TARTIR v. intr. est un emprunt argotique au fourbesque tartire, l'argot italien ayant donné un sens scatologique à l'italien tortire « tordre », lui-même de l'ancien français tortir « tordre » (v. 1227), de la famille du latin tortus (→ tordre, tort).
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Ce mot d'argot ancien (1827), qui signifiait « déféquer », sens disparu au XXe siècle, s'est employé plus longtemps au figuré dans envoyer tartir qqn (Cf. envoyer chier) « envoyer promener », et aussi « ennuyer », sémantisme réalisé aussi dans se faire tartir (comme se faire chier) « s'ennuyer ».
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TARTINES n. f. pl. (mil. XXe s.) « cabinets, WC » est un mot différent de tartine, de 1 tarte. Il a succédé à TARTISSES n. m. pl., équivalant à tartissoire n. m. (1899).
TARTRE n. m. (1560), attesté aussi sous les formes tartharum (XIIIe s., isolément), tartaire (XIVe s.) et tartare (XVIe s.), est issu du bas latin tartarum « dépôt se formant dans les récipients contenant du vin », en grec tardif tartaron, attesté dès le IVe s. par son dérivé tartaralis adj., d'origine obscure. On a proposé d'y voir un croisement entre Tartarus « grand gouffre sous la terre, enfer » et l'arabe durdī « sédiment, dépôt ».
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Le mot désigne (depuis la fin du XIVe s.) le dépôt du vin, puis aussi le dépôt de matières organiques se formant à la base des dents (1765, Encyclopédie). Une troisième valeur concerne la croûte calcaire qui se forme à l'intérieur des chaudières (1907), des bouilloires.
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Tartre a désigné (1600) en alchimie plusieurs substances salines, dénommées ensuite tartre émétique (1718), tartre stibié (1752).
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Il a produit un adjectif d'usage courant,
TARTREUX, EUSE (1775) « qui présente un dépôt de tartre », antérieurement
tartareux (1620).
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En chimie, certains dérivés ont acquis une valeur précise, comme TARTRIQUE adj. (1823 ; après tartarique, 1787), dans acide tartrique, et TARTRATE n. m. (1795), « sel ou ester de cet acide ».
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Le mot fournit le premier élément de TARTRIFUGE n. m. (1871), terme technique formé avec -fuge*.
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Il entre dans les verbes DÉTARTRER v. tr. (1870), « débarrasser du tartre », et ENTARTRER v. tr. (1909), surtout s'entartrer et entartré, ée, d'usage technique et courant. Ces verbes s'appliquent aux trois acceptions de tartre (du vin, des dents, de l'eau).
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Le dérivé DÉTARTRAGE n. m. (1870) s'emploie plus couramment à propos des dents, alors qu'ENTARTRAGE n. m. (1909) concerne plutôt les réservoirs, chaudières, etc.
❏ voir
TARTE.
TARTUFE ou TARTUFFE n. m. est l'emploi comme nom commun (1665) de Tartuffe, nom du personnage éponyme de la célèbre comédie de Molière (1664), devenu rapidement le symbole de l'hypocrisie et de la dévotion affectée. Molière a pris ce nom à la Comédie italienne, où un personnage avait le surnom de Tartufo, proprement « truffe » (XVe s.). Une tartuffe était déjà employé en 1609 comme terme injurieux, mais de sens obscur.
❏
Dès l'ancien français le sémantisme de la tromperie est attesté dans la série trufe : truferie « tromperie » (v. 1175), trufer « tromper » (v. 1223) et trufeur « trompeur » (XIIIe s.) ; cette série se maintient jusqu'au XVIe s. (→ truffe).
❏
Tartuffe a produit quelques dérivés : si TARTUFIER v. tr., introduit par Molière dans sa comédie (« marier à Tartuffe ») et employé par Mme de Sévigné, est sorti d'usage, TARTUFERIE (ou TARTUFFERIE) n. f. (1669, année du Tartuffe, puis 1743) est resté courant.
TARZAN n. m. s'est employé, des années 1930 à une époque incertaine (1950, 1960 ?) où il a cessé d'être lexicalisé pour « homme athlétique », emploi suscité par le nom du personnage d'Edgar Rice Burroughs (1875-1950), devenu mondialement célèbre par le cinéma et la bande dessinée.
