Les Départs Exemplaires

Les Départs Exemplaires
Authors
Wittkop, Gabrielle
Publisher
Verticales
Tags
nouvelles , littérature française
ISBN
9782072473609
Date
1998-01-01T00:00:00+00:00
Size
0.29 MB
Lang
fr
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Ce recueil de nouvelles assassines de Gabrielle Wittkop nous présente, à travers siècles et continents, cinq récits baroques qui sont autant de « départs exemplaires ». Au coeur d’un burg romantique allemand, perchée sur une tour en ruine et livrée aux corbeaux, une jeune femme de bonne famille agonise, devenue l’objet d’un fait divers absurde et lugubre. Un dimanche d’octobre dans une ruelle de Baltimore, un écrivain aux yeux noirs succombe, ivre mort, après avoir perdu sa valise. Dans un New York contemporain, la vie de Seymour M Kenneth ressemble à une lente descente aux enfers ; il s’éteint en vagabond dans les entrailles de la ville. C’est dans un fossé moite de la jungle malaise que s’achève mystérieusement celle de Mr T, esthète et espion, emportant avec lui ses derniers secrets. Enfin, dans l’atmosphère sadienne du XVIIIe siècle français, Claude et Hippolyte, les deux jumeaux hermaphrodites mis au monde par la comtesse de Saint-Effroy, sont assassinés.

La mort est au coeur des cinq nouvelles – dont deux inédites : « Les Derniers Secrets de Mr T. » et

« Claude et Hippolyte » – qui composent cette réédition augmentée des Départs exemplaires. Elle

est organique, marque les corps, s’imprime dans les chairs des femmes élégantes, des monstres

androgynes et des dandys rongés par l’alcool ; elle est destin ou hasard malchanceux, meurtre ou

énigme, guidant vies et intrigues de ces fictions taillées sur mesure ; elle se lit dans les signes et

augures quasi fétichisés – papillons ou corbeaux, perles de grenat, bottines vernies – et engendre le

charme vénéneux de l’esthétique de Wittkop, son ton macabre et raffiné, de nos jours inégalé. Au fil d’une prose ornée et mordante, précise et précieuse, dont la tonalité varie en fonction des époques et des décors abordés, la mort fait aussi mystère. Elle fait pencher successivement ces textes « caractérisés par la découverte et le malentendu », vers le fantastique ou l’enquête – c’est bien la

silhouette d’Edgar Poe qui se faufile dans « Les Nuits de Baltimore » et celle d’un agent de la CIA

en Asie derrière ce curieux Mr T. – ou vers le conte légendaire comme cette femme, cheveux au

vent, criant au sommet d’une tour allemande qui rappelle des esquisses de Goya ou de Hugo. Le

recueil, d’une forte unité thématique, semble donc décrire, par l’exemplarité des destins et la variation des décors, la permanence d’anciens mythes monstrueux et dérangeants. Ultime force de ce livre, la narratrice (ou l’auteur) mène voluptueusement les drames et personnages à leur sort tragique, irréversible. Mais si le sort s’acharne avec cruauté, non sans humour et un certain goût du supplice, ces victimes expiatoires sont aussi l’occasion de questionner la nature du lien entre vie, trépas et beauté qu’avaient proclamée le romantisme noir ainsi que les esthétiques du XIXe siècle dandy. Ces références constituent alors le fondement spectral de l’art de Gabrielle Wittkop, qui les met à distance pour s’imposer comme une « Peintre de la mort » résolument moderne.