CÉLESTIN, INE n. m. et adj. d'abord attesté en latin médiéval ecclésiastique (av. 1434, caelestinus) puis en français (1547, mais probablement antérieur), est tiré du nom propre de Célestin que prit le fondateur de cet ordre monastique lorsqu'il fut élu pape, sous le nom de Célestin V, en 1294. Célestin est issu de Céleste, autre nom de saint, du latin caelestius « qui appartient au ciel » (→ céleste).
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Le mot désigne le moine d'un ancien ordre religieux rattaché à l'ordre de saint Benoît, autorisé en 1263 par le pape Urbain IV, officiellement approuvé en 1274 par Grégoire X puis en 1294 par Célestin V. Cet ordre se développa principalement en Italie où il se maintint jusqu'à l'occupation napoléonienne (1807-1810) ; il fut introduit en France sous Philippe le Bel dès 1300, établissant ses premiers prieurés dans les forêts d'Orléans, Compiègne et son premier monastère à Paris en 1352. Déjà amoindri au XVIIe s. et au XVIIIe s., il fut définitivement ruiné sous la Révolution.
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L'adjectif que l'on tiré de célestin (1547) est entré dans la locution à la célestine, spécialement employé en gastronomie au XIXe s. (1853, omelette à la célestine).
CÉLIBAT n. m. est emprunté (1549) au latin caelibatus de même sens (depuis Sénèque), dérivé de l'adjectif caelebs « célibataire » en parlant des hommes, des animaux, des plantes et, par métonymie, des choses. Ce mot a une physionomie de type populaire à diphtongue en a ; on a tenté de le rapprocher du sanskrit kévalaḥ « particulier à, seul, entier » et du vieux slave cěglŭ « seul », sans parvenir à expliquer ses relations.
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Le mot, d'abord employé dans un contexte religieux en parlant des prêtres, désigne l'état de celui qui n'est pas marié. Par euphémisme, il est employé à propos d'une période de chasteté à l'intérieur du mariage (1845).
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CÉLIBATAIRE adj. et n., dérivé tardif (1711), qualifie et désigne la personne qui vit dans le célibat, en concurrence avec les expressions usuelles vieux garçon et vieille fille, familières et, pour la seconde, péjorative. Le mot, fournissant un contraire à marié, est devenu usuel. Il s'emploie en apposition dans mère-célibataire (1961), désignation remplaçant fille-mère considéré comme péjoratif.
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Par une métaphore inattendue, on appelle électron, nucléon célibataire, dans un atome, celui qui n'est pas apparié.
CELLIER n. m. est emprunté (déb. XIIe s.) au bas latin cellarium « garde-manger, office ». Celui-ci est dérivé de cella « petite chambre », également « magasin », « chapelle d'un temple » (d'où cella, celle en archéologie), spécialement en latin chrétien « cellule de moine » (→ cellule). Ce mot est apparenté, avec une idée accessoire de cachette, de retraite, au verbe celere (→ celer) sans que l'on puisse expliquer sa géminée, peut-être expressive ou dialectale.
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Seul le sens de « chambre à provisions » est passé en français. Par extension, le mot est employé à propos d'une pièce fraîche où l'on conserve vin et denrées.
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CELLÉRIER, IÈRE n. (v. 1175), « religieux préposé au soin du cellier dans un couvent », représente le latin chrétien cellarius, cellerarius « économe responsable du cellarium ». Il a vieilli au profit de termes généraux comme économe, intendant.
CELLOPHANE n. f., mot employé en français av. 1924 (« la cellophane est un dérivé de la cellulose, fabriquée en France sous forme de feuilles transparentes... », Ch. Fabry, Société française de physique, 4 avril 1924), est un terme forgé par le Suisse J. E. Brandenberger qui mit au point en 1911 la machine pour sa fabrication continue. Le mot est composé du radical de cellulose*, de la voyelle de liaison o et de l'élément suffixal -phane « qui paraît » (→ diaphane). Il est difficile de déterminer si le français a emprunté le mot à l'allemand ou à l'anglais, où ce nom de marque déposée existe dès 1912.
