Chapitre 6
Vous commencez à vous libérer du corps de souffrance quand vous réalisez que vous avez un corps de souffrance. Ensuite, chose encore plus importante, est votre capacité de rester suffisamment présent et vigilant pour observer votre corps de souffrance comme étant un lourd influx d’émotions négatives lorsqu’il devient actif. Quand le corps de souffrance est reconnu pour ce qu’il est, il ne peut plus prétendre être vous, ni vivre et se renouveler en vous. C’est la Présence consciente qui rompt cette identification.
Quand vous ne vous identifiez plus à lui, le corps de souffrance ne peut plus contrôler vos pensées et, par conséquent, il ne peut plus s’en nourrir. Dans la plupart des cas, le corps de souffrance ne se dissout pas immédiatement. Mais, une fois que vous avez coupé le lien l’unissant à vos pensées, il commence à perdre de l’énergie. Les émotions cessent de submerger vos pensées et vos perceptions ne sont plus déformées par le passé. L’énergie qui était emprisonnée dans le corps de souffrance change de fréquence vibratoire et se transforme en Présence. Le corps de souffrance devient ainsi un combustible pour la conscience. C’est pour cette raison que beaucoup de femmes et d’hommes illuminés sur cette planète ont eu, autrefois, un corps de souffrance très chargé.
Peu importe ce que vous dites ou faites, ou prétendez être, vous ne pouvez dissimuler votre état mental et émotionnel. Il émane de chaque être humain un champ énergétique qui correspond à son état intérieur, champ énergétique que la plupart des gens peuvent percevoir, même s’ils ne le savent pas. C’est cette perception subliminale qui détermine dans une large mesure la façon dont ils se sentent ou réagissent en présence de l’humain en question. Certaines personnes en sont clairement conscientes dès la première rencontre, même avant d’avoir échangé quelque parole que ce soit. Ensuite, les paroles prennent le dessus et, avec elles, entrent en jeu les rôles que la plupart des gens endossent. L’attention se déplace alors vers le domaine des pensées et la capacité à percevoir le champ énergétique de l’autre diminue grandement. Ce dernier continue néanmoins d’être perçu à un niveau inconscient.
Lorsque vous avez réalisé que le corps de souffrance recherche inconsciemment davantage de souffrance, c’est-à-dire qu’il veut que quelque chose de mal lui arrive, vous aurez compris que de nombreux accidents de la circulation se produisent parce que les conducteurs sont en proie à un corps de souffrance actif à ce moment-là. Si deux conducteurs ont un corps de souffrance actif au même moment et arrivent en même temps à une intersection, la probabilité d’un accident est bien plus grande que dans des circonstances normales. Inconsciemment, les deux conducteurs veulent qu’un accident se produise. Le rôle que jouent les corps de souffrance dans les accidents de la route est frappant avec le phénomène que l’on appelle « rage au volant », phénomène qui pousse les conducteurs à devenir physiquement violents, même à cause d’une banalité, comme lorsque un conducteur « escargot » roule devant eux.
Bien des actes de violence sont commis par des gens « normaux » qui se transforment temporairement en fous furieux. Dans les cours de justice du monde entier, on entend les avocats de la défense dire « C’est un geste totalement inhabituel » et les accusés avouer « Je ne sais pas ce qui m’a pris. » Jusqu’à maintenant, et à ma connaissance, aucun avocat de la défense n’a jamais dit à un juge : « C’est un cas de responsabilité diminuée. Le corps de souffrance de mon client était activé et il ne savait pas ce qu’il faisait. En fait, il n’a rien fait, lui. C’est son corps de souffrance qui a agi. » Je pense que c’est ce qu’on entendra un jour dans les cours de justice.
Cela veut-il dire que les gens ne sont pas responsables de ce qu’ils font quand ils sont possédés par le corps de souffrance ? Oui, effectivement. Comment peuvent-ils l’être ? Comment pouvez-vous être responsable lorsque vous ne savez pas ce que vous faites ? Dans le grand ordre des choses cependant, les êtres humains sont censés devenir des êtres conscients et ceux qui ne le deviennent pas subissent les conséquences de leur inconscience. Ils sont déphasés par rapport à la pulsion évolutive de l’univers.
Même ça n’est que relativement vrai. Si l’on regarde les choses à partir d’une perspective plus élevée, il est impossible d’être déphasé par rapport à l’évolution de l’univers et même l’inconscience humaine et la souffrance qu’elle engendre font partie de cette évolution. Quand vous ne pouvez plus supporter le cycle sans fin de la souffrance, vous commencez à vous réveiller. Le corps de souffrance a donc sa place dans cette perspective élargie.