?
TAS n. m. est en général considéré comme un emprunt (v. 1130) au francique
°tas, postulé par le moyen néerlandais
tas « amas », et qui a aussi donné l'ancien provençal
tas. Pour P. Guiraud, il est préférable de le considérer, en s'appuyant sur la première attestation du mot où il est employé comme nom d'action, comme un dérivé du verbe
tasser, lui-même représentant le latin
taxare « toucher plusieurs fois et fortement »
(→ taxer).
Outre la locution ferir a tas « frapper fort (en tassant) », en usage depuis 1160 jusqu'au XIVe siècle, le mot tas possède à partir du XIIe s. les sens devenus courants : « ensemble confus de (personnes) » (1155), acception dont la valeur péjorative semble bien postérieure (1694), et « amas de choses » (v. 1175) aujourd'hui plus courant, un tas de gens ayant pris la valeur abstraite de « beaucoup ». Dès le XIIe s., le mot réalise d'ailleurs cette idée de « grand nombre » dans la locution a tas (1172-1174), sortie d'usage en français classique. L'idée de « mesure approximative, quantité » se réalise en français d'Afrique, de Madagascar, où grand tas, petit tas s'emploie pour une quantité convenue de légumes et de fruits.
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Dès l'ancien français, tas a développé l'acception technique de « petit parallélépipède de métal servant d'enclume » (v. 1260), utilisée dans plusieurs métiers dont celui des monnayeurs (1349), puis disparue.
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La locution un tas de exprimant, on l'a vu, avec une nuance familière ou péjorative, l'idée de « grand nombre », est employée depuis le XVe siècle ; ses extensions stylistiquement les plus marquées apparaissent ultérieurement : tas de comme injure à partir de 1818 et des tas de « beaucoup » vers 1880.
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À la Renaissance, le mot est passé dans le langage de l'architecture dans l'expression tas de charge (1567) « assise de pierre horizontale placée sur une colonne et qui supporte un arc ».
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Tas sert aussi à désigner (1690) une bâtisse en construction, un chantier à pied d'œuvre, la locution sur le tas qualifiant des pierres que l'on taille sur le lieu où on les emploie (1565). Cette locution, aussi en fonction adverbiale, a fait fortune en argot dans le contexte de la prostitution ou du vol (1872), puis s'est appliquée à tout travail (1923, être sur le tas « au travail »), développant l'idée accessoire de « sur le terrain » (apprendre sur le tas) et s'employant spécialement à propos d'une grève avec occupation des locaux (attesté dans les dictionnaires en 1949). Sur le tas, en argot, s'est aussi employé pour « immédiatement » (mil. XXe s.).
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L'emploi de tas pour une personne grosse et sans énergie est familier et péjoratif (1878), aussi gros tas, « grosse fille laide ».
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Foncer, taper... dans le tas « attaquer violemment » (1865) est passé dans l'usage familier.
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À propos de choses, tas de boue, tas de ferraille se dit (années 1970) d'une voiture vieille, laide. Tas de merde (années 1980), terme d'injure.
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Au pluriel (y en a) pas des tas « pas beaucoup » (1914) est encore en usage.
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Avant la fin du
XIIe s.,
tas a servi à former
ENTASSER v. tr. (v. 1165-1179), « jeter sur un tas » et « réunir en un endroit (des personnes serrées) », puis « mettre en tas » (
XIIe s.) ;
s'entasser correspond à « se réunir en trop grand nombre dans un petit espace » (v. 1190).
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Pour le verbe actif, le sens d'« accumuler en quantité » est postérieur (1530 ; seulement 1845, à la forme pronominale).
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La locution
entasser sou par sou (1835) a succédé à
entasser écu par écu (1798) avec la valeur spéciale et courante « accumuler (de l'argent) ».
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Le participe passé adjectivé ENTASSÉ, ÉE (XIIIe s.) a perdu l'essentiel des nombreuses valeurs qu'il avait développées et ne s'emploie plus que pour « réunis en grand nombre et serrés ».