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Le mot, devenu usuel, désigne une pellicule transparente obtenue à partir de la cellulose et de la viscose et employée notamment pour le conditionnement des produits alimentaires et médicamenteux.
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CELLULE n. f. est emprunté (1429, selon Bloch et Wartburg) au latin cellula, diminutif de cella « chambre » (→ cellier). Cellula « petite chambre » a pris à basse époque le sens de « loge de prisonnier » (av. 410) et, dans les textes chrétiens, celui de « demeure individuelle d'un moine », s'employant également par humilité à propos d'un petit monastère, d'une église ou chapelle privée, sens assumé aussi par cella d'où viennent les noms de lieux La Celle, La Selle. Il a reçu en latin médiéval des acceptions techniques en anatomie (1110-1120) et en botanique (1256-1260).
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Le mot est introduit comme nom de la chambre d'un religieux dans un monastère, puis du logement clos réservé aux cardinaux réunis en conclave (1690). Les extensions hors du domaine religieux sont plus récentes, à propos d'une petite pièce où l'on enferme séparément les prisonniers (1801), les malades dans un établissement psychiatrique.
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Par analogie, avec l'idée d'une structure close, et d'après le latin médiéval, le mot reçoit plusieurs acceptions techniques : en anatomie, il désigne une petite cavité qui se trouve dans certains organes des animaux (1503), — valeur qui annonce de loin les emplois du XIXe s. en biologie —, ou encore dans des productions naturelles comme les ruches.
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L'acception biologique du mot apparaît en botanique, même si Dutrochet (1824) compare déjà la « cellule » végétale à des formations analogues dans les tissus animaux. Cette métaphore est ancienne en botanique, que ce soit en latin savant, en anglais (Hooke, 1665, à propos du liège ; Grew, 1682, qui parle de cells et de bladders « vessies »), puis en français, en concurrence avec vésicule et parfois en rapport avec la métaphore trompeuse de l'éponge (voir ce mot). Au XVIIIe s. (cellules adipeuses, in Encyclopédie, 1752), le mot ne désigne que de petites formations creuses, ou supposées telles, appartenant au tissu dit cellulaire (expression usuelle en anatomie depuis le milieu du XVIIIe s.). Mais après les années 1820, avec Dutrochet, Turpin et sa cellule intégrante formant le végétal le plus simple, après les travaux en allemand de Schleiden (1838), surtout de Schwann (1839 ; trad. française, 1842) la cellule, dans une théorie cellulaire généralisée, est conçue non plus comme une « petite loge », une vésicule, mais comme formée d'une paroi, d'une masse de la cellule et d'un noyau (Littré-Robin, 1855, qui défendent l'emploi du mot même s'il ne s'agit pas d'une cavité). La théorie s'étend alors aux êtres vivants unicellulaires (von Siebold, 1845), mais il faut attendre 1938 pour que Dubos découvre le noyau des microbes, montrant qu'il s'agit aussi de cellules et plus tard aux tissus nerveux (Kölliker découvre le neurone en 1889). Vers 1855 (Remak, puis Virchow), le terme informe l'histologie et l'embryologie (omnis cellula e cellula, Virchow), usage qui se développera plus tard avec la génétique, puis suscite une discipline nouvelle, la cytologie*. L'analyse interne de la cellule et de ses organites se développe après 1875 (Strasburger) ; elle prend plus d'importance au XXe s. selon des modèles de plus en plus complexes, en relation avec la génétique (connaissance du noyau), la microscopie électronique et jusqu'à la biologie moléculaire. Ces connaissances donnent au terme cellule des contenus renouvelés, la signification du mot restant la même (Cf. des cas analogues pour atome, particule, gène...). Sur le plan lexical, un vocabulaire complexe est subordonné à cellule et divers syntagmes, formés avec ce mot ou avec l'adjectif cellulaire, deviennent usuels.
