ESCRIME n. f. représente un emprunt (1409) à l'ancien italien scrima « art de manier l'épée » (attesté au XVe s.), lui-même de l'ancien provençal escrima. Le mot français emprunté à l'italien a supplanté l'ancien français, de forme et de sens très proches, escremie « combat » (XIIe s. ; encore usuel au début du XVIe s.), déverbal de escremir « combattre » (1080), issu du francique °skirmjan « défendre, protéger » (allemand schirmen « protéger »). C'est au français qu'ont été empruntés l'ancien provençal escremir, escrimir « faire des armes », d'où escrima (emprunté par l'italien), l'espagnol esgrimar.
❏  Escrime est d'abord attesté (1409) avec le sens de « combat » (comme escremie). Le mot se répand avec la diffusion de l'art de combattre à l'épée, codifié en Italie. Il désigne chez Rabelais (1534) cet art et se dit par figure pour « combat, duel », spécialement en parlant d'une joute d'esprit, de paroles, d'où la locution ancienne être hors d'escrime « être à bout d'arguments » (1690). ◆  Le mot a pris d'autres connotations quand le combat à l'épée en guerre ou en duel cède la place à l'exercice, puis au sport (XIXe -XXe s.), avec ses règles, ses championnats et ses spécialisations, épée, fleuret, sabre (généralement nommé sabre). Maître d'escrime (1606) est moins courant que maître d'armes.
❏  À la fin du XVe s. apparaît le dérivé ESCRIMEUR, EUSE n. « personne qui fait de l'escrime ».
■  Le verbe ESCRIMER est d'abord attesté comme pronominal (1534, s'escrymer) au sens figuré de « s'acharner, faire de grands efforts », qu'il a conservé, d'où par exemple s'escrimer des pieds et des mains pour grimper à un arbre. ◆  Le sens propre, « faire de l'escrime » (1540, v. intr.), est sorti d'usage ; au figuré, escrimer pour « discuter, disputer » (1622) est tombé en désuétude.
ESCROQUER v. tr. est emprunté (1557) à l'italien scroccare, littéralement « décrocher », attesté avant 1566 au sens de « manger ou vivre aux dépens d'autrui », et que l'on rattache généralement à crocco (→ croc, crochet) ou, selon une autre hypothèse (Wartburg), au radical onomatopéique krokk-, dont procède le français croquer*.
❏  Le verbe s'emploie au XVIe s. dans escroquer qqn « soustraire qqch. à qqn par fourberie », et dans escroquer qqch. (à qqn) ; escroquer qqch. de qqn est d'emploi rare.
❏  Du verbe dérivent ESCROQUEUR, EUSE n. (1558, Du Bellay), aujourd'hui vieilli et remplacé par escroc, et ESCROQUERIE n. f. (av. 1672, Tallemant des Réaux ; excroquerie, chez Scarron, 1660) « action d'escroquer », qui se dit spécialement en droit (1810, délit d'escroquerie) et s'emploie au figuré. Le mot est usuel.
ESCROC n. m. est emprunté (1634, escroq ; 1640, sous la forme actuelle) à l'italien scrocco « écornifleur » (depuis le XVIe s.), déverbal de scroccare. Il a peut-être le sens de « malfaiteur » dans un texte de 1634 et signifie « écornifleur » en 1640 (Oudin). ◆  L'emploi de la forme féminine est archaïque (fin XVIIe s., Mme de Sévigné, une escroc ; 1657, Tallemant des Réaux, une escroque).
ESCUDO n. m., emprunt (1877) au portugais escudo, de même origine que écu*, désigne l'unité monétaire du Portugal, avant l'euro, ainsi que celle du Cap-Vert.
ESCULAPE n. m. est un emprunt (1690, Boileau) au latin Aesculapius, lui-même du grec Asklêpios, héros médecin, originaire de Trekka en Thessalie, dont le culte s'est développé dans toute la Grèce. L'étymologie du mot, qui a donné lieu à plusieurs hypothèses, toutes indémontrables, reste inexpliquée.
