TANTRA n. m. est un emprunt (1829, Rémusat) à un mot sanskrit désignant proprement la trame ou la chaîne d'un tissu et, par figure, ce qui se déroule en s'enchaînant, une expansion.
❏  Ce mot didactique désigne un livre sacré indien qui, prenant souvent la forme du dialogue, inclut une cosmologie, l'exposé de pratiques rituelles et de méthodes de dépassement de soi (yoga), et renferme aussi des principes relatifs à la conduite personnelle et sociale.
❏  Tantra a produit deux dérivés, TANTRIQUE adj. (1904) et TANTRISME n. m. (1904), qui désigne une forme de l'hindouisme inspirée des tantras.
TAO n. m. (1735), représente la transcription d'un mot chinois signifiant « voie, raison » (→ shintoïsme).
❏  Le mot, parfois transcrit dao, désigne dans la philosophie chinoise le principe du mouvement qui régit tous les processus de l'univers et est formé de deux principes complémentaires (→ yang, yin). Il est resté très didactique en français, alors que les dérivés sont plus connus.
❏  TAOÏSME (1886) ou TAÔISME n. m., auparavant taossisme (1845 ; de taosse, 1827, forme disparue), s'est un peu répandu avec la vogue, après 1970, des philosophies orientales. Nom d'une doctrine religieuse chinoise fondée au VIe s. avant J.-C. par Lao Tzu (ou Lao Tseu), le taoïsme enseigne en particulier la solidarité totale entre la nature et l'homme (l'homme étant une image du macrocosme) ; les fondements de la doctrine sont exposés dans le Tao-tō-king, le « Livre du Tao », antérieur au IIIe s. et attribué à Lao Tzu.
■  TAOÏSTE (1616) ou TAÔISTE n. et adj. est le premier mot de la série qui semble avoir été importé.
L TAON n. m. est issu (v. 1175) du bas latin tabonem, accusatif de tabo, -onis, altération par substitution de suffixe du latin classique tabanus, attesté depuis Varron. La forme du mot, qui désigne un insecte piqueur s'attaquant aux bestiaux, se retrouve dans des noms propres étrusques avec les deux finales en -anus et en -o, -onis.
❏  Le dérivé TAONNÉ, ÉE adj., « piqué par les taons » (av. 1850, Balzac), est peu employé.
TAPAS n. m. pl. est un emprunt à l'espagnol, pluriel de tapa, du verbe tapar « couvrir » (→ 2 taper, tapon). Le mot désigne un assortiment d'entrées variées, froides ou chaudes, qu'on peut servir à l'apéritif. Bar à tapas.
TAPENADE n. f. est un emprunt (attesté en 1910 en français) à l'occitan provençal tapenado, de tapeno « câpre ». En français de Provence, diffusé après 1960 par la gastronomie, le mot désigne une préparation de câpres, olives noires, parfois d'anchois écrasés, à l'huile d'olive, au citron et au poivre, parfois à l'ail et aux herbes, formant une pâte.
? + 1 TAPER v. est probablement une formation onomatopéique (v. 1175) à partir d'un radical °tapp- exprimant le bruit d'un coup sourd et bref. On a aussi évoqué un croisement avec un verbe taper « boucher » (→ 2 taper), donc une parenté avec la famille du francique °tappôn, °tappo (→ tampon, tapon).
❏  Dans sa première attestation, le verbe s'applique au faucon qui saisit en vol un oiseau ; cette valeur semble proche de celle de voler* en ancien français ; elle est relativement aberrante par rapport au sémantisme général et dominant qui apparaît au début du XIIIe s., « tapoter » v. 1200, « donner un coup à (qqn) » (v. 1220) et en général « frapper », que ce soit comme transitif (entre 1300 et 1350) ou comme intransitif (au XIVe s. aussi). ◆  Dès cette époque, le verbe est employé au figuré, le sujet désignant le soleil qui peut incommoder (XIVe s.), le vin qui monte à la tête (fin XIVe s.). À partir du XVIe s., l'emploi intransitif donne lieu à la locution taper des pieds (1538), puis taper du pied (1689), cet acte exprimant au figuré l'impatience et la colère. D'autres locutions métaphoriques (transitives et intransitives) apparaissent au XIXe s., comme taper sur le ventre de qqn (1872) « avoir des relations très familières avec lui », au figuré taper dans l'œil à qqn (1859) « séduire », taper sur les nerfs (1868), se taper le derrière par terre (1880) « se réjouir bruyamment ».