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Le dérivé ENTASSEMENT n. m. est aussi attesté au XIIIe s. pour désigner l'action d'entasser des animaux, des gens en un lieu trop petit. À partir du XVIe s., il a développé la valeur d'« action de mettre en tas » (1538), puis « accumulation d'objets (concrets ou abstraits) » (1660).
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TASSER v. tr. (v.1190 ; seulement mil.
XIIIe s. selon T. L. F.), autre dérivé de
tas, s'il n'est pas comme le pense P. Guiraud à l'origine de
tas et issu du latin
taxare (voir ci-dessus), a eu le sens de « rassembler (des gens) », puis aussi de « mettre (des choses) en tas » (1308 ; par la forme latinisée
tassare, XIIIe s.) et « rassembler (des choses) » (v. 1420), acceptions conservées par
entasser. Si l'hypothèse de P. Guiraud est correcte, le verbe aurait eu la valeur de « faire effort pour agir sur, pousser sur (en frappant, etc.) ».
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Les sens spécifiques de « presser » (v. 1560) et « réduire le volume par la pression » (1762) sont devenus usuels, également en parlant de personnes (v. 1850 ; 1885,
se tasser). L'emploi spécial en maçonnerie pour une construction qui s'affaisse est technique (1765) ; elle n'existe plus qu'à la forme pronominale (1832).
Se tasser, avec un sujet nom de personne, a pris le sens de « se voûter », par exemple avec l'âge (1884).
◆
Au
XXe s.,
se tasser a pris par figure le sens de « s'arranger, s'apaiser » en parlant d'une situation agitée, d'une affaire (1900 dans Colette).
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Tasser s'est spécialisé en sports (1902) pour « serrer irrégulièrement (un coureur) contre le bord de la piste ». En argot fin de siècle (fin
XIXe-déb.
XXe),
tasser vaut pour « taper » et « envoyer, lancer »,
se tasser (la cloche, la gueule) pour « se taper... ».
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Les différents sens du verbe sont assumés par le participe passé adjectivé TASSÉ, ÉE, qui qualifie d'abord un édifice (1694), puis un objet pressé (1798), en particulier la terre (1835), et s'emploie familièrement dans l'expression bien tassé « bien servi » (1903), notamment à propos d'une consommation alcoolique (par la figure d'une quantité plus grande dans un même récipient, par tassement).
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Le dérivé TASSEUR, EUSE n. (XIIIe s., tasseour), employé autrefois dialectalement au masculin pour l'homme qui entassait les gerbes de la dîme, a été reformé pour désigner un instrument servant à tasser la terre (1875).
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TASSEMENT n. m. (v. 1370), apparu avec le sens de « palissade », sorti d'usage, est devenu (1801) le nom d'action correspondant aux sens modernes de tasser et de se tasser, surtout dans la langue technique.
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TASSAGE n. m., apparu dialectalement (1422, tassaige) comme nom d'une corvée, a été reformé au XIXe s. (attesté 1890), puis comme terme de sports (1906) correspondant à tasser (ci-dessus).
TASSE n. f. est emprunté (1180) à l'arabe ṭasa d'où viennent aussi l'ancien provençal tassa, l'italien et le portugais tazza et l'espagnol taza. Le mot est introduit à la faveur de l'importation de poteries orientales, notamment en provenance de Tyr.
❏
Tasse, rare avant le XIVe s., désignait au moyen âge une coupe à boire, le plus souvent en argent ou en vermeil, où l'on dégustait le vin ou les alcools ; la forme moderne de la tasse et son changement d'usage apparaissent au XVIIIe s. avec l'emploi de la porcelaine. En français d'Afrique, le mot désigne une variété de récipients creux, souvent en tôle émaillée. Le mot a développé l'acception métonymique de « contenu de la tasse » (1547).
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Au Canada, c'est le nom d'une mesure de capacité de 8 onces (22,7 centilitres) pour les liquides et les solides.
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Le mot est passé dans l'argot parisien au sens d'« urinoir », probablement par extension du sens populaire de « pot de chambre » (1925, Esnault), d'où la locution prendre une tasse « aller uriner » ; cet emploi est archaïque.