❏  Le mot est employé par Boileau au figuré pour « médecin » (« un faux Esculape ») d'après disciple d'Esculape ; ce sens est aujourd'hui sorti d'usage ou s'emploie par plaisanterie.
■  Esculape est le nom donné, à partir du milieu du XVIIIe s. (1754 ; d'abord dans la locution serpent d'Esculape, 1735), à une couleuvre du centre et du sud de l'Europe.
? ESGOURDE n. f., attesté en 1867 et précédé par esgourne (1833) et escouane (1850), est d'origine obscure. Il pourrait être issu du croisement de gourde « courge », par une analogie de forme entre les feuilles de la courge et les oreilles (l'argot gourde « tête » est attesté), et de l'argot ancien ESCOUTE n. f. « oreille » (1725), emprunt au provençal escouto (→ écoute). On a aussi proposé de rattacher esgourne au breton skouarn « oreille ». Pour P. Guiraud, la variante escouane dérive de couenne « écorce », d'après escouenner « écorcer », les oreilles étant vues comme des « morceaux de couenne », et la forme esgourne viendrait d'un gallo-roman °scortina, adjectif dérivé du latin classique scortinus, alors que esgourdes serait issu de scorta, pluriel du latin classique scortum « peau » (→ écorcher). Enfin, pour P. Guiraud, l'argot escoute se rattacherait à cotte « peau », du latin populaire et hypothétique °cutita, du latin classique cutis « peau ».
❏  Esgourde est un terme d'argot familier pour « oreille », spécialement comme organe de l'ouïe, d'où ouvrir, fermer ses esgourdes. Le singulier apparaît généralement dans des expressions figées telles que débrider l'esgourde « écouter » (1878, Rigaud), qui ne serait plus compris, glisser qqch. dans l'esgourde (1946), le fond de mon esgourde (1936, Céline).
❏  En dérive ESGOURDER v. tr. « écouter (qqch.) » (1878) et « entendre » (fin XIXe s.), argotique et vieilli.
ÉSOTÉRIQUE adj. est un emprunt savant (1752, ezotérique, Trévoux) au grec esôterikos « de l'intérieur, de l'intimité » et « réservé aux seuls adeptes », dérivé de l'adverbe esô, variante de eisô « à l'intérieur », lui-même de eis « dans, vers ». Le terme, substantivé, a désigné les partisans de la doctrine de Pythagore.
❏  Le mot est introduit en français au XVIIIe s. comme terme de philosophie, pour qualifier l'enseignement professé au sein de certaines écoles de la Grèce antique, réservé aux seuls initiés (la doctrine ésotérique de Pythagore, de Platon). ◆  Par extension, il se dit de connaissances qui se transmettent par tradition orale à des adeptes initiés, d'où, à la fin du XIXe s., le sens non technique d'« obscur, hermétique » (1890), en parlant du langage, de la poésie.
❏  De l'adjectif dérivent ÉSOTÉRIQUEMENT adv. (1840, P. Leroux, in T. L. F.), rare, et ÉSOTÉRISME n. m., terme didactique ou littéraire dont le développement sémantique est analogue à celui de l'adjectif. Ce nom apparaît dans l'Histoire critique du gnosticisme de J. Matter (1828).
■  S'ÉSOTÉRISER v. pron. « demeurer secret », attesté chez Gide (1891), est inusité.
ESPACE n. m. est un emprunt du XIIe s. (1160-1174) au latin spatium « champ de course, arène », puis « espace libre, étendue, distance » et aussi « laps de temps, durée ». Le mot est d'origine obscure.
