BÉGONIA n. m., d'abord begonia (av. 1706), est un mot créé par le botaniste Plumier (1646-1706) en l'honneur de Bégon, intendant général de Saint-Domingue (Haïti) au XVIIe s., avec le suffixe scientifique -ia.
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Le mot, qui désigne une plante ornementale et sa fleur, a donné au XXe s. les locutions familières charrier (cherrer) dans les bégonias « exagérer » et tomber dans les bégonias « s'évanouir », sans que le choix du nom de cette plante soit expliqué.
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BÉGONIACÉES n. f. pl., dérivé au XVIIIe s., est un terme de classification en botanique.
BÈGUE adj. et n., d'abord beggue, becgue (1225) puis bègue (XIIIe s.), est le déverbal de l'ancien français béguer « bégayer » (attesté seulement au XIVe s.), emprunté au néerlandais beggen « bavarder » (→ béguine). Ce verbe s'est répandu au détriment de l'ancien français bauber, de baube « bègue » représentant le latin balbus (→ balbutier) ; puis il a été concurrencé et évincé par bégayer entre le XVIe s. et le XVIIe siècle. Béguer vit encore dans les parlers septentrionaux et, en français, dans ses dérivés bègue et bégueter (ci-dessous).
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Bègue, qui a lui-même éliminé l'ancien français baube (1256), qualifie, en particulier comme surnom, la personne qui bégaie. Au figuré, il se dit de celui qui a des difficultés à s'exprimer.
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BÉGUETER v. intr., fréquentatif de
béguer (av. 1305) signifiant d'abord « bégayer » jusqu'au
XVIe s., a pris le sens de « bêler » en parlant de la chèvre, attesté isolément au
XVIe s. (1556) et repris au
XIXe s. (1845).
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Le verbe reste rare, comme son dérivé BÉGUÈTEMENT n. m. (1866) ou BÉGUETTEMENT.
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Sur
bègue a été formé un nouveau verbe,
BÉGAYER, d'abord
besgoier (1416) puis
bégayer (av. 1465), la finale
-oyer (du latin
-izare, grec
-izein, devenue
-idiare en latin populaire) devenant
-ayer.
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Il signifie « parler avec un défaut de prononciation qui conduit à achopper sur une consonne et à répéter plusieurs fois la syllabe correspondante », d'abord avec une valeur assez vague équivalent souvent à
balbutier.
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Il s'est dit d'un cheval qui secoue la bride en branlant la tête (
XVIe s.), en termes de manège.
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Depuis le
XVIIe s., il s'emploie au figuré pour « être maladroit dans la démarche d'un raisonnement » et aussi « répéter, se répéter ».
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Bégayer a produit les dérivés BÉGAIEMENT n. m., d'abord beguayement (1538) et bégayement (XVIIIe s.), et BÉGAYANT, ANTE, participe présent adjectivé (XVe s.) qui s'emploie aussi au figuré.
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Ultérieurement, ont été formés BÉGAYEUR, EUSE n. et adj. (déb. XIXe s.) et un autre substantif d'action, BÉGAYAGE n. m. (XXe s.), spécialisé en psychologie.
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BÉGUINE n. f. (XIIIe s.) est d'origine controversée. L'hypothèse la plus fondée est celle d'une formation à partir de begart (av. 1236) « membre d'une communauté religieuse qui ne prononçait pas de vœux », emprunt au moyen néerlandais beg(g)aert, bagaert ; ce mot, d'origine incertaine, est peut-être dérivé avec le suffixe -art du moyen néerlandais °beggen, « réciter, psalmodier des prières » (→ bègue), restitué par le flamand beggelen « bavarder à haute voix » : à l'appui de cette hypothèse, on évoque la formation du mot Lollards désignant des pénitents du XIVe s. en Allemagne et aux Pays-Bas et qui est issu du néerlandais lollen (allemand lullen) « chantonner, marmonner ».
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Pour béguine, l'hypothèse d'une formation à partir du surnom de Lambert dit le Bègue, prêtre mort en 1177 et considéré comme le père du béguinage à Liège, se heurte à des difficultés historiques : en effet, ce surnom de li Beges est attesté postérieurement (v. 1259) et a pu être formé d'après béguine ; en outre, un tel surnom pour un prédicateur réputé suppose une intention critique ou une allusion à un défaut corrigé, que rien ne corrobore.