Taper se spécialise avec l'idée de frapper, battre, rosser dans taper sur qqn (d'où se faire taper dessus, familier), le transitif, au sens propre, étant réservé à l'usage familier (XIXe s.) puis spécifiquement enfantin (elle m'a tapé !). Le spectre d'emploi semble plus large en français d'Afrique, où l'on emploie par exemple taper le ballon pour « jouer au ballon ». En emploi intransitif, taper, taper à pied se dit pour « marcher ». ◆  Au figuré, taper qqn signifie « lui demander de l'argent » (1866), sens d'où procède l'argot normalien 2 tapir*, alors que taper sur correspond à « médire » (1907). ◆  Taper peut correspondre à « frapper de la main, du poing » (par ex. dans la locution taper dans le tas, 1867) ou plus rarement à « atteindre par un coup à distance » (par ex. dans la locution taper dans le mille, 1881). ◆  D'après le sémantisme sexuel du coup, taper, surtout au pronominal, exprime l'idée de relation sexuelle. C'est probablement cette métaphore sous-jacente (non encore attestée) qui rend compte de l'emploi de se taper avec un complément pour « boire, manger » (1776), taper qqch. ayant aussi signifié « se servir abondamment de » (1836), sorti d'usage. ◆  Se taper correspond au XXe s. (attesté en 1905) à se faire, se farcir, etc. avec pour complément le nom d'une action pénible (se taper une corvée, la vaisselle). D'autres contextes, comme taper une belote « disputer une partie » ou taper l'incruste « s'inviter », donnent à taper une valeur intensive. ◆  En argot, le verbe a parfois une valeur explicitement sexuelle, après l'emploi de taper une femme (1789, Nerciat), évoquant notamment la sodomie. S'en taper, comme s'en foutre, s'en tamponner, exprime familièrement l'indifférence méprisante.
Dans un tout autre contexte, le verbe s'applique au fait de frapper les touches d'un clavier de machine à écrire (taper à la machine intransitif, et absolu savoir taper) et de produire (un texte) avec la machine à écrire (1917), en concurrence avec dactylographier. Cet emploi, avec le remplacement progressif des machines à écrire par des claviers de micro-ordinateurs, est progressivement éliminé par saisir (voir ci-dessous tapuscrit).
❏  Certains dérivés du verbe conservent la valeur dominante de « donner un coup » au propre et au figuré ; c'est le cas de tapoter, tape, tapement, tapée, tapeur, tape-cul, tape-à-l'œil. D'autres exploitent des valeurs de sens spécial et sont de ce fait sentis comme détachés de la série : retaper et ses dérivés, tapage, tapin illustrent cette situation. Tapette participe des deux cas.
Le plus ancien dérivé est TAPOTER v. (v. 1270), « donner de petits coups répétés », en emploi intransitif et transitif (v. 1570). Il s'est spécialement employé pour « jouer d'un instrument à touches avec négligence ou maladroitement » (1867), acception vieillie.
■  Ce verbe a servi à former les noms d'action TAPOTAGE n. m. (1855) et TAPOTEMENT n. m. (1859). ◆  TAPOTEUR, EUSE n. (av. 1868) a une forme féminine TAPOTEUSE désignant une machine qui égalise la pâte à chocolat dans les moules par secousses. ◆  TAPOTIS n. m. (1919), analogue à clapotis, exprime un bruit fait en tapotant.
TAPOCHER v. tr. s'emploie au Québec pour « donner des coups, des gifles », au pronominal « se battre ».
Le déverbal 1 TAPE n. f. (1360) sert à désigner un coup donné avec le plat de la main ; le sens figuré qui correspond à « échec » (1760, dans avoir sa tape ; 1894, au théâtre) a vieilli.