❏  Espace, indifféremment masculin ou féminin en ancien et en moyen français, s'est introduit avec une valeur temporelle, la plus fréquente avant le XVIe s. (dans, en l'espace d'un mois). ◆  Espace reprend ensuite (v. 1200, spaze) le sens de « surface déterminée, étendue » puis, en ne considérant qu'une seule dimension (1314), celui de « distance, intervalle », d'où la locution d'espace en espace « de distance en distance » et des emplois spéciaux en imprimerie (1680), où le féminin s'est conservé (une espace), puis en musique (1755) et récemment en journalisme (espace d'annonces). Espace a eu aussi un sens figuré, « écart, différence ». ◆  Le mot se dit ensuite (milieu XVIe s., Du Bellay) pour « étendue des airs » et pour « volume déterminé ». ◆  C'est au XVIIe s. qu'il devient un terme scientifique (1647, Descartes) avec la valeur de « milieu dans lequel ont lieu les phénomènes observés », désignant en géométrie le milieu abstrait des phénomènes étudiés (1691). ◆  Par extension du sens « étendue des airs », il est employé pour désigner l'espace céleste (1662, Pascal), acception sortie d'usage au pluriel (les espaces), d'où au figuré (XVIIIe s.) espaces (imaginaires) « rêve, utopie » et l'expression se perdre dans les espaces imaginaires « se créer des idées chimériques » (av. 1778). ◆  Une valeur récente correspond à « moment, cadre » (un espace de dialogue). ◆  Espace « étendue » est employé dans quelques expressions au XXe siècle : espace vital (adaptation de l'allemand Lebensraum, v. 1938) « territoire revendiqué comme indispensable », espace aérien (v. 1960), espace vert « lieu planté (parc, jardin) dans une ville ». Le mot est à la mode pour « lieu aménagé » (pour des manifestations, spectacles, etc.). Espace suivi d'un nom propre sert à désigner un lieu, un bâtiment de rencontres. ◆  On parle d'espace francophone pour la définition géographique de l'institution appelée francophonie. ◆  Par extension du sens d'« espace céleste », il désigne aussi au XXe s. le milieu extra-terrestre (la conquête de l'espace). ◆  En physique, dans la théorie de la relativité, espace-temps (XXe s.) se dit du milieu à quatre dimensions où quatre variables sont considérées comme nécessaires pour déterminer un phénomène.
❏  ESPACER v. tr. signifie d'abord (1417) « séparer par un intervalle », d'où un emploi en imprimerie (1694) d'après le sens spécial d'espace. Le verbe s'emploie ensuite au sens de « disposer sur un espace étendu » (1549, intr.) ; s'espacer a signifié « se disperser (avec des troupes) » (XVIIIe s.) et au figuré « s'étendre (en paroles) sur » (XVIIIe s.), sens disparus. Depuis le XIXe s., espacer est aussi utilisé avec une valeur temporelle (1851).
■  Le dérivé ESPACEMENT n. m. (1680) a lui aussi une valeur temporelle et spatiale.
■  Les composés DEMI-ESPACE n. m. (XXe s.) et SOUS-ESPACE n. m. (v. 1968) sont employés en mathématiques.
❏ voir SPACIEUX, SPATIAL, SPATIO-.
ESPADON n. m. est un emprunt francisé (1611) à l'italien spadone « grande épée » (av. 1584), dérivé augmentatif de spada, lui-même du latin spatha (→ épaule, épée). L'italien actuel emploie pesce spada « poisson-épée ».
❏  Espadon est introduit en français avec le sens du mot italien, qui n'apparaît aujourd'hui que dans le vocabulaire de l'escrime (se battre à l'espadon « se battre au sabre »).
■  C'est un sens figuré qui a prévalu au XVIIe s., le mot désignant, par analogie de forme (1646, spadon ; puis espadon, 1694), un poisson des mers chaudes dont la mâchoire supérieure se prolonge en forme d'épée. Le mot s'emploie en français d'Afrique, à propos d'un gros poisson marin recherché pour la pêche sportive, le voilier.
ESPADRILLE n. f. est issu par métathèse (1793) de la forme espardille (1723), emprunt au provençal espardilos, dérivé de l'ancien provençal espart « sparterie », auquel se rattache l'espagnol esparteña, dérivé de esparto de même sens. Espart représente un emprunt au latin spartum « jonc servant à faire des nattes », lui-même au grec sparton de même sens. Sparton n'a pas d'origine connue.
