TÉLÉGA n. f. ou TÉLÈGUE n. f. est un emprunt (attesté en 1812 et en 1826 pour les deux formes) au russe telega, nom d'une charrette à quatre roues (seulement dans le contexte de la Russie ancienne).
TÉLÉGRAPHE n. m. est formé (1792) de 1 télé- et de -graphe.
❏
C'est le nom donné par par Miot de Mélito (1792) à un appareil transmettant des signaux pouvant être transcrits graphiquement par un système de bras articulés mobiles. Cet appareil a été inventé par les frères Chappe qui l'avaient nommé tachygraphe « (appareil d') écriture rapide ». Dans ce sens, le mot évoque une gesticulation vue de loin, d'où la locution faire le télégraphe (1872) « gesticuler ».
◆
Depuis l'invention par Morse d'un appareil nommé télégraphe électrique (1830), télégraphe de Morse (1860), l'ancien télégraphe de Chappe est souvent dénommé télégraphe aérien. Le télégraphe électrique se développant, le mot entre dans divers syntagmes (poteaux, fils du télégraphe ; télégraphe sous-marin ; télégraphe imprimeur [1856]) avant de décliner du fait de la concurrence du téléphone* et de la radiotélégraphie (télégraphie ci-dessous).
◆
Dans le langage administratif, le mot entrait dans l'appellation les Postes, Télégraphes et Téléphones (abrégée en P. T. T.).
❏
Le premier dérivé est
TÉLÉGRAPHIQUE adj. (1796 ; 1679 [signifiant alors « pour dessiner à distance »]), qui s'emploie spécialement pour « expédié par télégraphe » (1800) et au figuré dans
vitesse télégraphique « digne du télégraphe » (1833, Balzac). Ces emplois correspondent au télégraphe optique. Après 1850 et le télégraphe électrique apparaissent de nouveaux emplois :
ligne, réseau, fil, poteau télégraphique et, pour le sens extensif,
message, mandat télégraphique, encore en usage et associés à
télégramme.
◆
Dans l'emploi analogique de
langage, style télégraphique (1868) « abrégé, lapidaire », le mot est devenu l'adjectif de
télégramme.
◆
Il a pour dérivé
TÉLÉGRAPHIQUEMENT adv. (1818), qui a suivi l'évolution de l'adjectif.
■
TÉLÉGRAPHIE n. f. (1798), « science des télégraphes (aériens) », s'est appliqué vers 1839 à la transmission des messages par télégraphe électrique. Puis le mot entre dans l'expression télégraphie sans fil (1885, télégraphier sans fil), laquelle a donné plus tard, lorsque le procédé appelé aussi radiotélégraphie (→ radio-) a été appliqué, le sigle T. S. F. n. f. (1908). D'abord du langage technique, T. S. F., désignant comme radiotélégraphie la transmission de messages en morse, s'est répandu dans l'usage général dans les années 1920 quand la radiotélégraphie est devenue radiodiffusion et a transmis à de nombreux récepteurs, appelés par métonymie T. S. F. ou postes de T. S. F., un programme sonore en clair (voix, musique). Puis l'appellation T. S. F. a été concurrencée par radio, devenant désuète après 1940-1945 et disparaissant ensuite, sauf par allusion au passé.
■
TÉLÉGRAPHISTE n. (1801) s'est appliqué à l'opérateur du télégraphe optique, puis (mil. XIXe s.) du télégraphe électrique, et au radiotélégraphiste. Par extension (1900), il se dit de l'employé des postes qui délivre les télégrammes et messages urgents.
■
TÉLÉGRAPHIER v. tr. est dérivé (1842) de télégraphe, lorsque ce dernier désigne le système de Morse pour « transmettre par le télégraphe ». Faute d'un verbe correspondant à télégramme (ci-dessous), télégraphier s'emploie aussi et surtout (1863) pour « envoyer (un texte) par télégramme », d'où l'emploi du participe passé adjectivé dans message télégraphié.
■
TÉLÉGRAMME n. m., de télé(graphe) et -gramme (1859), équivaut à « message télégraphique » et correspond au télégraphe électrique. Le mot s'est appliqué plus tard aux messages transmis par radiotélégraphie (aussi radiotélégramme ; → radio) et même par téléphone ; il se dit par métonymie de la dépêche (télégramme de presse), de la feuille sur laquelle le texte est écrit et, par ailleurs, de l'information contenue dans le message.
