le bras.
– Mais on n’a rien fait de mal, monsieur. C’est les autres qui nous ont attaqués…, a commencé Saïd.
– Venez donc raconter tout ça.
Il a bien fallu le suivre jusque chez moi. C’est ma mère qui est venue ouvrir.
– Seigneur ! Qu’est-ce qui s’est passé ? Vous avez eu un accident, les enfants ?
– Ne vous inquiétez pas, madame Chaplini. Tout va bien. Ils vont vous expliquer. Votre mari est là ?
Mon père est arrivé dans les deux minutes qui ont suivi. Il a donné un coup de téléphone, je n’ai pas compris à qui, pendant que M. Delforge essayait de joindre les parents de Paulo, de Saïd et de Zélie.
Il était presque midi. Ils étaient tous chez eux.
M. Potock, Mme Sarbouti et Mme Zhé ont rappliqué dare-dare.
Dans la cuisine, maman essayait de récupérer ce qu’elle pouvait des provisions. C’est-à-dire pas grand-chose. Elle est revenue dans la loge d’un air sombre.
– Bon, venez dans le salon, elle a fini par dire. On sera plus à l’aise qu’ici. Mais, toi, Charlie, tu changes de pantalon d’abord. Ton jogging est dans la salle de bains. Mets-le, tu prendras une douche tout à l’heure et tu te changeras complètement. Ne mets pas ton pantalon sale dans le panier à linge. Laisse-le par terre. J’ai pas envie que tout sente le poisson.
Quand je suis revenu, la moitié d’une minute après, tout le monde était installé sur une chaise ou un fauteuil et chacun m’attendait pour parler.
Mon père m’a regardé d’un œil bienveillant.
– Charlie, est-ce que c’est en rapport avec ce que tu m’as dit quand ta grand-mère était là ?
J’ai fait oui de la tête.
– Alors pourquoi tu ne nous as pas dit que ça recommençait ?
– Ben…
J’avais honte encore une fois. Et je ne pouvais pas expliquer devant mes copains et surtout devant Zélie que je mourais de peur quand je pensais à ces mauvais.
J’ai été sauvé par la sonnette d’entrée. C’était Jules Baudion. Le vieux copain de papa à la retraite depuis quelques années après avoir été inspecteur de police. Il était aussi mal habillé que d’ordinaire avec un pantalon à carreaux et une vieille veste en peau de mouton retournée. Mais on avait l’habitude.
– Alors, Charlie ? Ton père vient de m’appeler pour me dire que tu avais sans doute encore besoin de mes services. Vas-y, raconte.
J’ai pris mon courage à deux mains et j’ai tout dit. Les copains ont ajouté ce qu’ils avaient vu ces derniers jours. Et on s’est tus.
Jules Baudion, lèvres serrées, semblait réfléchir profondément.
Ma mère me regardait, attendrie.
Mme Zhé tenait Zélie contre elle. On aurait pu entendre une mouche voler.
– Je ne serais pas étonné si on me disait que ces petits voyous font partie d’une bande de voleurs qui sévit dans tout Lille. Leur fonds de commerce, c’est les portables qu’ils écoulent sur les marchés.
– Oui, moi j’ai déjà vu des revendeurs à la sauvette de ce genre à Wazemmes, a déclaré ma mère.
– Et moi sur celui de la place du Concert, a ajouté Mme Zhé.
– Et moi à celui de Saint-Sauveur, a affirmé Mme Sarbouti pendant que M. Potock opinait du bonnet pour confirmer les dires de chacune des mamans.
– Bon. Il faut vérifier s’il y a un lien entre nos lascars et cette bande. Qui a une idée ? a lancé Jules Baudion.
– Demain matin, c’est le marché de Wazemmes. On pourrait y aller, j’ai proposé…
– Oui, et servir de chèvres, a déclaré Saïd.
– Comment ça, mon fils ? a demandé sa mère.
– Ben, on pourrait se promener et quand les types nous tombent dessus, Jules les arrête.
– Autrement dit, vous serviriez d’appât, comme on dit à la chasse, précisa mon père.
– Attention, les enfants, ça peut être dangereux, a fait immédiatement remarquer ma mère.
– Ne vous inquiétez pas, Martine, vous savez bien qu’il est hors de question de prendre le moindre risque. Pour le coup, j’ai bien l’intention de travailler avec la police. Alors, si vous êtes toujours partants, je vais mettre une stratégie au point avec mes anciens collègues et je vous téléphone dans une heure ou deux pour vous donner les instructions à suivre. D’accord ?
– D’accord, on a tous répondu.
On s’est séparés. Un moment après, Jules nous a tous contactés comme convenu. On devrait se débrouiller tous seuls parce que la police était sur le point de démanteler un gros réseau de trafiquants et qu’elle n’avait pas le temps de s’occuper d’histoires de gosses. Mais on pouvait l’appeler si ça tournait mal.
L’après-midi m’a semblé long comme un jour sans pain et les émissions de télé insipides. J’avais hâte d’être au lendemain.