IX

Des univers fort éloignés

L’histoire de l’Afrique et des Amériques évolue à un rythme très différent de ce que l’on observe ailleurs. Certes, cette assertion n’est pas tout à fait aussi vraie de l’Afrique que des Amériques, entourées d’océans qui les privent de tout contact autre qu’éphémère avec les continents. Les Africains, en revanche, vivent sur des terres dont une grande partie s’est peu à peu tournée vers l’islam, et pendant longtemps ils ont au moins des contacts périphériques avec les marchands arabes d’abord, puis les Européens. Au fil du temps, ces rencontres prennent de plus en plus d’importance, mais le continent africain ne sera pas véritablement entraîné dans le tourbillon de l’histoire du monde avant la fin du XIXe siècle. Cet isolement, comme notre dépendance quasi totale aux découvertes archéologiques utiles à une reconstitution du passé, jette un voile obscur sur une grande partie de l’histoire de ces deux continents.

Avant l’arrivée des explorateurs et du commerce européen, l’histoire de l’Afrique est surtout une question de dynamique interne difficilement discernable, mais nous pouvons présumer que des mouvements de population ont joué un rôle important. Il existe beaucoup de légendes à ce sujet et il y est toujours question de déplacements du nord au sud et vers l’ouest. Les historiens doivent étudier chacune d’elles en la resituant dans son contexte et en s’appuyant sur des éléments mentionnés dans les papyrus égyptiens, les récits de voyageurs, les conclusions tirées des découvertes archéologiques et, aujourd’hui, les recherches d’ADN. Il en ressort toutefois une tendance générale remarquable : l’élaboration et l’enrichissement d’une culture africaine au nord du continent d’abord, et son apparition dans le Sud seulement beaucoup plus tard.

Cette orientation générale s’explique en grande partie par les migrations des Bantous depuis leur patrie d’origine, au fond du golfe de Guinée, à peu près à l’endroit de la frontière actuelle entre le Cameroun et le Nigeria. Ces migrations commencent un millier d’années avant notre ère. En raison, sans doute, d’un changement climatique important dans leur région d’origine, les Bantous essaiment dans toutes les directions. Avec un atout de taille : ils savent déjà fondre le fer, ce qui leur procure toutes sortes d’avantages sur les autres groupes. Vers l’an 1000 de notre ère, ils ont atteint le sud du continent et, d’après ce que nous savons, les locuteurs de bantou deviennent des groupes prédominants partout où ils s’installent. Environ un tiers de tous les Africains d’aujourd’hui parlent l’une des cinq cents langues apparentées qu’ils ont laissées dans leur sillage.

L’autre point de départ de ces mouvements migratoires est le royaume de Kouch, dont les liens avec l’Egypte ont déjà été évoqués. Vers le Ve siècle avant notre ère, les Kouchites perdent le contrôle de l’Egypte et se replient une fois de plus vers Méroé, leur capitale au sud ; mais ils ont encore des siècles de culture florissante devant eux. D’Egypte probablement, ils apportent une écriture hiéroglyphique et une culture enrichie, issue de la fusion des traditions de l’Afrique et de la Méditerranée, qui essaimera dans l’est et le centre du continent. Leur mode de gouvernement est complexe ; à des moments importants de leur histoire, le premier rôle échoit aux candaces, les reines mères, en temps de guerre comme en temps de paix. L’une d’elles, Amanirénas, écrase deux légions romaines en Egypte et revient avec la tête d’une statue d’Auguste, qu’elle fait enterrer sous le seuil d’un temple de Méroé, de sorte que les Kouchites puissent chaque jour piétiner la tête d’un empereur romain. Le royaume de Kouch est fondé sur les échanges commerciaux avec le centre et le nord de l’Afrique. Il exporte principalement de l’or et des esclaves, et à tous égards il reste prospère jusqu’au VIe siècle.

C’est probablement dans le domaine de l’agriculture que la généralisation du travail du fer crée la plus grande différence. Il permet de pénétrer de nouveau à l’intérieur des forêts et de mieux labourer la terre (on peut établir un lien avec l’arrivée de nouvelles cultures vivrières importées d’Asie au début de notre ère), un progrès qui entraîne d’autres migrations et un accroissement de la population. Les régions où se pratiquaient traditionnellement la chasse et la cueillette éclatent à l’arrivée de bergers et de fermiers tels qu’on en rencontre déjà vers l’an 500 dans une grande partie de l’Est et du Sud-Est africains, aujourd’hui le Zimbabwe, et dans le Transvaal. Ils ne connaissent pourtant pas l’usage de la charrue – probablement parce que, dans la majeure partie du continent au sud de l’Egypte, il n’est pas d’animal assez résistant aux maladies africaines pour la tirer. L’une des régions où les paysans ont recours à cet outil est l’Ethiopie, où l’élevage des animaux de trait ne pose aucune difficulté, comme en témoigne l’utilisation précoce du cheval. Dans le sud du Sahara, on élève aussi des chevaux de selle.