◆
Plusieurs dérivés de télégraphe (ci-dessus télégraphier, télégraphiste) ont dû à leur rattachement sémantique avec télégramme un usage prolongé, par rapport à télégraphe lui-même.
◈
RADIOTÉLÉGRAPHIE n. f. est attesté en 1905, après l'anglais
radiotelegraphy (1898), dont les deux éléments sont parallèles à ceux du français. Le mot dénomme le procédé de transmission de messages, codés selon l'« alphabet » morse, au moyen d'ondes radioélectriques
(→ électrique) dites
ondes radio ; il correspond à une technique en usage durant une partie du
XXe s., avec ses dérivés
RADIOTÉLÉGRAPHIQUE adj. (1905), abrégé en
RADIO adj. (message radio), comme le substantif l'était en
RADIO n. f., et
RADIOTÉLÉGRAPHISTE n. (1910), également abrégé
(le radio du bord).
■
RADIOGRAMME n. m. (1909) contracte le composé RADIOTÉLÉGRAMME formé sur télégramme. Abrégé lui aussi en message radio, il a disparu avant les autres mots de la série, encore employés en histoire des techniques.
TÉLÉMATIQUE n. f. et adj. est formé (1977) de 1 télé et informatique.
◆
Le mot désigne l'ensemble des techniques et des services qui combinent l'informatique et les télécommunications.
TÉLÉO-, TÉLO- est tiré du grec telos « achèvement, terme », d'où « fin » et particulièrement « but » ; le mot désigne aussi la plénitude de puissance, c'est-à-dire l'autorité, la juridiction souveraine. Par extension, il désigne ce qui doit être accompli, dans le domaine administratif (un impôt, une taxe, un paiement) et dans le domaine religieux (un rite). Avec l'idée de « chose complète en soi », il a pris le sens spécial d'« unité militaire, troupe ». Il est peut-être à rapprocher de tellein « accomplir, se lever (en parlant du Soleil, d'un astre) ».
❏
En français, l'élément entre dans la formation de quelques termes didactiques, en philosophie, en zoologie et paléontologie.
■
TÉLÉOLOGIE n. f. (1765, Encyclopédie) et son dérivé TÉLÉOLOGIQUE adj. (1812) désignent en philosophie l'étude de la finalité. Les deux mots sont empruntés à l'allemand Teleologie ayant été formé par Christian Wolff, disciple de Leibniz. TÉLÉONOMIE n. f. (1970) et TÉLÉONOMIQUE adj. (1970), plus récents, sont spécialement employés en biologie ; ce sont des calques de l'anglais teleonomy (1958).
◈
TÉLÉOSAURE n. m. (1830) a été créé en latin scientifique (
teleosaurus, Geoffroy Saint-Hilaire) pour désigner un reptile
(→ -saure) de l'ère secondaire. Le mot est archaïque.
■
TÉLÉOSTÉENS n. m. pl. (1873 ; 1845, téléostiens), du latin scientifique teleostei (du grec osteon « os »), désigne un ordre de poissons dont le squelette est complet.
◈
Les composés plus récents, en biologie et embryologie, sont sous la forme
télo-.
◈
TÉLOLÉCITHE adj. (1900) succède à
télolécithal (1884, Claus), du grec
lekhitos « jaune d'œuf », au sens d'« embryon », qualifie l'œuf possédant un volume important de vitellus à l'un de ses pôles, par ex. chez les reptiles, les oiseaux (var.
télolécithique). S'oppose à
oligolécithe.
◆
TÉLOPHASE n. f. (1897 ; de
-phase) désigne la dernière phase de la mitose.
Voir phase.
❏ voir
PHILATÉLIE, TALISMAN, TELSON.
TÉLÉPATHIE n. f. est emprunté (1891) à l'anglais telepathy, mot créé par Myers (1882) à partir de tele-, qui correspond au français 1 télé-* « loin » (grec têle), et de -pathy, du grec pathos (→ patho-).
❏
Le mot équivaut à transmission de pensée, désignant un sentiment de communication à distance, par la pensée, entre deux personnes.
