Des Havanes à la Maison Blanche
- Authors
- Styron, William
- Publisher
- Hermès Clandestin
- Tags
- littérature américaine
- Date
- 2012-08-13T22:00:00+00:00
- Size
- 0.24 MB
- Lang
- fr
Si l’œuvre maitresse de Styron est, reste et restera sans aucun le Choix de Sophie, il peut être intéressant d’aborder un auteur à la renommée internationale par des textes plus courts, plus originaux dans leur traitement. Ainsi voici une sélection de textes parus dans les meilleurs revues et quotidiens américains ou tout simplement des discours ; sélection effectuée du vivant de Styron par l’auteur lui-même (on ne peut s’empêcher à Musil et ses œuvres pré-posthumes…).
« Des havanes à la Maison blanche » n’est pas un recueil de nouvelles, mais un ensemble de réflexions similaire à une forme de patchwork d’autobiographie, de réflexions sur le racisme, la liberté d’expression, l’Histoire. Façonnant des textes d’une richesse stylistique absolument impressionnante : humour, gravité, snobisme, humilité, autodérision… toute une palette expressive dans un condensé d’une grosse centaine de pages. Le texte absolument jouissif, sans doute le plus représentatif de l’œuvre est « Syphilis ». Texte tour à tour sur la mémoire, sur l’histoire de la maladie, texte autobiographique et réflexion sur la morale étouffante religieuse mêlant les tonalités idoines avec une sacrée maestria. « Syphilis » est extraordinairement roboratif.
« Des havanes » est aussi une galerie de portraits superbes (Capote, Baldwin) teintée d’une affection douce et confraternelle. Des portraits intimistes qui révèlent aussi une certaine image des États-Unis, qui s’opposent à la pensée de Styron (tout en l’éclaircissant… c’est clair ?!). Avec Baldwin, Styron révèle les illusions du Sud quant à la ségrégation : un texte magnifique sur l’amitié et la réconciliation malgré l’esclavagisme et la ségrégation. Lorsque Styron parle de Capote c’est certes avec humilité et pourtant sans concession. Aucune concession par rapport à Capote mais surtout par rapport à Styron lui-même.
« Des havanes … » : un portrait de l’artiste rétrospectif. Ce qui parcourt l’ensemble des textes c’est l’image de Styron lui-même à travers son histoire personnelle, sa généalogie (comme cet étrange et touchant passage sur sa grand-mère et ses deux esclaves), ses filiations amicales et littéraires (notamment cette confrontation quelque peu apologétique avec Mark Twain).
« Des havanes… » : un portrait du XXè siècle. Avec Kennedy (qui ouvre ce recueil) et Mitterrand, Styron est à la fois nostalgique (dans le cas de Kennedy), admiratif mais aussi conscient de l’échec propre à la politique. Comment ne pas rire lorsque Styron se pose benoitement dans le rocking-chair de Kennedy ? Comment ne pas rire devant le style à la Capote/Vidal d’une élégance snobinarde, un rien gossip, mais qui au final se révèle sensible et attachant sur ce premier texte? Comment ne pas voir chez Styron une incroyable lucidité malgré son attachement à Mitterrand (texte écrit en 1981) sur les futures désillusions politiciennes à venir ?
Des havanes à la Maison blanche est dense, superbe. Pour ceux qui connaissent la qualité d’écriture du New Yorker, vous ne serez pas déçu… et pour les autres, vous allez le dévorer !