En relation de métaphore avec cet emploi scientifique, le mot entre, avec une valeur abstraite, dans le vocabulaire de la sociologie (1883,
cellule sociale). En politique (1920,
Congrès de Tours), il désigne l'unité de base d'un parti (communiste ou socialiste). Cette valeur d'« unité élémentaire combinable avec d'autres identiques » se réalise aussi en musique (1930), par exemple dans
cellule rythmique, et pour désigner un petit groupe de travail, de réflexion.
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Enfin, en emploi concret, cellule désigne en aviation (1904) l'ensemble des structures de l'aile et du fuselage, et en physique un appareil logé dans une enceinte fermée (cellule photo-électrique, 1910).
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CELLULAIRE adj., formé en anatomie à propos de « tissus » vivants présentant de petites cavités (1740), est demeuré dans le vocabulaire scientifique avec des emplois nouveaux liés à l'embryologie :
substance cellulaire (1776,
Encyclopédie, Suppl.)
membrane cellulaire (1780,
Encyclopédie, Tables), en relation avec
cellulosité (ci-dessous). Au
XIXe s., l'adjectif a suivi l'évolution de
cellule et signifie « relatif à la cellule » (1835) d'abord en botanique, puis « composé de cellules » d'après la définition moderne en biologie. On parle aussi, abstraitement, de
théorie cellulaire, avant la cytologie.
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Au
XIXe s. l'adjectif passe dans l'usage courant en s'appliquant au domaine de l'habitat, notamment carcéral (1842), donnant quelques syntagmes (1845,
voiture cellulaire) et des emplois substantivés désignant soit la mise en cellule, soit le prisonnier en cellule.
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La dérivation de
cellulaire est riche en termes de biologie avec
CELLULAIREMENT adv. (1862) et les nombreux composés préfixés, tels
UNICELLULAIRE adj. (1838, en botanique),
MONOCELLULAIRE adj. (1874),
MULTICELLULAIRE adj. (1865), décrivant des organismes d'après le nombre (ou le fonctionnement) de leurs cellules.
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CELLULEUX, EUSE adj. (1740) s'est employé en botanique et en anatomie pour qualifier ce qui est divisé en cellules.
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C'est aussi avec la valeur biologique du mot qu'on emploie le préfixé
PROTOCELLULE n. f., formé (1976) de
proto- et
cellule, d'après l'anglais
protocell (1965) pour désigner un ensemble moléculaire entouré d'une membrane rudimentaire et capable de s'autoentretenir.
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CELLULOSE n. f. est dérivé (1840) de
cellule, avec le suffixe
-ose, comme appellation d'une matière constitutive essentielle de la paroi cellulaire des végétaux.
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Cette formation semble indépendante de CELLULOSITÉ n. f. (1735) « caractère des tissus vivants formés de cellules (au sens ancien) », mot archaïque dès le début du XIXe siècle. Le mot a reçu des acceptions techniques (spécialement en papeterie) et est passé en biochimie.
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À son tour, il a donné CELLULOSIQUE adj. (1878) et les préfixés NITROCELLULOSE n. f. (1898) et ACÉTOCELLULOSE n. f. (1928) en chimie.
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CELLULITE n. f. (1873) désigne en médecine une inflammation du tissu conjonctif cellulaire d'où, couramment, le gonflement du tissu conjonctif sous-cutané.
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En sont dérivés CELLULITIQUE adj. (1952) et ANTICELLULITE adj. inv. (v. 1950).
❏ voir
CELLOPHANE, CELLULOÏD, CYTO-.
CELLULOÏD n. m. est emprunté (1877) à l'anglo-américain celluloïd (1871), lui-même dérivé, à l'aide du suffixe -oïd, de cellulose (1835), emprunt au français cellulose*, et qui existait déjà en anglais comme adjectif (1753). Le mot est formé d'après le latin scientifique cellulosus, dérivé de cellula (→ cellule). Celluloïd désigne une matière élaborée en 1870 aux États-Unis par les frères Hyatt et brevetée en 1871 pour l'usage des prothèses dentaires.
❏
Le celluloïd a été vu comme un substitut de l'ivoire (qualifié d'ivoire factice, 1877), employé dans la fabrication des boules de billard, peignes, bouts de pipe, placages en ébénisterie, jouets. Le mot est abrégé familièrement en cellulo (1929).