❏
Il a produit TÉLÉPATHIQUE adj. (1882), aussi usuel que télépathie, et TÉLÉPATHE n. et adj. (1913), emprunt probable à l'adjectif anglais telepath (1907), d'usage rare.
TÉLÉPHÉRAGE n. m. est emprunté (1884) à l'anglais telpherage (1883), composé du grec têle (→ 1 télé-) et de pherein « porter » (→ -phore). On relève la variante telphérage (1887), plus proche de l'anglais, et téléférage (1933, Larousse).
❏
Le mot, didactique et technique, désigne un moyen de transport par benne, cabine, etc. suspendue à un câble aérien.
❏
TÉLÉPHÉRIQUE n. m. (1923,
adj.), écrit plus souvent
TÉLÉFÉRIQUE adj. et n. m. (1920), formé par changement de suffixe, est devenu un mot courant surtout appliqué au transport de personnes en montagne.
◆
Il est peu usité dans son premier emploi comme adjectif et est technique comme nom du câble de transport (1924).
◈
À partir de
télé(phérique) ont été composés quelques termes où
télé- devient un élément distinct,
3 TÉLÉ-, comme
TÉLÉBENNE n. f. (v. 1920),
TÉLÉCABINE n. f. (v. 1950), certains plus courants à cause du développement des sports d'hiver, comme
TÉLÉSIÈGE n. m. (v. 1940) et
TÉLÉSKI n. m. (1936).
TÉLÉPHONE n. m. est une création, dans plusieurs langues, au moyen des éléments grecs têle « loin » (→ télé-) et phônê « son, voix » (→ -phone, -phonie, phono-). C'est d'abord un mot français (1809), créé sur le modèle de télégraphe* et employé pendant peu de temps pour désigner un appareil permettant de correspondre à distance par la voix. C'est ensuite un germanisme (1866) appliqué à l'appareil magnétique conçu en décembre 1861 par l'Allemand P. Reiss et appelé par lui en allemand Telefon.
◆
Enfin le mot est repris (1876) à l'anglais telephone, nom donné à l'appareil inventé par l'Américain Alexander Graham Bell (1847-1922) et exposé à Philadelphie en 1876.
❏
Depuis 1876, le mot désigne l'appareil d'Edison transmettant les sons à distance grâce à une membrane vibrante
(microphone), un circuit électrique et un récepteur. Dès 1876, le mot s'applique aussi au dispositif concret, d'abord constitué par un microphone et un interrupteur sur un boîtier fixe et par des écouteurs, puis par un « combiné » microphone-récepteur reposant sur un support auquel il est relié par un fil, une sonnerie signalant les appels. Les modifications matérielles du dispositif n'ont pas affecté l'emploi du mot. La diffusion massive, à partir de 1990, des
téléphones cellulaires, ou
téléphones portables, celle, un peu antérieure, des
cartes de téléphone ont même stimulé cet emploi. La diffusion des portables (ou mobiles) correspond à une profonde évolution de l'objet technique, détaché de ses origines en entrant dans l'ère de l'informatique, et rejoignant le monde des ordinateurs, de l'enregistrement et des messages électroniques
(→ e-phone). L'américanisme
phone, aphérèse de l'anglais
telephone, précédé des lettres-préfixes
e- (electronic) et
i-, prononcé
aï, envahit toutes les langues, avant d'être remplacé (2009-2010) par des monosyllabes tels
pod et
pad, qui achèvent la métamorphose du
téléphone originel.
◆
Par métonymie,
le téléphone désigne l'ensemble des procédés et dispositifs reliant par ce type d'appareils un grand nombre de personnes et le réseau lui-même
(téléphone manuel, automatique, interurbain, régional, international, transatlantique...).
◆
Il se dit aussi pour le moyen de communication, quelle qu'en soit la matérialisation, et pour l'action de téléphoner. Avec cette valeur,
coup de téléphone (1906) est une des expressions les plus anciennes et les plus courantes.
◆
Le mot a vieilli pour désigner l'organisation qui assure les liaisons téléphoniques (anciennement
les Postes, Télégraphes et Téléphones ou P. T. T.), remplacée par
Télécommunications (→ communiquer), abrégé en
Télécoms.
