? BRÉHAIGNE adj., d'abord baraine (v. 1119) puis, par une métathèse inexpliquée, brahaigne (v. 1160) et brehaigne (déb. XIIIe s.), est d'origine obscure. L'existence de nombreuses formes romanes, qui semblent apparentées à l'idée d'infertilité, laisse supposer un radical pré-roman au sens de « stérile, infertile ». Faute de documents, on peut seulement postuler un radical bar-, la finale -aigne représentant probablement le suffixe latin -aneu (montanea > montagne) ; l'h n'aurait qu'une valeur de séparation entre voyelles. L'hypothèse d'une origine germanique semble en contradiction avec la répartition géographique des termes. Une origine latine d'après vorago, -inis, « tournant d'eau, gouffre, tourbillon », fait difficulté du point de vue phonétique et sémantique. P. Guiraud postule un composé du préfixe bar- (qu'il voit dans baratin, berlue, berlingot, barque, baril, bariolé, etc.), pris dans son acception péjorative la plus large, et de la forme -haigne, représentée dans l'ancien français meshaing, meshaingne « mutiler », d'un verbe dialectal haigner « mordre, déchirer en mordant » ; de l'idée de « mutiler », on serait passé ici à « retrancher un membre », « châtrer » (du mâle et de la femelle). Cette hypothèse cadre mal avec l'histoire des sens.
❏  Le mot, d'abord appliqué à une terre stérile, a qualifié dès l'ancien français une femme stérile jusqu'à ce qu'il soit jugé « injurieux » (1680) et qu'il devienne archaïque. Il s'emploie encore à propos de la femelle de certains animaux (jument, biche).
BRELAN n. m., d'abord brelenc (v. 1165), est emprunté à l'ancien haut allemand °bretling « petite planche » (Brettling « table » est un mot argotique allemand), diminutif de l'ancien haut allemand bret « planche » et aussi « table de jeu ». Ce mot, qui correspond à l'anglo-saxon bred, vient de °bretóm, doublet de °bordom auquel remonte l'étymon de borde (→ bordel). L'italien berlengo, qui a donné berlingot*, est emprunté à l'ancien français de même que l'espagnol berlinga « jeu de hasard ». Le XVIe et le XVIIe s. ont employé une forme berlan (1500, berlant) issue de brelan par métathèse.
❏  Le sens d'emprunt, « petite table de jeu », est sorti d'usage au XVe siècle. ◆  L'évolution du mot consiste en métonymies : « lieu où l'on joue, maison de jeu » (1309, beelenghe en ancien flamand), sens disparu ; puis « jeu de hasard » (v. 1500) et spécialement « jeu de cartes dans lequel on distribue trois cartes à chaque joueur » (av. 1615). ◆  Ce dernier a donné le sens moderne de « réunion de trois cartes semblables dans la main d'un joueur » (1690), usuel dans plusieurs jeux (notamment au XXe s. au poker).
❏  Les dérivés BRÉLANDIER, IÈRE n. (1386, bellandier), « personne aimant jouer aux cartes », et BRELANDER v. intr. (1481) « jouer aux cartes », « fréquenter les brelans », tous deux péjoratifs, sont sortis d'usage.
❏ voir BERLINGOT.
2 BRÊLE n. f., apparu en 1912 dans l'argot des soldats français en Algérie, est un emprunt à l'arabe maghrébin bghel (gh notant une gutturale), de l'arabe classique baghl. L'existence du dérivé du verbe breller, brêler a conduit à confondre les deux mots (→ brêler).
❏  Ce mot d'argot militaire s'est d'abord appliqué au mulet. Il a pris, d'abord dans l'armée, puis dans l'usage familier, la valeur d'« imbécile, idiot » (parfois alors au masculin). Au XXIe s., d'après l'emploi initial, les motards l'utilisent pour désigner leur machine.
BRÊLER, BRELLER v. tr., enregistré seulement en 1863 par Littré mais indirectement attesté par son dérivé embraeler, de sens analogue, dès 1309, est le dérivé de l'ancien français brael « ceinture » (v. 1120). C'est un dérivé de braie*.
❏  Le verbe exprime le fait d'assembler avec des cordes les madriers aux poutrelles ou les poutrelles aux bateaux. ◆  Par extension, la technique militaire lui donne le sens de « se sangler, attacher ses ceintures » (1919) et de « harnacher ».
