Voltaire

Des 1928, au debut de sa carriere de biographe, dans l'une des conferences composant Aspects de la biographie, Maurois prevenait que cette discipline serait toujours "difficile." "Nous exigeons d'elle les scrupules de la science et les enchantements de l'art, la verite sensible du roman et les savants mensonges de l'histoire. Il faut, pour doser cet instable melange, beaucoup de prudence et de tact." Il voulait dire que la biographie etait un art a part entiere. On n'en doute plus quand on lit son excellent Voltaire (1935), suite de tableaux ecrits "allegretto," bien dans le ton de l'auteur de Zadig, ce modele de l'esprit francais. En vingt-deux courts chapitres, Maurois raconte l'enfance du philosophe, ses succes et ses persecutions, sa liaison orageuse avec Mme du Chatelet et ses liens avec Frederic II de Prusse. Au passage, il commente Candide et s'arrete sur des oeuvres moins connues. Il evoque, entre autres moments glorieux, la vie de l'ecrivain a Ferney et l'affaire Calas. Cette petite merveille de synthese et d'erudition situe Voltaire en son temps et en son eternite, face au pouvoir et a la posterite. L'ecriture de Maurois frappe, joue, dessine, grave au portrait. Le biographe suit Voltaire jusqu'au bout: "Dans un carosse bleu seme d'etoiles d'or, le vieux squelette en habit de velours borde de fourrure, une petite canne a la main, traversa la ville." Et nous traversons le temps."