Un jour, une femme dans la trentaine est venue me consulter. Alors qu’elle me saluait, j’ai pu percevoir sa souffrance derrière son sourire poli et superficiel. Elle commença à me raconter son histoire et en une seconde son sourire se transforma en un rictus de souffrance. Puis, elle se mit à sangloter de façon incontrôlable. Elle me raconta qu’elle se sentait seule et insatisfaite. Il y avait beaucoup de tristesse et de colère en elle. Petite, elle avait été abusée physiquement par un père violent. Je compris rapidement que sa souffrance n’était pas le produit des circonstances actuelles de sa vie mais celui d’un corps de souffrance très chargé. Ce dernier était devenu le filtre par lequel elle percevait sa situation du moment. Elle ne réussissait pas encore à établir de lien entre la souffrance émotionnelle et ses pensées puisqu’elle s’était totalement identifiée aux deux. Elle ne réussissait pas non plus à voir qu’elle alimentait le corps de souffrance avec ses pensées. Autrement dit, elle vivait avec le fardeau d’un moi profondément malheureux. À un certain niveau et à un moment donné cependant, elle avait réalisé que sa souffrance provenait d’elle-même, qu’elle était un fardeau pour elle-même. Elle était donc prête à se réveiller et c’est la raison qui l’avait conduite jusqu’à moi.
Je l’amenai donc à concentrer son attention sur ce qu’elle sentait dans son corps et lui demandai de sentir directement l’émotion, plutôt que de l’appréhender par le filtre de ses pensées malheureuses, de son histoire malheureuse. Elle me dit qu’elle était venue me voir dans l’espoir que je lui apprenne à se sortir de son malheur, pas que je l’y replonge. Toutefois, un peu à contrecœur, elle fit ce que je lui avais demandé. Les larmes roulaient sur ses joues et son corps tremblait. « En ce moment, c’est ce que vous ressentez, lui dis-je. Et il n’y a rien que vous puissiez faire pour empêcher qu’en ce moment, c’est ce que vous ressentez. Maintenant, au lieu de vouloir que cet instant soit différent de ce qu’il est, ce qui ajoute davantage de souffrance à votre souffrance, est-il possible que vous acceptiez totalement que c’est ce que vous ressentez en ce moment ? »
Elle resta silencieuse pendant quelques minutes. Tout d’un coup, l’impatience apparut sur son visage, comme si elle allait se lever, et elle me répondit : « Non, je ne veux pas accepter ça. » « Qui est-ce qui parle ? lui demandai-je, vous ou le malheur en vous. Réussissez-vous à voir que le fait d’être malheureuse n’est qu’une autre couche de malheur ? » Elle redevint silencieuse. « Je ne vous demande pas de faire quoi que ce soit. Tout ce que je vous demande, c’est de découvrir si vous pouvez permettre à ces émotions d’être là. En d’autres mots, et cela peut paraître étrange, de découvrir que s’il vous est égal d’être malheureuse, qu’arrive-t-il à la misère ? Ne voulez-vous pas le savoir ? »
Elle sembla brièvement perplexe et, après une minute ou deux de silence sur sa chaise, je remarquai soudainement un changement significatif dans son champ énergétique. Elle me dit : « C’est bizarre, je suis encore malheureuse, mais il s’est maintenant créé un espace autour de ma misère. Elle semble avoir moins d’importance. » C’était la première fois que j’entendais quelqu’un s’exprimer de la sorte à ce sujet en disant qu’il y avait de l’espace autour de sa misère. Cet espace se crée, bien entendu, quand il y a acceptation intérieure de ce dont vous faites l’expérience dans le moment présent.
Je n’ajoutai rien, la laissant à son expérience. Plus tard, elle en vint à réaliser que dès l’instant où elle cessa de s’identifier à la vieille émotion qui vivait en elle, dès l’instant où elle concentra son attention directement sur elle sans essayer d’y résister, cette émotion ne pouvait plus contrôler sa pensée et qu’elle appartenait à une histoire intitulée « La malheureuse en moi ». Une autre dimension venait d’apparaître dans sa vie qui transcendait son passé, la dimension de la Présence. Étant donné que vous ne pouvez être malheureux sans avoir d’histoire malheureuse, sa misère prit fin. Cela signifiait aussi le début de la fin de son corps de souffrance. L’émotion comme telle n’est pas de la souffrance. Seule l’émotion, ajoutée à une histoire à son sujet est de la souffrance.
Une fois la séance terminée, je fus satisfait de savoir que je venais d’assister à l’avènement de la Présence chez un autre être humain. La raison d’être de notre existence sous la forme humaine, c’est justement d’amener cette dimension de conscience dans le monde. J’avais aussi assisté à une diminution du corps de souffrance, non pas en le combattant, mais en dirigeant la lumière de la conscience sur lui.
Quelques minutes après le départ de cette dame, une amie arriva pour m’apporter quelque chose. Dès qu’elle entra dans la pièce, elle me dit : « Que s’est-il passé ici ? Il y a une énergie lourde et sombre dans la pièce. Ça me donne presque envie de vomir. Il faut ouvrir la fenêtre et brûler de l’encens. » J’expliquai à cette amie que je venais d’être témoin d’un lâcher-prise majeur chez quelqu’un qui avait un corps de souffrance très dense et que ce qu’elle sentait dans la pièce devait être une partie de l’énergie qui avait été relâchée pendant la séance. Cependant, mon amie ne voulait ni rester ni m’écouter. Elle n’avait qu’une envie, décamper aussi vite que possible.