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L'hypothèse d'une formation de béguine à partir de Albigenses « Albigeois », reposant sur le fait que les Albigeois sont en plusieurs textes appelés béguins, est difficile à accepter du point de vue phonétique.
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Le mot, d'abord dans fausse beguine « fausse dévote », sens qui n'est plus attesté avant Richelet (1680), désigne depuis le XIIIe s. (le mot est chez Rutebeuf) une religieuse vivant en communauté selon la règle monastique mais sans avoir prononcé ses vœux. Il désigne surtout une réalité répandue en Belgique et aux Pays-Bas, puis en France, en Allemagne et en Espagne (1250-1300).
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Le dérivé
BÉGUINAGE n. m. est apparu (v. 1220) avec le sens péjoratif de « dévotion minutieuse et affectée » disparu après le
XIIIe s. et repris depuis 1835.
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Il s'est répandu au sens local, lui aussi ancien, de « couvent de béguines » (1277), se disant par métonymie de l'ensemble d'une communauté de béguines.
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1 BÉGUIN n. m., masculin de béguine, désigne un adhérent masculin au mouvement des béguines, d'abord par jeu de mots et avec une nuance péjorative (av. 1236). Il a eu également le sens de « faux dévot » (d'abord en ancien provençal en 1263).
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Il est distinct de 2 BÉGUIN n. m., nom donné à une coiffe que portaient les béguines (1387), étendu par analogie à une coiffe de femme et à un bonnet de très petit enfant.
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De ce nom est dérivé EMBÉGUINER v. tr. (av. 1544) « coiffer (qqn) d'un béguin », sens disparu au profit du figuré, « entêter sottement » (1593) qui a lui aussi vieilli.
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Ce dernier sens explique le mot argotique puis familier de 3 BÉGUIN n. m. (av. 1778, Rousseau) surtout employé dans avoir un (le) béguin pour qqn « être amoureux de », qui correspond à une métaphore usuelle ; Cf. être coiffé de, se toquer de.
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À son tour, béguin a donné BÉGUINEUSE n. f. (1935), appliqué en argot à une prostituée capable de s'amouracher.
❏ voir
BÈGUE.
BÉGUM n. f., d'abord begun (1653) puis begum (1670), est emprunté à l'anglais begun, begum (1634) « princesse », plus particulièrement « femme de souverain en Hindoustan », lui-même pris à l'ourdou (d'origine persane) begam. Ce dernier est l'adaptation du turc oriental bigim, « princesse », féminin de big, bik « prince, souverain », dont la forme osmanlie (occidentale, c'est-à-dire propre à l'actuelle Turquie) a été empruntée par le mot bey*.
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Le mot, nom et titre de princesse en Hindoustan, a été diffusé par le titre du roman de Jules Verne Les Cinq Cents Millions de la Bégum (1879), mais reste rare.
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BEIGE adj. et n., d'abord bege (v. 1220) et baige (1348), est d'origine obscure. L'hypothèse d'un emprunt à l'italien bambagia « coton » (→ basin, par bombasin) suppose la perte de l'initiale bam- ce qui n'est pas invraisemblable dans la mesure où beaucoup d'adjectifs de couleur sont des monosyllabes (blanc, noir, bleu, gris, vert, rouge, jaune), parfois à la suite d'une réduction : ainsi l'italien bigio, « gris beige », est issu du latin bombyceus.
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L'hypothèse selon laquelle beige serait issu du latin baeticus « de la Bétique, province du sud de l'Espagne » est recevable sémantiquement, mais fait difficulté du point de vue phonétique ; de plus elle paraît difficilement conciliable avec l'aire géographique du mot, surtout attesté en Bourgogne et en Franche-Comté.
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P. Guiraud, en s'appuyant sur l'idée de « métissage » réalisée par beige dans les dialectes (bege, « brun roux » Poitou ; « fauve », Centre ; boge, « étoffe de fil et de laine », Vosges), pose un dérivé de bijugus « doublé », dérivé de bigus « double ».
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Le mot qualifie et désigne (un, le beige) ce qui est de la couleur de la laine naturelle, gris jaunâtre.
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Il a été substantivé au féminin (une beige) pour désigner une étoffe de couleur naturelle d'abord au XIVe s. et à nouveau au XVIIIe s. (1762).