■  Le participe passé adjectivé TAPÉ, ÉE a en ancien français la valeur de « un peu fou » qui correspond au sémantisme du coup : celui qui est fou a reçu un coup (sur la tête). Depuis la fin du XVIIe s., il s'est dit de fruits aplatis et séchés au four (pommes, poires) [1694] et de cheveux crêpés (XVIIIe s.). ◆  De nos jours, il est courant avec les sens familiers de « réussi » (1742, bien tapé), spécialement dans l'argot des peintres « fait avec liberté et hardiesse » (1817), et, comme en ancien français, « un peu fou » (829) puis « vieilli, marqué par l'âge » (1949).
TAPEMENT n. m. (1569) sert de nom d'action à taper et désigne, par métonymie, le bruit d'un choc (1823). Il est passé dans le langage des graveurs pour désigner l'action d'étendre également le vernis sur la planche à graver (1802), peut-être par influence de tapon, tampon, et avec le sens de « tamponner ».
1 TAPETTE n. f. est employé avec sa valeur diminutive de petite tape depuis le XVIIIe siècle. Au XIXe s., c'est devenu le nom d'un jeu de billes (1845). D'après la valeur sexuelle de taper (ci-dessus), c'est aussi le nom familier d'un homosexuel passif (1859), l'initiale commune avec tante, tata ayant pu renforcer cet emploi. En français du Québec, tapette s'emploie aussi, mais au masculin, pour « homosexuel ». ◆  Le mot sert également de désignation familière pour la langue, organe de la parole (1867). ◆  D'après sa fonction, il désigne aussi concrètement une raquette d'osier pour battre les tapis, tuer les mouches (1929).
TAPAGE n. m. (1695) s'est spécialisé pour exprimer un bruit violent et confus, quelquefois, au figuré et dans un style archaïsant, un éclat. Par ces valeurs, le mot s'est détaché du verbe. Le sens de « contraste violent de couleurs » (1764, Voltaire) relève d'un style littéraire. ◆  Plus étroitement lié au verbe, le sens de « fait d'emprunter de l'argent » (1878) est familier. ◆  Au sens de « bruit intense » (ci-dessus), tapage s'emploie en droit, notamment dans tapage nocturne (1834, Balzac).
■  Tapage a lui-même pour dérivé TAPAGEUR, EUSE n. (1743) et adj. (v. 1770), plus courant que le nom pour qualifier ce qui fait du scandale (1771) et ce qui se fait remarquer par des contrastes de couleurs.
■  Un autre dérivé, TAPAGER v. intr. (1758), est rare.
TAPIN n. m. a été formé anciennement en picard (v. 1270) avec un sens métaphorique, par rapport à taper et peut-être déverbal de tapiner (ci-dessous), de « tache venant aux jambes lorsqu'on s'est chauffé de trop près ». Ce dérivé a été repris ou reformé sur taper au XVIIIe s. pour désigner celui qui bat du tambour (v. 1760), sens sorti d'usage, comme d'autres apparus à la même époque. ◆  La locution argotique faire le tapin (1837), à rapprocher de faire la retape (ci-dessous, sous retaper), peut-être d'après l'idée de « racolage bruyant », a produit le seul sens vivant, « activité de la prostituée », puis par métonymie « prostituée » et, par extension, « travail » en général (1926) ; le mot est alors détaché du verbe taper.
■  Son dérivé 1 TAPINER v. intr. a suivi la même évolution. Il est d'abord relevé en ancien picard (v. 1270) au sens de « faire venir des taches à qqn », disparu. ◆  Au sens de « battre du tambour », c'est peut-être un dérivé direct de taper, l'ancien français tapin pouvant être son déverbal.
■  Un autre verbe dérivé de tapin, 2 TAPINER v. intr., apparaît en argot du XXe s. (1920). Il a produit TAPINEUSE n. f. (1926), « prostituée faisant “le trottoir” ».
■  Il semble distinct de 3 TAPINER v. tr. (1908), verbe familier et vieilli exprimant l'idée de posséder sexuellement, d'après taper de même sens, peut-être croisé avec pine*.
TAPÉE n. f. est attesté depuis le XVIIIe s. (1727, Marivaux) pour « grande quantité » dans l'usage familier, par l'idée de tapée de coups. ◆  Il est passé dans la terminologie technique (1872) pour désigner les morceaux de planche que l'on colle sur un meuble pour y faire des moulures.
