ÉTRÉCIR v. tr. est issu (1366, estroicir) par changement de suffixe de l'ancien français estrecier (v. 1170) « presser, enserrer » attesté sous la forme etritser dès le XIIe siècle. Estrecier, utilisé jusqu'au XVIe s., est issu du latin populaire °strictiare (comme l'ancien provençal estreissar) qui est dérivé du latin classique strictus (→ étroit) ; l'ancien français a eu aussi estresse n. f. « étroitesse », « défilé » (ancien provençal estreissa), déverbal de estrecier ou d'un latin populaire °strictia.
❏
Étrécir apparaît avec le sens de « rendre (plus) étroit », aujourd'hui seulement pronominal (la vallée s'étrécit) et comme terme technique de manège. S'étrécir est également sorti d'usage au sens figuré (1721) de « se réduire, diminuer ».
❏
Étrécir a été remplacé dans la plupart des emplois par le verbe préfixé
RÉTRÉCIR. Ce dernier apparaît au
XIVe s. sous la forme
restroicir, attestation isolée, puis en 1539.
Se rétrécir (1596) prend aussi une valeur figurée (1689).
◈
ÉTRÉCISSEMENT n. m. (1576), dérivé du verbe
étrécir, a été éliminé par
RÉTRÉCISSEMENT n. m. (1546,
restrecissement).
L
ÉTREINDRE v. tr. est issu (v. 1135, estreindre) du latin stringere « serrer, resserrer, étreindre », au participe passé strictum (→ étroit, strict), mot de la même famille que strigilis « racloir » (→ étriller).
❏
Étreindre est d'abord attesté au sens de « ligoter (qqn) », et dans s'étreindre « se ceindre » (1160-1174). Le verbe s'emploie au figuré pour « oppresser » (v. 1165, li estreint li cuers) ; cette valeur d'« oppresser, contraindre » ne réapparaît qu'au XIXe s. (v. 1860), peut-être sous l'influence d'étreinte, figuré.
◆
Le sens aujourd'hui courant d'« entourer avec les membres, en serrant étroitement » est relevé vers 1170 ; par rapport à embrasser, il a plus d'extension (la main peut étreindre un poignet) et des connotations plus violentes.
❏
ÉTREINTE n. f., qui a signifié dans une attestation isolée « contrainte » (déb. XIIIe s., estrainte), vient du participe passé du verbe ; le mot est repris (1508, estraincte) au sens d'« action d'étreindre » et « pression exercée par ce qui étreint ». De là, par extension, il se dit de la pression exercée sur un groupe par encerclement.
◆
Le mot est employé (déb. XVIIe s.) à l'époque préclassique (Corneille, Mairet) au sens de « lien moral qui unit avec une grande force ».
◆
Étreinte désigne à partir du XVIIIe s. l'action de serrer dans ses bras (1761, Rousseau), notamment dans étreinte amoureuse et absolument étreinte (souvent au pluriel), par euphémisme « coït (humain) ».
◆
Par figure, étreinte se dit (1829) de l'action de ce qui angoisse, emploi archaïque et littéraire.
❏ voir
ASTREINDRE, CONTRAINDRE, DÉTROIT, ÉTRÉCIR, RESTREINDRE.
L
ÉTRENNE n. f. est issu (v. 1165, estreine) du latin strena « pronostic, présage, signe », puis « cadeaux pour servir de bon présage », sans étymologie connue.
❏
Étrenne, dans son premier emploi, conserve le sens latin de « cadeau », employé encore au pluriel avec la valeur de « cadeau offert pour une circonstance précise, nouvelle année, fête de Noël, anniversaire », etc. Le mot signifie ensuite par extension (v. 1185) « premier usage qu'on fait d'une chose », sens archaïque comme la locution avoir l'étrenne d'une femme « la déflorer » et l'emploi pour désigner (XIIIe s.) la première vente faite par un marchand dans sa journée.
◆
Au XIIIe s., par métonymie du premier sens, étrenne désigne la période où l'on fait les étrennes. Dès le premier tiers du XIIIe s., les étrennes se dit de la gratification donnée en fin d'année à certains employés, d'où le sens disparu de « pourboire » (1835). Il a été utilisé par métaphore en argot au sens de « coup », emploi attesté dès le XIIe s. (Chrétien de Troyes) et ensuite dans des locutions comme donner les étrennes à qqn « lui jouer un vilain tour » (déb. XVIIe s., d'Aubigné).