J’ouvris les fenêtres et sortis prendre mon repas dans un petit restaurant indien à proximité de chez moi. Ce qui s’était produit dans ma salle de consultation venait clairement confirmer ce que je savais déjà : à un certain niveau, tous les corps de souffrance humains, apparemment distincts et individuels, sont reliés. Toutefois, la façon dont ceci se confirma fut tout un choc.
Je m’assis à une table et commandai. Il y avait quelques autres clients dans le restaurant. À une table proche de la mienne, un homme dans la cinquantaine était assis dans un fauteuil roulant, il terminait son repas. Il me jeta un regard, bref mais intense. Quelques minutes passèrent. Soudain, il devint agité et son corps se mit à se convulser. Quand le serveur s’approcha de sa table pour venir retirer son assiette, l’homme commença à le prendre à partie. « La nourriture était dégueulasse ! » « Alors, pourquoi l’avez-vous mangée ? », lui rétorqua le serveur. Ce fut ce qui mit le feu aux poudres. Il se mit à hurler et à devenir agressif. Des mots ignobles sortirent de sa bouche. Une haine intense et violente emplit la salle. Je pouvais sentir cette énergie entrer dans mon propre corps et chercher à s’agripper à quelque chose. Il se mit alors à prendre les autres clients à partie, mais pour une raison étrange, il m’ignora totalement alors que j’étais assis, totalement dans la Présence. J’eus l’impression que le corps de souffrance universel était revenu pour me dire : « Tu pensais que tu m’avais battu. Mais regarde, je suis encore là. » Plus tard, j’ai également envisagé la possibilité que l’énergie relâchée par la femme était restée dans mon sillage jusqu’au restaurant et s’était syntonisée sur la seule personne dans le restaurant avec laquelle il y avait une compatibilité vibratoire. Autrement dit, avec un corps de souffrance très chargé.
Le gérant du restaurant ouvrit la porte et demanda à l’homme de partir. Celui-ci fila comme un éclair par l’ouverture avec son fauteuil roulant, à la grande surprise de tout le monde. Une minute plus tard, il revint. Son corps de souffrance n’en n’avait pas encore fini. Il en voulait davantage. Il ouvrit la porte avec sa chaise roulante tout en hurlant des obscénités. Une serveuse essaya de l’empêcher d’entrer. Il appuya sur la commande de marche avant rapide et la plaqua contre le mur. Les autres clients se levèrent et essayèrent de le faire reculer. Cris, hurlements, tohu-bohu ! Puis, un agent de police arriva, ce qui eut pour effet de calmer l’homme. Le policier lui demanda de quitter les lieux et de ne pas revenir. Fort heureusement, la serveuse n’avait pas été blessée, à part quelques bleus sur les jambes. Une fois que tout fut fini, le gérant vint à ma table et me demanda en plaisantant à moitié, sentant peut-être intuitivement qu’il y avait un lien quelque part : « C’est vous qui avez fait tout ça ? »
Le corps de souffrance chez les enfants se manifeste parfois sous forme de mauvaise humeur ou de repli. L’enfant devient maussade, refuse d’interagir et reste assis dans un coin tout en serrant une poupée dans ses bras ou en suçant son pouce. Le corps de souffrance peut également se manifester sous la forme de crise de larmes ou de colère. L’enfant hurle, se roule à terre et devient agressif. Un désir non comblé peut facilement déclencher le corps de souffrance. Et chez un ego en plein développement, la force du désir peut être très intense. Les parents assisteront à la crise les bras ballants sans réussir à comprendre ni à croire comment leur petit ange a pu en quelques secondes se transformer en monstre. « D’où peut bien provenir toute cette tristesse ? » se demandent les parents. Dans une plus ou moins grande mesure, c’est la part reçue par l’enfant du corps de souffrance collectif de l’humanité, qui remonte à l’origine de l’ego humain.
Mais il se peut aussi que l’enfant ait déjà absorbé la souffrance provenant des corps de souffrance de ses parents. Ces derniers voient ainsi chez l’enfant le reflet de ce qu’ils portent en eux. Les enfants extrêmement sensibles sont particulièrement affectés par les corps de souffrance de leurs parents. Comme ils sont forcés d’être les témoins du mélodrame malsain qui se joue entre leurs parents, ils subissent une souffrance émotionnelle presque à la limite du supportable. Ces enfants très sensibles deviennent alors des adultes au corps de souffrance très chargé. Ils ne se font pas leurrer par les parents qui essayent de cacher leurs corps de souffrance, et qui se disent qu’ils ne doivent pas se disputer devant leurs enfants. Cela signifie habituellement que, lorsque les parents sont polis entre eux, une énergie négative envahit la maison. Les corps de souffrance réprimés sont extrêmement toxiques, encore plus que ceux qui sont actifs. Cette toxicité est absorbée par les enfants et elle contribue au développement de leur propre corps de souffrance.