❏  1 BRELLE ou 1 BRÊLE n. f., quoique bien antérieur au verbe (1700), est nécessairement dérivé de breller par son sens de « petit train de bois flotté » : il confirmerait donc l'ancienneté de breller, en tout cas dans les dialectes.
■  BRÉLAGE n. m. (dans Littré, 1863) désigne l'assemblage de bois flotté, et aussi la sangle servant à porter du matériel, dans l'armée.
2 BRELLES n. f. pl. s'emploie en français de Belgique pour « ciboulette » (une omelette aux brelles).
? BRELOQUE n. f. est attesté depuis le milieu du XVe s. sous différentes formes : les plus anciennes, oberlique, berluque (1496), brelique (XVIe s.) et breluque (déb. XVIIe s.), sont peut-être des formes régressives dérivées d'emberlucoquer, ancien verbe à l'origine d'emberlificoter*. La variante byreliquoquille (employée dans une fatrasie), qui joue en outre sur coquille « chose de peu de valeur », vient appuyer cette hypothèse. La forme breloque (1680, dans l'expression adverbiale brelique-breloque) est une variante due probabement à l'influence de loque*. Une racine, à variante barl-, brel-, serait une extension de bar-, ber- exprimant un mouvement de va-et-vient.
❏  Le mot, souvent employé au pluriel, désigne un petit bijou, un colifichet que l'on attache à une chaîne ou à un bracelet, et, par extension, un petit objet sans valeur (1694). ◆  Par analogie avec le mouvement de balancement, de va-et-vient et avec le bruit, le mot a désigné une batterie de tambour qui appelait les soldats à une distribution de vivres ou faisait rompre les rangs (attesté 1808). ◆  C'est de ce sens que vient la locution figurée battre la breloque « mal fonctionner » (1791), puis « être dérangé, un peu fou » (1813).
■  La dénomination populaire ancienne de la pendule (1836), puis de la montre, vient du mouvement du balancier.
❏ voir PIROUETTE.
BRELOT, OTE adj. et n., avec pour variantes BERLOT, OTE ou BERLAUD, AUDE, vient, comme le verbe berlauder, d'un radical berl- ou brel-.
❏  Ces mots régionaux signifient, comme bredin, « imbécile, simple d'esprit » et sont attestés en français au milieu du XIXe siècle. En Bourbonnais, on emploie aussi le dérivé bredignot (selon René Fallet, La Soupe aux choux).
G BRÈME n. f., d'abord braisme (XIIe s.), puis bresmes (av. 1250), est issu d'un francique °brahsima, que l'on déduit de l'ancien haut allemand brahsa, brahsia, brahsema, brahsima, allemand Brachsen. Le son noté ch- en allemand s'est maintenu dans le suisse brachsme et le souabe brachse, mais non dans d'autres langues germaniques, comme le néerlandais brasem, le danois brasen. Tous ces mots désignent un poisson brillant ; ils viennent d'un germanique °brehwan « briller » qui se rattache à la racine indoeuropéenne °bherek- (également représentée en allemand dans le nom du bouleau, Birke). L'anglais bream est repris (v. 1386) au français.
❏  Le mot désigne un poisson d'eau douce au corps large et plus plat que la carpe. Brème de mer désigne des poissons de mer au corps comprimé, comparés à la brème.
❏  BRÉMETTE n. f., d'abord brêmotte (1867) puis brémette, désigne une brème de petite taille vivant dans les eaux tranquilles.
? BRÊME n. f., mot argotique d'origine obscure, attesté (1821) avant l'argot italien bremma « carte à jouer » et « billet de banque », a été rapporté par certains étymologistes à brème : cette hypothèse est peu vraisemblable, la forme (brême, bremma) et le sens ne s'accordant pas (la brème n'est pas un poisson « plat », mais au corps un peu comprimé).
❏  Le mot désigne une carte à jouer, surtout au pluriel, et, par analogie (1846), la « carte » des prostituées.
BREN → BRAN
L BRETÈCHE n. f. est issu (1155) du latin médiéval brittisca « britannique ». Ce mot est attesté dans une glose de 876-877 pour « construction surélevée », puis (906) au sens de « parapet, élément de fortification ». On suppose pour cette seule raison que ce type de fortification a été importé de Grande-Bretagne et que brittisca est issu de britto « Breton » (IXe s.) [→ bredouiller, bretteur].