◆
Dans l'usage familier, il a la valeur de « mer », déjà à la fin du XVIIIe s. (1794) dans la locution boire à la grande tasse « manquer se noyer » qui a disparu au profit de la variante moderne boire la tasse (1913).
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Un sens figuré et argotique, sous la forme c'est la tasse « c'est nul, ça ne va pas » aboutit à tasse pour « échec » (influencé par boire la tasse) et « personne lamentable ».
❏
Le dérivé
TASSÉE n. f. « contenu d'une tasse » (v. 1400) n'est plus guère employé, même dans la locution familière figurée
quelle tassée ! « quelle quantité ! » (1923), laquelle a vieilli.
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Le composé SOUS-TASSE n. f. (1768 en France) s'emploie notamment en Belgique là où le français de France dit soucoupe. Le mot s'est employé dans tout le nord de la France et aussi dans le Sud-Ouest, ainsi que dans la zone franco-provençale, à partir de Lyon ; le mot soucoupe, diffusé dans toute la France, beaucoup moins en Belgique et en Suisse, le concurrence parfois. Sous-tasse s'est répandu, semble-t-il, d'abord en France, puis en Belgique (1802), avant d'être attesté en Suisse romande (1824). En français de Suisse, on écrit aussi soutasse, mais sous-tasse est plus courant. DEMI-TASSE n. f. (1845).
L
TASSEAU n. m. est une variante (1340) de taiseaul (1409), tassiaul (1410), eux-mêmes variantes de tassel (1155) « plaque maintenant les agrafes d'un manteau », mot issu du latin populaire °tassellus. Celui-ci représente une altération du latin classique taxillus « petit dé à jouer » puis, à basse époque, « petit morceau de bois », par croisement avec tessella « dé à jouer, cube », diminutif de tessera « dé à jouer ». Taxillus est le diminutif de talus « osselet », « astragale » puis « cheville » (→ talon) ; talus a été emprunté au XVIe s. sous la forme tale « osselet (pour jouer) » (1546, Rabelais).
❏
Tasseau, d'abord « planche, madrier » (1409), désigne spécialement (1676) une pièce de bois servant d'élément de soutien, en charpenterie et en menuiserie. En lutherie, il désigne la forme sur laquelle les luthiers collent les éclisses dont se compose le corps des instruments à cordes (violons, etc.) [1690] ; en construction, les morceaux de pierre, de brique, etc., maçonnés avec d'autres pour sceller au sol une perche d'échafaudage.
◆
Par ailleurs, il s'applique (1676) à une petite enclume portative, alors synonyme de tas* ; à partir du XVIIIe s. il a pris d'autres acceptions techniques (vannerie, chaudronnerie, imprimerie), désignant notamment l'établi portant une empreinte au fond de laquelle la tôle à emboutir est repoussée (1765, Encyclopédie).
❏
Ses dérivés ne se sont pas maintenus, mais reste le composé technique CONTRE-TASSEAU n. m. (1803) « bois qui supporte le chevalet ».
TASSILI n. m. est un emprunt des géographes au berbère saharien (tamazigh) pour désigner un plateau de grès, au Sahara.
2 TATA interj. s'emploie en français de Nouvelle-Calédonie pour « au revoir », par emprunt à l'anglais familier
ta-ta.
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Le même emprunt s'est produit en français du Québec, et, dans les deux cas, un tata se dit d'un geste de la main pour saluer. L'usage anglais est britannique, canadien, australien, mais n'existe pas aux États-Unis.
3 TATA n. m., emprunt (1875) à une langue africaine, désigne l'enceinte en terre formant rempart qui entourait les villages d'Afrique de l'Ouest, avant la colonisation et, par métonymie, l'habitation (cases et terrain) fortifiée d'un chef, d'un roi. Le mot est repris pour désigner le mur entourant une concession ou un village.
TATAMI n. m., relevé en 1904, représente la transcription d'un mot japonais, peut-être par l'anglais où tatami est déjà attesté en 1614.
❏
Le mot français reprend les sens de l'étymon et désigne une natte épaisse en paille de riz fixée au sol dans les intérieurs traditionnels japonais ; par ailleurs unité de surface, en particulier des locaux où l'on pratique des sports de combat (judo, karaté, etc.), tatami est surtout employé avec cette valeur, la première qui ait été introduite en français, dans le contexte du judo.
