ALPES, n. propre de la même origine celtique qui aboutit au latin Alpes, a produit plusieurs formes dans les langues romanes.
❏
ALPES n. f. pl. est emprunté (1213) pour désigner des hautes montagnes, le singulier
(une alpe) étant attesté au
XVe s.
(voir ci-dessous, alpe).
■
C'est aussi le sens de ALPAGE n. m., dérivé du verbe dialectal alper (attesté en Suisse au XVIIe s., mais bien antérieur) au sens de « passage des troupeaux qui montent » (altéré en arpaige, Dauphiné 1546). Alpage signifie ensuite (1661) « pâturage ».
◆
Il a servi à former ALPAGER, ÈRE n. (1872) « personne qui vit dans les alpages ».
◈
ALPESTRE adj. est un emprunt (1660) à l'italien
alpestre, du latin médiéval
alpestus, de
Alpes ; il concerne surtout les plantes (« des Alpes »).
◈
ALPIN, INE adj. (1240), plus général, est emprunté au latin
alpinus ; il se dit aussi (1770) des plantes.
◆
Lorsque la montagne devient un sport, d'abord pratiqué par les Britanniques, l'adjectif se rapporte aux activités de loisir en montagne (1874), et notamment à l'escalade (le
Club alpin [1865]). L'armée désigne par
chasseurs alpins, puis
les Alpins (1898), l'infanterie de montagne chargée de la défense des frontières alpines.
■
La même année que le Club alpin (1874) apparaît le dérivé ALPINISTE n. « ascensionniste en montagne, notamment dans les Alpes » ; ALPINISME n. m. est attesté deux ans plus tard (1876) pour désigner l'activité.
◈
De
alpin ou du latin
alpinus dérivent les préfixés
TRANSALPIN, INE adj. (déb.
XVIe s. ;
la Transalpine, province,
XIVe s.),
CISALPIN, INE adj. (1596 ;
la Cysalpine, XIVe s.), puis, en géographie et en botanique
SUBALPIN, INE adj. (1786,
plantes subalpines).
◈
ALPE n. f. s'est spécialisé (1425) pour « pâturage d'altitude, dans les Alpes ». Le mot, concurrencé par le dérivé
alpage, est resté vivant en pays de montagne (Savoie, Suisse) avec plusieurs composés préfixés.
◆
Le verbe
ALPER, attesté en 1789, s'emploie comme transitif
(alper des moutons, son bétail) pour « conduire à l'alpe », et aussi absolument
(alper au printemps) et un transitif
(le bétail alpe).
◆
Le dérivé
ALPÉE n. f. (antérieur à 1911) « montée à l'alpe » est plus courant que
inalpe (ci-dessous).
◆
ALPANT n. m. (1659 noté
arpant) désigne l'éleveur qui conduit ses bêtes à l'alpe.
◆
DÉSALPE n. f. est le déverbal (1897) du verbe
DÉSALPER v. intr. (1640), les deux mots étant propres au français de Suisse, pour la descente dans la vallée des troupeaux qui ont passé l'été dans les pâturages de haute montagne. L'opération complémentaire était appelée
INALPE n. f. (1900) qui correspond au verbe archaïque
INALPER « conduire les troupeaux dans les pâturages de haute montagne, à l'alpage ». Tous les mots de cette famille sont surtout du français de Suisse romande.
◈
Du nom géographique les
Préalpes, vient le dérivé
PRÉALPIN, INE adj. (1893) qui qualifie ce qui appartient à cette zone de transition entre les massifs alpins et les plaines du pourtour. C'est un mot de géographe.
◈
Des verbes composés, formés sur
Alpa, d'abord attestés en latin médiéval,
inalpare (1454), « faire monter (les bêtes) à l'alpage », et
dearpare [
sic pour
deal-] (1469), « faire descendre de l'alpage », ont donné naissance à des emplois et à des dérivés en français de Suisse, tels
inalper, désalper (ci-dessus).
❏ voir
ALPENSTOCK, ALPISTE.
ALPHABET n. m. est un emprunt (v. 1140) au latin tardif alphabetum, employé par l'Église à côté de abecedarium ; c'est un calque du grec, où il est composé du nom des deux premières lettres alpha et bêta, emprunts sémitiques (hébreu ᾿aleph, araméen bētā).
