LE JOURNAL DE JEAN-LOUIS

LE NOTAIRE DE SALINS R�cit de Jean-Louis. En voil� z'en une dont je veux longtemps me souvenir. On a beau passer pour cr�ne, on ne l'est pas toujours. Il suffit de la nuit pour changer bien des gens et bien des id�es. Ce que je vais vous dire s'est pass� � Salins dans une grande carr�e, en forme de ch�teau, avec un toit dont la ramure pourrait chauffer un bataillon pendant six mois. Autant il passait l� de monde autrefois, autant tout y est tranquille aujourd'hui. Aussi, quand, de nuit, la lune �claire la vall�e et qu'� l'entr�e de ce bois elle se met � regarder cette vieille maison blanche, elle a l'air de lui dire comme �a: Eh ! ma pauvre amie ! o� sont tes beaux jours ? En effet, rien qu'� voir cet endroit, o� les haies sont noires de meurons, o� les broussailles s'entrecroisent et les vieux pruniers se laissent tapisser de mousse, - � regarder la mine que font ces fen�tres avec leurs grands contrevents d�penaill�s, - � �couter le ferblanc qui pleure l�-haut en tournant sur les chemin�es des toits, en v�rit�, on peut dire que pour un coin retir�, Salins est un coin retir�. En tout cas, si, � l'int�rieur du b�timent, ces nids de poussi�re, ces aragnes dans les corridors, ces vieux plafonds, ces murs noirs pouvaient se mettre � jaser, - pour des cotterds, il en auraient de puissants � nous dire. Pour le coup, ils nous parleraient de ce fameux chauterai qui y rendait jadis de si jolis services, mais surtout de ce malheureux notaire qui revient la nuit, tout habill� de noir, et qui ne fait que gratter du papier, tourner des pages, feuilleter si bien et si fort que chacun, s'il en a le courage, peut l'entendre du soir au matin.