❏  Espadrille est le nom donné à une chaussure de toile, à semelle de corde ou de sparte tressé ; sans être un régionalisme, il reste associé à la région pyrénéenne et au sud-ouest de la France.
ESPAGNOL, OLE adj. et n. est sans doute un emprunt (1181-1191, espaignol) à l'ancien languedocien espanol ou espainol (1re moitié XIIe s., comme nom propre), issu d'un latin populaire °hispaniolus, dérivé du latin classique Hispanus, lui-même de Hispania « Espagne ». Spanus, forme abrégée à basse époque de Hispanus, avait abouti en ancien français à espan (1080).
❏  Espagnol, « qui se rapporte à l'Espagne, à ses habitants », s'emploie dans la locution parler (le) français comme une vache espagnole (1640, Oudin), comme un Basque espagnol ; la locution a été expliquée par une altération de vasces « Gascon, Basque », mais la version avec comme un Basque espagnol est postérieure à celle de la vache ; on peut plutôt se référer à l'emploi intensif de comme une vache et aux valeurs négatives qu'a eues l'adjectif espagnol au XVIIe s., par exemple dans l'expression payer à l'espagnole « en coups et en rodomontades » (1611). ◆  C'est l'expression grand d'Espagne qui a suscité la plaisanterie de Meilhac et Halévy dans La Périchole (musique d'Offenbach) : « il grandira, il grandira... car il est espagnol ».
■  Le nom désigne un habitant de l'Espagne et au masculin la langue romane parlée dans une grande partie de l'Espagne (sa forme dominante étant le castillan) et dans la majorité des pays d'Amérique latine. Voir l'encadré.
❏  ESPAGNOLISER v. tr., attesté en 1565 au participe passé, est un équivalent vieilli de hispaniser*.
■  ESPAGNOLETTE n. f. a désigné une danse (1584) puis une sorte de ratine fine (1693) ; le mot conserve le sens de « ferrure à poignée tournante servant à fermer le châssis d'une fenêtre » (1731), ce dispositif étant sans doute venu d'Espagne.
ESPAGNOLADE n. f. « fanfaronnade » (1611), sens archaïque, se dit à partir du XXe s. d'une œuvre facile présentant l'Espagne selon des vues pittoresques et convenues.
■  ESPAGNOLISME n. m., attesté chez Stendhal (1890, Vie de H. Brulard), reste d'emploi littéraire pour parler des traits de caractère spécifiquement espagnols.
Deux resuffixations argotiques ont été créées au milieu du XXe s. : ESPINGOUIN n. m., calembour sur pingouin, au figuré « personnage bizarre », et ESPINGO n. m. (1957 dans le dictionnaire de Sandry et Carrère).
❏ voir ÉPAGNEUL.
⇒ encadré : L'espagnol
1 ESPALIER n. m. (1611), d'abord espallier (1572), réfection de espauliere (1572), est emprunté à l'italien spalliera, d'abord « endroit où l'on appuie ses épaules lorsqu'on s'assied » (1348-1363) puis « espalier » (1572-1575), « soutien, épaulement » ; spalliera est dérivé de spalla au sens figuré d'« appui », de même origine que le français épaule (→ épaule).
❏  Le mot a d'abord le sens étymologique de « soutien » (1553) et désigne par ailleurs (1572) un mur garni d'un treillage le long duquel on fait pousser différentes plantes, notamment des arbres fruitiers. Par métonymie (1600), espalier désigne une rangée d'arbres fruitiers plantés le long d'un treillage, d'où l'expression en espalier (culture en espalier) ; la locution figurée être, rester, se tenir en espalier « devant une porte, un mur » est aujourd'hui vieillie. ◆  Par analogie, espaliers désigne en sports (1924) un appareil formé d'une échelle fixée à un mur.
❏  Le composé CONTRE-ESPALIER n. m. (1651) concerne seulement les arbres fruitiers.