❏
Spécialisé au XVIe s. (1547) au sens de « livre d'apprentissage à la lecture », le mot a toujours désigné le système ordonné de signes graphiques dans une écriture, où chacun de ces signes correspond à un phonème (écritures dites alphabétiques, par opposition aux écritures syllabiques ou consonantiques et, bien entendu, idéographiques). Il s'applique d'abord aux systèmes latin et grec, mais aussi à un grand nombre d'écritures depuis le phénicien.
◆
Outre l'emploi pour « livre d'initiation à la lecture », resté usuel, le mot a eu diverses valeurs spéciales : « dictionnaire » (1738), « registre marqué aux lettres de l'alphabet » (1679), « série de lettres gravées au poinçon » (1680).
◆
Par figure, alphabet s'est dit d'une série de signes (autres que les lettres) de même nature (déb. XVIIe s., d'Aubigné), spécialisé au XXe s. dans alphabet musical « représentation des sons par des lettres ».
◆
De l'idée d'initiation, réalisée par des locutions comme être à son alphabet (1669), n'en être qu'à l'alphabet (1694), renvoyer qqn à l'alphabet (1718), toutes devenues archaïques, le mot s'applique à un résumé de connaissances élémentaires (1835, Balzac).
❏
Le dérivé
ALPHABÉTIQUE adj. (
XVe s.) évoque surtout l'ordre des lettres, hérité de l'hébreu
(aleph) et du grec dans des syntagmes
index, dictionnaire, encyclopédie... alphabétique, mais l'adjectif s'applique aussi à la nature de cette écriture (1791).
■
L'idée d'ordre domine dans les dérivés ALPHABÉTIQUEMENT adv. (1615) et ALPHABÉTISER v. tr. (1853).
◆
Ce dernier verbe a pris au XXe s. un autre sens : « apprendre une écriture alphabétique à (un groupe social qui l'ignore) », d'où ALPHABÉTISATION n. f. (1913) « enseignement de l'écriture et de la lecture à des analphabètes » et plus rarement « transcription par signes alphabétiques » (mil. XXe s., avec cette valeur).
◆
ALPHABÉTISEUR, EUSE n. désigne une personne chargée de l'alphabétisation dans un pays où une partie de la population est de tradition orale.
◈
Des valeurs nouvelles viennent de l'emploi de l'adjectif
ANALPHABÈTE, « qui ne sait ni lire ni écrire », emprunt (1580) à l'italien, qui l'avait pris au grec tardif
analphabêtos (littéralement « qui ne sait ni A ni B »), et qui fut réemployé à la fin du
XIXe s. dans un contexte didactique, donnant naissance à
ANALPHABÉTISME n. m. (1907).
◆
Cependant,
ALPHABÉTISME n. m. (1868) désigne, de manière non symétrique, un système d'écriture alphabétique.
◆
Analphabète et son dérivé sont en concurrence avec
illettré, illettrisme (ce dernier correspond à un concept sociologiquement différent).
◆
La formation régressive
ALPHABÈTE n., « personne qui sait lire et écrire » (1965), n'a pas eu beaucoup de succès dans la langue courante.
◈
De son côté, le nom de la première lettre grecque
ALPHA n. m. (
XIIe s., écrit en français
alfa) s'est employé dans l'expression
l'alpha et l'oméga (sans article) « le commencement et la fin ; tout »
(→ oméga). Le mot, souvent noté à l'aide de la lettre grecque
α s'applique au
XXe s. à plusieurs notions physiques (
particule alpha ou
α ; rythme alpha, en neurophysiologie ;
récepteurs adrénergiques α), d'où plusieurs composés :
ALPHARÉCEPTEUR n. m., ALPHABLOQUANT adj.
◈
Les composés
ALPHANUMÉRIQUE adj. « qui recourt à la fois à des lettres et à des chiffres », et
ALPHASTIMULANT adj. (1947) prennent
alpha au sens de « lettre d'un alphabet » ; ils sont passés dans l'usage général.
■
De rayons alpha vient ALPHATHÉRAPIE n. f. (1960, dans les dictionnaires).