TAPEUR, EUSE n., dérivé attendu de taper (1856 comme adjectif), signifie au figuré « personne qui emprunte de l'argent » ; plus rarement, il désigne concrètement celui qui frappe (1876). En français de l'île Maurice, le mot, d'après le créole, désigne un partisan actif, qui protège un candidat pendant les campagnes électorales, un garde du corps (Cf. gorille). ◆  En français de France, tapeur a pris plusieurs valeurs spéciales du verbe, « pianiste de caf conç' » (1880), « joueur de cartes » (1892).
■  L'usage du participe présent adjectivé de taper, TAPANT, ANTE, est attesté depuis 1900, employé avec un nom d'heure, pour « à l'instant où sonne (telle ou telle heure) » et dans soleil tapant « qui tape ».
TAPE-CUL n. m., composé avec la forme verbale tape- (1453) et d'abord écrit tapecul, désigne alors le pont-levis fermant l'entrée d'une barrière. ◆  Plusieurs sens concrets sont apparus ensuite : en marine « voile établie à l'arrière d'une embarcation » (1678), puis « bascule à contre-poids fermant l'entrée d'une barrière » (1694) [reprise de la valeur initiale] et, le cul étant celui d'un être humain, « voiture à cheval mal suspendue » (1798), « balançoire » (1845) et en équitation « monte sans étriers » (1888).
TAPE-À-L'ŒIL adj. et n. m. inv. est relevé pour la première fois en 1867 pour « homme ayant une marque sur l'œil », sens aujourd'hui sorti d'usage comme « chien blanc ayant du poil noir sur les yeux » et, par métonymie, « carré d'étoffe que l'on met devant un œil malade ». De nos jours (et depuis le milieu du XIXe s. : 1867 dans Flaubert), le mot qualifie et désigne ce qui est de couleur voyante, attire l'attention.
TAPUSCRIT n. m. apparaît vers 1970, composé irrégulier du radical de taper et de (man)uscrit ; il désigne dans l'usage technique un texte dactylographié, opposé à épreuves en imprimerie, et jouant le même rôle qu'un manuscrit.
Le préfixé RETAPER v. tr. est lui aussi attesté une première fois au XVIe s. à la forme pronominale se retaper pour « se cacher, se renfoncer de nouveau quelque part ». ◆  Puis le verbe correspond à « remettre dans sa forme en donnant des tapes », d'abord à propos de la coiffure et d'un chapeau dont on retrousse les bords (1752). De là vient l'idée de « remettre à neuf » (1835). Au pronominal, se retaper signifie « retrouver la santé » (1871). ◆  Retaper se dit aussi, dans l'argot des écoles, du fait de refuser qqn à un examen (1888), sorti d'usage comme celui de « tromper, berner » (1748 au Canada). ◆  Dans l'usage enfantin, il correspond à « redonner des coups » (1907).
■  Son participe passé RETAPÉ, ÉE, est adjectivé (1782), d'abord pour « élégant » puis avec les sens modernes de « rénové » et « rétabli (de la santé) » (1881).
■  Le sens argotique ancien de « rencontrer » (1800, retaper qqn) est réalisé par le déverbal RETAPE n. f., d'abord employé dans l'expression faire la retape (1795) qui se dit encore d'une prostituée qui se promène sur la voie publique pour y trouver des clients.
■  Un autre dérivé du verbe, RETAPAGE n. m. s'est dit du fait de répéter une chanson de manière fastidieuse (1861).
■  RETAPEUSE n. f., mot d'argot, a désigné une prostituée (1867) ; il est sorti d'usage, à la différence de retape et de tapineuse (ci-dessus).
❏ voir 2 TAPIR, 2 TAPISSER, TOPER.
2 TAPER v. tr., attesté tardivement (1611, Cotgrave) en français, correspond à l'ancien provençal tapar (XIVe s.) et au latin médiéval tapare (1331). Le mot provient, comme l'italien tappare, le catalan, l'espagnol, le portugais tapar, d'un francique °tappôn « boucher », correspondant à °tappo (→ tampon, tapon). Il fait partie des mots germaniques implantés dans le sud de la France (occitan) et répandus plus tard dans le français du Nord.
❏  Le mot, qui signifie « boucher, obturer », vit surtout dans les parlers régionaux avec des nuances voisines de « couvrir », « comprimer », « tasser ». Le français central lui donne au XVIIIe s. un sens technique, « mettre un bouchon de bois ou de liège à un canon, à un écubier » (1752) en marine ; il interfère alors avec 1 taper par l'idée d'« appliquer par un coup ».
