Le Rêve de Makar

Authors
Korolenko, Vladimir
Publisher
BRS
Tags
littérature russe
Date
2014-07-21T00:00:00+00:00
Size
0.04 MB
Lang
fr
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Ce livre comporte une table des matières dynamique, a été relu et corrigé.

Extrait: Ce rêve a été fait par le pauvre Makar, par ce même Makar qui a dû aller là-bas, au diable vauvert, dans les contrées mornes et lointaines, pour y faire paître les bes-tiaux, — par Makar, le malchanceux, qui, au dire du proverbe, « reçoit toutes les pommes de pin sur sa tête . »

Le pays où il est né se nomme Tchalgane. C’est un pe-tit village perdu et entièrement caché dans la taïga, dans ces forêts vierges et hyperboréennes du gouvernement de Iakoutsk. Les aïeux de Makar ont soutenu une guerre longue et sans repos contre la taïga, avant de réussir en-fin à lui arracher un morceau de sa terre gelée, maigre conquête que le triste hallier continuait d’envelopper comme d’un mur impénétrable et ennemi. Mais ils ne perdirent pas courage. Des haies, des meules de foin et de blé s’élevèrent dans l’étroite clairière ; de basses your-tas , tout enfumées parurent, espacées les unes des autres ; enfin, tel un drapeau se développe et annonce la victoire, un clocher se dressa au sommet de la petite col-line, au milieu du village : Tchalgane devint une grande sloboda .

Mais en même temps que les aïeux de Makar faisaient la guerre à la taïga, qu’ils l’entamaient par le feu et à coups de hache, ils devenaient eux-mêmes insensible-ment plus sauvages. Mariés aux femmes iakoutes, ils s’assimilèrent la langue et les mœurs de leurs parentés nouvelles. Les traits caractéristiques de la grande race russe s’effaçaient, disparaissaient.

Quoi qu’il en soit, Makar n’oubliait ni son origine, ni qu’il était fils de cette terre. C’est à Tchalgane qu’il était né, là qu’il vivait, là qu’il espérait mourir. Il était très fier de sa nationalité et traitait parfois les indigènes de « sales iakoutes », bien qu’à la vérité il ne se distinguât en rien, ni par les mœurs, ni par le genre de vie, de ces mêmes iakoutes. Il parlait peu le russe, et assez mal