❏ voir
CHIASME, DELTA, GAMME, IOTA, OMÉGA, RHOTACISME, SIGMA, X, Y.
ALPINIE n. f., nom d'une zingibéracée tropicale, n'a rien à voir avec les Alpes. Ce nom a été formé par Charles Plumier en latin moderne (alpina, 1703) sur le nom du botaniste italien Prospero Alpini (1553-1617).
❏
En français, la plante s'est appelée alpine (1757), puis alpinie (1803), d'où le nom de famille alpiniées n. f. pl. (1845).
?
ALPISTE n., nom d'une plante des Canaries, semble être un emprunt (1660) à un mot espagnol de ces îles, alpista, qui est probablement sans rapport avec les Alpes.
ALSACIEN, IENNE adj. et n., attesté anormalement tard (1752), est adapté du latin médiéval Alesaciones (642-658), de Alesacia, désignant la région, qui correspond à l'allemand Elsass. On a expliqué le mot soit par le gaulois alisa « falaise », que l'on explique par la réaction des Celtes venant du sud de l'Allemagne devant les parois assez abruptes des montagnes vosgiennes sur la vallée du Rhin, soit par un autre mot gaulois aliso « aulne », soit enfin par la racine du nom de la rivière Ill.
❏
Le mot qualifie ce qui a rapport à l'Alsace et, comme nom, les personnes qui habitent cette région. Le nom masculin l'alsacien désigne les dialectes allemands (bas-alémanique, franconien et haut-alémanique) parlés en Alsace, aujourd'hui à côté du français, langue officielle. Cf. l'encadré « L'Alsace ».
ALTERCATION n. f. est d'abord (1289) un terme de droit, emprunté au latin altercatio, de altercari « avoir une discussion », qui a donné l'ancien verbe alterquer (1459 ; archaïque au XVIIe s.). Le mot latin pourrait venir d'un adjectif °altercus, doublet de alternus, désignant les propos échangés « alternativement » par des plaideurs ; il relève de la riche famille de alter « autre » (→ altérer, alterner).
❏
Le mot français, qui signifie « débat en justice », prend son sens moderne au XVIe s., entraînant l'idée de dispute violente. Il est aujourd'hui isolé, sans verbe ni nom d'agent ; alterquer v. intr., altercant n. m. (XVIe s.), altercas ou alterque n. m. (XVe-XVIe s.) ayant disparu.
❏
Les adjectifs juridiques ALTERCATIF, IVE (1580, aussi alterquatif) et ALTERCATOIRE (1562) sont demeurés rares.
+
ALTÉRER v. tr. est un emprunt au bas latin alterare « changer, rendre autre » et spécialement « changer en mal », du latin classique alter « autre » (→ autre), apparenté à alius dont il a pris la place en roman.
❏
Outre le sens initial, « changer en mal » (1317, Mondeville ; puis 1365, Oresme), le verbe a la valeur générale de « modifier la nature de » (1377),
s'altérer (
XVIe s.) ayant ces deux acceptions.
S'altérer est employé à propos des personnes pour « se troubler, s'irriter » (v. 1440-1475), avant le verbe actif au sens de « irriter, exciter » (
XVIe s., Belleau).
◆
Parmi les contextes spéciaux,
altérer la vérité (1691),
un discours en le rapportant infidèlement (1694),
altérer un texte, un passage, altérer un intervalle (musical) [1768, Rousseau], d'où
accord altéré, note altérée (1791), et
altérer les traits, la voix (1835) sont restés en usage.
■
S'altérer avait jusqu'à la fin du XVe s. la valeur de « commencer à avoir soif », « éprouver un changement par suite de la soif », sens qui existaient en latin médiéval. De là, altérer qqn « assoiffer » (1549) et surtout altéré.
❏
ALTÉRÉ, ÉE p. p. est adjectivé dès le
XIVe s. (1379) au sens de « qui a perdu la raison », puis (
XVIe s.) « agité ; très ému, troublé » et (1561) « affaibli par la maladie ».
◆
Ces valeurs psychologiques ont disparu au profit de la valeur de « qui a soif » (1538) aussi substantivé au
XVIe s. (1532, Rabelais), sens très vivant dans le discours poétique classique dans
altéré de sang (depuis le
XVIe s. ; puis dans
tigre altéré de sang « homme cruel », chez Corneille). Ce sens se retrouve dans le composé
désaltérer (ci-dessous). D'autres sens classiques, « avide (de gloire, etc.) » (1673), « affamé, misérable » (1640), « âpre au gain », ont disparu.