❏
ÉTRENNER v. a eu une évolution parallèle à celle du nom ; signifiant à l'origine (v. 1175, estrener) « gratifier d'une étrenne », il se dit à l'époque classique (1530) pour « faire une première vente », en parlant d'un marchand (1640, intr.).
◆
Étrenner signifie aussi (v. 1680) « faire usage de (qqch.) pour la première fois » et, au figuré (1678 ; 1587, intr., « frapper »), « être le premier à souffrir de quelque inconvénient (coup, reproche, etc.) ».
ÉTRÉSILLON n. m. représente une altération (XVe s., estresillon) de estesillon (1333) « bâton servant à maintenir ouverte la gueule d'un animal », d'où « bâillon ». Le verbe est dérivé de l'ancien français esteser « tendre, étendre » (1262), lui-même de teser « tendre » (XIIe s.), qui a aussi pour dérivé tesseiller « étirer » (1174-1178). Teser est issu du latin populaire °tensare, dérivé de tensus, participe passé du latin classique tendere (→ tendre).
❏
Étrésillon a eu le sens (XVe s.) de « bâillon » ; au XVIIe s., le mot prend son acception moderne de « pièce de bois qui soutient les parois d'une tranchée » (1676, Félibien), ou « qui étaie un mur » (1690). Le mot est parfois utilisé en marine (1900), comme TRÉSILLON n. m. (1773) qui remplace tésillon (XVIe s.), dérivé de l'ancien verbe teser, et qui signifie « pièce de bois servant de levier, pour serrer deux cordages que l'on veut réunir ».
❏
ÉTRÉSILLONNER v. tr. (1676) et son dérivé ÉTRÉSILLONNEMENT n. m. (1862) sont des termes techniques.
G +
ÉTRIER n. m. est probablement issu, d'abord sous la forme estreu (1080), du francique °streup « boucle, courroie servant d'étrier » ; la finale -ier (v. 1135, estrier) vient peut-être du pluriel de la variante estrief, estrif (attesté au XIIIe s.), c'est-à-dire estriés ; les formes estreu, estrieu se rencontrent jusqu'au XVIIe siècle.
❏
Le mot désigne dès l'origine un anneau métallique qui soutient le pied du cavalier.
◆
Il s'emploie ensuite par analogie de fonction comme terme technique (1396) en construction pour « pièce de métal coudée » et comme terme d'anatomie (1561) pour désigner le 3e osselet de l'oreille moyenne.
◆
Dans une civilisation où le cheval avait beaucoup d'importance (voyage, guerre), le mot étrier est entré dans de nombreuses locutions. Le vin de l'étrier, au XVIIe s., se disait du verre qu'on boit avant de partir ; cette locution a été remplacée par le coup de l'étrier (1835), qui a survécu à la révolution technique. Dans plusieurs autres locutions, la métaphore est analogue à celle des emplois de marchepied, de courte échelle ; la relation métonymique entre pied et étrier représente celle qui existe entre l'homme et l'élévation de sa position sociale : avoir le pied à l'étrier (1685, au propre ; 1762, au figuré), mettre le pied à l'étrier, mettre à qqn le pied à l'étrier (1798). Le pied à l'étrier ou dans l'étrier « en hâte » (XVIIe s.), être ferme sur ses étriers « être dans une position ferme » (1694) sont sortis d'usage, comme perdre, vider les étriers « perdre sa situation » (XVIIIe s.) ; à franc étrier « à vive allure » (1787) a vieilli.
◆
Étrier s'emploie ensuite au sens général de « dispositif qui sert à fixer ou à soutenir le pied » en chirurgie (av. 1718), en médecine, en alpinisme, etc.
❏
Les dérivés, sauf le premier, sont démotivés.
ÉTRIÈRE n. f. a été un terme de construction (1384,
estriere) aussi employé comme adjectif, dans
jambe estriere « pilier à la tête d'un mur mitoyen » (1600 ; 1409,
estriere). Le mot désigne ensuite (1678) une bande de cuir qui retient les étriers sur le haut de selle.