Il est employé au figuré dans les expressions téléphone arabe (1962), kabyle ou, en Afrique noire, téléphone de brousse (attesté 1967), à propos d'une transmission rapide de nouvelles par des relais de messagers ou d'informateurs (Cf. radio trottoir pour un sémantisme analogue).
◆
Téléphone rouge (1971) désigne une ligne téléphonique spéciale permettant des échanges d'informations, par exemple entre chefs d'État.
❏
TÉLÉPHONIQUE adj., dérivé (1835) au sens premier de
téléphone, a été recréé après 1876 pour le sens moderne. L'adjectif entre dans de nombreux syntagmes
(appareil, appel, poste, standard... téléphonique).
◆
L'adjectif a pour dérivé
TÉLÉPHONIQUEMENT adv. (1883).
■
Téléphone a aussi produit TÉLÉPHONISTE n. (1880) et le terme technique TÉLÉPHONIE n. f. qui désigne d'abord un système de signaux sonores musicaux puis (1836 ; Cf. télégraphe musical 1828) la « parole à distance », avant de s'appliquer à la technique du téléphone (1890). Tous ces dérivés sont restés liés aux téléphones fixes et aux techniques d'avant l'informatique.
■
TÉLÉPHONER v. (1883), « communiquer, transmettre par téléphone », se construit directement et indirectement (téléphoner à qqn), ainsi qu'absolument.
◆
Le verbe, avec le sens figuré de « faire prévoir (un coup, une attaque) par une préparation trop visible » (1937), est l'adaptation de l'emploi analogue de télégraphier (1909, en sports) d'après l'anglais to telegraph.
◆
Du verbe sont dérivés TÉLÉPHONAGE n. m. (1912) et TÉLÉPHONEUR, EUSE n. (v. 1950), tous deux peu usités.
◆
Le composé CACHE-TÉLÉPHONE n. m. (de cache) apparaît vers 1950 ; il est peu usité.
◈
RADIOTÉLÉPHONE n. m. (1903, alors écrit
radio-téléphone), désigne un téléphone employant les ondes électromagnétiques (hertziennes).
◆
RADIOTÉLÉPHONIE n. f. (1907) dénomme la « téléphonie sans fil », par ondes hertziennes ; il a pour dérivé
RADIOTÉLÉPHONIQUE adj. (1907). Cette série de mots a vieilli avec l'évolution des techniques.
◈
C'est aussi de
téléphone que viennent les composés
TÉLÉCARTE n. f. « carte permettant de téléphoner à partir d'une cabine publique », notamment à destination lointaine ;
TÉLÉBOUTIQUE n. f., regroupant plusieurs cabines téléphoniques, s'est d'abord employé au Maroc.
TÉLESCOPE n. m. est emprunté (1614) à l'italien telescopio, employé par Galilée, ou au latin moderne telescopium (1611, dans un imprimé publié à Rome), formé savamment à partir des éléments grecs têle « loin » (→ 1 télé-) et skopein « examiner » (→ scopie). C'est à Galilée que revient la fabrication de la première grande lunette astronomique en 1609, mais un lunetier de Middlebourg (Hollande) aurait fabriqué des « télescopes » vers 1590.
❏
Le mot a d'abord désigné (1614, J. Tarde à propos de la lunette de Galilée) un instrument d'optique pour observer les objets éloignés, spécialement les astres (Cf. lunette). Il se réfère depuis le XVIIIe s. (1720) à un instrument d'optique distinct de la lunette et utilisant plusieurs miroirs réflecteurs qui réduisent la distance matérielle entre l'objectif et l'oculaire, d'où en particulier télescope électronique (mil. XXe s.).
❏
De
télescope est dérivé
1 TÉLESCOPIQUE adj. (1666) qui qualifie l'opération faite à l'aide du télescope et, par extension, un objet invisible à l'œil nu sans l'aide du télescope (1812). Par analogie, cet adjectif qualifie les yeux des poissons abyssaux (av. 1903).
◈
TÉLESCOPER v. tr. est un emprunt moderne (1873) au mot anglais d'origine américaine
to telescope v. intr. (1867) et
tr. (1872), dérivé de l'anglais
telescope (1648), de même origine que le mot français, au sens ancien de « lunette astronomique ».