■
ALTÉRANT, ANTE adj. s'est dit d'un remède qui modifie l'équilibre organique (1700), d'où un altérant (1700) ; il est sorti d'usage, comme altérance n. f. (1602) « altération ».
◈
Le verbe et son participe passé ont eu de nombreux dérivés.
■
ALTÉRABLE adj. (1365) « qui peut être changé », dérivé ou emprunt au dérivé latin médiéval alterabilis, est demeuré rare par rapport à INALTÉRABLE adj. (1365), spécialisé à propos de la gaieté, de la santé jugées immuables.
◆
De là, ALTÉRABILITÉ n. f. (1786) qui semble précédé par INALTÉRABILITÉ n. f. (1724).
◈
ALTÉRATIF, IVE adj. « qui altère, modifie » (1365), emprunt au latin médiéval
alterativus, s'est spécialisé au
XVIe s. en médecine, d'où
un altératif (
XVIe s.) « remède qui altère l'équilibre des humeurs sans évacuation » ; ces emplois ont disparu.
◈
Un dérivé préfixé de
altérer, DÉSALTÉRER v. tr., après un emploi au sens premier du verbe simple pour « rendre malade » (1530), correspond seulement à
altéré « qui a soif ». Il signifie « apaiser la soif de (qqn, un animal) » (1549), d'où
se désaltérer (1668), et il a des emplois extensifs, à propos de la pluie qui arrose le sol, les plantes (v. 1700, chez Fénelon), et figurés.
■
Le seul dérivé vivant de ce verbe est DÉSALTÉRANT, ANTE adj. (1762) et n. m. (1821).
◈
Du latin
alter et de
ego « moi »
(→ ego) vient le latinisme
ALTER EGO n. m. (1825), attesté chez Balzac et qui désigne un « autre soi-même », une personne qui agit à la place d'une autre, dans la locution
c'est mon (son...) alter ego.
◈
La famille du latin médiéval a produit plusieurs mots français.
■
Alteritas donne ALTÉRITÉ n. f. « changement » (1270, emploi isolé), puis en arithmétique « fait d'être binaire » (v. 1580) et en philosophie (1697) « fait d'être autre ».
■
ALTÉRATION n. f. est emprunté (v. 1260) au bas latin alteratio, au sens général de altérer, et a pris divers sens spéciaux dont en médecine (une fois au XIVe s. ; puis XVIe s., Amyot) « dégradation de la santé », en musique (1768) « signe modifiant la hauteur d'une note, dans le système tonal » (plus fréquent que le verbe).
◆
D'autres emplois ont vieilli ou disparu, comme « agitation » (XVe s.), « conflit politique » (1626), « émotion, trouble » (XVIe s., Brantôme).
◆
Dans ces usages, comme dans des spécialisations encore vivantes, « modification anormale (d'un texte, d'un mot) » (fin XVIIe s., Bossuet), le nom est plutôt repris comme dérivé du verbe.
ALTÉRITÉ n. f. est un emprunt philosophique (1270) au bas latin alteritas (mil. IVe s.), dérivé de alter (→ autre, autrui ; altruisme).
❏
Le sens d'emprunt correspond à la notion philosophique de « différence par changement », à la fois « diversité » et « altération ». Le mot semble disparaître de l'usage et réapparaître en français classique (1697, Bossuet) au sens moderne de « caractère de ce qui est autre ».
◆
Il est devenu usuel en philosophie à partir du début du XIXe s., se spécialisant à propos des rapports humains, d'après les emplois didactiques de autre.
ALTERNER v. est emprunté (XIIIe s. ; puis v. 1380) au latin alternare, dérivé de alternus « un sur deux », lui-même de alter « autre » (→ autre).
❏
Le verbe signifie d'abord (une fois au XIIIe s. ; puis v. 1380) « altérer, changer » ; il est repris (attesté 1549 ; probablement dès le XIVe s. ; Cf. ci-dessous alternation) au sens latin de « faire tour à tour une même chose », en parlant de deux personnes, moins usité que « faire succéder l'un après l'autre » et (1761) « se succéder avec régularité ».
