Le Roman de Violette
- Authors
- Jean-Claude Stehli & Manoury, Comtesse de
- Publisher
- Tom Quartz Éditions
- Tags
- roman , érotisme
- Date
- 2015-01-28T00:00:00+00:00
- Size
- 0.12 MB
- Lang
- fr
« Quand je connus Violette, j’avais trente ans.
J’habitais le quatrième étage d’une assez belle maison de la rue de Rivoli, au-dessus duquel étaient échafaudées les chambres occupées par les domestiques et de jeunes ouvrières travaillant chez la marchande de lingerie dont le magasin existe encore au rez-de-chaussée, sous les colonnes.
À cette époque, ma vie était liée à celle d’une maîtresse fort belle et très aristocratique de façons. Elle possédait une de ces peaux blanches que Théophile Gautier célèbre dans ses Émaux et Camées ; une de ces chevelures qu’Eschyle tresse sur la tête d’Électre et compare aux épis de l’Argolide. Mais devenant trop grasse, avant l’âge, furieuse de son obésité précoce, ne sachant à qui s’en prendre de cette pléthore, elle rendait tous ceux qui l’approchaient malheureux, par un caractère impossible. Il en résultait que nos relations étaient rares et que tout en pourvoyant à ses caprices, je ne faisais rien pour rapprocher nos chambres situées aux deux extrémités de l’appartement. J’avais fait choix de la mienne à cause de sa vue sur les Tuileries. J’étais déjà atteint de la manie de tremper mes doigts dans l’encre, et pour un travailleur, rien de plus doux, de plus beau, de plus reposant, que la vue de cette sombre masse de verdure formée par les vieux arbres du jardin. (...)
J’étais dans un de ces rêves qui n’ont ni horizon, ni limites, qui mêlent le ciel à la terre ; je venais de tressaillir au timbre de l’horloge de l’église voisine qui avait sonné deux heures, lorsqu’il me sembla entendre frapper à ma porte. Je crus me tromper, j’écoutai : le bruit redoubla. J’allai voir qui pouvait à pareille heure songer à me faire visite et j’ouvris. Une jeune fille, une enfant presque, se glissa par l’ouverture en me disant :
« Ah ! cachez-moi chez vous, monsieur, je vous en prie. »
Je mis mon doigt sur ma bouche pour lui indiquer d’être silencieuse et je refermai ma porte le plus doucement que je pus ; puis, je l’enveloppai de mon bras et suivant la ligne de lumière qui s’allongeait jusqu’à nous, je la conduisis dans ma chambre à coucher.
Là, à la lueur de mes deux bougies, je pus voir quel était l’oiseau échappé de sa cage et que le hasard m’envoyait.
Je ne m’étais pas trompé, c’était une adorable enfant de quinze ans à peine, mince et flexible comme un roseau, quoique déjà formée.
Sans chercher sa gorge, ma main s’était posée dessus et j’avais senti le globe vivant la repousser. Un frisson m’avait passé par les veines, rien qu’à ce contact. Il y a des femmes qui ont reçu de la nature ce don fascinateur d’éveiller la sensualité dès qu’on les touche.
« Que j’ai eu peur ! murmura-t-elle.
– Vraiment ?
– Ah oui ! Et quel bonheur que vous n’étiez pas encore couché.
– Et qui donc vous a fait cette grande peur ?
– M. Béruchet.
– Qu’est-ce que c’est que M.