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De beige est dérivé BEIGEASSE adj. (v. 1950) et la variante BEIGEÂTRE adj. avec un autre suffixe diminutif « d'un beige terne ».
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BEIGNE n. f., d'abord bigne (fin XVe s.) et *buigne noté buyne (1378), mais antérieur si beignet en est dérivé, est d'origine incertaine, probablement préromane ; il remonterait à une base °bu(n)nia « souche d'arbre », dérivé collectif d'un celtique °buno qui se déduit du cymrique bon et du gaélique bun. Le provençal bougno « souche », l'italien septentrional bugna « bosse » et le catalan bony, de même sens, se rattachent aussi à °bun(n)ia.
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L'hypothèse d'un francique °bungjan, qui a été proposée, ne rendrait pas compte de l'extension géographique du terme en français. Si les formes en -et sont dérivées, une variante bigne doit être ancienne (XIVe s.) et buigne encore plus.
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La valeur initiale du mot, sous diverses formes, begne, bingne, bigne, bugne, avec des dérivés, est celle qu'a pris le diminutif beignet dès le XIIIe s. (ci-dessous). Les valeurs figurées apparaissent au début du XVIIe s. sous la forme beigne, le mot a commencé par désigner une bosse à la tête, sens considéré comme vieux au XVIIIe s. (1771). En 1807, un dictionnaire d'expressions vicieuses relève la forme dialectale beugne en Lorraine avec le sens de « bosse » et, par métonymie, « coup provoquant cette enflure ». Ce sens, également attesté dans le parler vendômois et dans l'argot parisien où beigne signifie « coup, gifle », s'est répandu au XXe siècle.
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Malgré l'attestation plus tardive de beigne, il semblerait que BEIGNET n. m. en soit dérivé (buignet, XIIIe s. ; bignet, 1314) par analogie de forme, le beignet se présentant comme une bosse de pâte frite. Cette hypothèse est corroborée par l'existence des termes simples du franco-provençal, le lyonnais bugni, BUGNE n. f., passé en français pour une spécialité culinaire de Lyon, le suisse romand beugne (1757). La forme buignet a disparu à la fin du XVIe s., et bigner est attesté jusqu'au XVIIIe s., supplanté comme bignet par beignet (1605).
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Le sens de BEIGNET est celui de « pâte frite enveloppant une substance alimentaire ».
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Le sens de « coup » correspondant à beigne, attesté en 1640 et qui semble repris au XXe s., s'est alors développé d'après beigne. Si beigne est resté usuel pour « coup » dans la langue familière (donner, recevoir des beignes), beignet est plus occasionnel et stylistique pour « coup ». Par métonymie l'expression claquer le beignet « gifler », confère au mot le sens de « tête (à claques) ». L'histoire du mot s'enrichit si on tient compte des emplois de beigne en français du Canada, où il est attesté au milieu du XVIIIe s. à propos de la pâtisserie généralement en forme d'anneau, d'où des emplois analogiques pour des objets en forme d'anneau, et l'expression trou de beigne « pâtisserie faite avec la boule de pâte centrale des beignes », et « phénomène urbain de développement en cercles concentriques avec abandon de la résidence au centre » (évolution typique en Amérique du Nord).
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Un sens figuré québécois, commun à beigne (1906) et à beignet (1865, peut-être par attraction de benêt) est « imbécile, naïf et sot », avec des emplois adjectifs (être, avoir l'air beignet, beigne). La locution passer les beignets à qqn, métaphore du sens concret, rejoint la valeur de « coup » par son sens global « battre » et « réprimander, engueuler ».
BÉKÉ n., mot du créole martiniquais, qui doit dater de la période de l'esclavage, a désigné d'abord un planteur blanc, aux Antilles françaises, puis par extension, un ou une créole établi(e) depuis longtemps dans les îles. On dit aussi blanc créole. Le mot suggère une présence familiale ancienne et une certaine prospérité.
BÉLEMNITE n. f., attesté depuis 1751 (Encyclopédie) et non pas (selon T. L. F.) depuis 1562, est composé savamment avec le suffixe -ite sur le radical du grec belemnon « trait, javeline », en raison de la forme acérée de l'extrémité de cette pierre. Belemnon (qui désigne aussi la hache et se dit de la grêle) est dérivé de belos, « arme de jet, trait », lui-même de ballein « lancer » qui, par le latin, a donné bal.