◆
Parmi les emplois spécialisés, alterner les cultures (1776) et absolument alterner (id.) sont restés en usage.
❏
Le participe passé
ALTERNÉ, ÉE est adjectivé, d'abord en blason (1690) puis en parlant de poésie
(chants alternés), de voix (
XXe s.). Il s'emploie aussi à propos des cultures.
■
Le participe présent ALTERNANT, ANTE adj., suscité en partie par le latin alternans (1519), se spécialise en géologie (roche alternante, 1859), en biologie (génération alternante, 1855), en médecine (pouls alternant, XXe s.).
■
De alterner et alternant est dérivé ALTERNANCE n. f. qui correspond à des valeurs spéciales de alternant en sciences : « succession régulière de deux roches en couches parallèles » (1830), « position alternée de pièces d'un végétal » (1845), « succession d'espèces végétales sur un même sol » (1830), « répétition de deux motifs décoratifs, l'un après l'autre » (1898), « cycle biologique alternatif » (1898), « permutation régulière d'éléments linguistiques » (1928), par exemple dans alternance vocalique, consonantique, « modification d'une voyelle, d'une consonne, dans certaines conditions morphologiques ». Alternance est plus courant pour « succession d'un parti et d'un autre à la majorité, dans un régime démocratique » (v. 1920), etc.
◆
Le sens actif général, « action d'alterner, de faire alterner », est enregistré en 1863 avec, là aussi, des spécialisations, par exemple en agriculture (v. 1900).
◈
ALTERNATION n. f., emprunt (v. 1380) au dérivé latin
alternatio, signifie « succession de ce qui alterne » et s'applique à un changement d'ordre, en mathématiques (1751). Au
XIXe s., le mot est en général remplacé par
alternance (ci-dessus).
■
De alternatum, supin de alternare, a été tiré (1375), peut-être par emprunt au latin médiéval alternativus (XIIe s.), ALTERNATIF, IVE adj. « qui agit à tour de rôle », spécialisé en droit (déb. XVe s.), puis substantivé au sens de « remplaçant » (1535), sorti d'usage. Le mot s'applique au XVIIIe s. à l'agriculture (1776, culture alternative), à la physique mécanique (XVIIe s., mouvement alternatif).
◆
Au XIXe s. apparaissent des emplois en botanique (1822) et surtout en électricité : courant alternatif (1843), opposé à continu. De ce dernier sens vient alternateur (ci-dessous).
■
Alternatif a produit deux dérivés : ALTERNATIVEMENT adv. (1355) et l'expression synonyme par alternative (1401), qui a donné naissance au nom féminin une ALTERNATIVE n. f. « succession de choses qui alternent », puis au pluriel « phénomènes opposés qui se succèdent » et au singulier (1680) « situation où l'on doit choisir entre deux partis possibles », ainsi que « fait d'alterner des cultures » (1776), là où l'on dirait aujourd'hui alternance ; l'emploi critiqué du mot pour « solution de remplacement » est emprunté au début du XXe s. au mot anglais de même origine.
◈
À côté de
alternance et de
alternation, devenu archaïque, le substantif d'action, tiré du verbe,
ALTERNEMENT n. m. (1860) est resté à peu près inusité.
■
ALTERNAT n. m. (1791) est didactique et rare, en histoire pour « gouvernement, administration par alternance », puis en agriculture pour « action d'alterner les cultures » (1826).
◆
Il a été repris en technique (in Larousse 1960) pour désigner un système de transport par véhicules allant en sens inverse l'un de l'autre (téléphérique, etc.).
◈
De
alternatif en électricité provient
ALTERNATEUR n. m. « générateur de courant alternatif » (1893), aussi adjectif au sens de « qui fait alterner » (
in Académie 1932), emploi rare.
◈
Le latin
alternus a donné par emprunt
ALTERNE adj. (1
re moitié
XVIe s., av. 1555 ; et non v. 1350, date erronée pour le texte où l'on trouve ce mot) « qui se présente l'un après l'autre, tour à tour », appliqué au
XVIIe s. en géométrie (1668,
angles alternes chez Bossuet), d'où
alterne-interne, en botanique (
feuilles alternes, 1694).