Voilà qui souligne une fois encore l’importance du facteur restrictif de l’environnement africain. L’histoire de ce continent est en grande partie celle de sa réaction aux influences extérieures – la ferronnerie et les nouvelles cultures du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud-Est, de l’Indonésie et des Amériques, les machines à vapeur et les avancées de la médecine venues d’Europe au XIXe siècle. Il devient ainsi possible, peu à peu, de se mesurer à la nature africaine. Sans ces apports, l’Afrique subsaharienne paraît presque condamnée à l’inertie sous les pressions énormes qu’elle subit – géographique, climatique et sanitaire, les maladies ayant souvent des effets radicaux. Dans sa majeure partie, elle reste attachée à une agriculture itinérante plutôt qu’intensive. Cette réaction positive à des conditions difficiles ralentit cependant la croissance démographique. L’Afrique subsaharienne ne connaît pas non plus la roue, d’où son retard dans les transports, le tissage et la poterie.

Au nord de l’équateur, les choses se passent différemment. Une grande partie de l’histoire de Kouch attend d’être mise au jour, au sens propre – jusqu’à présent, peu de grandes villes kouchites ont été découvertes. On sait qu’au IVe siècle de notre ère les Kouchites sont renversés par les Ethiopiens. Ces derniers ne sont pas encore le peuple unique qu’ils deviendront, dont les négus prétendront descendre en droite ligne du roi Salomon. Pendant des centaines d’années, les Ethiopiens seront la seule communauté chrétienne en Afrique, en dehors de l’Egypte. Les coptes ne les convertiront au christianisme qu’un peu plus tard dans le siècle ; à cette époque l’Ethiopie est encore en contact avec le monde méditerranéen classique. Mais les invasions musulmanes égyptiennes vont dresser entre les deux une barrière qui restera intacte pendant des siècles, au cours desquels les Ethiopiens se battront contre païens et musulmans, pratiquement isolés de Rome et de Byzance. Locuteurs d’une langue sémitique, l’amharique, ils constituent l’unique nation africaine instruite non musulmane.

Le seul autre endroit d’Afrique où s’établit le christianisme se situe au nord de sa partie romaine. Ici la communauté est minoritaire mais vigoureuse. La violence de ses dissensions et la recherche des donatistes1 accusés d’hérésie expliquent probablement sa faiblesse lorsque les invasions arabes la confronteront à l’islam. Hormis l’Egypte, tous les Etats arabes d’Afrique ont vu s’éteindre le christianisme. En revanche, l’islam y connaît un franc succès, qui ne s’est jamais démenti depuis. Au XIe siècle, portée par les invasions arabes, la religion musulmane se propage jusqu’au Niger et dans l’ouest de l’Afrique. C’est pourquoi les informations dont nous disposons sur les sociétés africaines illettrées réparties au Soudan et dans le Sahara après la disparition des Kouchites proviennent de sources arabes. Il s’agit souvent de communautés axées sur le commerce, que l’on peut raisonnablement assimiler à des cités-Etats. La plus connue est Tombouctou. Très appauvrie lorsque arrivent finalement les Européens, elle est assez importante au XVe siècle, sous l’Empire songhaï, pour être le site de ce que l’on présente aujourd’hui comme une université islamique. En Afrique comme partout ailleurs, politique et économie sont encore inextricablement liées : l’apparition et la prospérité des premiers royaumes africains situés à l’extrémité des routes commerciales importantes, où il y a beaucoup à gagner, n’ont donc rien d’étonnant ; les marchands aiment la stabilité.

Le premier Etat africain à figurer dans les annales des Arabes porte un nom qui sera repris plus tard par un pays moderne, le Ghana. D’origine mal connue, il est peut-être issu du désir de suprématie d’un peuple de l’ère préchrétienne qui possédait l’avantage de connaître l’usage du fer et du cheval. Quoi qu’il en soit, lorsqu’il apparaît dans les textes du VIIIe siècle, le Ghana décrit par les chroniqueurs arabes et les géographes est déjà un royaume important. A son apogée, il couvre une région d’environ 750 kilomètres de large, délimitée au sud par le cours supérieur des fleuves Niger et Sénégal, et protégé au nord par le Sahara. Les Arabes l’appellent le « pays de l’or » ; les marchands transportent le métal précieux, en provenance du Haut-Sénégal et des Ashanti, via les itinéraires transsahariens ou l’Egypte jusqu’à la Méditerranée, où il facilite grandement le commerce européen. Les autres matières premières importantes qui passent par le Sahara sont le sel et les esclaves. L’empire du Ghana s’effondre entre le XIIe et le XIIIe siècle.