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Ce terme de paléontologie désigne le fossile d'un mollusque ayant la forme d'un fer de lance et que l'on trouve dans les terrains du secondaire ; on l'appelle aussi pierre de foudre, pierre de tonnerre.
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En dérivent BÉLEMNITIQUE adj. « qui a trait aux bélemnites » et BÉLEMNITOLOGIE n. f. « étude des bélemnites », tous deux attestés en 1838.
L
BÊLER v. intr., d'abord écrit beler (v. 1155), puis beeler (XIIIe s.), est issu du bas latin belare, variante du latin balare (d'où l'ancien français baler, fin XIIIe s.) : « pousser son cri », en parlant d'un ovin, et au figuré « dire des absurdités ». Le mot latin est une formation expressive dans laquelle on retrouve les consonnes b-l du grec blêkhaomai, du vieux slave blějati, de l'ancien haut allemand blazan (moyen haut allemand blecken) et du latin blaterare (→ blatérer) ; le -l- est fréquent dans des verbes qui indiquent un bruit. Le type beeler, d'où bêler, est une altération onomatopéique ; l'ancien infinitif beller (1174-1200) a été refait d'après l'indicatif tiré de la troisième personne du présent latin balat.
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Le verbe s'applique au mouton, à la brebis, à l'agneau et, par extension, à la chèvre qui crient.
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Dès le XIIIe s., il est employé familièrement au sens figuré de « se plaindre sur un ton niais », également en emploi transitif, sur le modèle de dire.
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BÊLEMENT n. m. (1539) a les mêmes valeurs.
BELETTE n. f. est dérivé (1267-1268) de bel (→ beau), avec le suffixe -ette, et signifie littéralement « belle petite (bête) » par une antiphrase propitiatoire pour détourner les méfaits de ce petit mammifère carnassier. Le même type de dénomination superstitieuse se retrouve dans le danois den kjoenne « la belle », le vieil anglais fairy « jolie », l'espagnol comadreja, le basque andereder « belle dame », le bavarois Schöntierlein, l'italien de Lucques bellola, de °bellula qui remonte à l'époque latine et dérive de bellus « beau ».
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Belette a supplanté l'ancien français mostoile, mustele (v. 1119), du latin mustela, qui vit encore dans le nom de poisson mustelle et le terme de classification zoologique mustélidés*, ainsi que dans les dialectes de l'Est, du Nord-Est et de nombreux patois méridionaux.
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Le mot désigne un petit mammifère carnassier.
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BELETTER v. intr. « faire le beau, la belle (d'une personne) » est une
formation plaisante récente (1978) issue du croisement entre belette et
l'adjectif beau, belle.
BELGE adj. et n. est dérivé (1528) du latin Belga, Belgae, peuple celtique dont parle Jules César. Belga « Belge » viendrait hypothétiquement du gaulois °volca « rapide, actif » ou d'une racine indoeuropéenne °bhel-, °bhelgh- « enfler, gonfler », par allusion au caractère batailleur des anciens Belgae (« enflés de colère »).
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Le mot est un substantif ethnique désignant les membres des tribus celtiques vivant à l'époque gallo-romaine dans une région située entre la Seine et le Rhin, divisée en Belgique première et Belgique seconde, puis les descendants de ce peuple.
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Le mot, également adjectivé (1823), a suivi l'histoire de la Belgique jusqu'à sa constitution en État indépendant (1830), supplantant alors officiellement l'ancien adjectif BELGIQUE (1583, belgic), emprunt savant au latin de la Renaissance belgicus, appliqué aux Pays-Bas du Sud, et continuation du latin classique belgicus. Voir aussi l'encadré « Le Français de Belgique ».
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Parmi les syntagmes figés, histoire belge se dit en France (1969) d'une histoire cocasse, à la fois comique et bizarre.
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BELGICISME n. m. est dérivé (1811) de
Belgique en correspondance avec des termes de linguistique comme
anglicisme, gallicisme. Il désigne un mot ou un tour que prend le français commun parlé en Belgique (Wallonie). Il est quelquefois concurrencé par la forme
BELGISME (1907), beaucoup plus rare.