◆
Un certain nombre de dérivés et composés savants ont eu cours en sciences naturelles (
alterniflore, alternifolié en botanique, 1838) et en électricité (
alternomoteur n. m., 1928).
❏ voir
SUBALTERNE.
ALTESSE n. f. est pris à l'italien altezza (1560 ; une première fois en 1500, altese), dérivé de alto « haut », du latin altus (→ haut ; altitude) et qui correspond au latin altitia, qui a donné en français hautesse (haltesse, au XIIe s.).
❏
Le mot est emprunté pour « rang élevé, haute dignité » (1532), le sens général d'« élévation morale » (altezza, 1589) ayant rapidement disparu. Il s'applique surtout au titre d'honneur donné aux princes (1560) d'où donner de l'altesse à qqn (pour le flatter) [1676] et, par métonymie, une altesse « un grand personnage » (déb. XVIIIe s.).
◆
Altesse a été appliqué, par dédicace et hommage (Cf. aussi prune d'altesse) à une variété d'œillet (1715) et à un cépage de Savoie (1874).
❏
ALTIER, IÈRE adj. est aussi un italianisme
(altiero) de la même famille. Il a vieilli au sens initial (v. 1500 ; puis 1578) d'« élevé, haut » (un
mont altier), et s'emploie métaphoriquement et littérairement (1578) au sens de « hautain, orgueilleux ».
■
Son dérivé ALTIÈREMENT adv. (1620) est rare.
◈
ALTISSIME adj., emprunt au latin
altissimus, qui a donné en ancien français
altisme, hau(l)tisme (
Xe-
XIVe s.) « très haut, glorieux », puis « noble », s'est dit de Dieu tout-puissant (une fois au
XIIe s. ; puis 1508), subissant au
XVIe s. l'influence de l'italien
altissimo, puis disparaissant.
◆
L'adjectif a été repris littérairement et par plaisanterie dans la seconde moitié du
XIXe siècle.
ALTITUDE n. f. est emprunté (1452) au latin altitudo, de altus, qui signifie à la fois « élevé » (comme excelsius) et « profond », et qui a donné des adjectifs à toutes les langues romanes (haut*, avec un h germanique ; italien alto, etc.) et par emprunt, au celtique. Altus remonte au verbe alere « nourrir » (→ aliment).
❏
Le mot s'emploie d'abord au figuré, pour « élévation morale », puis au concret.
◆
À peu près éliminé par hauteur, il a été repris en géographie (1845) avec une valeur précise (« élévation verticale par rapport au niveau de la mer »), d'où par métonymie le sens d'« endroit élevé par rapport au niveau de la mer » (XXe s.). L'expression en altitude est usuelle, ainsi que station, etc. d'altitude.
❏
Les dérivés
ALTITUDINAL, ALE, AUX adj. (1866) et
ALTITUDINAIRE adj. (1870) sont didactiques et rares.
◈
Du latin
altus viennent plusieurs composés propres à la langue des
XVe-
XVIe s., tels Jupiter
altitonnant (1477), Dieu
altissonant (v. 1482) ou encore
altiloque (1545, Ronsard) « qui a un langage élevé », tous abandonnés au
XVIIe siècle.
■
Par ailleurs, l'usage scientifique a adopté ALTIMÈTRE, d'abord adjectif (1561) « qui mesure la hauteur », d'où ALTIMÉTRIE n. f. (1690) et ALTIMÉTRIQUE adj. (1826).
◆
Altimètre n. m. a été repris (1803) pour désigner un instrument géodésique mesurant les hauteurs sur l'horizon puis (1922) l'altitude où l'on se trouve (sur un avion, etc.), seul sens usuel aujourd'hui.
■
ALTIGRAPHE n. m., « baromètre produisant des courbes d'altitude » (1928), est peu usité.
■
ALTIPORT n. m. (1964), « terrain d'atterrissage en montagne », est en usage ; ce dernier vient de aéroport et altitude ; c'est un « mot-valise ».
■
Altus sert enfin à former des composés scientifiques en alto-, comme ALTOSTRATUS n. m., ALTOCUMULUS n. m. en météorologie, désignant des types de nuages (→ cumuler, strate).