Son éclipse est suivie de la prééminence de l’empire du Mali, dont le souverain fait sensation en étalant ses richesses au cours de son pèlerinage à La Mecque en 1307. Lui aussi donnera son nom à un autre Etat africain. Au début du XIVe siècle, l’empire du Mali est encore plus grand que celui du Ghana : il englobe tout le bassin du fleuve Sénégal et s’étend sur plus de 1 500 kilomètres depuis la côte jusqu’à l’intérieur des terres. L’habileté des Maliens dans le commerce des lingots d’or, bien meilleure que celle des Ghanéens, coïncide avec sa grande époque.

Le souverain malien possède, dit-on, des écuries de 10 000 chevaux. Au XIVe siècle, des querelles de succession vont diviser l’empire, qui finira par disparaître après sa défaite contre les Marocains. Parfois, les textes arabes mentionnent des cours royales africaines fréquentées par des hommes de lettres, mais il ne subsiste aucun document autochtone nous donnant accès à ces populations. Manifestement, elles restent païennes, alors que leur souverain appartient au monde musulman. Peut-être la dissolution de l’empire n’est-elle pas étrangère à des dissensions résultant de conversions à l’islam. Selon des sources arabes, il apparaît clairement que la pratique musulmane est associée au souverain des Etats soudanais et sahariens, mais doit aussi intégrer les rites d’un passé païen, comme les premiers chrétiens en Europe ont accepté un héritage similaire. Les coutumes sociales, elles non plus, ne s’adaptent pas toujours à l’islam : des chroniqueurs arabes expriment leur indignation devant des jeunes Maliennes qui exposent leur nudité en public.

Au milieu de cette pénurie d’informations relatives aux grands royaumes africains de l’ère précoloniale, l’Empire songhaï, qui succède à celui du Mali, apparaît comme une rare exception. Etat musulman, il s’étend de la côte atlantique jusqu’au nord du Nigeria. Comme beaucoup d’autres royaumes africains de l’époque, il est fondé sur une économie marchande et doit sa richesse, l’extension de son territoire et son statut plus élevé à son monopole sur le sel et le commerce transsaharien. Marchands et artistes affluent de toute l’Afrique occidentale et centrale pour venir à Gao, sa capitale, et à Tombouctou, son grand carrefour commercial. L’influence artistique de l’Empire songhaï persistera encore longtemps après sa disparition, au XIVe siècle.

Plus au sud, deux autres royaumes africains, ceux du Bénin et d’Ifé, deviennent également des centres artistiques. Situé sur la côte du Nigeria actuel, le royaume du Bénin va durer jusqu’au XIXe siècle et laisser des plaques et têtes commémoratives grandeur nature en bronze, ainsi que des sculptures en fer et en ivoire. L’art d’Ifé, la cité yorouba à l’ouest du Nigeria, est encore plus ancien que celui du Bénin (il atteint son apogée au XIe siècle). Il est connu pour ses sculptures naturalistes en bronze, pierre ou terre cuite, et pour la richesse de sa tradition orale, perpétuée par ses conteurs. En outre, sa production musicale exerce encore aujourd’hui une influence sur la musique africaine.

Certains peuples bantous parlant une langue que les Arabes appellent le « swahili » (terme dérivé d’un de leurs vocables signifiant « de la côte ») fondent sur le pourtour oriental de l’Afrique de petites villes liées aux royaumes de l’intérieur. Après le VIIIe siècle, les Arabes commencent à s’y installer et à les transformer en villes portuaires. Ils nomment cette région la « terre des Noirs » (qui donnera plus tard Zanzibar, Zanz pour « noir » et bar pour « terre ») et remarquent que le peuple de l’archipel accorde plus de valeur au fer qu’à l’or. Il est probable que des relations plus ou moins commerciales avec l’Asie existaient avant même l’époque arabe, mais on ne sait rien de ceux qui servaient d’intermédiaires ; peut-être étaient-ils indonésiens, comme les colonisateurs de Madagascar. Les Africains avaient à offrir de l’or et du fer en échange de produits de luxe, et ils se sont lancés dans l’implantation de nouvelles cultures importées d’Asie, notamment les clous de girofle et les bananes.

Il est difficile d’arriver à se représenter, même vaguement, le fonctionnement de ces Etats africains. La monarchie n’y est absolument pas la règle, et il semble qu’un sens aigu de l’importance des liens de parenté ait été leur seule grande caractéristique commune. Leur organisation reflète certainement les exigences de leur environnement et les possibilités offertes localement. Pourtant, les royautés sont très répandues. Là encore, les premiers indices se trouvent au nord, autour de ce qui est aujourd’hui le Nigeria, comme à Ifé et au Bénin. Vers le XVe siècle, la région des Grands Lacs de l’Est africain est parsemée de royaumes, et l’on entend parler de celui du Congo, sur le cours inférieur du fleuve. On ne distingue pas beaucoup de signes d’organisation à cette échelle, et la plupart des Etats africains mettront beaucoup de temps avant d’avoir une bureaucratie ou une armée de métier. Les pouvoirs des monarques sont certainement limités non seulement par la coutume et par respect pour la tradition, mais aussi parce que l’allégeance des sujets est difficile à obtenir en dehors des liens de parenté ou lorsqu’elle n’est pas forcée par le respect. C’est sans doute ce qui explique le caractère éphémère de nombre de ces « Etats ». L’Ethiopie et les grands royaumes d’Afrique occidentale sont tout à fait atypiques.