◆
Le verbe est d'abord employé en français intransitivement pour « rentrer l'un dans l'autre dans une collision comme les différentes parties d'une lunette-télescope », aujourd'hui au pronominal
se télescoper (av. 1903).
◆
Il s'emploie transitivement pour « emboutir » (1893, d'abord d'un accident ferroviaire) et le pronominal a développé un sens figuré, « heurter violemment » (1933) et « se heurter violemment » (1926), propre au français.
■
Télescoper a produit TÉLESCOPAGE n. m. (av. 1896), « fait de se télescoper, de se heurter », et TÉLESCOPEUR, EUSE adj. et n. (1912), rare.
■
2 TÉLESCOPIQUE adj., au sens de « dont les éléments s'emboîtent les uns dans les autres » (apr. 1850), est aussi un anglicisme, par emprunt à l'anglais telescopic (1846) de même sens, dérivé de telescope.
◈
RADIOTÉLESCOPE n. m. est un calque (attesté 1952) de l'anglais
radio-telescope, mot apparu dans une fiction en 1929, l'instrument réel étant ainsi nommé en 1949. Cet instrument d'observation astronomique reçoit, analyse et interprète les ondes radioélectriques provenant de sources (radiosources) extérieures à la Terre.
❏ voir
créés sur le même modèle, GYROSCOPE, MICROSCOPE, PÉRISCOPE, SPECTRE (SPECTROSCOPE), STÉRÉO (STÉRÉOSCOPE), STÉTHOSCOPE.
TÉLÉVISION n. f. est formé (1900) de 1 télé-* et de vision* ; l'anglais (1907 ; televista, 1904) et l'allemand ont des formations analogues (1909).
❏
Le mot s'est d'abord employé au sens général de « transmission de l'image à distance » ; on relève auparavant le composé
télé-optique (1892). Il a désigné ensuite par spécialisation l'ensemble des procédés et des techniques permettant la transmission d'images après transformation en ondes hertziennes, terme purement scientifique et rare (1913), puis technique (v. 1925-1930) avec les premiers essais concrets de transmission d'images et enfin courant après 1945, l'invention étant appliquée. Par métonymie (mil.
XXe s.), le mot désigne l'ensemble des activités et des services relatifs à l'élaboration et à la diffusion de programmes par ces techniques. Une autre métonymie concerne (comme pour
téléphone, radio, etc.) le poste récepteur de télévision, en concurrence avec
téléviseur et
télé.
■
L'importance prise par le mot, ses dérivés et composés et par le vocabulaire qui gravite autour de lui reflète celle du phénomène désigné. Ce dernier est d'abord technique. Dès avant la désignation, un procédé applicable avait été décrit par Constantin Senlecq en 1877. Mais ce n'est qu'en 1929 qu'un programme de transmission d'images mouvantes fut tenté en Grande-Bretagne ; puis l'iconoscope est mis au point en 1936 (le mot iconoscope est attesté plus tard en français dans ce sens → icône) : c'est à la fin de cette année 1936 que studios et émetteurs de télévision apparaissent en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Déjà, des ouvrages techniques portant sur la télévision ont paru en français (deux titres en 1933). Interrompus par la guerre, les progrès et les adaptations techniques aboutissent vers 1945-1950 à une extraordinaire expansion du procédé ; la couleur apparaît en 1953 aux États-Unis (en Europe en 1966 avec les systèmes très améliorés P. A. L. et SECAM). Entre-temps la télévision est devenue l'un des faits sociaux majeurs du monde contemporain : les programmes et leur organisation, les implications économiques, notamment par la publicité, la mesure du comportement du public (Audimat), l'impact psychosocial et politique sont désormais l'objet d'un flux intarissable de commentaires et d'analyses où une terminologie nouvelle, parfois issue de la radio, est mise en œuvre.
❏
Le dérivé
TÉLÉVISEUR n. m. (1930 ; 1929 pour « émetteur de télévision » ; 1929 dans
transmetteur téléviseur) est concurrencé par les abréviations familières
TÉLÉ n. f. (v. 1952) et, avec un suffixe argotique,
TÉLOCHE n. f. (1967), qui vaut aussi pour
télévision (regarder la téloche ; sa téloche est nase). Télé, dans ce sens, forme la plus répandue en français de France, est concurrencée par les anglicismes
TÉVÉ et
T. V. (respectivement v. 1960 et 1959), plus courants en français du Canada.
■
Télévision a aussi donné TÉLÉVISUEL, ELLE adj. (1930), avec l'adjectif visuel correspondant à vision, et TÉLÉVISER v. tr. (1929), moins courant que son participe passé TÉLÉVISÉ, ÉE adj. (1929), très usuel (journal télévisé, émission télévisée...). Télévision a aussi pour composé radiotélévision (→ radio).