◈
Le même radical latin a produit l'espagnol, emprunté par le français,
ALTIPLANO n. m. pour la région des hauts plateaux andins, en Bolivie (autour de 4 000 m), où
plano est le correspondant espagnol de
plan, plaine. Il est parfois francisé en
ALTIPLAN.
ALTO n. est un mot italien, l'adjectif alto « haut » substantivé, emprunté (1769) en musique. Alto vient du latin altus, qui a donné haut*.
❏
Le mot désigne surtout l'
alto de viole (
alto viola, XVIIe s.), instrument analogue au violon, une quinte plus bas. De même, des clarinettes, saxophones sont dits
alto (1890).
◆
En chant, le mot désigne d'abord (1836, Fétis) la voix d'homme la plus haute
(Cf. contre-ténor), puis la voix de femme dite aussi
contralto.
■
CONTRALTO était déjà (1636) emprunté au composé italien, de contra alto « près de l'alto » (→ contre).
❏
Alto a pour dérivé ALTISTE n. qui se dit d'un chanteur ou d'une chanteuse (1836), puis d'un instrumentiste jouant de l'alto (1877), seule acception en usage aujourd'hui.
ALTRUISME n. m. semble être une création d'Auguste Comte (v. 1830 ; attesté 1852) sur le modèle du mot égoïsme et pour lui servir de pendant ; il est dérivé du radical de autrui* d'après le latin alter ; il a pu être formé par un professeur d'A. Comte à l'École polytechnique, Andrieux.
❏
Le mot désigne la disposition innée de l'être humain à la bienveillance à l'égard des autres membres de sa communauté, et qui coexiste avec l'égoïsme. Sa valeur s'est étendue en morale pour toute conduite et attitude où l'intérêt personnel est subordonné à celui des semblables, sans motivation religieuse.
❏
ALTRUISTE adj., attesté aussi chez Comte (1852), qualifie les sentiments et les actes d'altruisme. Il est aussi substantivé, mais demeure plus didactique qu'altruisme.
?
ALUMINE n. f. a été formé (1782) par le chimiste Guyton de Morveau, collaborateur de Lavoisier, à partir du latin alumen, -inis. Ce mot latin, relativement tardif et d'origine obscure (emprunt ?), a fourni aux langues romanes des noms désignant une substance minérale utilisée en teinture et en pharmacopée (astringent). C'est le cas du français alun (voir ci-dessous).
❏
L'un des sulfates contenus dans l'alun produit un hydroxyde qui fut dénommé
alumine en 1782 par Guyton de Morveau ; le métal correspondant à ce corps, découvert par H. Davy en 1808, a été nommé par lui
aluminium en anglais (1812). Ce néologisme est tiré de
alumine, qui désignait en anglais le minerai naturel d'alun (nommé plus tard
alunite en français, ci-dessous) ; mais
alunière « mine d'alun » était attesté depuis longtemps (voir ci-dessous).
■
Le mot anglais passe rapidement en français sous la forme aluminon (1813), puis ALUMINIUM n. m. (1819). D'abord métal rare, donc précieux, ce qui implique que le mot est alors inconnu dans l'usage commun, l'aluminium devient une matière première industrielle après 1850 : le mot devient usuel vers la fin du siècle. Il est abrégé en ALU n. m. (1947).
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Du radical de aluminium est tiré ALUMINIER, créé en 1981 comme marque déposée, désignant un industriel de l'aluminium et un professionnel du bâtiment spécialiste des éléments en aluminium (fenêtres, etc.).
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Auparavant, a été formé ALUMINERIE n. f., « usine d'aluminium » (1956), d'usage plus courant en français du Québec.
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ALUN n. m. est issu anciennement, sous la forme
alun (1148) ou
alum (fin
XIIe s. en judéo-français), du latin
alumen pour désigner le minéral utilisé en teinture, en mégisserie et en thérapeutique pour ses propriétés toniques et astringentes. Non analysée, la substance est identifiée d'après son apparence et ses effets ; son nom sert à former plusieurs syntagmes et dérivés :
alun de glace (
XVe s. ;
de glache en Flandres, v. 1300),
alun de roche (
XVIe s.) « cristallisé »,
alun de plume (1280) sont sortis d'usage.