2 ESPALIER n. m. est emprunté (v. 1560) à l'italien spalliere (dérivé de spalla) pour désigner le rameur du dernier banc d'une galère.
■  Le français a aussi emprunté à l'italien spalla le terme de marine ESPALE n. f. (1622), désignant la plate-forme située entre le dernier rang des rameurs et la poupe, sur une galère ; les deux mots sont sortis d'usage.
ESPAR n. m. est la spécialisation en marine au XVIIe s. (1678) de l'ancien français esparre n. f. « grosse poutre » (v. 1175), devenu épar (ou épart) n. m. en menuiserie. Esparre s'est employé jusqu'au XVIe s., la variante éparre (XVe s.) désignant une barre de bois servant à fermer une porte.
❏  Dans la marine à voile, le mot désigne une longue pièce de bois servant de mât, de beaupré ou de vergue. Par extension, il s'applique à toute pièce allongée et rigide du gréement.
ESPÈCE n. f. est un emprunt adapté (XIIe s., espesse ; écrit espèce depuis le XIIIe s.) au latin classique species « vue, regard », d'où « apparence, aspect, type », « cas particulier » en droit, et « subdivision du genre, catégorie », pour traduire le grec eidos dans la langue philosophique ; species signifie par extension « denrée » en latin impérial (→ épice) ; en latin chrétien, le mot a pris le sens de « matière d'un sacrement » en parlant du sel du baptême. Species est dérivé du v. specere, qui se rattache, comme le francique spehôn « observer » (→ épier), à une racine indoeuropéenne °spek- « contempler, observer » (→ aussi aspect, spectacle).
❏  En français, espèce s'est employé d'abord comme terme religieux, signifiant « signe, révélation (de Dieu) » (XIIe s., vraie espesse). Le mot désigne ensuite (1269-1278) le genre humain, notamment dans espèce humaine (XVIIIe s., sous cette forme), d'abord humaine espece (1370), et toute catégorie d'êtres vivants du même genre. Il est relevé au début du XIVe s. (1314) au sens général de « catégorie, sorte », d'emploi didactique aujourd'hui, d'où en philosophie espèces sensibles, espèces intelligibles et couramment de toute espèce « de toute sorte » (1664).
■  Le mot s'emploie ensuite (1496 ; 1523, au pluriel) pour désigner un moyen de paiement et une pièce d'or ou d'argent : espèce, comme en latin, s'est dit pour « marchandise », en espèces « en marchandises » a été ensuite éliminé par en espèces « en argent » (1740, en espèces sonnantes), les deux expressions ayant pour point commun de s'opposer à en nature « en prestations ».
■  En théologie, espèce, par spécialisation du sens d'« apparence » (fin XIVe s.), désigne d'abord au singulier (1545), aujourd'hui au pluriel (av. 1656), le corps et le sang de Jésus-Christ sous les apparences du pain et du vin dans le sacrement de l'eucharistie. ◆  Depuis la fin du XVIe s., une espèce de se dit (1587) d'une personne ou d'une chose qu'on ne peut définir précisément ; l'emploi familier un espèce de, où l'accord se fait avec le nom masculin qui suit, est attesté dès 1705 ; il est considéré comme fautif, mais courant à l'oral (un espèce d'idiot, une espèce d'idiote). Les puristes ne peuvent admettre que, dans cet usage, espèce de fonctionne comme un adjectif antéposé, qui peut s'accorder.
■  Espèce, d'après le latin, est employé en droit (1670-1681), d'où cas d'espèce « cas qui doit être étudié spécialement » et en l'espèce, locution adverbiale, « dans ce cas particulier ».
■  En sciences naturelles (mil. XVIIIe s.), espèce désigne l'ensemble de tous les individus dont les caractères communs les distinguent au sein d'un genre ; le concept d'espèce, lié à la possibilité de reproduction, est essentiel en biologie.
❏  De là le composé didactique SOUS-ESPÈCE n. f. (1872) ; 1845 dans un autre sens.
❏ voir SPÉCIFIER, SPÉCIFIQUE.