❏ voir
CELLOPHANE.
CELTE n. et adj., attesté dans les dictionnaires en 1732 (Trévoux) mais antérieur (Cf. celtique) est un emprunt au latin Celtae, qui, comme le grec Keltai, viendrait d'une racine gauloise peut-être apparenté à gal, gala « grave, fort ».
❏
Le mot au pluriel désigne le groupe de peuples indoeuropéens originaires d'Allemagne orientale et de régions voisines d'Europe centrale, qui s'établiront en Europe occidentale lors des Ier et IIe millénaires avant l'ère chrétienne, notamment en Gaule (→ gaulois), dans une partie de l'Espagne et en Grande-Bretagne.
CELTIQUE adj. et n. (1704 ; forme attesté en anglais dès 1656 [Blount]) qualifie ce qui a rapport aux Celtes, notamment les langues indoeuropéennes parlées par les Celtes, aussi le celtique n. m., comprenant le gaulois, le celtibère et les langues gaéliques (irlandais, mannois, gallois). Voir l'encadré.
❏
CELTISME n. m. (fin
XIXe s.) précédé par
celticisme (1763) se dit des caractères propres aux Celtes et spécialement de la tendance à faire prévaloir les éléments celtes (dans une culture, une langue).
■
CELTOMANE n. et adj. (1838) qualifie et désigne ceux qui font preuve de celtisme. De là CELTOMANIE n. f.
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CELTISANT, ANTE adj. et n. qualifie et désigne (1866) les spécialistes des langues et des civilisations celtes.
◈
Celte sert aussi d'élément de composition, par exemple dans
CELTIBÈRE adj. et n. (1732) emprunt au latin tardif
celtiber, de
Celtae et
iber « ibérien » et qui concerne les peuples issus des Celtes habitant la péninsule Ibérique dans l'Antiquité, au sud des Gaulois.
Celtibère n. m. désigne la langue de ces peuples.
■
CELTO-BRETON, ONNE adj. (1821) s'est dit pour « breton en tant que celte » (Cf. breton, bretonnant).
L
CELUI, CELLE, CEUX, CELLES pron. dém. est issu (v. 881) du paradigme latin de ecce illi « (voilà) celui-là », de ecce « voici » (→ ecce homo) employé en renforcement du démonstratif ille « celui-là, celà, lui, elle » (→ il, le, lui). À la suite de la simplification du lourd système des démonstratifs latins (→ ce, ceci...), ecce illi et ses formes fléchies sont passés en ancien français, marquant une notion d'éloignement (sphère de la 3e personne, non présente), par opposition aux représentants de ecce iste (→ ce). Le système complet de l'ancien français comporte, au singulier et au masculin le cas sujet cil (de °[ec]ce ĭlli), le cas régime accusatif cel (de °[ec]ce ĭllŭ) et le cas régime datif celui (de °[ec]ce illui) ; au féminin, le cas sujet celle (de °[ec]ce ĭlla), le cas régime accusatif et datif celi (de °[ec]ce illaei) ; au pluriel, le cas sujet masculin est cil (de °[ec]ce ĭllī) et le cas régime, toutes fonctions confondues, ceus, puis ceux (de °[ec]ce ĭllos) ; les formes féminines correspondantes se réduisent à celles (de °[ec]ce ĭllas). Seules les formes celui, celle, ceux et celles ont survécu.
❏
En ancien français, les formes de ce démonstratif sont susceptibles d'être employées comme adjectifs et comme pronoms, à l'exception de cel, presque toujours adjectif, et de celui, surtout pronom. À leur côté, on rencontre (XIVe s.) des formes renforcées de type icil. La spécialisation de ces formes comme pronoms semble se placer entre le milieu du XIVe s. et la fin du XVe s. (bien qu'on relève occasionnellement celui adjectif, encore au XVIIe s.). Liée à la disparition dans le système adjectif de l'ancienne opposition proximité-éloignement, la distinction entre les formes cestui et celui, ceste et cele, cestes et celes s'est affaiblie, concurrencée par l'emploi des adverbes ci et là dans celui-ci et celui-là. D'autre part, la langue connaissait depuis l'ancien français les pronoms déterminatifs cil qui et cil de, ce qui explique qu'elle dispose dès le milieu du XIVe s. de celui qui, cele qui, ceus qui, celes qui. Le système moderne est accompli au XVIIe s. et ne sera plus modifié.