Certains enfants apprennent de façon subliminale ce que sont l’ego et le corps de souffrance en vivant avec des parents très inconscients. Une femme dont les parents avaient tous deux de forts ego et corps de souffrance me raconta un jour que, lorsque ses parents se disputaient et hurlaient, elle les regardait et, même si elle les aimait beaucoup, elle se disait : « Ces gens sont fous. Comment ça se fait que je me retrouve ici ? » Il y avait déjà chez elle une conscience de la folie qui fait que l’on peut vivre ainsi. C’est cette conscience qui l’aida à réduire la quantité de souffrance qu’elle avait absorbée de ses parents.
Les parents se demandent souvent de quelle façon ils doivent composer avec le corps de souffrance de leur enfant. La première question à poser ici est la suivante : « Est-ce que les parents s’occupent de leur propre corps de souffrance ? Savent-ils le reconnaître en eux ? Sont-ils capables de rester suffisamment présents quand leur corps de souffrance est activé ? Peuvent-ils prendre conscience de l’émotion qui s’installe avant qu’elle ait la chance de se transformer en pensées et, par conséquent en « personne malheureuse » ?
Pendant que l’enfant subit une attaque du corps de souffrance, vous ne pouvez faire grand chose, à part de rester présent pour ne pas être amené à réagir émotionnellement. Une réaction émotionnelle de votre part aurait comme conséquence de venir alimenter davantage le corps de souffrance de l’enfant. Les corps de souffrance peuvent être très mélodramatiques. Alors, ne mordez pas à l’hameçon. Ne prenez pas la chose trop au sérieux. Si le corps de souffrance de l’enfant s’est activé parce qu’il a été contrarié dans ses désirs, ne cédez pas à ses demandes. Sinon l’enfant apprendrait que plus il est malheureux, plus il peut obtenir ce qu’il veut. C’est la recette idéale pour devenir dysfonctionnel dans la vie adulte. Le corps de souffrance sera frustré par l’absence de réaction et pourra en remettre un peu avant de se calmer. Heureusement, les crises chez les enfants sont plus courtes que chez les adultes.
Quelque temps après la fin de la crise, ou le lendemain, vous pouvez parler avec l’enfant de ce qui s’est produit. Mais ne lui parlez surtout pas du corps de souffrance. Posez-lui des questions : « Qu’est-ce qui s’est passé en toi hier quand tu n’arrêtais pas de crier ? Est-ce que tu t’en souviens ? Comment t’es-tu senti ? Est-ce que c’était une bonne sensation ? Est-ce que cette chose qui s’est emparée de toi a un nom ? Non ? Si elle avait un nom, comment l’appellerais-tu ? Si tu pouvais la voir, qu’est-ce que tu verrais ? Est-ce que tu peux nous faire un dessin ou une peinture de ce dont elle a l’air ? Qu’est-ce qui s’est passé quand elle est partie ? Est-ce qu’elle est allée dormir ? Est-ce que tu penses qu’elle va revenir ? »
Ce ne sont que quelques suggestions. Toutes ces questions servent à éveiller la faculté de témoin chez l’enfant, la qualité de la Présence. Elles aideront l’enfant à ne pas s’identifier au corps de souffrance. Vous pourriez aussi parler de votre propre corps de souffrance à l’enfant en vous servant de sa terminologie. Et la prochaine fois que le corps de souffrance prendra possession de votre enfant, vous pourrez dire : « C’est revenu, n’est-ce pas ? » Utilisez tous les mots que l’enfant a utilisés quand vous lui en avez parlé. Dirigez l’attention de l’enfant sur la façon dont il sent. Faites en sorte d’avoir une attitude intéressée et curieuse plutôt qu’une attitude critique ou désapprobatrice.
Il est peu probable que cela arrêtera le corps de souffrance sur sa lancée. Il se peut que l’enfant semble même ne pas vous entendre. Pourtant, une certaine présence reste en arrière-plan de la conscience de l’enfant, même quand son corps de souffrance est actif. Après un certain temps, cette présence grandira et le corps de souffrance diminuera. L’enfant deviendra davantage présent. Un jour, il se peut que ce soit l’enfant qui vous pointe du doigt, alors que c’est vous qui êtes aux prises avec votre corps de souffrance.
Ce n’est pas toute la misère ancienne qui est le fait du corps de souffrance. Il y a aussi la misère récente, créée chaque fois que vous n’êtes pas dans le moment présent, chaque fois que celui-ci est nié d’une façon ou d’une autre. Quand vous savez reconnaître qu’il n’y a que le moment présent qui existe et qu’il est par conséquent inévitable, vous pouvez intérieurement lui dire un « oui » entier et non seulement ne plus créer de misère, mais également, une fois la résistance intérieure partie, vous sentir pleinement potentialisé par la vie elle-même.