❏  Deux dérivés techniques sont homonymes des dérivés de 1 taper : le diminutif 2 TAPETTE n. f. (1562), en tonnellerie, désigne la palette qui sert à enfoncer les bouchons ; le déverbal 2 TAPE n. f. (1743), représenté dès le XIVe s. en ancien provençal (1380), sert à désigner un dispositif qui ferme le fond d'une cuve en brasserie, et en marine un bouchon ou une plaque servant à boucher les écubiers (1752). Il désigne aussi diverses sortes de bouchons ou « tapons » (1812 en gravure).
❏ voir TAPAS, (SE) TAPIR, TAPON.
TAPHO-, élément de mots savants tiré du grec taphos « tombeau » (→ cénotaphe, épitaphe) n'a guère produit que TAPHOPHOBIE n. f. (1916) « phobie d'être enterré vivant » et TAPHOPHILIE n. f. (1969) « attrait pathologique pour les cimetières, les tombes ».
TAPIN → 1 TAPER
TAPINOIS (EN) → TAPIR (SE)
TAPIOCA n. m., relevé une première fois en 1651 sous la forme tapiocha puis au XVIIIe s. (1783, S. Mercier) sous la forme actuelle, est emprunté au portugais tapioca, lui-même pris au tupi et guarani (langues indiennes du Brésil) tapioca, tipioca, de tipi « résidu » et ok- « presser », désignant la fécule de racine de manioc, lavée et séchée.
❏  D'abord mot exotique de voyageurs, tapioca est devenu usuel quand le tapioca, consommé en potage, est devenu habituel entre 1920 et 1940.
1 TAPIR n. m. est emprunté AU XVIe s. sous diverses formes plus complexes (la première connue est tapihire en 1558) au tupi tapira, nom d'un gros mammifère ongulé au nez en trompe.
❏  Le mot est transmis en français dans un récit de voyage de Thevet. La forme a varié en tapyyre (1614), tapiyre (1614), avec des variantes longues provenant d'autres formes indiennes : tapirousou (1575), taperoussou (1615) ou tapireté, tapyire-eté (1694), avant de se stabiliser en tapir (1741). Avant cette date, il s'agit d'un mot de voyageurs, rare ; ensuite, l'animal est décrit par les zoologistes et son nom devient relativement connu.
❏ voir 2 TAPIR.
2 TAPIR n. m. est un calembour (fin XIXe s.) entre 1 tapir et le verbe taper au sens d'« emprunter » (→ 1 taper).
❏  En argot de l'École normale supérieure, il désigne l'élève qui prend des leçons particulières, et auquel le Normalien « tape » de l'argent ; la métaphore est plaisante, le tapir étant un animal apprivoisable et comestible.
G TAPIR (SE) v. pron. est issu (v. 1155) du francique °tappjan « fermer » et « enfermer », postulé par l'ancien scandinave teppa de même sens, et appartenant à la même racine que °tappo (→ tampon, tapon) et °tappôn (→ 2 taper). P. Guiraud, contestant l'étymologie francique, rattache le mot à 1 taper par la métaphore qu'il estime « fondamentale », menant de cacher « écraser » à se cacher « se dissimuler », mais l'histoire du mot montre que l'idée de « boucher » est présente dès le moyen français.
❏  Le verbe pronominal signifie dès le XIIe s. « se cacher », impliquant l'idée de « se ramasser sur soi-même », spécialement en parlant d'un animal (v. 1265). ◆  L'emploi intransitif (1155) et l'emploi transitif de tapir, vivants en moyen français, ont disparu. ◆  L'acception de « boucher, obturer, tamponner » (1314) et, avec une nuance voisine, celle de « presser, comprimer » (1603), elles aussi sorties d'usage, témoignent en faveur de l'étymologie francique. Depuis le XVIe s. (1559), le mot réalise aussi l'idée de « se cacher » dans des emplois figurés ou abstraits.
❏  Son participe passé TAPI, IE, est adjectivé, d'abord sous l'ancienne forme tappy (XVe s.), pour qualifier une personne ramassée sur elle-même, puis à l'abri. Dans plusieurs parlers (en particulier en Suisse), l'adjectif signifie « serré, compact », « couvert d'une couche protectrice », valeur qui réactive la racine germanique.