Pourtant, ces vagues et mystérieux royaumes ont laissé des traces étonnantes. A l’intérieur des terres de l’Est africain, des vestiges d’exploitations minières, de routes, de peintures rupestres, de canaux et de puits témoignent du bon niveau de culture, dès le XIIe siècle, des habitants de cette région. Ce sont les produits d’une technologie que les archéologues nomment « azanienne », du nom d’une civilisation avancée de l’âge de fer. On y pratique l’agriculture depuis le début de l’ère chrétienne. Les méthodes employées peuvent servir de base à l’exploitation de l’or, accessible depuis longtemps dans ce qui est aujourd’hui le Zimbabwe. Au début, des techniques très simples suffisent : on obtient déjà de grandes quantités de minerai en grattant juste un peu sous la surface. Aussitôt, les marchands affluent – arabes d’abord, puis portugais – mais d’autres Africains se joignent à eux, des émigrés. Et finalement, quand les réserves les plus immédiatement accessibles sont épuisées, il faut chercher l’or dans le sous-sol.

Les quantités de minerai sont néanmoins suffisantes pour soutenir durant quatre siècles un « Etat », qui est à l’origine du seul grand ensemble de constructions en pierres de l’Afrique du Sud. On en trouve des vestiges en des centaines d’endroits de l’actuel Zimbabwe, mais le plus connu est celui de la ville qui porte ce nom (Zimbabwe signifie la « grande maison de pierre »). Vers 1400, la cité devient la capitale du royaume, le lieu de sépulture des rois et un espace dévolu au culte sacré. Elle le restera jusqu’au sac de 1830 par une autre peuplade africaine. Les Portugais du XVIe siècle ont déjà évoqué une grande forteresse de pierres sèches ; mais, pour connaître ce que nous savons aujourd’hui de ce site, il faudra attendre les récits des Européens au XIXe siècle. Ebahis, ceux-ci découvrent des murailles et des tours gigantesques, en pierres soigneusement taillées et alignées sans mortier mais avec une grande précision. Ils montrent beaucoup de réticence à créditer les Africains d’une réalisation aussi impressionnante ; certains suggèrent que le mérite en revient aux Phéniciens et quelques romantiques caressent l’idée que le Grand Zimbabwe est l’œuvre des maçons de la reine de Saba. Aujourd’hui, grâce à notre connaissance des autres peuples de l’âge de fer en Europe et des grandes civilisations américaines, ce genre d’hypothèses n’est plus nécessaire et l’on peut raisonnablement attribuer les ruines du Grand Zimbabwe aux Africains du XVe siècle.

Si évolués soient-ils, les peuples de l’Afrique de l’Est ne parviennent pas tout seuls au stade de l’alphabétisation ; comme les premiers Européens, ils y viendront par le biais d’autres civilisations. Peut-être cela s’explique-t-il par l’inutilité de la tenue de registres fonciers précis ou d’une liste des cultures susceptibles d’être stockées. Mais, quelle qu’en soit la raison, l’illettrisme constitue un handicap pour l’acquisition et la diffusion de l’information comme pour la consolidation d’un mode de gouvernement. C’est aussi un appauvrissement culturel : il manquera à l’Afrique une longue tradition d’érudits autochtones, sources de connaissances scientifiques et philosophiques. En revanche, sa capacité artistique est loin d’être négligeable, comme en témoignent le Grand Zimbabwe et les bronzes du Bénin, qui plus tard fascineront les Européens.

L’influence de l’islam en Afrique s’exerce déjà depuis presque huit cents ans (et, avant elle, il y a eu celle de l’Egypte sur ses voisins) lorsque les Européens arrivent en Amérique et découvrent des civilisations aux accomplissements bien plus grandioses que ceux du continent africain et totalement indépendants de stimuli extérieurs. D’aucuns ont trouvé la chose si improbable qu’ils ont consacré beaucoup de temps à mener recherches et débats sur l’éventualité d’une implantation de la civilisation aux Amériques très longtemps auparavant, par des navigateurs qui auraient traversé le Pacifique. La plupart des spécialistes jugent peu concluants les éléments de réponse obtenus. Si un contact de ce type a existé en des temps reculés, il s’est interrompu à un stade très précoce. On ne peut trouver aucune trace de relation sans équivoque entre les Amériques et un autre continent depuis la traversée du détroit de Béring par les premiers Américains jusqu’aux invasions vikings. Et, ensuite, il faut attendre l’arrivée des Espagnols à la fin du XVe siècle. Nous devons donc partir du principe que, plus encore que l’Afrique et sur une plus longue durée, les Amériques ont été coupées du reste du monde, un isolement qui explique la survie des sociétés pré-agricoles d’Amérique du Nord jusqu’au XIXe siècle.