Le malheur propre au corps de souffrance est toujours clairement disproportionné à la cause apparente. Autrement dit, il s’agit d’une réaction excessive. C’est à cet excès qu’il est reconnu, mais, en général, pas par la personne elle-même possédée. Une personne ayant un corps de souffrance chargé trouve facilement des raisons pour s’énerver, se mettre en colère, être triste ou avoir peur. Les choses relativement insignifiantes qu’une autre personne ne remarquerait même pas ou qui la feraient sourire deviennent pour elle une cause apparente et intense de souffrance. Bien entendu, ces choses ne sont pas la véritable cause. Elles servent seulement de déclencheur et ramènent à la vie de vieilles émotions accumulées. Ensuite, ces émotions se déplacent vers la tête pour amplifier et alimenter les structures de l’ego.
Le corps de souffrance et l’ego sont donc très liés et ont besoin l’un de l’autre. L’événement déclencheur est ensuite interprété par le filtre d’un ego émotionnel chargé, qui réagit. Ceci veut dire que la signification de l’événement devient totalement déformée. Vous regardez la situation présente avec les yeux d’un passé émotionnel qui stagne en vous. Autrement dit, ce que vous voyez et dont vous faites l’expérience ne se trouve pas dans l’événement, mais en vous. Ou dans certains cas, cela fait effectivement partie de l’événement, mais votre réaction l’amplifie. Cette réaction, cette amplification, c’est ce que veut et dont a besoin le corps de souffrance. C’est ce dont il se sustente.
Il est souvent impossible pour quelqu’un qui a un corps de souffrance très chargé de prendre du recul par rapport à son interprétation déformée, par rapport à son « histoire » émotionnelle. Plus il y a de négativité émotionnelle dans une histoire, plus elle devient lourde et impénétrable. C’est pour cette raison que l’histoire ne peut être reconnue comme telle et qu’elle est prise pour la réalité. Quand vous êtes complètement pris au piège de la ronde des pensées et des émotions qui les accompagnent, il vous est impossible de prendre du recul parce que vous ne savez même pas qu’il y a un ailleurs où reculer. Vous êtes pris dans votre propre film ou rêve, pris dans votre propre enfer. Pour vous, c’est la réalité et il n’y en a pas d’autre possible.
Une personne ayant un corps de souffrance fort et actif dégage une énergie particulière que les autres perçoivent comme étant extrêmement désagréable. Quand ils rencontrent une telle personne, certains individus sentent qu’ils veulent immédiatement s’en éloigner ou limiter le plus possible le contact. Ils sont repoussés par son champ énergétique. D’autres individus sentiront une onde d’agressivité se diriger vers eux et ils se comporteront avec la personne de façon grossière ou l’attaqueront verbalement et, dans certains cas, physiquement. Ceci signifie qu’il y a chez eux quelque chose qui entre en résonance avec le corps de souffrance de l’autre personne. Ce à quoi ils réagissent si fortement se trouve aussi en eux. Il s’agit de leur propre corps de souffrance en action.
Il n’est pas surprenant que les gens ayant un corps de souffrance chargé et souvent actif se retrouvent régulièrement dans des situations conflictuelles. Bien entendu, il arrive parfois qu’ils les provoquent. Mais, d’autres fois, ils ne font rien, la négativité qui émane d’eux suffit à attirer l’hostilité et à engendrer le conflit. Il faut avoir un degré élevé de Présence pour éviter de réagir quand on est confronté à quelqu’un doté d’un corps de souffrance si actif. Si vous réussissez à rester présent, il arrive parfois que votre état de Présence permette à l’autre personne de sortir de son corps de souffrance et de s’éveiller miraculeusement. Même si cet éveil est de courte durée, le processus aura tout de même été amorcé.
Un des premiers éveils auquel j’ai assisté se produisit il y a plusieurs années. La sonnette de ma porte d’entrée retentit un soir vers 23 h. J’entendis la voix très anxieuse de ma voisine Ethel dans l’interphone : « J’ai besoin de vous parler. C’est très important. S’il vous plaît, ouvrez-moi ! » Ethel était alors une femme dans la cinquantaine, intelligente et très instruite. Elle avait un gros ego et un corps de souffrance chargé. Elle avait fui l’Allemagne nazie quand elle était adolescente et plusieurs membres de sa famille avaient péri dans les camps de concentration.
Elle s’assit sur le canapé, agitée et les mains tremblantes. Elle sortit des lettres et des documents du dossier qu’elle avait apporté et les étala sur le canapé et le sol. J’eus soudainement l’étrange sensation qu’un rhéostat intérieur venait d’augmenter la luminosité intérieure de mon corps à la puissance maximale. Il n’y avait rien d’autre à faire que de rester ouvert, vigilant et intensément présent. Présent avec toutes les cellules de mon corps. Je la regardai sans pensée et jugement, et l’écoutai en silence sans aucun commentaire mental. Un flot de paroles jaillit de sa bouche. « Il m’ont encore envoyé une lettre pour m’embêter aujourd’hui. Ils mènent une vendetta contre moi. Vous devez m’aider. Il faut nous battre ensemble contre eux. Rien n’arrêtera leurs avocats véreux. Je vais perdre mon chez-moi. Ils menacent de m’exproprier. »
J’avais auparavant saisi qu’elle refusait de payer les charges parce que les gestionnaires de l’immeuble n’avaient pas fait faire certains travaux. À leur tour, ils la menaçaient de la traîner en justice.