CÉMENT n. m. est le doublet de ciment*, emprunté (1573) au latin caementum « pierre, moellon » et, à basse époque, « ciment, boue » (Vulgate).
❏
Le mot a été introduit dans la langue technique pour nommer une matière qui, portée à très haute température, modifie les propriétés d'un métal.
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Il a été repris en médecine dentaire pour désigner le tissu minéralisé engainant les racines des dents (1805).
❏
Le terme de chimie a produit CÉMENTER v. tr. (1675) qui a lui-même servi à former CÉMENTATION n. f. (1578, alors écrit cimentation sous l'influence de ciment), CÉMENTATOIRE adj. (1751) et CÉMENTITE n. f. (fin XIXe s.), nom donné au carbure de fer contenu dans les aciers cémentés et les fontes blanches.
CÉNACLE n. m. est emprunté (v. 1200) au latin cenaculum « salle à manger », surtout employé (du fait de l'usage de cenatio, cenatorium et triclinium en ce sens) à propos de la salle située à l'étage — place originelle de la salle à manger —, de la chambre haute. Cenaculum est dérivé de cena (→ cène).
❏
Le mot est passé en français par l'intermédiaire de la Vulgate, désignant une chambre haute servant dans l'Antiquité de salle à manger et de salle de réunion, spécialement, d'après le latin chrétien, la salle haute où Jésus-Christ, entouré de ses apôtres, institua l'Eucharistie, celle où ses disciples et quelques intimes se réunirent après son ascension.
◆
Par extension, le mot a été choisi par les écrivains romantiques (1829, Sainte-Beuve, Joseph Delorme) pour désigner une coterie littéraire ou artistique. De là, il a souvent une valeur péjorative de « cercle fermé ».
❏
CÉNACULAIRE adj., « propre à un cénacle », est employé exceptionnellement (1905).
L
CENDRE n. f. est issu (XIe s.) du latin classique cinis, cineris (parfois féminin chez les poètes, peut-être d'après le grec konis « poussière ») « centre, résidu de combustion », en particulier « restes des morts brûlés sur le bûcher », d'où « dépouille mortelle » et « mort, néant ». Le sémantisme du mot s'est enrichi en latin chrétien, la Vulgate l'employant à la fois comme signe de deuil, de pénitence, notamment dans l'expression cineri et sacco « (vêtu) de toile grossière et (couvert) de cendres », et, par allusion à sa légèreté, sa fragilité, comme symbole du néant humain, sur le même plan que poussière* : « L'homme n'est que poussière et cendre. » (Ecclésiaste, XVII, 31). Le seul rapprochement connu est celui du grec konis « poussière », encore le vocalisme ne concorde-t-il pas.
❏
Le mot désignant le résidu pulvérulent d'une matière consumée est entré de bonne heure dans l'expression en cendre (1160, Cf. latin in cinerem) et s'emploie parfois au pluriel (cendres volcaniques, radioactives). Celui-ci désigne spécialement (fin XIIe s.) les restes d'un corps incinéré, d'où la dépouille mortelle (av. 1560) et, au figuré, les restes, le souvenir (av. 1577, cendres du passé.)
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Le mot s'est spécialisé en religion (XIIIe s.) comme symbole de mortification, de deuil ou de pénitence, l'expression le sac et la cendre faisant référence à la coutume hébraïque (ci-dessus). Des cendres sont aussi utilisées dans la liturgie catholique comme symbole de la dissolution du corps (déb. XIIIe s.) : le prêtre trace une croix avec, sur le front des fidèles le premier jour du carême (mercredi des Cendres), en rappel de la condition humaine et du devoir de pénitence.