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ALUNEUX, EUSE adj. signifie (
XVe s.) « qui contient de l'alun » ; il est concurrencé au
XIXe s. par
ALUNIQUE adj. (1838).
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ALUNER v. tr. signifie (1532) « imprégner d'alun (le papier) », « mettre de l'alun dans (le vin) » (1793), sens disparus, et « tremper (une étoffe teinte) dans une solution d'alun » (1690).
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De là, ALUNAGE n. m. (1762), concurrencé plus tard par aluminage.
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En minéralogie, pierre d'alun a pour équivalent ALUNITE n. f. (1824), qui correspond à l'anglais alumine (ci-dessus, aluminium).
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ALUNOGÈNE n. m. a désigné (1830, Beudant) le sulfate d'aluminium des solfatares.
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Avant les découvertes chimiques de la fin du
XVIIIe s., le latin
alumen, -inis avait donné par emprunt les dérivés français
ALUMINÉ, ÉE adj. (
XVe s.) et
ALUMINEUX, EUSE adj. (
XVe, jusqu'au début du
XIXe s.), « qui contient de l'alun ».
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ALUMINAIRE adj., plus tardif (1838), est un terme de minéralogie.
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ALUMINIÈRE n. f. (1782) est la réfection de alumniere (1566) aussi alunière (1702), « mine d'alun ».
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De
alumine (1782), indépendamment des dérivés anciens de
alumen et de l'anglicisme
aluminium (ci-dessus), sont dérivés
ALUMINEUX, EUSE adj. (1782, Morveau) « qui contient de l'alumine »,
ALUMINÉ, ÉE adj. (1838) et des termes de minéralogie, comme
ALUMINIFÈRE adj. (1814), ou encore de technique, tel
ALUMINER v. tr. (1845), d'où
ALUMINAGE n. m. (1890) qui tend à se substituer à
alunage.
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En chimie moderne, sont formés ALUMINITE n. f. « sel (sulfate) d'alumine », minéral (1812), ALUMINATE n. m. « sel d'alumine » (1838), ALUMINIQUE adj. (id.).
❏ voir
DURALUMIN.
ALVÉOLE n. m. (genre académique) ou f. (critiqué) est emprunté (1519) au latin alveolus, diminutif de alveus qui a donné auge*, et signifie « cuve, récipient de bois, auge », puis « cale de navire », mot probablement apparenté au grec aulos « tuyau ; chalumeau » que l'on rapproche de mots indoeuropéens du nord : lituanien, norvégien, et au latin aluus. Alveolus a donné en ancien français aujoel (v. 1190), employé pour le berceau flottant de Moïse, et les mots régionaux augeon, augelot, désignant des auges.
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Le français alvéole s'est d'abord dit (1541) pour « cavité où est implantée une dent », puis (1690) pour « cellule de cire hexagonale que fait l'abeille ».
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Le sens général de « petite cavité » (1519, alveolle) ne semble s'être répandu qu'au XIXe s., après l'apparition de nombreux sens spéciaux (en botanique, paléontologie, anatomie). Le mot s'est ensuite employé en technique (1872, en armement), en numérologie (v. 1900), etc.
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Le dérivé
ALVÉOLAIRE adj. (1751) procède du premier sens, signifiant « de la cavité d'une dent », et s'emploie notamment en phonétique, en parlant des consonnes produites par la pointe de la langue s'approchant des alvéoles (1933, Marouzeau), et aussi en paléontologie.
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ALVÉOLÉ, ÉE adj., « qui se compose d'alvéoles », apparaît en biologie (1778, Lamarck), comme ALVÉOLITE n. m. nom d'un fossile (1801, Lamarck), aujourd'hui archaïque, reformé au féminin en pathologie (1896).
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Alvéole ou son origine latine servent à former des composés en anatomie et pathologie, comme
ALVÉOLODENTAIRE adj. (1865).
❏ voir
ALVIN.
ALVIN, INE adj. est emprunté (1790) au latin alvinus, dérivé de alvus au sens de « ventre » (→ alvéole).
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Le mot qualifie ce qui est relatif au bas-ventre, à sa fonction excrémentielle (flux alvin, etc.).