Elle déblatéra pendant dix minutes environ. J’étais assis, j’écoutais et je regardais. Tout d’un coup, elle s’arrêta de parler et promena son regard sur les papiers dispersés un peu partout comme si elle venait de sortir d’un rêve. Elle se calma et s’adoucit. Son champ énergétique avait complètement changé. Puis elle me regarda et me dit : « Tout ça n’est pas vraiment important, n’est-ce-pas ? » « Non, ce n’est pas vraiment important », lui répondis-je. Elle resta assise en silence pendant encore quelques minutes, puis elle ramassa tous ses papiers et sortit. Le lendemain matin, elle m’arrêta dans la rue en me regardant d’un air soupçonneux. « Qu’est-ce que vous m’avez fait ? La nuit passée, c’est la première nuit depuis des années où j’ai bien dormi. En fait, j’ai dormi comme un bébé. »
Elle croyait que je « lui avais fait » quelque chose, alors que, justement, je n’avais rien fait. Au lieu de me demander ce que j’avais fait, elle aurait dû me demander plutôt ce que je n’avais pas fait. Je n’avais pas réagi, je n’avais pas confirmé la réalité de son histoire, je n’avais pas alimenté son mental avec davantage de pensée ni son corps de souffrance avec davantage d’émotions. Je lui avais tout simplement laissé faire l’expérience de ce dont elle faisait l’expérience dans le moment, sans intervenir, sans faire quoi que ce soit. Être présent est toujours infiniment plus puissant que tout ce que l’on peut dire ou faire, bien que la présence puisse parfois s’accompagner de paroles ou de gestes.
Ce qui lui était arrivé n’était pas un basculement permanent dans la conscience mais un aperçu de ce qui était possible, un aperçu de ce qui était déjà en elle. Dans le monde Zen, un tel aperçu s’appelle « satori ». C’est un moment de présence, une brève dissociation d’avec la voix qui parle sans arrêt dans votre tête, d’avec vos pensées et leurs répercussions dans le corps sous forme d’émotions. C’est un espace vaste qui se crée là où il n’y avait auparavant qu’enchevêtrement de pensées et tourment d’émotions.
Comme le mental qui pense ne peut comprendre la Présence, il l’interprète souvent mal. Il vous dira que vous êtes froid, distant, que vous n’avez aucune compassion, que vous ne savez pas établir de rapport avec les autres. Mais la vérité, c’est que vous établissez un rapport à un niveau beaucoup plus profond que la pensée et l’émotion. En fait, à ce niveau, il y a une véritable rencontre, une véritable fusion qui va au-delà du rapport de personne à personne. Dans la quiétude de la Présence, vous pouvez sentir l’essence sans forme en vous et en l’autre comme ne faisant plus qu’un. Faire l’expérience de l’unité entre vous et l’autre, c’est le véritable amour, la véritable bienveillance, la véritable compassion.
Certains corps de souffrance réagissent à un seul déclencheur ou événement particulier, qui est en général celui qui entre en résonance avec une sorte particulière de souffrance éprouvée dans le passé. Par exemple, si un enfant grandit avec des parents pour qui les questions d’argent sont continuellement source de conflit et de mélodrame, cet enfant absorbera la peur des parents au sujet de l’argent et se créera un corps de souffrance qui deviendra actif dès qu’il sera question de problèmes d’argent. Ce genre de personne s’énerve ou se met en colère même quand il s’agit de montants insignifiants. Derrière ces émotions, il y a la peur intense liée à la survie. J’ai vu des gens évolués, c’est-à-dire des êtres relativement conscients, se mettre à hurler, à blâmer et à porter des accusations dès qu’ils prenaient le téléphone pour parler au courtier ou à l’agent immobilier. Tout comme on a fait imprimer sur chaque paquet de cigarettes un avertissement concernant la santé, on devrait peut-être faire imprimer un avertissement similaire sur chaque billet de banque qui dirait : « L’argent peut activer le corps de souffrance et causer une totale inconscience. »
Quelqu’un qui a été négligé ou abandonné dans son enfance par un de ses parents ou les deux aura développé un corps de souffrance qui devient actif dans toute situation ayant un tant soit peu la résonance de l’abandon primordial. Un ami qui se présente avec quelques minutes de retard à l’aéroport ou un conjoint qui arrive tard le soir peuvent déclencher une crise majeure du corps de souffrance. Si le conjoint quitte le domicile conjugal ou meurt, la souffrance émotionnelle ressentie dépasse la souffrance qui est naturelle dans de telles situations. Il peut s’agir d’une angoisse intense, d’une dépression qui dure et rend inapte à quoi que ce soit ou bien d’une colère obsédante.