❏  Ce terme de fortification désignait une construction en encorbellement garnie de créneaux, parfois de mâchicoulis, propre à l'architecture médiévale. Le mot est sorti d'usage, sauf en histoire, mais subsiste dans des noms de lieux, tel Saint-Nom-la-Bretèche.
❏  BRETÉCHÉ, ÉE ou BRETESSÉ, ÉE adj. (1690) est le participe passé adjectivé du verbe ancien français breteschier « garnir de bretèches, créneler » (1382, bretesquier en picard).
■  Le mot, devenu archaïque, est enregistré par Furetière (1690) comme un terme d'héraldique qualifiant ce qui est garni de bretèches (d'où, aussi, CONTRE-BRETÉCHÉ, ÉE). Il est également employé par les historiens de l'architecture médiévale.
BRETELLE n. f. est emprunté (fin XIIIe s.), avec déplacement d'accent sur la seconde syllabe, à l'ancien haut allemand brittil « rêne, bride », probablement par la forme du pluriel brittila. L'ancien haut allemand correspond au moyen haut allemand brîdel que le français a emprunté sous la forme bride* ; il a des correspondants dans les autres langues germaniques ; Cf. anglais bridle. Ces mots sont formés avec un suffixe indiquant l'instrument, à partir de la racine germanique °bregd-an, extension de °breg-, qui exprime l'idée de « tirer rapidement, de-ci, de-là ».
❏  Le mot désigne une bande de cuir ou de tissu pour porter ou soutenir qqch. ; cet emploi est toujours en usage. ◆  Par spécialisation, il est passé dans le vocabulaire de l'habillement (surtout au pluriel bretelles) à propos des bandes de tissu ou de ruban qui retiennent certains vêtements ou sous-vêtements (1718). Il désigne aujourd'hui, soit des parties cousues au vêtement (robe à bretelles, les bretelles d'une salopette), soit une pièce d'habillement masculin destinée à retenir le pantalon. C'est dans ce sens qu'il est le plus courant, donnant lieu récemment à la locution figurée se faire remonter les bretelles « malmener » (v. 1985), métaphore sur « secouer, réprimander ». ◆  Par analogie de forme, bretelle désigne une communication entre deux voix, d'abord en chemins de fer (1894) et, par extension, à propos d'une route.
BRETON, ONNE adj. et n. est un emprunt ancien (1080, Bretuns) au latin Britto, -onis « Celte de (Grande) Bretagne », à côté de la forme populaire °brittus (→ bretteur). Comme Britannia, le mot est peut-être d'origine celtique (racine pryd « peinture, image »). L'équivalent breton est brezoneg.
Le mot, comme nom, désigne d'abord les Celtes insulaires, notamment les Gallois, puis, comme en latin médiéval Britonnes (IXe s.), les habitants de l'Armorique celte, venus des îles. En histoire littéraire, l'expression roman breton s'applique aux légendes du cycle d'Arthur et à ses prolongements, dans des œuvres en anglais et en français. On dit aussi « la matière de Bretagne ». ◆  Le nom de la langue apparaît chez Marie de France (bretans, 1160-70), parfois dit bas breton (1732, Trévoux), par calque du celte (bas = occidental). Voir l'encadré.
Le dér. BRETONNANT, ANTE adj. et n., apparaît au XIIIe s. (av. 1285, Adenet) et s'applique aux habitants de Bretagne (Armorique) de langue et culture celtes.
■  BRITANNIQUE adj. et n. est emprunté (1512) au latin britannicus, de Britannia, de même origine que breton (correspondants anglais : Britain, british). Le mot, qui a signifié « relatif à la (Grande) Bretagne », à propos des Celtes des îles, correspond aujourd'hui à l'ensemble des îles constituant le Royaume-Uni. En français, britannique est parfois confondu avec anglais, à tort.
❏ voir BRETÈCHE, BRETTEUR.
⇒ encadré : Le breton
BRETTEUR, EUSE n. et adj. est dérivé (1653) de BRETTE n. f. (XVIe s.), nom d'une ancienne épée longue et étroite, issu par ellipse de espee (ou lame) brette. Brette est le féminin de l'ancien français bret adj. « breton », issu d'un latin populaire °brittus, tiré du latin classique britto, -onis de même sens (appliqué aux « Bretons » des îles [Grande-Bretagne] ou d'Armorique). La dénomination de cette épée demeure obscure.