◈
Réduit à l'élément
2 TÉLÉ- porteur du sens « de télévision, par télévision »,
télévision manifeste une grande créativité lexicale (supérieure à celle de l'élément
1 télé-*).
◆
L'une des premières créations est
TÉLÉCINÉMATOGRAPHIE n. f. (1935) ; ont suivi
téléspectateur, trice (→ spectateur), TÉLÉCRAN n. m. (1956), disparu. Pour
télécinéma → cinéma.
◆
Dans les années 1960 sont apparus
TÉLÉDIFFUSER v. tr. (v. 1960) et
TÉLÉDIFFUSION n. f. (1960 ; 1958, isolément),
TÉLÉDISTRIBUTION n. f. (v. 1960), appliqué à la télévision par câble,
TÉLÉASTE n. (1963), formé d'après
cinéaste et peu usité,
TÉLÉENSEIGNEMENT n. m. (v. 1960),
TÉLÉGÉNIQUE adj. (1961), formé sur
photogénique, TÉLÉFILM n. m. (v. 1965) « film destiné à la télévision »,
TÉLÉJOURNAL (français du Québec) « journal télévisé ».
◆
Ultérieurement, on emploie
TÉLÉSPEAKERINE n. f. (v. 1970),
TÉLÉCONFÉRENCE n. f. (1982) et quelques formations journalistiques moins courantes.
◆
TÉLÉTHON n. m. est un emprunt à l'anglo-américain
telethon, mot-valise formé de
télévision et
marathon, pour désigner une très longue émission télévisée destinée à recueillir des fonds (pour la recherche médicale, en particulier).
◈
2 TÉLÉCOMMANDE n. f. s'est spécialisé pour la commande appliquée à un appareil électronique (téléviseur, chaîne, acoustique...). La télécommande permet de
zapper.
◈
RADIOTÉLÉVISÉ, ÉE adj. qualifie (1946) ce qui est à la fois radiodiffusé* et télévisé*.
TÉLEX n. m. inv. est un emprunt (1946, J. O.) à l'anglo-américain telex, nom de la marque d'un téléimprimeur (1958), formé sur tel(egraph) « télégraphe » et ex(change) (→ échange).
❏
Le mot s'est répandu en français dans les années 1960.
❏
Il a produit TÉLEXISTE n. (1958) et TÉLEXER v. tr. (apr. 1960), verbe courant.
TELL n. m., emprunt (1839) à l'arabe tall, tell « colline », s'emploie en géographie à propos d'une région fertile, bien arrosée. Il a été repris en archéologie (1866) à propos d'un tertre ou tumulus formé par des ruines.
TELLIÈRE adj. et n. m. est l'abréviation de l'expression papier à la Tellière (1723), du nom du chancelier Le Tellier (mort en 1685) qui imposa aux administrations ce format de papier. Papier tellière ou tellière se dit d'un papier de grand format (34 × 44).
TELLURE n. m. est un emprunt (1800) au latin scientifique moderne tellurium, mot formé en 1798 par le chimiste allemand M. H. Klaproth, d'après uranium*, à partir du latin classique tellus, -uris « terre » (→ tellurien).
❏
Le mot désigne un élément (non métal) découvert en 1782 par Müller de Reichenstein dans les mines d'or de Transylvanie. C'est un élément rare, semi-conducteur de no atomique 52 (symb. Te).
❏
Plusieurs termes de chimie ont été formés sur
tellure dans la première moitié du
XIXe siècle.
■
1 TELLURIQUE adj. (1823) dans acide et anhydride tellurique, TELLURATE n. m. (1836) « sel ou ester de l'acide tellurique », TELLURURE n. m. (1826) « sel ou combinaison du tellure », TELLUREUX, EUSE adj. (1835, Berzelius) qui qualifie l'acide H2TeO2, dérivé du tellure, et le composé TELLURHYDRIQUE adj. (1842), fait avec -hydrique (→ hydro-), qui se dit d'un autre acide, H2Te, appelé aussi hydrate de tellure.