Une femme dont le père en a physiquement abusé quand elle était petite sentira probablement son corps de souffrance s’activer facilement quand elle est en relation intime avec un homme. Par ailleurs, l’émotion prise dans son corps de souffrance attire probablement vers elle l’homme dont le corps de souffrance est similaire à celui de son père. Son corps de souffrance est donc magnétiquement attiré par quelqu’un qui, il le sent, lui procurera davantage de souffrance. Les protagonistes confondent parfois cette souffrance avec de l’amour.
Un homme qui avait été un enfant non voulu et à qui sa mère n’avait pas donné d’amour et seulement un minimum d’attention et de soins, avait développé un corps de souffrance ambivalent : d’un côté, il ressentait une intense aspiration, non comblée, à l’attention et à l’amour maternels et, de l’autre, une haine intense parce que sa mère ne lui avait pas donné ce dont il avait si désespérément besoin. Alors, presque chaque femme venait déclencher ce besoin maladif dans son corps de souffrance, une forme de souffrance émotionnelle. Ceci se manifestait comme une compulsion à « conquérir et à séduire » presque toutes les femmes qu’il rencontrait pour obtenir l’amour et l’attention que son corps de souffrance réclamait à cor et à cri. Il devint tout un expert dans le domaine de la séduction. Mais dès que la relation se faisait plus intime ou que ses avances étaient rejetées, la colère contre sa mère, accumulée dans son corps de souffrance, faisait irruption et venait saboter la relation.
Quand vous reconnaissez votre propre corps de souffrance dès qu’il se pointe le nez, vous apprenez rapidement aussi quel est son déclencheur favori : certaines situations, certaines choses ou ce que les gens disent ou font. Quand ces déclencheurs se présentent, vous les reconnaîtrez immédiatement et votre état de vigilance augmentera. En une seconde ou deux, vous remarquerez également la réaction émotionnelle créée dans le corps de souffrance. Mais dans cet état de Présence vigilante, vous ne vous identifierez pas à elle, ceci voulant dire que le corps de souffrance ne prendra pas possession de vous et ne deviendra pas la petite voix dans votre tête. Si vous êtes avec votre conjoint à ce moment-là, il vous suffit de lui dire : « Ce que tu as dit (ou fait) vient de déclencher mon corps de souffrance. » Prenez un accord avec votre conjoint selon lequel vous vous engagez à mentionner à l’autre qu’il vient de déclencher votre corps de souffrance. De cette façon, le corps de souffrance ne peut plus se sustenter du mélodrame relationnel. Au lieu de revenir à l’inconscience, vous deviendrez pleinement présent.
Si vous êtes bien présent chaque fois que le corps de souffrance a une crise, une partie de l’énergie émotionnelle négative sera consumée, pour ainsi dire, et se transformera en énergie de Présence. Le reste du corps de souffrance se retirera rapidement et attendra une meilleure occasion pour entrer de nouveau en crise. C’est-à-dire qu’il attendra que vous soyez moins conscient. La meilleure occasion que le corps de souffrance puisse saisir pour entrer en crise, c’est quand vous perdez l’état de Présence, probablement après avoir bu quelques verres ou pendant que vous regardez un film de violence. La moindre émotion négative, comme de l’irritation ou de l’anxiété, peut aussi servir de déclencheur. Tout ce dont votre corps de souffrance a besoin, c’est de votre inconscience. Il ne peut tolérer la clarté de la Présence.
Au premier abord, il semblerait que le corps de souffrance soit le plus grand obstacle à l’avènement d’une conscience nouvelle dans l’humanité. Il occupe votre esprit, il contrôle et déforme votre pensée, il dérange vos relations. En vous, il se ressent comme un nuage gris qui occupe tout votre champ énergétique. Il a tendance à vous rendre inconscient, spirituellement parlant, c’est-à-dire totalement identifié à vos pensées et vos émotions. Il vous fait réagir et vous fait faire et dire des choses exprès pour intensifier la misère en vous et dans le monde.
À mesure que cette misère augmente, elle multiplie aussi les problèmes dans votre vie. Peut-être votre corps ne peut-il plus supporter de stress et contracte une maladie ou un dysfonctionnement quelconque. Peut-être avez-vous un accident, vous trouvez-vous dans une énorme situation conflictuelle ou un immense drame émotionnel causé par le corps de souffrance, qui veut que quelque chose se passe. Ou bien vous devenez violent. Ou encore vous en avez par-dessus la tête et vous ne pouvez plus vivre avec ce côté malheureux. Bien entendu, le corps de souffrance fait partie de ce faux moi.
Chaque fois que vous êtes sous l’emprise du corps de souffrance, chaque fois que vous ne le reconnaissez pas, il devient partie prenante de votre ego. Alors, tout ce à quoi vous vous identifiez se transforme en ego. Le corps de souffrance est une des choses les plus puissantes à laquelle l’ego puisse s’identifier et il en a besoin pour se renouveler. Cette mésalliance peut, à un moment, se détruire dans le cas où le corps de souffrance est si fort, que les structures de l’ego, au lieu d’être renforcées par lui, se font éroder par les continuelles attaques de sa charge énergétique. On peut comparer cela à un appareil électronique qui fonctionne bien avec du courant électrique mais qui sera détruit si le voltage est trop fort.
