Tristan Corbière
Depuis Verlaine, quelques poetes ont eu le redoutable privilege d'etre appeles "maudits." Mallarme, Rimbaud, Corbiere se sont vus decerner un pareil titre. Les deux premiers ont hardiment franchi la barre de cette malediction imposee. Tristan Corbiere, quant a lui, n'a pas eu la meme chance. Laisse pour compte malgre son unique et admirable recueil des Amours Jaunes, qu'il appelait son "monstre de livre," il attend encore pour sortir de l'ombre, malgre la renommee de son uvre dans les pays de langue anglaise et italienne. Une seule biographie le concernant, celle de Rene Martineau, publiee en 1905 et reeditee augmentee en 1925, a tente de recomposer les phases mal connues de son existence. Nul, depuis, n'a tente de lui donner plus de realite. Et, de fait, que dire d'un homme, ne en 1845, dont ne restent que quatre lettres pour connaitre un peu les douze dernieres annees de sa vie? C' est pourtant ce qui fut tente avec ce Tristan Corbiere du XXIeme siecle qui, combinant documents, manuscrits, peintures et photographies, affiliant les intuitions, poursuivant des voies inusitees ou meconnues, tirant le fil des poemes et recreant les voyages, en est venu a prendre l'importance que l'on voit, tout en decrivant la plus surprenante decouverte: trente pages inedites, dessins, gouaches, vers et proses de l'album Louis Noir. Voici donc un Corbiere autant parisien que breton, autant fils a papa que boheme de chic, autant peintre que poete, un autre decidement, pourvu de cette vie a peu-pres dont il n'a jamais cache qu'il la voulait ainsi, style plus que contenu, cabotage, cabotinage et grand large. "Ouvrage publie avec le concours du Centre national du livre"