◈
ÉTRIVIÈRE n. f. (1176-1181,
estriviere) vient de la forme ancienne
etrieu, etrif et se dit de la courroie par laquelle l'étrier est suspendu. Le mot a désigné (1541) une courroie de cuir servant à frapper pour punir ; de là
donner des coups d'étrivière, les étrivières.
■
ÉTRIVER v. intr. « régler la hauteur des étriers » est un terme technique (1773) ; le verbe avait signifié (1606, estriver) « mettre les pieds dans les étriers ».
■
DÉSESTRIVER v. tr. « faire quitter les étriers (à qqn) » est attesté en ancien français (desestriver, fin XIIe s.), de désétriver « ôter les pieds des étriers » (1657, Scarron).
◈
ÉTRIVE n. f. (1773), de la variante
estrif, désigne un amarrage fait sur deux cordages qui se croisent, d'où un second verbe
étriver (1831).
L
ÉTRILLER v. tr. est issu (v. 1170, estriller) du latin populaire °strigilare, dérivé d'un °strigila (voir ci-dessous étrille), altération du latin classique strigilis, qui se rattache à stringere « serrer » (→ étrécir, étreindre, étroit).
❏
Étriller signifie « nettoyer, gratter avec une étrille ».
◆
Le verbe est vieilli dans l'usage figuré pour « battre, malmener » ; (être) étrillé est plus courant pour « se faire battre à plate couture (dans un jeu) » (1690, pour les jeux d'argent). Étriller s'emploie aussi au figuré pour « critiquer violemment » (1609) et il a eu au XVIIIe et au XIXe siècle le sens de « faire payer trop cher » (1759).
❏
Le dérivé
ÉTRILLAGE n. m., d'abord attesté au sens figuré de « perte d'argent » (1854), est un terme technique (1897,
l'étrillage d'un cheval).
◈
ÉTRILLE n. f. est issu (v. 1245,
estrille) du latin populaire
°strigila, réfection d'après
*strigilare du latin classique
strigilis « râcloir » ou est le déverbal de
estriller, étriller. Étrille désigne d'abord, comme en latin, une plaque de fer emmanchée, munie de petites lames dentelées, utilisée pour nettoyer la peau de certains animaux (cheval, mulet, etc.).
■
Par analogie de forme, le mot est devenu le nom (1769) d'un crabe à pattes postérieures aplaties en palettes.
ÉTRIQUER v. tr., attesté sous la forme participiale étriqué (av. 1755) puis à l'infinitif (1760), reprend probablement l'ancien verbe étriquer « allonger, étendre » (un objet s'amincit quand on l'étend), attesté en moyen français dans divers emplois : s'étriquer « s'élancer, s'étendre » (1583), étriquer ses pieds « s'arc-bouter » (1604), puis « lancer », « allonger » (1625-1655). Ce verbe lui-même se trouve antérieurement, sous la forme estrikier, au sens d'« étirer (le drap) », et dans soi estrikier « allonger le bras pour saisir » (XIIIe s.). C'est un emprunt au moyen néerlandais strijken « s'étendre », du francique °strikan, d'où le vieil anglais strîcan (anglais to strike) apparenté au latin strigilis (→ étriller).
❏
Le verbe moderne étriquer est attesté au figuré (1760, Voltaire) au sens de « développer insuffisamment (un texte) ». Il se dit ensuite (1826) pour « priver d'ampleur » en parlant d'un habit et s'utilise comme terme technique (1831) pour « amincir (une pièce de bois) ». Il est rare au sens figuré de « rendre mesquin » (2e moitié du XIXe s.).
❏
ÉTRIQUÉ, ÉE adj. est beaucoup plus courant que le verbe, au propre (av. 1755) et au figuré (1829).
■
Le nom d'action ÉTRIQUEMENT n. m. (1875) est en revanche rare.
ÉTRIVE, ÉTRIVIÈRE → ÉTRIER
L
ÉTROIT, OITE adj. est la réfection (XIIIe s.) de formes en -ei comme estreiz (1080), estreit (v. 1155) issues du latin strictus « serré », « concis », « sévère, rigoureux » (→ strict), participe passé adjectivé de stringere « serrer » (→ étrécir, étreindre, étriller).