A l’époque, les grandes plaines de l’est des Etats-Unis actuels sont peuplées d’« Indiens » (nom qui leur sera donné plus tard). Avant l’arrivée des Européens, ils pratiquent déjà l’agriculture ; mais, plus à l’ouest, d’autres communautés vivent encore de la chasse et de la cueillette, ce qu’ils continueront de faire, bien que leurs outils et équipements changent considérablement avec les apports des Européens – d’abord le cheval et le métal, puis les armes à feu. Plus loin encore, sur la côte occidentale, les populations indigènes pêchent ou ramassent de quoi se nourrir sur le rivage, selon des procédés utilisés depuis la nuit des temps. Tout à fait au nord, les Esquimaux réussissent un tour de force : trouver un mode de vie acceptable dans un environnement presque intolérable, et, pour l’essentiel, ils sont parvenus à le maintenir jusqu’à nos jours. Pourtant, si les cultures nord-amérindiennes réussissent à relever un véritable défi environnemental, on ne peut guère parler de civilisation. Pour en trouver une typique des autochtones américains, il faut aller jusqu’au sud du Rio Grande, où l’on compte quelques grandes civilisations liées par leur dépendance commune à la culture du maïs et la possession de panthéons consacrés aux dieux de la nature, mais remarquablement différentes à bien d’autres égards.

La civilisation olmèque mésoaméricaine s’avère d’une importance exceptionnelle. Les calendriers, hiéroglyphes et constructions de centres cérémoniels, qui ultérieurement marqueront tant cette région, sont peut-être tous dérivés de cette époque en fin de compte, et les divinités mésoaméricaines étaient déjà connues du temps des Olmèques. Avant le IVe siècle, les successeurs des Olmèques construisent la première grande ville américaine, Teotihuacan, au cœur du Mexique actuel. Son gigantesque ensemble de structures pyramidales et ses grands bâtiments publics laissent penser que, deux ou trois siècles durant, la cité a été un axe commercial et un centre religieux d’une grande importance. Sa destruction, autour du VIIe siècle, est auréolée de mystère. Peut-être a-t-elle eu lieu au cours de l’un des nombreux déferlements d’envahisseurs en route vers le sud, dans la vallée du centre du Mexique. Ces déplacements inaugurent une époque de migrations et de guerres qui durera jusqu’à l’arrivée des Espagnols et sera à l’origine de plusieurs civilisations régionales particulièrement brillantes.

Les plus remarquables sont les cultures mayas du Yucatán, du Guatemala et du nord du Honduras. Leur emplacement est extraordinaire, étant donné l’apparence actuelle de la région. Quasiment tous les grands sites mayas se situent dans la forêt tropicale, dont la faune, les insectes, le climat et les maladies exigent de coûteux efforts si l’on veut en exploiter les ressources en pratiquant l’agriculture. Pourtant, non seulement la civilisation maya assure la survie de très fortes populations pendant de nombreux siècles, avec des techniques agricoles rudimentaires (pas de charrue ni d’outils en fer et une longue dépendance à l’agriculture sur brûlis, consistant à défricher les parcelles de terre pour les brûler ensuite et les cultiver pendant deux ans seulement avant de passer à d’autres). Elle élève pourtant des pyramides de pierre comparables à celles de l’ancienne Egypte.

Il reste peut-être, dans la forêt vierge, de nombreux sites mayas inconnus, mais nous en avons découvert assez pour reconstruire les grandes lignes de l’histoire et de la société de cette civilisation, dont les dernières décennies ont révélé la complexité, bien plus grande qu’on ne l’imaginait. Les premières traces de la culture maya ont été repérées au IVe et au IIIe siècle avant J.-C. Son apogée se situe entre le VIe et le IXe siècle de notre ère. De cette époque datent ses plus belles constructions, sculptures et pièces de poterie. Les cités mayas recèlent alors de grands centres cérémoniels, combinaisons géantes de temples, pyramides, tombes et terrains de jeux rituels, souvent recouverts d’inscriptions hiéroglyphiques dont on commence à peine à percer le secret depuis quelques années. La religion joue un rôle important au sommet de cette civilisation, avalisant le pouvoir des souverains de la dynastie lors de cérémonies où sacrifices et bains de sang occupent une part insigne. Demandes d’intercession et célébrations ont lieu régulièrement au cours d’un cycle calculé à partir d’un calendrier fondé sur des observations astronomiques. Les spécialistes sont nombreux à considérer que cette création maya est la seule digne de comparaison avec les monuments et, de fait, il s’agit d’un véritable exploit mathématique. Ce calendrier nous permet de comprendre suffisamment la pensée maya pour en déduire avec certitude que les chefs religieux se représentaient le temps à une échelle beaucoup plus vaste que toute autre civilisation dont nous avons connaissance ; selon leurs calculs, l’Antiquité s’étendait sur des centaines de milliers d’années. Peut-être en sont-ils même arrivés à penser que le temps n’avait pas de commencement.