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BELGITUDE n. f. (1984) reflète la conscience de l'identité belge, concept apparu vers 1970.
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BELGICAIN, AINE n. et adj. s'est appliqué en français d'Afrique coloniale aux Belges de Belgique (par opposition aux Belges vivant en Afrique), et, en français de Belgique, aux citoyens belges qui, ayant vécu dans la colonie, revenaient s'établir dans la métropole.
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En politique, le mot s'est employé en Belgique à propos des partisans de la Belgique unitaire.
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L'élément de composition
BELGO- a fourni le composé
BELGO-LUXEMBOURGEOIS, OISE, notamment à propos de l'union économique des deux pays, en 1922 (noyau du Benelux).
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BÉLIER n. m. est issu avec changement de suffixe (1412) de l'ancien français belin (v. 1178), employé également comme nom propre du mouton, déjà en latin médiéval sous la forme belinus. Belin est aussi un patronyme courant. On a supposé que le mot était emprunté, avec adaptation de la terminaison, au néerlandais belhamel « mouton conducteur du troupeau », littéralement « mouton à sonnaille », de bel « cloche » (correspondant à l'anglais bell) et hamel « mouton », mais belhamel est attesté très tard (1599), le répondant anglais de formation analogue, belwether, l'étant cependant en 1284.
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On peut plutôt penser à un emprunt avec suffixation en -in au moyen néerlandais belle « cloche » avec un développement de sens métonymique, de la cloche à l'animal, localisé en Picardie, milieu où est né le Roman de Renart et où la civilisation néerlandaise était dans un contact étroit avec celle de la France. Cependant le moyen néerlandais n'a pas été emprunté par le français au sens de « cloche ». La même objection peut être formulée à l'encontre de l'hypothèse d'une dérivation sur le moyen néerlandais bel, pris au sens de « testicules », à rapprocher du néerlandais bal « balle, boule » dont les correspondants en diverses langues (notamment l'anglais ball) ont connu le même sens dérivé.
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L'hypothèse d'une dérivation de l'ancien français beler (→ bêler) offre moins de vraisemblance encore.
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Quoi qu'il en soit, bélier, s'est imposé, belin restant vivant dans les dialectes à l'Est et à l'Ouest ; le latin aries, qui avait abouti à l'ancien français aroy, se maintient dans des dialectes occitans (ancien provençal aret) ; par ailleurs, un autre type est d'origine gauloise, représenté par l'italien montone et le français mouton*, qui a pris un autre sens.
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Le mot, d'abord attesté comme nom de personne, désigne en tant que nom commun le mâle de la brebis.
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Par une figure habituelle aux noms d'animaux domestiques (Cf. poutre), il désigne une poutre de bois, d'ailleurs armée à son extrémité d'une tête de bélier en airain, et employée pour renverser les murailles des places assiégées (1531) ; de ce sens appliqué à l'Antiquité et au moyen âge provient un emploi métaphorique pour tout élément de force capable de renverser une situation, un obstacle matériel ou, par extension, moral (av. 1821, J. de Maistre) ; cet emploi a disparu. Par analogie d'utilisation avec la machine de guerre, bélier désigne une pièce servant à enfoncer les pieux (1660) et bélier hydraulique (1797-1798), une machine servant à élever l'eau, inventée par les frères Montgolfier et Argant.
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Par allusion aux cornes, emblème de l'époux bafoué, le mot s'est employé pour « mari trompé » (1587), sens disparu.
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Le Bélier désigne aussi une constellation zodiacale figurée par un bélier (1680) et le signe du zodiaque qui y correspond ; d'où être bélier « né sous ce signe ».
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L'ancien français
belin survit dans le dérivé
BÉLINER v. intr., attesté en 1534 (Rabelais) au sens figuré de « s'accoupler » pour des humains ; le sens propre de « s'accoupler », pour le bélier et la brebis, n'est vivant que dans les dialectes.
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Le dérivé BÉLINAGE n. m., lui aussi chez Rabelais (1546, belinaige) avec un sens figuré, existe dans les dialectes.
❏ voir
BÉLIÈRE.