TATANE n. f., mot populaire (1916), est considéré comme une déformation de tartine au sens populaire de « chaussure » (1829) ou de titine (1840), aphérèse de bottine avec redoublement.
❏
Synonyme populaire de chaussure, usuel entre 1920 et 1950.
❏
TATANER v. tr. « frapper à coups de pied » est encore en usage argotique après 1950.
TATAOUINER v. intr., qui s'emploie en français du Québec, semble être une combinaison des mots dialectaux de l'ouest de la France, tatiller « hésiter », peut-être apparenté à tâtonner, et ouiner « pleurnicher », onomatopée. Ce verbe familier signifie « hésiter, tergiverser » (par son dérivé, il est attesté dans les années 1970).
❏
TATAOUINAGE n. m. est attesté par écrit en 1973.
TA, TA, TA..., onomatopée apparue par écrit à la fin du XIXe s., exprime le dédain, la défiance, ou s'emploie pour écarter un argument.
L
TÂTER v. tr. est issu (v. 1130, taster ; v. 1120 comme intransitif) d'un latin populaire °taxicare, fréquentatif du latin classique taxare « toucher fortement », lui-même intensif de tangere « toucher » (→ tangente). Il ne semble pas nécessaire de postuler un latin populaire °tastare, croisement de gustare (→ goûter) et de tangere, en s'appuyant sur le sens de « goûter », fréquent en ancien français ; en effet, le passage sémantique de la notion de « toucher » à « toucher avec le palais, goûter » est assez naturel.
❏
Le verbe, d'abord intransitif, signifie « éprouver par le toucher », d'où taster durement « malmener » (XIIe s.), puis taster « battre » (fin XIVe s.) et en tâter « se battre » (1643), emploi relevé jusqu'à la fin du XIXe siècle.
◆
Parallèlement, comme transitif, il signifie « toucher délicatement », en particulier pour explorer, reconnaître (1174-1178). Cette valeur usuelle s'est largement développée. Tâter a signifié par exemple « explorer (un pays, etc.) » (1155) mais la valeur concrète ne s'est maintenue que dans quelques emplois, comme tâter le pouls en médecine (v. 1155, taste al puls) ou tâter le vent en marine (1872, Littré).
◆
Les emplois métaphoriques sont plus nombreux : tâter qqn (XIIIe s.) ou tâter le pouls de qqn (fin XVIe s.) « essayer de connaître ses intentions », tâter l'ennemi (1718) « éprouver ses forces par une attaque ». Tâter le pavé « marcher avec hésitation » (1680, d'un cheval ; 1694, d'une personne) s'est employé au figuré mais a été remplacé par tâter le terrain, d'abord attesté au figuré (1690, Mme de Sévigné) puis au propre. Tâter un problème « l'étudier pour savoir quoi en tirer » a disparu, mais se tâter « s'interroger longuement » (1690) est resté courant.
◆
Parmi les premiers emplois du verbe, tâter de qqch. a signifié « jouir de » (v. 1130) et s'est longtemps employé pour « goûter à qqch. » (mil. XIIe s.), sens assumé aussi par le transitif direct, en particulier dans tâter le vin (1373) « le goûter » ; voir ci-dessous taste-vin, encore vivant.
◆
Le verbe a pris le sens plus large de « faire l'expérience de (qqch.) », en emploi absolu (XIIIe s.) et dans taster de (XVe s.), qui ne subsiste que dans quelques emplois (tâter d'un métier) ; cette valeur se maintient dans y tâter (1914 dans Carco) familier au sens de « bien connaître une activité » (1923) ; Cf. il y va, il s'y connaît, redoublé par en tâter, qui est ancien (1645 pour « se battre, en découdre »).
❏
L'ancien sens de « goûter » a laissé des traces dans
TÂTE n. f. (1314,
taste), conservé dans un sens technique (1877), devenu lui aussi archaïque.
■
En revanche, le composé TASTE-VIN (1517 ; d'abord 1450, « ivrogne ») ou TÂTE-VIN n. m. (1660), « récipient plat en métal pour goûter le vin », est resté en usage, notamment par le nom des Chevaliers du Taste-vin.