Les hiéroglyphes sur pierre et trois ouvrages parvenus jusqu’à nous livrent quelques-uns des secrets de ce calendrier et nous donnent la chronologie des dynasties mayas. Les Mayas de la période classique avaient pour habitude d’ériger tous les vingt ans des monuments datés afin de jalonner l’écoulement du temps. Le dernier d’entre eux remonte à 928. A cette époque, l’apogée de la civilisation maya est passé. Malgré la compétence de ses bâtisseurs et artisans dans l’utilisation du jade et de l’obsidienne, ses limites sont considérables. Les constructeurs des grands temples ignorent la voûte en arc et n’emploient pas de charrettes, les Mayas n’ayant jamais découvert l’usage de la roue. Le monde religieux dans l’ombre duquel ils vivent est peuplé de dragons bicéphales, de jaguars et de crânes grimaçants. Sur le plan politique, la civilisation maya joue longtemps le jeu des alliances, reliant les cités en deux agglomérations de dynastie différente, dont les inscriptions hiéroglyphiques présentes sur les monuments relatent l’histoire. A son acmé, la plus grande cité compte peut-être 40 000 habitants avec, sous sa dépendance, une population rurale d’environ dix fois plus d’âmes, ce qui implique une densité démographique beaucoup plus forte que celle de son homologue d’aujourd’hui.

La culture maya constitue donc une réussite très spéciale. Comme la civilisation égyptienne, elle a consacré une main-d’œuvre colossale à des constructions improductives, même si les Egyptiens sont allés bien plus loin. Peut-être les Mayas se sont-ils trouvés assez vite surchargés. Peu après ses débuts, un peuple de la vallée de Mexico, des Toltèques probablement, s’empare de Chichen Itza, le plus grand des sites mayas, et dès lors les centres du Sud, dans la forêt vierge, sont progressivement abandonnés. Les envahisseurs apportent avec eux le métal et la pratique du sacrifice des prisonniers de guerre. Leurs dieux commencent à apparaître dans les figures sculptées des sites mayas. Apparemment à la même époque, on assiste à une récession culturelle marquée par un travail plus grossier des poteries et des sculptures, ainsi que par une baisse de qualité des hiéroglyphes. Au début du XIe siècle, le système politique maya s’effondre, même si, au cours des deux siècles suivants, quelques cités retrouvent un léger souffle, accompagné toutefois d’une baisse de niveau de vie, matériel et culturel. Chichen Itza est finalement abandonnée au XIIIe siècle et la culture maya se focalise autour d’un autre site, saccagé à son tour vers 1460, peut-être après un soulèvement paysan. Cet événement marque le début de l’éclipse maya. Au XVIe siècle, le Yucatán passe aux mains des Espagnols, mais ceux-ci devront attendre 1699 pour voir tomber le dernier bastion maya.

Si les conquistadors peuvent être considérés comme les destructeurs de cette civilisation, c’est uniquement dans le sens le plus formel : à leur arrivée, son effondrement est déjà une réalité. Expliquer cet écroulement n’est pas facile, compte tenu du peu d’informations dont nous disposons, et l’on serait tenté de recourir à la métaphore et à voir dans la civilisation maya la réponse à un immense défi. Pendant un temps, elle est capable de le relever, en dépit d’une structure politique précaire, vulnérable aux influences extérieures, et au prix d’une haute spécialisation et d’un fardeau immensément lourd pour les hommes qui doivent le porter. Avant même les invasions étrangères, au moment de l’éclatement politique, les systèmes d’irrigation dont les archéologues ont découvert les ruines sont déjà délabrés. Aussi radicalement que dans certaines régions des Etats-Unis, la culture autochtone n’a laissé derrière elle aucun mode de vie, aucune technologie remarquable et aucune œuvre littéraire ni institution politique ou religieuse d’importance. Le passé n’est resté ancré que dans la langue des paysans mayas. Cette civilisation laisse après elle des ruines extraordinaires qui intrigueront et fascineront longtemps ceux qui, plus tard, seront chargés de les expliquer.

Au cours de la dernière phase de l’effondrement de la société maya, l’un des derniers peuples arrivés dans la vallée de Mexico va connaître une hégémonie qui ébahira les Espagnols bien plus que tout ce qu’ils découvriront plus tard au Yucatán. Ce sont les Aztèques. Parvenus dans la vallée aux alentours de 1350, ils renversent les Toltèques qui y exercent leur suprématie et s’installent dans deux villages situés au milieu des marécages du lac de Texcoco. L’un d’eux, Tenochtitlán, devient la capitale de l’Empire aztèque qui, en moins de deux siècles, s’étend à tout le plateau central du Mexique. Des expéditions sont organisées assez loin vers le sud, dans ce que l’on connaîtra plus tard comme la République du Panama, mais les Aztèques ne montrent aucune hâte à s’y installer. Ces guerriers préfèrent fonder leur empire sur le paiement d’un tribut : leur armée soumet une trentaine de petits clans ou Etats, qu’elle laisse plus ou moins tranquilles pourvu qu’ils s’acquittent du paiement convenu. Les divinités de ces peuplades ont l’insigne privilège de rejoindre le panthéon aztèque.