❏  Le mot désigne encore, par référence à un contexte ancien, celui qui se bat souvent à l'épée, qui aime ferrailler. Par extension, il s'est employé en parlant de gens « qui ne vivent que des violences qu'ils font en des lieux de débauche » (Furetière, 1690).
❏  BRETTER v. (1611, au participe passé adjectivé bretté) pourrait être dérivé de brette, par allusion à la lame dentée de l'épée. Le verbe signifie « rayer, strier avec un outil dentelé » (en architecture, orfèvrerie).
■  Il a produit BRETTURE n. f. (1611), sorti d'usage comme nom d'un instrument utilisé par les tailleurs de pierre, puis pour nommer le travail accompli pour dégrossir un ouvrage de sculpture à l'aide d'un outil dentelé, bretture désignant l'ensemble des dents de cet outil.
■  BRETELER v. tr. (1690) semble dérivé de bretter, au sens technique.
❏ voir BREDOUILLER, BRETÈCHE.
BRETZEL n. m., lorsqu'il apparaît en 1492 sous la forme brechale, à Neufchâtel, est emprunté au moyen haut allemand brêzel, prêzel par l'intermédiaire des dialectes des pays frontières, notamment l'alémanique. Brêzel vient de l'ancien haut allemand brezitella, prizitella « pâtisserie en forme de bras entrelacés », emprunt à un latin populaire °brachitella, diminutif de °brachita, dérivé de brachium (→ bras). Il est possible que le latin ait été véhiculé en allemand par les dialectes d'Italie du Nord (Bologne, brazadèla ; 1250, braçadella) qui remontent à la variante °brachiatella. → bricelet. Le moyen français brechale est encore attesté en Suisse romande sous diverses formes et en dialecte romand de Moselle (brètsèle, brestel). Le type brèchtel (Delémont) est à rattacher à l'alsacien bretstell (1395). ◆  En français de France, la forme moderne bretzel a été empruntée ultérieurement (1893) à l'allemand Brezel, ces pâtisseries salées ayant été introduites dans les brasseries françaises pour accompagner la bière.
❏  Le mot désigne une pâtisserie légère en forme de bras entrelacés, saupoudrée de sel et, en Alsace, de cumin.
BREUVAGE → BOIRE
BREVET et dérivés → BREF
BRÉVIAIRE n. m. est emprunté (1230) au latin breviarium, neutre substantivé de l'adjectif breviarius « abrégé », dérivé de brevis (→ bref). Breviarium, employé depuis Sénèque à propos d'un abrégé, d'un écrit sommaire, s'est spécialisé à basse époque et en latin médiéval comme terme juridique et liturgique à propos d'un recueil de prescriptions.
❏  Le mot a été repris en français avec sa spécialisation liturgique de « livre contenant l'ensemble des prières par lesquelles l'Église loue Dieu chaque jour à certaines heures » (lire son bréviaire, etc.). Cet emploi l'a détaché de bref. ◆  Bréviaire s'est répandu avec le sens figuré d'« ouvrage, auteur servant de modèle » (1580) ; Cf. bible.
❏ voir BRIMBORION.
BRIBE n. f. appartient (v. 1290), comme le verbe moyen français briber, brimber, à une famille de mots onomatopéiques désignant de petites choses de peu de valeur. Briber, qui signifie « mendier », d'après l'idée de « quêter un morceau de pain », est à l'origine de l'anglais to bribe, attesté depuis le XIVe s. au sens de « voler, dérober » et « corrompre, soudoyer » (XVIe s.) ; bribe a été lui aussi emprunté par l'anglais bribe « morceau de pain que l'on donne à un mendiant » (XVe s.) puis « chose extorquée par la menace » d'où, familièrement, « pot-de-vin », et, avec métathèse, par l'italien birba « malice, fraude » (XVe s.) qui a ensuite pris le sens de « gueux, vaurien ». Il en va de même pour l'espagnol brib(i)a « vie du mendiant ou du voyou » (1599), auquel répond le verbe bribar « mendier » ; ces valeurs ont disparu en français.
❏  Le mot français a désigné un morceau de pain, un reste de nourriture distribué aux mendiants. Par extension, il a pris son sens actuel de « petite quantité (d'aliments) » et, au pluriel, de « restes insignifiants ». ◆  Il a développé un sens figuré analogue à celui de miette, souvent par allusion à un savoir rudimentaire.
❏ voir BRIMBALER, BRIMBORION.