■
TÂTEUR n. m. (1372, tasteur), « personne qui goûte », signifie aussi « personne qui touche doucement » et a pris (mil. XXe s.) un sens technique : « organe de contrôle d'une décolleteuse, d'une planteuse ».
■
Les autres dérivés de tâter réalisent l'idée de « toucher attentivement », quelquefois prise abstraitement.
■
Le nom d'action TÂTEMENT n. m. (1530) est sorti d'usage.
■
En revanche, À TÂTONS loc. adv. (v. 1175, a tastons), « en se dirigeant à l'aveugle » puis « en hésitant » (1580), est très vivant.
■
Cette expression a elle-même donné un dérivé, TÂTONNER v. « se diriger sans voir, en tâtant autour se soi » (v. 1460, tastonner ; v. 1130, tastuner au sens ancien de « toucher ») et au figuré « hésiter » (1640).
◆
Ce verbe a servi à former TÂTONNEMENT n. m. (fin XIVe s.), usuel pour « action de tâtonner », ainsi que TÂTONNANT, ANTE adj. (1846), « qui tâtonne ».
◆
TÂTONNEUR, EUSE n. est rare au figuré (1656) comme au propre (1762).
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Une spécialisation de l'emploi abstrait de l'idée de « toucher » est réalisée dans un autre dérivé de
tâter, TATILLON, ONNE adj. et nom propre (1695)
puis n. (1743) « méticuleux », qui a entraîné
TATILLONNER v. intr. (1740), d'où les dérivés
TATILLONNAGE n. m. (1740) et
TATILLONNERIE n. f. (1958, Montherlant), plus rare. Ce verbe et ses dérivés sont relativement détachés de
tâter, leur sémantisme correspondant seulement à « méticuleux, précautionneux », avec une idée de mesquinerie.
◈
Un composé itératif en
re-, RETÂTER v. tr. est attesté depuis le
XIIIe siècle.
TATIN n. f. est la contraction (1934) de tarte à la Tatin, tarte des demoiselles Tatin, en 1923, du nom des deux sœurs qui inventèrent cette recette en Sologne. Le mot, souvent en apposition dans tarte tatin, désigne une tarte faite de quartiers de pommes ou de poires, de sucre caramélisé à la cuisson, recouverte d'une pâte très mince et servie renversée, souvent tiède.
TATOU n. m., nom d'un mammifère d'Amérique du Sud, est emprunté (1553) au tupi (langue indienne du Brésil) tatu. Une variante tatoü est relevée en 1667.
❏
Le mot désigne un mammifère édenté, au corps recouvert d'une carapace écailleuse.
◆
En français d'Afrique, on appelle tatou le pangolin.
TATOUER v. tr. est emprunté (1772) à l'anglais to tattoo (1769, Cook), dénominatif tiré de tattoo (1769, id.), également tat(t)aow, tattow, mots empruntés au polynésien tatau (ta-tu dans les Marquises).
❏
Le mot est attesté pour la première fois en français dans une traduction par Fréville du Journal d'un voyage autour du monde de Cook, Banks et Schneider ; jusque là, on employait dans ce sens le verbe piquer. On rencontre également tatouer en 1778 chez J. B. A. Suard, lui aussi traducteur de James Cook. Il signifie « marquer (le corps) d'inscriptions ou de dessins indélébiles », aussi employé au pronominal se tatouer (1778 ; puis 1823), et « exécuter (un dessin) par tatouage » (1891).
◆
La pratique très ancienne du tatouage a eu diverses fonctions selon les sociétés : forme de parure, marque du sexe, protection contre les mauvais esprits, etc. En Europe, où elle revient au XIXe s., elle a surtout pour rôle de marquer l'appartenance à un groupe plus ou moins fermé (compagnonnage, milieu fermé des marins, marginaux divers).
❏
Tatouer a produit les dérivés TATOUAGE n. m. (1778, traduction du capitaine Cook), pour l'action de tatouer et son résultat, et TATOUEUR, EUSE n. (1798), « personne pratiquant l'art du tatouage ».