Tenochtitlán, le centre de cette grande civilisation, est située sur l’un des îlots du lac Texcoco, reliés au rivage par des chaussées dont l’une, de presque 8 kilomètres de long, est assez large pour laisser passer huit chevaux de front. Les Espagnols nous en ont laissé des descriptions passionnantes : sa magnificence, affirme l’un d’eux, dépasse celles de Rome et de Constantinople. Au début du XVIe siècle, elle compte probablement 100 000 habitants environ et son entretien est financé par le tribut des peuples soumis. Comparée aux grandes villes européennes, elle forme un ensemble étonnant de temples en abondance, dominés par d’immenses pyramides artificielles, et pourtant cette magnificence semble n’être qu’un produit dérivé de l’exploitation des compétences des vaincus. Pas une seule invention ou innovation importante de la culture mexicaine ne peut être attribuée de façon certaine à la période posttoltèque. Les Aztèques ont contrôlé, développé et exploité la civilisation qu’ils ont découverte.

A l’arrivée des Espagnols, au début du XVIe siècle, l’Empire aztèque est toujours en pleine expansion. Tous les peuples soumis ne sont pas encore assujettis, mais d’une côte à l’autre règne un souverain au statut semi-divin et cependant élu parmi les membres de la famille royale. Chef d’une société hautement hiérarchisée et centralisée, il exige beaucoup de ses membres en termes de travail obligatoire et de service militaire, mais assure aussi leur subsistance toute l’année. Les Aztèques possèdent un système d’écriture fondé sur des pictogrammes et de grandes compétences en agriculture et dans le traitement de l’or, mais ils ignorent tout de la charrue, de la ferronnerie ou de la roue. Leurs rites principaux incluent des sacrifices humains, ce qui est extrêmement choquant pour les Espagnols : pas moins de 20 000 personnes ont en effet été immolées sur la pierre de la grande pyramide de Tenochtitlán, réservée à cet usage. Ces holocaustes réitèrent un drame cosmique au cœur de la mythologie aztèque : les dieux ont été obligés de se sacrifier pour donner au soleil le sang nourricier dont il avait besoin.

La religion aztèque heurte la sensibilité européenne par ses détails révoltants, comme l’arrachement du cœur des victimes, les écorchements et les décapitations cérémonielles, mais ces actions étranges et horribles qui accompagnent les sacrifices sont moins significatives que leurs implications sociales et politiques. L’importance de la fonction sacrificielle nécessite un flux constant de victimes et, comme celles-ci sont prises parmi les prisonniers de guerre – et que, pour le guerrier, mourir au combat ouvre l’accès au paradis, la maison du soleil –, un état de paix serait catastrophique sur le plan religieux. C’est pourquoi les Aztèques ne se soucient pas vraiment du manque de surveillance de leurs « colonies » ni de la fréquence des révoltes. Les peuples soumis ont la liberté de garder leur souverain et leur système de gouvernement, ce qui permet de lancer contre eux des actions punitives au moindre prétexte. Dans ces conditions, il est certain que l’empire ne peut compter sur la loyauté de ses sujets et, lorsque arrive l’heure de la chute, ceux-ci, forcément, s’en réjouissent. La religion affecte aussi de bien d’autres manières la capacité des Aztèques à réagir à la menace européenne, en raison, notamment, de leur volonté d’épargner leur ennemi au combat, préférant se constituer un contingent de prisonniers qu’ils réservent pour leurs sacrifices. Ils croient également qu’un jour leur dieu, Quetzalcóatl, barbu à la peau blanche, reviendra de l’Est où il est parti après avoir enseigné les arts à son peuple.

Tout compte fait, en dépit de son esthétique impressionnante et de sa redoutable efficacité sociale, la civilisation aztèque apparaît dure, brutale et sans attraits. Peu de sociétés bien connues aujourd’hui ont été aussi loin dans leurs exigences. Celle-ci semble avoir vécu dans un état de tension et un pessimisme permanents, le peuple ayant conscience que son effondrement était plus qu’une simple possibilité.

Au sud du Mexique et du Yucatán, d’autres cultures ont présenté un niveau de civilisation assez variable, mais aucune n’est aussi remarquable que les Andins du Pérou, la plus éloignée. Ils vont en effet beaucoup plus loin que la plupart des peuples du Mexique, qui en sont restés à l’âge de pierre. Ils fondent un véritable Etat. Si les Mayas excellent par leurs savants calculs calendaires, les Andins dépassent largement leurs voisins pour la sophistication de leur gouvernement. Plus encore que le Mexique, le Pérou a enflammé l’imagination des Espagnols, et cet intérêt passionné ne s’explique pas simplement par l’immense et évidente richesse de son sous-sol en métaux précieux. Il est aussi, et surtout, lié à un système social très complexe et apparemment juste et efficace. Certains Européens l’ont vite jugé intéressant en ce qu’il exige une subordination quasi totale de l’individu à la collectivité.