❏
L'adjectif, qui s'est d'abord employé (1080) pour « en rangs serrés », s'applique ensuite, comme en latin, à ce qui a peu de largeur et, par figure, signifie (v. 1165) « intime, qui unit de près » (rapports étroits).
◆
Par extension, étroit se dit (XIIIe s.) de ce qui a peu d'étendue, d'où à l'étroit, locution adverbiale (1205, a l'estroit) et l'emploi figuré, « sans ampleur » (1671, cercle étroit de relations) en particulier dans vie étroite « sans aisance » (1601).
◆
Il s'utilise aussi (déb. XIIIe s.), opposé à relâché, pour « rigoureux, strict » (un étroit devoir), et spécialement dans : le sens étroit d'un mot (1690, opposé à large).
◆
L'adjectif s'applique (fin XIIIe s.) à ce qui est borné, manque de générosité (cœur, esprit étroit).
◆
Au XIXe s., il est employé (1890) au sens concret de « qui tient serré » (nœud étroit), alors opposé à lâche, desserré.
❏
Les dérivés ont une évolution sémantique parallèle.
■
ÉTROITEMENT adv. signifie « en tenant très serré » (v. 1135, estreitement), « de manière serrée » (v. 1150, estroitement), puis au figuré « rigoureusement, strictement » (1176) et « intimement » (XVIIe s.).
■
ÉTROITESSE n. f., attesté isolément au XIIe s. (estreitece, qui correspond à estreit) au sens d'« angoisse », s'emploie concrètement (av. 1380, estroitesse) et à l'abstrait (av. 1784, Diderot) ; le mot, rare avant la seconde moitié du XVIIIe s., n'a été admis qu'en 1878 par l'Académie.
■
ÉTROITURE n. f., « lieu étroit » (v. 1195, estroiture), relevé jusqu'au XVIe s., aussi pour « étroitesse » (1495), est devenu un terme de spéléologie reformé au milieu du XXe s. pour désigner un passage étroit.
G
ÉTRON n. m. est issu (fin XIIe s., estront) du francique °strunt « matière fécale consistante et moulée » attesté par le moyen bas allemand strunt, le moyen néerlandais stront. L'ancien provençal estron et l'italien stronzo représenteraient, comme le bas latin strundius (IXe s.), une forme longobarde. Selon P. Guiraud, la variante estronc et le dérivé estronchon « petit étron » justifient de dériver de étron, de estronchier « tronquer » (variante estronner), d'un gallo-roman °extroncitare ; ce sémantisme trouverait confirmation par constipé, qui provient du latin stipes « tronc », et par l'argot mousse « merde » qui, toujours selon Guiraud, représenterait l'adjectif mousse « tronqué » (Cf. émoussé).
❏
Étron a conservé le sens de l'étymon ; le mot s'est dit au figuré (1867) d'une chose sans valeur, d'une personne méprisable.
❏
ÉTRONIFORME adj. est un composé plaisant formé par Flaubert (1865).
ÉTRUSQUE adj. et n., sous la forme ethrusque chez Rabelais (1534, adj.), puis écrit étrusque vers 1800, est un emprunt au latin Etruscus « de l'Étrurie ».
❏
Étrusque se dit (1534) comme en latin de ce qui est propre à l'Étrurie, région de l'Italie ancienne située entre l'Arno et le Tibre (nommée aussi Tyrrhénie). Le mot désigne (1838, n. m.) la langue mal connue des Étrusques.
◆
Au XIXe s., vase étrusque (par exemple chez Mérimée) correspond à « vase grec à décor », provenant d'Italie. Longtemps confondu avec l'art grec, l'art étrusque n'a été étudié spécifiquement que vers la fin du XIXe siècle.
❏
Du radical de étrusque dérivent les termes didactiques ÉTRUSCOLOGUE n. (1877) et ÉTRUSCOLOGIE n. f. (XXe s.).