L + ESPÉRER v. tr. est issu (v. 1050) du latin sperare « considérer (qqch.) comme devant se réaliser », de spes « attente d'un événement heureux », dont la racine spe- a fourni des formes verbales au slave spěti « aboutir, réussir », au germanique (Cf. le vieil anglais spówan « réussir »). L'influence de l'écrit explique le maintien du s, qui donne au mot l'apparence d'un emprunt.
❏  Le verbe s'est introduit en français avec le sens du latin, qu'il conserve dans l'usage courant ; il signifie ensuite « attendre, s'attendre à » (v. 1120), encore en usage au XIXe s., et à la même époque « avoir confiance en » (1re moitié XIIe s., espérer en). Ce sens reste vivant dans de nombreuses régions, de l'ouest de la France aux pays francoprovençaux et occitans (alors d'après le verbe occitan correspondant qui fonctionne comme l'espagnol esperar). En français central, seule la construction espérer en qqch. et l'emploi intransitif restent vivants aujourd'hui. De là vient aussi la locution exclamative j'espère ! « par exemple ! », propre au sud de la France.
❏  Le dérivé ESPÉRANCE n. f., formé avec le suffixe -ance, est d'abord attesté (1080) dans la construction n'aveir esperance de « ne pas s'attendre à », puis (1re moitié XIIe s.) au sens de « sentiment qui fait entrevoir comme probable la réalisation de ce qu'on désire » ; de là viennent l'emploi du mot dans la théologie chrétienne pour désigner l'une des trois vertus théologales, la locution acte d'espérance « prière qui exprime cette vertu », et en espérance, de grande (belle, haute) espérance, qui ont disparu, et contre toute espérance. ◆  Le mot désigne aussi le fait d'espérer une chose déterminée et par métonymie (2e moitié XIIe s.) la personne, la chose qui est l'objet de l'espérance, avec un emploi spécialisé au pluriel au sens de « biens qu'on attend d'un héritage », et les locutions avoir des espérances qui signifie aussi « être enceinte », donner des espérances « faire des promesses », dans l'espérance de..., que... ◆  Espérance est repris au XXe s. comme terme de statistique (espérance mathématique), de démographie (espérance de vie).
Le préfixé DÉSESPÉRANCE n. f., attesté vers 1160, est inusité aux XVIIe et XVIIIe s. et repris en 1801 (S. Mercier) ; d'emploi littéraire, plus abstrait et plus négatif que désespoir, il se dit de l'état d'une personne qui n'a aucune espérance.
■  INESPÉRANCE n. f., « absence d'espérance », mot rare et littéraire attesté à la fin du XVIe s. (1588 ; de in-), a été repris au XIXe siècle.
ESPOIR n. m., déverbal de espérer (1155, espeir) d'après les formes fortes de l'indicatif présent, désigne le sentiment qui porte à espérer, d'où par extension une occasion d'espérer, et (v. 1160) le fait d'espérer. Il donne lieu à divers expressions et proverbes. Par métonymie, le mot se dit de l'objet d'un espoir et, spécialement, d'une personne sur laquelle on fonde de grands espoirs (1885, en sports). ◆  Au XVIIe s., espoir, moins courant que espérance, s'employait plus en poésie qu'en prose et se disait en particulier de l'amour ; aujourd'hui les deux mots s'emploient indifféremment.
■  DÉSESPOIR n. m., préfixé en des- (1 dé-) de espoir, signifie d'abord « perte d'un espoir ou de tout espoir » (v. 1165), puis « affliction extrême » (v. 1560 au pluriel, « crise de désespoir »). ◆  Par affaiblissement, le mot désigne (v. 1635) ce qui cause une grande contrariété (1694), ce qui porte au découragement. La locution être au désespoir de..., que... « être très contrarié », de style soutenu, a été à la mode au XVIIe siècle. La locution adverbiale en désespoir de cause, expression juridique signifiant « en étant à bout d'arguments », est passée dans la langue courante au début du XIXe s. (1835).