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CENDREUX, EUSE adj. (1210-1216) qualifie ce qui a la couleur de la cendre et ce qui contient de la cendre ou en est couvert (
XVIe s.). On rencontre dans une chanson de croisades de Thibaud de Champagne un emploi substantivé de
cendrous au sens de « lâche ». Le même mot au féminin est attesté dans quelques dictionnaires comme vieilli et péjoratif pour une femme qui ne quitte pas le foyer.
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CENDRÉE n. f. (1200-1220), ancien nom des cendres du foyer, désigne spécialement le petit plomb utilisé à la chasse (1680). Il a en sport le sens de « mâchefer finement pilé recouvrant la piste d'un stade » (1924, Montherlant).
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CENDRIER n. m., relevé v. 1180 avec un sens obscur, probablement symbolique (« monde de misère » ?), est probablement dérivé de
cendre par calque du latin
cinerarius « semblable à la cendre »
(→ cinéraire), attesté notamment dans des inscriptions funéraires comme substantif neutre, au sens de « caveau mortuaire » (
IIe s.).
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Le mot a désigné le linge où l'on met les cendres pour la lessive (av. 1236) et, d'après le latin, une urne cinéraire (fin XVIe s., encore chez Chateaubriand). De nos jours, il désigne la partie du fourneau où tombent les cendres (1611), au XIXe s. dans une locomotive à vapeur et, couramment, le récipient où les fumeurs font tomber la cendre de tabac (d'abord cendrier de fumeur, 1890).
◈
CENDRÉ, ÉE adj. (1314) concurrence
cendreux au sens de « qui a l'apparence de la cendre », spécialement en astronomie où il se dit de la lumière faible dont brille la partie de la Lune qui n'est pas éclairée par le Soleil (1817, Stendhal).
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Un verbe
CENDRER v. tr. (1588), « donner la couleur de la cendre à (qqch.) » puis aussi « recouvrir de cendrée », a confondu avec lui son participe passé adjectivé (1635).
◈
Par allusion à l'héroïne du conte de Perrault,
CENDRILLON (1697), qui travaille près de l'âtre, ce mot a qualifié comme adjectif (1796), et de nos jours désigne comme nom (1808), celle qui est chargée des travaux pénibles de la maison, quelquefois avec la valeur péjorative de « servante pauvre, humiliée ; souillon ».
1 -CÈNE → MIOCÈNE, PLIOCÈNE
2 CÈNE n. f. est emprunté (fin Xe s.) au latin cena, non au sens classique de « dîner, souper » (toutefois repris dans le domaine franco-provençal au XIIe s.), mais au sens chrétien (Vulgate) de « repas où le Seigneur se donna lui-même en nourriture à ses disciples, la veille de sa mort » et de « communion ». Cena repose sur une forme ancienne cesna, elle-même de °kersna (à en juger par l'osque kersnu ; l'ombrien s̀esna). On a avancé l'hypothèse de son rattachement à la racine indoeuropéenne °kert- (→ décortiquer, écorce) par un développement sémantique analogue à celui de caro « morceau » d'où « viande » (→ chair) et du grec daïs « festin » en face de daïzein « partager ».
❏
Repris en religion pour désigner le repas du soir de Jésus la veille de sa passion, le mot a développé en liturgie le sens de « communion commémorant l'eucharistie » (XIIIe s.), notamment en parlant du rite protestant. Par métonymie, il désigne une œuvre d'art représentant le repas du Christ (attesté 1704).
❏ voir
CÉNACLE.
CENELLE n. f., mot apparu en ancien français (1165), est, sans certitude, un emprunt à un dérivé latin non attesté, °acinella, de acinus « grain de raisin ». Le mot, surtout régional en France et canadien, désigne la baie rouge de l'aubépine. George Sand atteste, dans le Berry, l'expression rouge comme une cenelle.
❏
CENELLIER n. m., attesté en 1878 sous la forme cénalé, est le nom, usuel en français du Canada, de l'aubépine. On écrit aussi senellier.