■  Par l'intermédiaire d'un ancien adjectif tapin (v. 1200), adverbialement dans a tapin (v. 1170), fait sur le participe tapi, tapir a produit TAPINOIS, OISE adj. « déguisé » (fin XIIe s.), employé dans la locution adverbiale en tapinois (v. 1470) « en se cachant, à la dérobée » qui a évincé les anciennes locutions équivalentes en tapinette, en tapinage (v. 1120, en anglo-normand), en tapinement, a tapinement (1148) et l'adverbe tapineusement (1390). ◆  L'adjectif tapinois, qui qualifiait ce qui est clandestin (1580) et s'employait comme nom pour une personne sournoise (1636), est sorti d'usage après le XVIIe s., mais en tapinois est resté en usage.
TAPIS n. m. (v. 1160), d'abord tapid (fin XIe s., Raschi) et tapiz (v. 1130), est emprunté à l'époque des croisades au grec tardif tapêtion « petite couverture », diminutif de tapês, tapêtos « couverture, tissu à étendre au sol », emprunt oriental d'origine obscure : on a supposé depuis longtemps un emprunt à l'iranien et certains évoquent une origine en Asie Mineure. Le mot grec a été adapté en latin sous plusieurs formes ; tapete a été repris par l'espagnol tapete, tapetum a fourni l'italien tappeto. Le mot a largement circulé en Occident avec la chose ; ainsi, son passage en français a été suivi d'emprunts par l'ancien anglais tapis, plus tard éliminé par carpet, et par l'allemand Teppich, toujours vivant.
❏  Pendant longtemps, tapis a été employé au sens large de « pièce de tissu servant à l'ameublement, à la décoration », qu'elle soit étendue sur une table, une estrade, dans une alcôve ou pendue comme tapisserie. Le sens moderne, restreint, « ouvrage de tissu étendu sur le sol » qui correspond à l'usage dominant en Occident, est relativement récent (2e moitié XVIIIe s.). Tapis d'Orient, tapis de Perse précise l'origine. Tapis de prière se dit du petit tapis que les musulmans réservent à la prière. ◆  La langue conserve de nombreuses traces du sens ancien ; tapis (av. 1615), puis tapis vert, désigne la pièce de drap, généralement vert, qui recouvre une table de jeu, sens d'où viennent diverses locutions comme le tapis brûle (1690), et s'emploie au billard (1694, tapis du billard) ; tapis (1765) ou tapis vert se dit aussi de la table autour de laquelle des personnes délibèrent. De nos jours, tapis vert évoque les jeux de hasard. ◆  Diverses locutions figurées font allusion au tapis du bureau (ce dernier mot ayant cessé de désigner le tissu recouvrant une table ; → bureau) : être sur le tapis (fin XVIe s.), mettre (qqch., qqn) sur le tapis (fin XVIe s.) ; employé par métonymie pour « assemblée de personnes », tapis est entré dans amuser le tapis « divertir la société » (1619). ◆  La valeur moderne a donné lieu à tapis magique, tapis volant (1835) qui évoquent les légendes arabes. ◆  Par extension du sens dominant « revêtement de sol », le mot s'applique à un revêtement souple de sol (1901), et se dit spécialement dans un contexte sportif (1903, en lutte, puis en boxe) et dans la locution envoyer au tapis. Tapis-brosse (1929) est un synonyme de paillasson. ◆  Tapis entre dans le syntagme lexicalisé tapis roulant (av. 1949, Larousse) pour désigner un dispositif servant au transport de personnes et de marchandises.
■  Le mot a développé quelques emplois métaphoriques, « surface plane » (fin XVIe s.) évoquant un tissu posé, d'où tapis vert (1688) ou tapis de gazon (1694). ◆  Par allusion aux dessins d'un tapis (au sens général ancien), il est employé en anatomie pour désigner une portion de la choroïde (1690). ◆  L'expression métaphorique tapis de bombes (v. 1964) est un calque de l'anglais en usage dans la langue militaire.