■  INESPOIR n. m. « fait de ne pas ou de ne plus avoir à espérer (qqch.) » (1923) est rare et littéraire.
Un autre dérivé de espérer, ESPÉRABLE adj. (1580), est d'emploi rare. ◆  Le préfixé INESPÉRABLE adj. (1570) appartient à la langue classique.
■  ESPÉRANT, ANTE adj. (XVIIe s.), du participe présent, est d'usage très littéraire.
■  INESPÉRÉ, ÉE adj., qui a signifié « imprévu » (1466, homicide inespere), est au contraire usuel lorsqu'il s'applique (1544) à un événement heureux que l'on n'espérait pas, d'où le sens (XVIIe s.) de « ce qui passe toute espérance ». ◆  Le dérivé INESPÉRÉMENT adv. (XVIe s., inespereement) est rare et littéraire.
DÉSESPÉRER v., formé avec le préfixe dés-, signifie d'abord (1155 ; variante desperer) « perdre l'espoir », puis « réduire au désespoir » (v. 1175). Par extension du premier sens, désespérer de qqn, de qqch. signifie « n'en rien attendre ». ◆  DÉSESPÉRÉ, ÉE adj. signifie (v. 1170) « plongé dans le désespoir » et s'applique (v. 1206) à ce qui ne laisse aucun espoir ; il prend le sens de « dicté par le désespoir », d'où « extrême » (1558) et « qui exprime le désespoir » (1572). Au XVIIe s., par exagération, le mot signifie « irrité, fâché » (1662). ◆  De désespéré dérive DÉSESPÉRÉMENT adv. (v. 1180, desespereement ; av. 1549, forme moderne), assez courant.
■  DÉSESPÉRANT, ANTE adj. signifie « qui fait perdre espoir, irrite » (1671 P. Nicole) et, par extension, « désagréable ». ◆  DÉSESPÉRAMMENT adv. (XVIIIe s.) est d'emploi rare. ◆  Cf. ci-dessus désespérance.
ESPÈRE n. f. s'emploie (1704) dans la locution à l'espère, synonyme de à l'affût dans le midi de la France et le Lyonnais. Le mot est emprunté à l'ancien provençal espera « attente » (XIIIe s.), déverbal de esperar « attendre » (Xe s.), de même origine que espérer ; on relève en ancien français espere n. f., dans male espere « désespoir » (XIVe s.).
ESPÉRANTO n. m. est un pseudonyme, signifiant « celui qui espère », d'après le participe présent du verbe espagnol esperar (aussi « attendre »), de même origine que espérer. Ce pseudonyme était celui du Dr Zamenhof (1859-1917), créateur de cette langue.
❏  C'est le nom d'une langue internationale, fondée en 1887 sur les racines courantes des langues indoeuropéennes, notamment romanes, les plus répandues.
❏  ESPÉRANTISTE adj. et n. « relatif à l'espéranto » et « personne qui pratique l'espéranto ou qui milite pour l'usage de cette langue ».
ESPERLUETTE n. f., attesté en 1878 (P. Larousse, Premier Supplément) et qui a pour variante perluette, est probablement formé à partir du croisement du latin perna « jambe », « sorte de coquillage » et de sphaerula, dérivé de sphaera « boule », « sphère » (→ perle ; Cf. perlette, perlosette « raisin », 1836). L'ancien français avait espère « sphère », du latin sphaera. La finale -uette vient peut-être du latin scientifique uvula (→ luette).
❏  Esperluette, encore employé en Belgique, désigne le signe typographique (&) représentant le mot « et ».
ESPIÈGLE adj. est attesté une première fois au XVIe s. (1529-1530) comme nom propre sous la forme Ulespiegle ; il a été repris au XVIIe s. sous la forme francisée espiegle (1640, n. ; 1690, adj.). Ulespiegle(s) représente une adaptation du nom de (Till) Eulenspiegel (néerlandais Uilenspiegel), personnage célèbre par ses petites tromperies ingénieuses, héros d'un roman allemand publié en 1515, répandu dans la région néerlandaise et traduit en français en 1559 sous le titre : Histoire joyeuse et récréative de Till Ulespiegle. La forme francisée espiègle s'expliquerait par le fait que le -l- de Ulenspiegel fut pris pour l'article.