CÉNOBITE n. m., d'abord écrit cenobite (XIIIe s.), est emprunté au latin chrétien coenobita attesté depuis le IVe s. (saint Augustin) au sens de « moine vivant en communauté ». Le mot est issu de coenobium « communauté, monastère », lui-même emprunté au grec tardif koinobion « vie en communauté » d'où « monastère ». Ce mot est composé de koinos « commun, public », adjectif conservé en grec moderne et appartenant à une racine indoeuropéenne, peut-être la même que celle du latin cum « avec » (→ co-). Son second élément est bios « vie » (→ bio-).
❏
Terme de religion appliqué à un moine vivant en communauté, cénobite a reçu par extension le sens figuré de « personne austère, comme retirée du monde » ; l'opposition moine en communauté-ermite s'étant perdue.
CÉNOTAPHE n. m. est emprunté (1501) au latin cenotaphium (Ier s.), lui-même emprunté au grec kenotaphion (Xénophon) « tombeau vide à la mémoire d'un mort enterré ailleurs ou sans sépulture ». Le premier élément de ce mot est kenos « vide », qu'on rapproche de l'arménien sin de même sens, lequel permet, malgré l'absence d'un adjectif indoeuropéen reconstituable, de poser une racine indoeuropéenne °ken-. Le second élément est taphos « cérémonie funèbre » et « tombe » (→ épitaphe), nom d'action dérivé de thaptein « ensevelir, enterrer » toujours employé pour des cérémonies funèbres et même parfois pour la crémation. Ce mot appartient à un radical °thaph- dont le sens originel était probablement « creuser » ; il peut être rapproché de l'arménien damb-an, damb-aran « fosse, sépulture », permettant de poser une racine indoeuropéenne°dhṃbh-.
❏
Le mot a gardé le sens du grec ; il est didactique.
CENS n. m. est emprunté (v. 1190) au latin census, dérivé (déverbal) de censere « évaluer le rôle et la fortune de chacun, recenser » (→ censé). Ce nom d'action a pour dérivé censura (→ censure) ; un autre nom d'action censio, se retrouve dans recension. Census désigne en latin classique l'estimation des biens des citoyens et le recensement de ceux-ci dans les différentes classes ; à basse époque, il désigne l'impôt calculé d'après cette estimation (IIe s.), puis plus précisément (av. 306) la redevance due sur des terres. À époque médiévale, il est spécialisé en droit féodal au sens de « redevance due par le tenancier pour sa tenure en bénéfice » (fin VIe s.).
❏
Le mot français apparaît dans le sens féodal : « redevance due au propriétaire d'une terre ». Après l'abolition de la féodalité, il est repris comme terme d'histoire romaine (1732). Sous la Restauration (1830), il se dit de la quotité d'imposition nécessaire pour être électeur ou éligible — la Constitution de 1791 parlant, elle, d'une contribution* — jusqu'au rétablissement du suffrage universel et à la disparition du système censitaire en France, en 1848.
❏
CENSIER, IÈRE adj. est un terme de droit féodal qualifiant celui qui doit payer le cens (v. 1190) et à qui on doit le cens (1239), spécialement le registre où sont inscrites les contributions du cens (1380).
◈
CENSITAIRE adj. et n. est formé (1718) sur le latin
censitus, participe passé de
censere employé comme adjectif, attesté à l'époque mérovingienne pour « astreint au paiement d'un cens », et comme substantif désignant l'homme devant payer le cens (
Xe s.) ; lui-même emprunté par le français
censite (1752).
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Le mot est enregistré comme terme d'histoire féodale, puis employé dans le cadre de la définition de l'électeur payant le cens (suffrage censitaire, 1838).
◈
CENSUEL, ELLE est emprunté (1266) au latin
censualis, censalis « relatif au recensement des citoyens et de leurs richesses » (
IIe s.) puis, à l'époque médiévale, « relatif à un tribut » et, plus particulièrement, « soumis à une redevance » en parlant d'une terre (
VIe-
IXe s.), de
census.
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Le mot qualifie ce qui est relatif au cens.
❏ voir
CENSÉ (et CENSEUR, CENSURE), RECENSER.