❏  De l'ancien sens de tapis, « revêtement mural », est dérivé TAPISSERIE n. f. (1347, Bloch et Wartburg) « grand ouvrage fait au métier ou manuellement, destiné à former des panneaux verticaux » ; on distingue les tapisseries de haute et de basse lice*. ◆  Par extension, le mot désigne aussi un ouvrage d'aiguille au canevas (1690), proprement appelé broderie (d'où tapisserie de Bayeux, s'agissant d'une broderie), et en langue classique toute matière textile (puis matières analogues) propre à recouvrir les murs (1549), sens restreint de nos jours à une tenture d'ameublement. ◆  Le mot désigne également (1462) l'art du tapissier. ◆  Il a donné lieu à l'époque classique à la locution être derrière la tapisserie « être dans le secret » (fin XVIIe s.) et aux locutions usuelles l'envers de la tapisserie « ce qui est caché par les apparences » et faire tapisserie « rester assis et inoccupé, le long du mur, de la tapisserie » (1806, au bal).
■  C'est encore tapis, pris avec le sens de « tissu d'ameublement », qui a produit TAPISSIER, IÈRE n. et adj. (écrit tapicier, 1220 ; graphie moderne attestée au XVe s.), d'abord écrit tapicier (1226), « personne qui fabrique, vend des tissus utilisés en décoration et en ameublement » et « personne qui tapisse une pièce », « qui vend les tissus utilisés dans la fabrication de certains meubles ».
■  Le féminin TAPISSIÈRE n. f. sert spécialement (seul 1752 ; ou dans abeille tapissière, 1812) à désigner une espèce d'abeille qui tapisse son nid de coquelicots. ◆  Tapissière a désigné aussi une voiture hippomobile utilisée par les tapissiers pour le transport des meubles (1834) et, par extension, un grand omnibus (1831 dans Balzac).
1 TAPISSER v. tr. (fin XVe s. ; sous la forme tapycier v. 1410) est dérivé de tapis au sens de « revêtement mural ». Il signifie « garnir d'un revêtement mural », d'abord tapis et tapisseries, puis toute surface décorative, papiers peints, etc. ◆  Suivant l'évolution de tapis, il a eu les sens de « garnir le sol de tapis » (1632) et d'« exécuter (un motif) en tapisserie » (v. 1570). Ces acceptions ont disparu, comme le sens intransitif de « faire de la tapisserie » (1611). 1 RETAPISSER v. tr. et 1 RETAPISSAGE n. m. sont en usage.
Tapis est le premier terme du composé TAPIS-FRANC n. m. (1798), mot qui désignait un cabaret mal famé où les malfaiteurs partageaient leur butin, fait sur tapis au sens métonymique de « café borgne » avec l'adjectif franc*.
2 TAPISSER v. tr., mot argotique (1860 selon Esnault), semble venir d'un sens lui aussi argotique de taper « aborder (qqn) ». Il signifiait « regarder (qqn) pour l'identifier », d'où « identifier », et aussi « connaître (qqn) ».
❏  2 RETAPISSER v. tr., formé (1899) avec re- (de reconnaître, repérer...) sur le sémantisme de taper, 2 tapisser, s'emploie en argot, depuis la fin du XIXe s., pour « reconnaître ». Le dérivé 2 RETAPISSAGE n. m. s'employait pour « confrontation ».
TAPON n. m. représente (1382) le francique °tappo « cheville, bonde », attesté par l'ancien haut allemand zaphon, le moyen néerlandais tappe. °Tappo a pour correspondant le verbe francique °tappôn (→ 2 taper). Tapon a pour variante nasalisée tampon.
❏  Le mot a eu de nombreux sens concrets, aujourd'hui disparus, techniques ou régionaux, souvent éliminés par tampon*. Il a servi à désigner le cylindre de bois que l'on enfonce dans l'âme du canon (1382), une bonde, un bouchon (XVIe s.) et, par analogie d'aspect, une matière chiffonnée formant une boule compacte (1690, en tapon), sens encore vivant régionalement, à côté de tampon. ◆  Plus techniquement, il désigne encore le morceau de toile servant à boucher un trou dans une voile (1842). ◆  Il a servi à désigner, d'après taponner (ci-dessous), une manière de disposer les cheveux dans la coiffure (1867, Littré), à propos d'une mode au XVIIe siècle.