❏  Espiègle s'applique à une personne vive et malicieuse et à son comportement (1640), d'où par extension (1870) réponse, réflexion espiègle.
❏  En dérive ESPIÈGLERIE n. f., d'abord « tour espiègle » (1694) puis « caractère espiègle » (1855, G. Sand), emploi plus fréquent.
? ESPINGOLE n. f. représente une altération (1358), probablement d'après l'ancien provençal espingola (1346), de l'ancien et moyen français espringale. Ce dernier, d'abord attesté comme nom de danse (1225-1229), désigne ensuite (1258) une machine de guerre puis une pièce d'artillerie (XVe s.). Espringale est dérivé du verbe espringaller « danser » (attesté seulement en 1330), résultant peut-être du croisement de espringuier ou espringuer « sauter » (XIIIe s.) et de baller « danser » (→ ballade). Ce verbe remonte à un moyen néerlandais springen « sauter », issu du francique °springan (Cf. allemand springen « sauter ») ; on a proposé aussi pour étymon un moyen néerlandais °springelen « sauter, bondir », attesté par le composé nederspringelen « dévaler en bondissant (en parlant de l'eau) », et dérivé de springen.
❏  Espingole a désigné du XIVe au XVIe s. une grosse arbalète sur roues, puis (1671) un gros fusil court à canon évasé analogue au tromblon.
ESPION, ONNE n. est dérivé (v. 1200, attestation isolée ; repris en 1380) de l'ancien français espier (→ épier) par suffixation (-on). Le -s-, disparu de la prononciation au XIIIe s., a été rétabli au début du XVIe s. lorsque, par les campagnes d'Italie, le mot a été influencé par l'italien spione « espion » (XIIIe s.), lui-même dérivé, avec suffixe augmentatif -one, de spia, déverbal de spiare « épier ». De l'ancien français espier provenait le substantif espie (1er quart du XIIe s.), encore attesté sous la forme épie aux XVIIe -XVIIIe s., mais supplanté par espion.
❏  Ce dernier est d'abord attesté (v. 1200) au sens d'« individu qui se mêle aux ennemis pour les épier », d'où par extension « délateur » (1611) et, spécialement, « personne rétribuée appartenant à une police secrète non officielle » (1616), aussi au féminin. Espion et espionne, dans le contexte des guerres de 1870, de 1914-1918 et de 1940-1945, avaient acquis des connotations négatives très fortes, mais le mot a évolué par la suite (Cf. espionnage).
■  Par analogie, espion n. m. désigne (1834) un miroir incliné qui sert à regarder sans être vu.
❏  Le mot s'emploie au XXe s. comme second élément de noms composés, le premier élément désignant un engin utilisé pour observer : SATELLITE-ESPION (1966), NAVIRE-ESPION (1968), AVION-ESPION (1969), etc. Le composé CONTRE-ESPION n. est attesté en 1793.
ESPIONNER v. tr. recouvre les mêmes emplois que le substantif (1482, « observer en espion »), de même que son dérivé ESPIONNAGE n. m., relevé une fois au XVIe s. (v. 1570, espionnaige) puis chez Montesquieu (1755), pour désigner l'activité des espions (service d'espionnage). Le mot, avec les romans d'espionnage, évoque un univers de secret et d'aventures qui évolue selon les circonstances historiques. ◆  Le composé CONTRE-ESPIONNAGE n. m. (1899) « action d'espionner les espions » est très postérieur à contre-espion (ci-dessus) et à CONTRE-ESPIONNER (v. 1770), sorti d'usage.
■  ESPIONITE (1919 en argot des « poilus » [Esnault]) ou ESPIONNITE (1923) n. f., dérivé suffixé en -ite, se dit de la phobie des espions et concerne les périodes de conflit ; il a vieilli.