L’épouvante
- Authors
- Level, Maurice
- Publisher
- Ebooks libres et gratuits
- Tags
- romans - policier & mystère
- Date
- 1908-01-01T00:00:00+00:00
- Size
- 0.20 MB
- Lang
- fr
Un jeune journaliste parisien découvre, par hasard, trois assasins après leur
forfait et, par déduction, le lieu du crime. A la vue de la victime et de son
environnement, il décide de falsifier les preuves laissées par les meurtriers
et d'en créer de nouvelles qui lui permettraient de réaliser un scoop... Mal
lui en prend car il va vivre... l'Épouvante!
Extrait:
— Alors, c’est bien entendu, fit M. Ledoux sur le pas de sa porte. Dès que
vous aurez une soirée libre, un mot, et vous venez dîner à la maison ?
— Entendu, et encore merci pour l’excellente soirée…
— Vous voulez rire. C’est moi, tout au contraire… Levez bien votre col, il ne
fait pas chaud. Vous connaissez le chemin ? Le boulevard Lannes tout droit
jusqu’à l’avenue Henri-Martin. En marchant vite, vous trouverez peut-être le
dernier tramway… Ah ! un mot, vous avez un revolver ? le quartier n’est pas
très sûr…
— N’ayez crainte, je suis toujours armé, j’ai l’habitude des excursions
nocturnes dans Paris, et je connais, par profession, les tours des rôdeurs. Ne
m’accompagnez pas plus loin. Le clair de lune est admirable. J’y vois comme en
plein jour, rentrez…
Onésime Coche traversa le trottoir, gagna le milieu de la chaussée, et se mit
en route d’un pas allègre. Comme il arrivait au coin de la rue, il entendit la
voix de son hôte qui lui criait :
— À bientôt, je compte sur vous ?…
Il se retourna et répondit :
— C’est promis.
M. Ledoux, sur la première marche du perron lui faisait au revoir de la main.
Derrière lui, le corridor tendu d’andrinople, éclairé par une lampe de
plafond, découpait dans la nuit une tache rose. Du petit jardin endormi, de la
maisonnette aux volets clos, de l’intérieur confortable et bourgeois trahi par
ce rectangle de lumière, se dégageait un calme de petite ville, un calme
lointain, familial. Et Onésime Coche, en qui dix années d’existence à Paris
n’avaient pu effacer complètement les impressions des jours passés au fond
d’une province, le souvenir des longues soirées d’hiver, des rues silencieuses
où l’on entend par les soirs de printemps, lorsque le bois travaille, craquer
les auvents des maisons et les poutres des toits, demeura un instant immobile
devant cette porte qui se refermait. Sans savoir pourquoi, il évoqua « ses
vieux », depuis longtemps assoupis à cette heure, la bonne maison d’autrefois,
la petite patrie absente, et la vie simple et facile qu’aurait pu être la
sienne, si quelque démon ne l’avait attiré vers l’immense Paris, où, débarqué
en conquérant il avait dû, n’ayant jamais connu la chance, se contenter d’une
place de reporter dans un quotidien du matin.
Il alluma une cigarette, et, sans hâte, reprit son chemin.
Le dîner fin, le vin vieux, avaient fait se lever dans sa tête des vapeurs
légères, des espoirs endormis, et, dans cette minute où rien ne troublait son
rêve, ni le bruit des machines, ni le frisson du papier, ni l’odeur d’encre,
de chiffons et de graisse qui flotte dans les salles de rédaction, il entrevit
presque prochaine, cette chose formidable et fragile, qu’il n’espérait plus
guère cependant : la