TELLURIEN, IENNE adj. est un dérivé savant, avec le suffixe -ien (1823), du latin tellus, -uris « terre ». Celui-ci, synonyme poétique de terra (→ terre), était employé en parlant de la Terre personnifiée et divinisée, unie à Jupiter. C'est peut-être un ancien neutre, mais le u long ne s'explique pas et c'est le seul exemple de cette flexion en latin. Sans ce u énigmatique, on penserait à la racine indoeuropéenne °telo- représentée par le sanskrit talam « plaine », le vieil anglais tel « planche, bordage », le slave tĭlo « sol ».
❏
L'adjectif signifie « de la terre, qui provient de la terre », dans l'usage didactique (géologie, géographie, électricité).
◆
En médecine, on appelait le paludisme fièvre tellurique (1904), parce que l'on pensait que le germe de cette affection était contenu dans la terre.
❏
2 TELLURIQUE adj., variante suffixée en
-ique (1839), signifie « relatif à la terre, à la géologie », mais souffre de l'homonymie avec
1 tellurique.
■
TELLURISME n. m. a été formé savamment (1845, Bescherelle) sur le latin tellus, -uris avec le suffixe -isme pour désigner l'influence de la terre sur les êtres vivants.
❏ voir
TELLURE.
TELSON n. m. est un emprunt (av. 1890) à l'anglais telson, lui-même emprunté au grec telson « limite », de telos « achèvement » (→ téléo-, télo-), pour dénommer en zoologie le dernier anneau de l'abdomen, chez les crustacés, ne portant aucun appendice.
TÉMÉRAIRE adj. est emprunté (1361, Oresme) au latin temerarius « accidentel, qui arrive par hasard », d'où « irréfléchi, inconsidéré ». C'est un dérivé de l'adverbe temere « au hasard, à l'aventure », « à la légère », qui signifiait originellement « dans les ténèbres ». Cet adverbe est l'ablatif instrumental d'un nom °temus, -eris « obscurité » (→ ténèbre).
❏
L'adjectif est appliqué dès le moyen français à une chose qui dénote une hardiesse imprudente (v. 1465), spécialement à une idée (XVe s.), à un jugement (v. 1650) et, en théologie, à une proposition trop hardie pour l'orthodoxie (1690).
◆
En français moderne, téméraire qualifie et désigne comme nom (1636) une personne d'une hardiesse inconsidérée.
❏
En est dérivé
TÉMÉRAIREMENT adv., « avec une hardiesse imprudente » (v. 1488) et « au hasard, à la légère » (1541, Calvin).
◈
TÉMÉRITÉ n. f. (1380) est emprunté au latin
temeritas, -atis « hasard aveugle, absence de calcul », « caractère irréfléchi », spécialement en philosophie « partie irraisonnée du psychisme », par opposition à la partie raisonnable. Comme
temerarius, c'est un dérivé de l'adverbe
temere.
◆
Le mot désigne l'audace inconsidérée, la hardiesse ; il n'est plus guère employé par métonymie pour « acte ou parole téméraire » (1624), ni pour désigner un effet risqué en art.
◆
Il est quelquefois usité sans valeur péjorative, pour « grande audace » (La Rochefoucauld).
L
TÉMOIN n. m. est issu, sous les formes tesmoign (v. 1150), tesmoin (v. 1175), du latin testimonium « attestation juridique » et en général « preuve », dérivé de testis « personne qui peut certifier une chose » (→ testament, tester). Testis vient, par l'intermédiaire d'une forme °terstis, de °tristis qui a dû signifier « qui se tient en tiers », le règlement ancien de la justice ayant connu un troisième intervenant comme soutien de chacune des parties (Cf. en français l'emploi de tiers*) ; °tristis procède de la même racine que tres (→ trois) et a pour correspondant exact l'osque trstus « témoins ».