ÉTUDE n. f. apparaît sous la forme estudie (v. 1120), puis estuide (v. 1150) par métathèse, et estude (fin XIIe s.). Le mot est emprunté au pluriel latin classique studia, interprété comme nom féminin singulier, de studium « attachement, zèle, soin » et « goût pour l'étude », dérivé de studere « avoir de l'attachement pour », « s'appliquer à » (→ studieux). Ce verbe se rattache, comme les mots latins stupere, stupor (→ stupeur) et stuprum (→ stupre), à des termes indoeuropéens exprimant un mouvement, un choc.
❏
Étude conserve le sens général du latin, « soin, application, zèle », et désigne en particulier (1174) l'application pour apprendre, l'effort intellectuel pour acquérir des connaissances. C'est le sens qu'a le mot dans les locutions
avoir de l'étude « avoir des connaissances élaborées », sortie d'usage, et
mettre qqch. à l'étude « (faire) étudier qqch. systématiquement ». Par métonymie,
les études (1532) se dit de la série ordonnée de travaux nécessaires à l'instruction.
■
Le mot désigne ensuite (1216) un cabinet de travail, emploi sorti d'usage (→ studio, par l'italien) mais d'où procède au XVIIe s. la valeur de « bureau d'un notaire, d'un avoué » (1660) et par métonymie (1690) « charge de notaire, d'avoué ».
■
Étude, par extension du premier sens (1580, Montaigne), s'emploie pour « examen, observation (de qqch.) ». Le nom désigne au XVIIe s. une représentation graphique constituant un exercice, un essai (1645). Étude s'emploie ensuite pour « ouvrage littéraire étudiant un sujet » (1784, Études de la nature, Bernardin de Saint-Pierre) et désigne au début du XIXe s. un travail préparatoire de recherche (1802, étude préliminaire), d'où mettre à l'étude « examiner ». Par extension de ce sens, étude désigne (1833) une composition musicale écrite, en principe, pour servir à exercer l'habileté de l'exécutant.
■
Par une nouvelle métonymie, étude s'emploie aussi pour désigner la salle où travaillent les élèves en dehors des heures de classe (1832, Balzac) et désigne (1865) le temps passé dans l'étude, puis l'ensemble des élèves constituant une étude (maître d'étude, fin XIXe s., est sorti d'usage).
❏
ÉTUDIER v. tr. dérive (1155,
estudier) de l'ancienne forme de
étude, estudie. Le verbe signifie « se livrer à l'étude », « prendre pour objet l'étude », d'où « chercher à acquérir la connaissance de (qqch.) » ;
étudier à qqch. (v. 1200), « y appliquer son esprit », est sorti d'usage.
◆
Par extension, le verbe s'emploie (1588, Montaigne) pour « chercher à comprendre par un examen attentif »
(étudier un artiste), d'où la locution
étudier le terrain, au figuré « explorer le milieu où l'on doit agir » (1718). Par extension de l'emploi du
XVIe s. pour « chercher à comprendre »,
étudier a pris la valeur d'« examiner (qqch.) avant d'agir » (1658,
étudier une affaire ; 1835,
étudier un dossier), puis de « traiter un sujet » ; il équivaut aussi à « rechercher »
(étudier le point faible de qqn).
■
Il a signifié (XVIIe s.) « prendre comme objet de ses soins » ; ce sens subsiste seulement au participe passé adjectivé ÉTUDIÉ, ÉE (1611), opposé à naturel.
■
Étudier est sorti d'usage au sens (1629) de « feindre, affecter », lui aussi conservé dans étudié adj. « préparé de manière à faire illusion » (1611), opposé à sincère. S'étudier « se composer une attitude quand on se sent surveillé » est attesté en 1824.
■
ÉTUDIANT, ANTE n. et adj. (1261, etudians), substantivation du participe présent d'étudier, est en concurrence avec escolier (→ écolier) jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Il s'est spécialisé au XVIe s. (1534, Rabelais), par opposition à écolier, pour « adolescent qui fait des études supérieures, va à l'université ».
◆
En ce sens, le féminin ne s'emploie qu'à partir de la fin du XIXe siècle ; attesté dès 1789, rare au XIXe s., étudiante désignait d'abord l'amie d'un étudiant, type social familier du romantisme (Cf. grisette).