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BÉLIÈRE n. f., d'abord attesté sous la forme picarde berliere (1402) puis bellière (1415), est d'origine incertaine. Il semble, au vu de l'attestation d'une forme belleria (1282) recueillie par Du Cange, avoir d'abord été formé en latin médiéval ecclésiastique, puis passé en français. Belleria ne semble pas dérivé d'un type °belle « cloche », emprunté au moyen néerlandais (→ bélier), mais directement repris au moyen néerlandais belle avec le suffixe -aria. Le recours à l'étymon francique correspondant °bella ne paraît pas opportun, étant donné l'apparition relativement tardive du français. Le -r- de la forme berliere reste inexpliqué.
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Le mot, écrit bélière à l'époque classique (1701), désigne l'anneau auquel est suspendu le battant de la cloche et, par extension, l'anneau de suspension d'un objet d'église, d'une montre, d'une boucle d'oreille (1409-1410).
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Le sens technique de « sonnette du bélier qui conduit le troupeau » (1845) s'est fait par assimilation au féminin de bélier.
BÉLINOGRAPHE n. m., attesté depuis 1952 mais antérieur, peut-être dès 1907, est dérivé, à l'aide de l'élément -graphe*, du nom de Édouard Belin (1876-1963), inventeur d'un procédé permettant de transmettre par voie télégraphique des textes, photographies et dessins.
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Le mot désigne l'appareil inventé par l'ingénieur Belin ; il est également abrégé familièrement en BÉLINO n. m. (1953).
❏
En est dérivé
BÉLINOGRAPHIQUE adj. (1929).
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BÉLINOGRAMME n. m. (1928), formé sur Belin avec l'élément -gramme*, désigne le cliché, le dessin transmis par le bélinographe.
BÉLÎTRE n. m., attesté au XVe s., et une première fois sous la forme belleudre (1408), est emprunté avec métathèse des consonnes au moyen néerlandais bedelare ou au moyen bas allemand bedeler « mendiant, gueux », substantif correspondant au substantif allemand Bettler. Le type actuel en -ître, belistre (1460), bélitre (v. 1450), bellitre (1493), blitre (1506), est mal éclairci : le moyen haut allemand betelaere « mendiant », du groupe de l'allemand Bettler, ne rend pas compte de la finale française.
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L'étymon grec proposé blituri « son dépourvu de sens », d'origine onomatopéique, par l'intermédiaire du latin médiéval blityri, blictri (de Boèce à Albert le Grand) supposerait un emprunt en milieu d'école, ce qui n'est pas reflété par les premières attestations françaises ; en outre, il obligerait à dissocier complètement belleudre.
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P. Guiraud fait de bélître une forme de balestre, balistre « arbalète » et « arbalétrier » (du latin ballista, → baliste) ; le bélître serait un arbalétrier démobilisé, réduit à la mendicité. Ce développement est hypothétique, mais il a un écho dans l'argotique arquin « archer réduit à mendier ».
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Le mot a désigné un mendiant, un gueux. Très péjoratif au XVIIe s. (« gros gueux qui mandie par faineantise, & qui pourroit bien gagner sa vie », Furetière), il s'employait au figuré comme terme d'injure, souvent associé à faquin. De même que ce dernier, il évoque encore le XVIIe siècle.
BELLADONE n. f. est la francisation de belladonna (1602), emprunt à l'italien belladonna, attesté en botanique chez Mattioli (1500-1577) et peut-être de même origine que le latin médiéval bladonna (VIIIe-XIe s.), adapté en moyen français sous la forme bladone (XVe s.). Belladonna serait peut-être l'adaptation d'un mot gaulois venant des dialectes alpins qui maintiennent le groupe -bl-, et passé dans les dialectes du Nord qui l'évitent et ont créé la forme °beladona ; celle-ci a été adaptée en belladonna « belle dame » (de bella, féminin de bello, correspondant à beau*, et donna, correspondant à dame*) peut-être en raison du fard que les Italiens en tiraient.
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Le mot désigne une espèce de plante de la famille des solanées, aussi appelée belle dame, dont toutes les parties contiennent un poison violent. Par métonymie, il désigne le suc extrait des feuilles de cette plante et le poison qu'il contient.
❏
En sont dérivés BELLADONÉ, ÉE adj. (1872) et BELLADONINE n. f. (XXe s.), terme de chimie désignant l'alcaloïde contenu dans la belladone.
BELLE n. f. → BEAU, BELLE