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Le mot français a cumulé les sens de
testimonium et de
testis. L'acception « ce qui sert de preuve », qu'a conservée
témoignage (ci-dessous), s'est longtemps maintenue en droit dans la locution
tesmoign de (v. 1150), devenue
en témoin de quoi (1417), sortie d'usage au
XIXe siècle. En revanche, la construction ancienne (v. 1175)
témoin... « à preuve », placée en tête de phrase, est restée vivante ainsi que les locutions
prendre à témoin (1530), précédée par
traire [« tirer »]
à témoin (
XIIIe s.), et
appeler à témoin (1538), que le locuteur moderne n'analyse plus correctement.
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Avant la fin du
XIIe s.,
témoin désigne aussi (v. 1175) une personne qui certifie une chose vue ou entendue, sens qui donne lieu à plusieurs expressions comme
faux témoin (v. 1283,
faus tesmoins),
témoin muet (1690).
Témoin se dit spécialement (v. 1283) de la personne qui certifie les identités, les déclarations lorsqu'un acte est dressé. Depuis le
XVIe s. (1543, Marot), l'emploi du mot s'est étendu à une personne simplement spectatrice d'un événement. Son emploi à propos de celui qui accompagne le protagoniste d'un duel est plus tardif (déb.
XIXe s.).
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Témoins, au pluriel, a désigné (fin XIIIe s.) les testicules, probablement sous l'influence d'un mot latin de même origine, testis, au pluriel testes « testicules* ».
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C'est la spécialisation d'une valeur étendue qui se développe à partir du XIIIe siècle ; le mot désigne ce qui, par sa présence, permet de constater ou vérifier quelque chose (un signe, un indice) : un échantillon de marchandises (1260), emploi disparu. Témoin s'emploie encore à propos des débris enfouis sous les bornes d'une propriété (1690, au pluriel), d'une élévation de terre laissée intacte au cours d'une excavation (1676) ou par suite de l'érosion (en apposition, butte témoin).
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Le mot a cette valeur en reliure (1690), en gravure, en sylviculture (1812), en marine (1872).
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En sports (1924), il s'est spécialisé pour « bâton qu'un relayeur doit passer à l'équipier suivant ».
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En sciences, il se dit d'un élément servant de repère ou de comparaison dans une expérience (1884, chien témoin, dans des expériences sur la rage).
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TÉMOIGNER v., d'abord
tesmoignier (v. 1135), dérivé de l'ancienne forme
tesmoing de
témoin, signifie dès les premiers textes « porter témoignage, déclarer », puis, en parlant d'une chose, « indiquer, faire connaître » (v. 1174), d'où « être le signe, l'indice » (1580, Montaigne).
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Le verbe s'est spécialisé en droit dès le
XIIIe s. (1247). Avec la même valeur, « révéler ce qu'on connaît », il est usuel jusqu'aux
XVIIe et
XVIIIe siècles. Il correspond à « certifier, déclarer », dans
témoigner que et
témoigner de (et infinitif), attestés au
XVIe siècle.
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Par extension, avec un sujet nom de personne,
témoigner, à la même époque (v. 1590), correspond à « donner les marques d'un sentiment, d'un trait de caractère ».
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Le dérivé TÉMOIGNAGE n. m. a eu pour concurrents en ancien français des dérivés de tesmoin, comme tesmoine (1138), et des emprunts au latin testimonium, comme testimonie n. m. (déb. XIIe s.). Il désigne l'action de témoigner et la déposition d'un témoin. Par extension, il s'emploie dès l'ancien français à propos de la preuve manifeste de quelque chose (1209) et à partir du XVIe s. par métaphore dans témoignage des sens (1538).
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TESTIMONIAL, ALE, AUX adj. est emprunté (1274) au latin impérial
testimonialis « qui atteste, qui rend témoignage », dérivé de
testimonium.
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L'adjectif a vieilli pour qualifier ce qui sert de témoignage, d'attestation, et il n'est plus usité comme nom féminin pluriel
(les testimoniales) au sens de « lettres qui rendent témoignage de qqn » (1670 ; fin
XVIe s., au singulier), dans le langage ecclésiastique.
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Mais on parle encore, en droit, de
preuve testimoniale « qui repose sur des témoignages » (1690).
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Le dérivé TESTIMONIALEMENT adv. (1836), « par témoin, par témoignage », est très rare.
❏ voir
ATTESTER, CONTESTER, DÉTESTER, PROTESTER, TESTAMENT, 2 TESTER, TESTICULE.