❏  Son dérivé TAPONNER v. tr. (1671, Mme de Sévigné) s'est employé aussi à la forme pronominale, se taponner, avec l'idée d'« arranger les cheveux en tapons ». Il est sorti d'usage en français d'Europe, se maintenant dans certaines régions, de même que le nom d'action correspondant TAPONNAGE n. m. (XVIIe s.). Taponner est vivant en français du Canada, au sens initial de « mettre, rouler en boule » et surtout par extension « manipuler, triturer », aussi « faire (à qqn) des attouchements indiscrets ». Comme intransitif, le verbe possède plusieurs valeurs figurées, « s'occuper à des choses insignifiantes, perdre son temps », « hésiter, tergiverser », concrètement « tâtonner ». ◆  Les dérivés TAPONNAGE n. m. et TAPONNEUX, EUSE adj. et n. s'emploient surtout au figuré.
❏ voir TAMPON.
1 TAQUE n. f., d'abord attesté dans l'est de la France (1568), est emprunté au bas allemand tak « plaque de fonte ».
❏  Le mot, employé dialectalement dans les parlers de l'Est et du Nord, est entré en français central au XVIIIe s. comme terme technique : il désigne chacune des plaques de fonte qui forment les parois des fours de raffinerie (1757) et la plaque du contre-cœur d'une cheminée (1782), ce dernier sens étant relevé dès les premiers textes dans l'Est. Il est archaïque dans tous ses emplois, en français standard, mais a continué à s'employer en Franche-Comté, en Lorraine, parfois en Bourgogne, et surtout en français de Belgique, aux différents sens notés plus haut, et dans celui de « plaque d'égout ».
? TAQUER v. tr., d'abord tacquier (fin XIVe s.), est selon Wartburg d'origine onomatopéique (→ tac), de même que toquer, mais peut avoir été influencé par un dérivé fréquentatif du latin tangere « toucher », selon Guiraud un latin populaire °tacticare (→ tache).
❏  Le verbe signifie en moyen français « presser, appuyer contre qqch. ». Rattaché à tacon, taquon et probablement aussi à 1 taquet, il s'est spécialisé (1723) en typographie au sens de « mettre les caractères de niveau ». Mais ce sens peut être indépendant du verbe employé en moyen français. ◆  Taquer s'est conservé pour « heurter, cogner », en français régional de Bourgogne (attesté au XIXe s.) et de Franche-Comté.
❏  Le déverbal 2 TAQUE n. f. (1752) a désigné divers instruments servant à taquer.
■  Le dérivé TAQUOIR n. m. (1723) se dit de l'outil pour taquer.
■  TAQUAGE n. m. (1878) correspond à « opération qui consiste à taquer ».
DÉTAQUER v. tr. s'emploie en français de l'île de la Réunion, à partir d'un emploi du verbe taquer pour « fermer une porte », pour « déverrouiller, ouvrir (une porte, des volets) », Cf. débarrer.
1 TAQUET n. m. est une modification (1573) de taquès (1384 en marine) et tacquiet (1459, dans le domaine picard), de l'ancien normand estaque par suppression de la syllabe es- prise pour un préfixe. Estaque correspondait à l'ancien français estache (1080) désignant à la fois une attache, un pieu, un poteau, une pièce de bois, mais aussi un but, une cible, la barre d'un tribunal, une amarre et un droit d'amarrage, par ailleurs au figuré le soutien. Estaque représente le francique °stakka « poteau » (l'ancien français a aussi des formes stache, stake). Le verbe estachier « attacher à un poteau » (XIIe s.) dérive de estache « poteau » et a fourni ensuite estache « lien » ; par changement de suffixe, il est devenu atachier (→ attacher).
❏  Taquet, rare en français moderne avant le XIXe s., sert dans divers usages techniques à désigner une pièce de bois que l'on fixe quelque part, notamment le morceau de bois qui tourne auprès d'un axe pour maintenir une porte fermée (1459). Il est passé dans le langage de la marine (1643), du tissage (fin XIXe s.), des chemins de fer et au XXe s. de la typographie (1910) ; il s'emploie plus couramment pour le coin de bois servant à caler un meuble (1812). À partir du XVIIe s., des interférences avec 2 taquet se manifestent.
❏ voir ATTACHER, ATTAQUER, ÉTAI.
⇒ encadré : Le tzigane ou tsigane