◆
Par extension (v. 1970), étudiant s'emploie de nos jours, parfois, pour désigner un lycéen, écolier se disant surtout des plus jeunes élèves. En français d'Afrique, de l'île Maurice, le mot s'applique normalement aux élèves du cycle secondaire.
◆
Comme adjectif (1965), le mot a remplacé dans l'usage courant estudiantin.
■
ESTUDIANTIN, INE adj. est dérivé (1899) de la forme ancienne d'étudiant*, peut-être sur le modèle de l'espagnol estudiantino (1726), dérivé de estudiante « étudiant ». Le mot signifie « qui est relatif aux étudiants ».
?
ÉTUI n. m. représente le déverbal (v. 1170, estui) de l'ancien français estuier, estoiier « conserver, garder » (XIIe s.), peut-être issu d'un latin populaire °studiare « donner son soin à qqch. », attesté en latin médiéval au sens de « soigner », « tenir en bon état, conserver », dérivé de studium « application, soin » (→ étude). P. Guiraud propose °extuicare pour étymon de estoiier, et °extuicum pour estoi ; la forme verbale signifierait « protéger en mettant de côté » d'où « enfermer », « cacher », dérivée du latin tueri « veiller sur », « protéger », « conserver en bon état ». La variante estuier proviendrait du croisement de tueri avec tutare de même sens.
❏
Le mot est d'abord attesté dans le syntagme garder en estui « conserver » (v. 1170).
◆
Il a eu en ancien français (XIIe s.) le sens de « prison » (« lieu où l'on garde qqn ») puis celui d'« objet creux servant de contenant », qui est resté en usage, et (v. 1550) l'acception de « lieu étroit dans lequel on est enfermé », qui a disparu. Il s'est employé dans la locution figurée un visage à étui « très laid », c'est-à-dire que l'on devrait cacher dans un étui (1752).
◆
Étui s'utilise dans divers domaines au sens de « contenant » : étui (de cartouche) (1836), en marine étui à voiles (1866), en ethnologie étui pénien (XXe s.) ; par analogie de fonction, il s'emploie en botanique (étui médullaire) et en entomologie pour « fourreau qui protège l'aiguillon de certains insectes » (1865) ; il avait signifié antérieurement « élytre ».
L
ÉTUVE n. f. est issu, au XIe s. (Raschi), puis au XIIe s. (1176), d'un latin populaire °extupa « pièce pour bains de vapeur » ; on trouve le bas latin stupa (VIIIe -IXe s.) avec ce sens. °Extupa est posé comme le dérivé d'un verbe °extupare, lui-même de °tupare, du grec tuphein « faire fumer, remplir de fumée » (→ estouffade). Le verbe grec a sans doute pénétré en Gaule par Marseille avant la conquête romaine, d'après le traitement phonétique du -ph- devenu -p-. Le provençal atteste encore tuba « fumer » ; l'italien stufa « fourneau » vient aussi du grec, par le biais d'un latin populaire plus tardif, où le -ph- était passé à -f-.
❏
Étuve a d'abord désigné une salle pour bains de vapeur, un hammam. Le mot se dit ensuite (XVIe s.) d'un endroit clos dont on élève la température pour provoquer la sudation puis (1690) d'un lieu où il fait très chaud.
◆
Il s'emploie spécialement (1680), probablement d'après étuver, à propos d'un appareil destiné à obtenir une température élevée, pour sécher des bois, des fruits, etc., assouplir un matériau (en marine étuve à bordages, 1773) ou pour désinfecter.
❏
ÉTUVER v. tr. (v. 1181-1190,
estuver) signifie d'abord « baigner dans l'eau chaude » ; ce sens, lié à la première valeur d'
étuve, a disparu.
◆
En revanche le verbe a conservé d'autres emplois anciens, comme « faire passer à l'étuve » (1384) et, en cuisine, « cuire à l'étuvée » (1530), d'abord « ébouillanter » (v. 1393, sens douteux).
■
Le dérivé ÉTUVEUR n. m. désignait autrefois (1260, estuveur) le propriétaire d'un établissement de bains chauds, d'une « étuve » ; étuveur ou ÉTUVEUSE n. f. (1923) désigne aujourd'hui un appareil à étuver.