Cette société andine est celle de l’Empire inca. Au XIIe siècle, une tribu de Cuzco commence à étendre sa domination sur les premiers centres de civilisation péruviens. Comme les Aztèques, ils commencent par vivre en voisins de groupes dont la culture est plus ancienne que la leur. Ce sont des barbares qui acquièrent vite les compétences des peuples plus évolués et profitent de leurs acquis. A la fin du XVe siècle, ils règnent sur un empire qui s’étend de l’Equateur au centre du Chili, leur conquête des régions côtières étant la plus récente. C’est un exploit étonnant pour ce gouvernement obligé de lutter contre un obstacle naturel impressionnant, la cordillère des Andes. La cohésion de l’Etat inca est assurée par une quinzaine de milliers de kilomètres de routes praticables par tous les temps : les coureurs se relaient pour transmettre des messages oraux ou des quipu, encodages réalisés à partir de faisceaux de cordelettes colorées sur lesquelles on fait des nœuds. Ce procédé a permis de consigner des archives élaborées.

L’Empire andin ne connaît pas l’écriture mais revêt une forme redoutablement totalitaire dans l’organisation de la vie de ses sujets. Les Incas forment la classe dirigeante, avec pour chef suprême le Sapa Inca – le « seul Inca ». Quant au mode de gouvernement, il s’agit d’un despotisme qui s’appuie sur le contrôle des classes laborieuses. La population est organisée en subdivisions, la plus petite étant une unité de dix familles dont on attend travail et rendement. Un contrôle strict et rigoureux maintient la population là où l’on a besoin d’elle. Les déménagements, comme les mariages en dehors de la communauté locale, sont interdits. Toutes les productions sont propriétés de l’Etat ; ainsi les agriculteurs fournissent-ils leur nourriture aux éleveurs et aux artisans en échange de produits textiles (le lama est la bête à tout faire de la culture andine : il fournit la laine, le lait et la viande, et sert de moyen de transport). Le commerce n’existe pas. L’exploitation des métaux précieux et du cuivre donne à Cuzco un ornement raffiné qui ébahira les conquistadors espagnols. Les tensions sociales ne sont pas seulement éliminées par la force, mais aussi en déplaçant les populations acquises au régime dans des régions au climat difficile et en exerçant un contrôle rigoureux du système éducatif pour inculquer la bonne attitude aux notables des peuples conquis.

Comme les Aztèques, les Incas organisent et exploitent les apports culturels qu’ils trouvent en arrivant, mais de manière moins brutale. Leur objectif étant l’intégration plutôt que l’anéantissement, ils tolèrent les pratiques religieuses des peuples soumis. Eux-mêmes adorent le dieu Soleil. En raison de l’absence de système d’écriture, il est difficile de pénétrer la pensée inca, mais, de toute évidence, les Péruviens semblent avoir partagé l’obsession aztèque de la mort, quoique d’une manière différente. Comme en Egypte, les conditions climatiques favorisent le rituel de la momification ; l’air sec des hauts sommets des Andes conserve aussi bien que le sable du désert. Au-delà, il n’est pas facile de dire quels désaccords persistent au sein des peuples soumis et s’expriment dans la survie des cultes tribaux. Confronté à la menace européenne, l’Empire inca montre clairement qu’il n’a pas dissipé toutes les sources de mécontentement parmi ses sujets, en dépit de succès remarquables.

Toutes les civilisations américaines s’écartent de manière considérable et flagrante de leurs homologues d’Asie ou d’Europe. Aujourd’hui encore, il semble que la maîtrise complète de l’écriture leur ait échappé, même si les Incas possédaient une bureaucratie assez efficace pour gérer des structures gouvernementales complexes et les Mayas des archives historiques élaborées. En dépit du haut niveau de certaines de leurs compétences, leurs techniques ne sont pas aussi évoluées que d’autres déjà utilisées ailleurs. Bien que ces civilisations aient mis en place des structures et institutions satisfaisantes pour des cultures au pouvoir violent, mais limité, la contribution des autochtones américains à l’avenir du monde ne passe pas par leur intermédiaire. Elle remonte aux découvertes obscures, non répertoriées, des cultivateurs primitifs – de ceux qui, les premiers, ont découvert comment tirer parti des ancêtres des tomates, du maïs, des pommes de terre et des courges. Ceux-là ont, sans le savoir, contribué à augmenter considérablement les ressources de l’espèce humaine et permis une nouvelle donne des économies dans le monde entier. Mais les civilisations brillantes édifiées sur ces bases ont finalement subi un triste sort, pour n’être plus que de beaux vestiges en marge de l’histoire du monde, sans postérité.