Les gens ayant un corps de souffrance chargé atteignent souvent un point où ils sentent que leur vie devient insupportable, où ils ne peuvent plus supporter aucune souffrance, aucun mélodrame. Une personne exprimera ce sentiment en disant crûment et simplement qu’ « elle en avait marre d’être malheureuse ». D’autres sentent, comme ce fut le cas pour moi, qu’elles ne peuvent plus vivre avec elles-mêmes. La paix intérieure devient alors leur priorité. Leur souffrance émotionnelle aiguë les force à se désengager du contenu de leur mental et des structures mentales et émotionnelles qui donnent naissance au petit moi malheureux et le perpétuent. Elles savent alors que ni leur histoire de malheur ni leur émotion ne sont ce qu’elles sont foncièrement. Elles réalisent qu’elles sont le « connaître », pas le connu. Plutôt que de les attirer vers l’inconscience, le corps de souffrance les éveille et devient le facteur décisif qui les pousse vers l’état de Présence.
Cependant, en raison d’un afflux sans précédent de conscience, il y a en ce moment sur la planète un grand nombre de gens qui n’ont plus besoin de connaître les affres de la souffrance pour pouvoir se désengager de leur corps de souffrance. Chaque fois qu’ils remarquent qu’ils sont retombés dans un état dysfonctionnel, ils ont la capacité de sortir de l’identification à la pensée et à l’émotion pour revenir à l’état de Présence. Ils renoncent à la résistance, retrouvent quiétude et vigilance et font un avec ce qui est, dedans ou dehors.
La prochaine phase de l’évolution humaine n’est pas inévitable. Mais, pour la première fois dans l’histoire de notre planète, elle peut prendre la forme d’un choix conscient. Et qui fait ce choix ? Vous ! Et qui êtes-vous ? La conscience qui est devenue consciente d’elle-même.
Les gens me posent fréquemment la question suivante : « Combien de temps faut-il pour se libérer du corps de souffrance ? » Je leur réponds que cela dépend aussi bien de la densité de leur corps de souffrance que du degré de leur état de Présence. Mais ce n’est pas le corps de souffrance qui cause la souffrance que vous infligez aux autres et à vous-même, c’est l’identification à lui. Ce n’est pas le corps de souffrance qui vous force à revivre sans arrêt le passé et qui vous maintient dans un état d’inconscience, mais l’identification à lui. Alors, il vaudrait mieux poser la question suivante : « Combien de temps faut-il pour se libérer de l’identification au corps de souffrance ? »
À cela je réponds : « Pas de temps du tout. » Quand le corps de souffrance est activé, sachez que ce que vous sentez en vous, c’est le corps de souffrance. Le fait de savoir et de reconnaître cela suffit pour désamorcer cette identification. Et quand l’identification est désamorcée, la transmutation commence. Le savoir empêche les vieilles émotions de remonter dans votre tête et de prendre non seulement le contrôle du dialogue intérieur, mais également de vos actes et de vos agissements envers les autres. Ceci signifie que le corps de souffrance ne peut plus se servir de vous ni se renouveler par vous. Les vieilles émotions continueront peut-être de rester vives et de remonter périodiquement pendant un certain temps. Elles chercheront peut-être à se jouer de vous pour que vous vous identifiiez à elles de nouveau et pour que ce savoir soit oublié. Mais pas pour longtemps. Ne pas projeter les vieilles émotions sur les situations signifie faire directement face à ce qui est en vous. Cela n’est peut-être pas agréable, mais vous n’en mourrez pas. La Présence en vous est plus que capable d’accueillir cela. Les émotions ne sont pas ce que vous êtes.
Quand vous sentez le corps de souffrance, ne faites pas l’erreur de penser qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez vous. L’ego adore que vous fassiez de vous un problème. L’acceptation doit faire suite à la reconnaissance de ce qui est. Tout autre chose viendrait masquer cette reconnaissance. Accepter veut dire vous permettre de sentir quoi que ce soit que vous sentiez dans le moment. Cela fait partie de l’être-là du moment présent. Vous ne pouvez contredire ce qui est. En fait, vous le pouvez. Mais si vous le faites, vous souffrez. En laissant les choses être ce qu’elles sont, vous devenez ce que vous êtes, c’est-à-dire vaste, spacieux. Vous devenez entier. Vous n’êtes plus un fragment, façon d’être telle que l’ego se perçoit. Votre véritable nature émerge, qui ne fait plus qu’une avec la nature de Dieu.
C’est ce à quoi Jésus fait allusion quand il dit : « Soyez entiers, comme le Père qui est aux cieux est entier[1]. » Dans le Nouveau Testament, le terme original grec, qui veut dire entier, intégral, total, a mal été traduit par le terme « parfait ». Ceci veut donc dire que vous n’avez pas besoin de devenir entier, seulement d’être ce que vous êtes déjà, avec ou sans le corps de souffrance.
[ 1 ] Matthieu, V, 48.