■
ÉTUVÉE n. f., d'abord dans la locution adverbiale à l'étuvée « à la vapeur » (fin XIVe s., poules farcies a l'estuvee), se dit par métonymie du plat cuit à l'étuvée.
■
Les noms d'action ÉTUVEMENT n. m. (1538) et ÉTUVAGE n. m. (1874) sont archaïques.
ÉTYMOLOGIE n. f. est attesté vers 1175 dans la traduction du titre latin Etymologiae, ouvrage d'Isidore de Séville, puis sous la forme ethimologie (1170-1190). Le mot est un emprunt savant au latin classique etymologia, emprunté par Varron au grec etumologia. Ce terme est formé de etumos « vrai », qui, à partir de l'époque hellénistique, se trouve substantivé (to etumon) au sens de « l'élément véritable, authentique d'un mot », et de -logia « étude, recherche » (→ -logie) ; la valeur initiale de etumologia est donc « la recherche du vrai sens d'un mot ».
❏
L'étymologie, fondement de la grammaire et de la rhétorique chez Isidore de Séville, consiste à établir des relations entre un mot donné et d'autres éléments linguistiques ; ainsi sont rapprochés le latin
malum (« le mal ») de
malum (« la pomme ») dans le commentaire du récit édénique ; il s'agit alors de connaître, de révéler les relations perçues à travers les mots. Dans les premières attestations en français, le mot reste lié à la rhétorique ; au
XIIIe s., il équivaut à « art de la connaissance et de l'utilisation des rapports formels et idéels entre les mots » ; il est aussi employé dans un contexte philosophique au sens de « vérité d'une chose, incluse dans le mot qui la désigne ». Ces valeurs fondatrices reposent sur l'hypothèse exposée par Cratyle dans le célèbre dialogue de Platon, et selon laquelle le mot n'est pas arbitraire, entretenant un rapport ontologique avec l'idée et la chose. Dès le
XIIe s.,
étymologie s'utilise aussi par extension dans
per ethymelogie (1188,
in Pfister) « en vertu de la forme de son nom » (
par etimologie, v. 1230) ; il désigne encore une figure de style (1521).
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Le développement de l'étude historique des langues au XVIe s. aboutit à des restrictions sémantiques, et l'on parle fréquemment de l'étymologie d'un mot pour désigner la relation, réelle ou irréelle, entre ce mot et un autre (mais Montaigne parle encore de l'étymologie d'une chose). C'est entre 1550 et 1650 que l'on passe à un usage technique, l'étymologie ne concernant plus que la relation de succession réelle entre deux mots particuliers, cette relation, au XVIIe s., ressortissant plus de l'analogie que d'un aboutissement évolutif. L'ouvrage de Ménage, Origines de la langue française, publié en 1650, est repris en Dictionnaire étymologique (1694). C'est l'article Étymologie attribué à Turgot, dans l'Encyclopédie (1764), qui définit la science moderne de l'étymologie avec son objet et ses méthodes, et propose une terminologie. Cette acception est reprise dans l'édition de 1771 du Dictionnaire de Trévoux. Chez Turgot, étymologie est aussi employé pour « terme originaire ». Cf. ci-dessous étymon. Étymologie reste un mot peu fréquent jusqu'à la fin du XVIIIe siècle ; on emploie plutôt dérivation pour parler de la désignation abstraite et l'on dit tel mot vient de tel autre. Au XIXe s., l'usage cultivé ignore l'emploi d'étymologie au sens que définit Littré : « doctrine de la filiation des mots au cours du temps » (par exemple les lois de l'étymologie) ; Littré utilise encore les étymologies au sens de « l'ensemble des faits recherchés ». Étymologie populaire, terme technique calqué de l'allemand (voir l'encadré Étymologie), apparaît au début du XXe s. mais son usage est aujourd'hui en recul. À partir des années 1960 s'opère un glissement de sens et étymologie, sous l'influence de Gilliéron puis de W. von Wartburg, se dit aussi pour « histoire (d'un mot, d'un vocabulaire) ».
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ÉTYMOLOGIQUE adj. (v. 1550,
noms étymologiques) est un emprunt au latin
etymologicus (Varron) puis au grec
etumologikos.
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L'adjectif qualifie les noms qui révèlent leur véritable sens ; on trouve en latin avec la même valeur
nomina etymologica. L'évolution de l'adjectif est parallèle à celle du nom ;
étymologique signifie à la fin du
XVIIe s. (
Dictionnaire étymologique de Ménage, 1694) « relatif à l'étymologie (en tant que discipline) » et (1870) « conforme à l'étymologie ».
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En dérive
ÉTYMOLOGIQUEMENT adv. (1620).
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De étymologie procèdent plusieurs autres termes didactiques : ÉTYMOLOGISER v. intr. (1549), précédé par ethimologier (XIIe s. ; ethimologizar, XIVe s., en ancien provençal) vient du latin médiéval etymologizare (v. 1250).
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ÉTYMOLOGISTE n. (1578) est forgé en français ; il élimine éthimologiseur (1572), mot péjoratif, et prend les valeurs successives d'étymologie.
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ÉTYMON n. m., emprunt savant (1892) au grec
etumon, désigne la forme d'où procède un mot, soit par évolution, soit par emprunt.
EUCALYPTUS n. m. est d'abord repris sous la forme eucalypte (1796) relatinisée en eucalyptus (1815), du latin scientifique eucalyptus (1788, Lhéritier), composé du grec eu- « bien » et de kaluptos « couvert », le limbe du calice restant fermé jusqu'à la floraison. Kaluptos est l'adjectif verbal de kaluptein « couvrir, envelopper », qui se rattache à une racine indoeuropéenne °kel « cacher » (d'où provient le latin celare ; → celer).
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Le mot désigne un arbre originaire d'Australie, à feuilles très odorantes et, par métonymie (XIXe s.), la feuille, utilisée pour ses propriétés médicinales.
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EUCALYPTOL n. m. (1870 ; suffixe -ol) se dit en pharmacie du principe actif extrait de l'essence d'eucalyptus.
EUCARYOTE adj. et n. m. pl. est formé (XXe s.) à partir du grec eu- « bien » et de karuon « noix » puis « noyau ».
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Le mot qualifie et désigne un animal vivant dont les cellules possèdent un noyau structuré, par opposition à PROCARYOTE adj. et n. m. (1925, É. Chatton), qui se dit de tissus, d'organismes dont le noyau n'est pas séparé du cytoplasme par une frontière individualisée et des organismes dont les cellules sont dépourvues de noyaux figurés (bactéries, végétaux procaryotes).
EUCHARISTIE n. f. est un emprunt (fin XIIIe s. ; v. 1165, in Bloch et Wartburg) au latin chrétien eucharistia « action de grâces », « ce qui a été consacré par la prière d'action de grâces » (le vin, le pain), lui-même emprunté au grec eukharistia « reconnaissance », « action de grâces », en grec chrétien « sacrifice de l'eucharistie ». Eukharistia vient de eukharistos « agréable », de eu- « bien » et kharizesthai « chercher à plaire », « accorder une grâce », dérivé de kharis « grâce, faveur, gratitude » (→ charisme), qui se rattache, comme le latin hortari (→ exhorter), à une racine indoeuropéenne °gher- « désirer ».
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Eucharistie, terme de théologie (souvent écrit avec la majuscule), désigne le sacrement essentiel du christianisme qui commémore le sacrifice du Christ. Dans la théologie catholique et orthodoxe, eucharistie se dit des espèces (pain et vin) qui contiennent substantiellement le corps, le sang, l'âme et la divinité de Jésus-Christ ; dans la théologie luthérienne, la présence du Christ est réelle mais la substance des espèces demeure, alors que dans la théologie calviniste, la présence du Christ, toujours réelle, est spirituelle.
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EUCHARISTIQUE adj. (1577) est emprunté au latin chrétien
eucharisticus « de remerciement » (
Ve s.) et « eucharistique » en latin médiéval (seulement attesté en 1552), emprunt au dérivé grec
eukharistikos, proprement « reconnaissant ».
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En français, le mot est rapidement ressenti comme un dérivé de eucharistie et en prend les valeurs.