TENDER n. m. est un emprunt (1837) à l'anglais tender (XVe s.), spécialisé comme terme de chemins de fer en 1825, dérivé de to tend (XIVe s.) « servir (qqn) » puis « assurer un service (auprès de qqn) », de to attend, lui-même repris au français attendre*.
❏  Tender apparaît en France d'abord cité comme mot anglais à diverses reprises (1831 ; 1834) et, avant d'être adopté par l'usage, il est souvent accompagné d'une définition. Pour désigner un wagon auxiliaire qui contient le combustible et l'eau nécessaires à une locomotive à vapeur, le français avait eu d'autres termes (1825, fourgon de tête ; 1829, chariot de suite, etc.), employés par ailleurs pour d'autres réalités. Tender est devenu désuet avec l'abandon de la traction à vapeur. ◆  Le mot a aussi désigné (1847) un petit bateau de servitude, sens qui était ancien en anglais (1675).
TENDON n. m. est dérivé (1536) de 2 tendre*, mais n'est plus rattaché fonctionnellement à ce verbe.
❏  Le mot avait été créé antérieurement (XIVe s.) pour désigner la bugrane, plante dont la racine arrêtait la charrue.
■  Le sens anatomique est une création indépendante, à l'époque où le mot nerf, jusque-là seule dénomination des muscles et des ligaments, commençait à être employé avec son sens actuel. L'influence de tendre (dont le participe présent tendant avait été substantivé au même sens, vers 1390, et dont le participe passé tendu qualifie le substantif nerf, dès le XIe s. ; → 2 tendre) s'est probablement conjuguée avec celle du grec tenôn, -ontos « muscle allongé », en particulier « muscle de l'arrière du cou chez l'homme et l'animal », dérivé de teinein « tendre », verbe correspondant au latin tendere. En ancien provençal, tendon « tendon d'Achille » (1213) remonte peut-être au mot grec modifié d'après tendre.
■  Tendon s'est dit par analogie (1542) pour « vrille de la vigne ». Il entre dans quelques syntagmes qualifiés et déterminés (tendon d'Achille, 1765). Il désigne spécialement la partie postérieure de la jambe du cheval où se trouve la saillie des tendons des muscles (1680). Il est aussi employé pour désigner la partie tendineuse de la viande de boucherie.
❏  TENDINEUX, EUSE adj. a été formé (v. 1560) sur le radical de la forme latinisée tendo, -inis avec le suffixe -eux. Son radical a servi à former TENDINITE n. f. (1909), terme de physiologie, pour une inflammation du tendon, synonyme plus courant de TÉNOSITE n. f. (XXe s.), fait sur le nom grec.
L 1 TENDRE adj., également tenre en ancien français, est issu (v. 1050) du latin tener employé avec les mêmes sens (physiques, moraux) que le français et qualifiant souvent le jeune âge. Aucune autre langue n'a une forme correspondante (il faut écarter tout rapport avec le grec terên de même sens ou avec le sabin °terenus « mou ») ; généralement, le mot est rapproché de la famille importante de tenere (→ tenir), tenuis (→ ténu) et tendere (→ 2 tendre).
❏  Tendre exprime d'abord l'idée de « jeune, plein de fraîcheur », qui n'est plus réalisée que dans le syntagme âge* tendre (1579). Par opposition à dur, il se dit de ce qui n'offre pas de résistance, se laisse facilement entamer (v. 1200), surtout à propos de certains aliments (1636, pain tendre), notamment la viande, et aussi substantivé (1553, le tendre). Par extension, il s'est appliqué à une personne douillette, délicate (v. 1155), puis (XIVe s.) qui ressent vivement une action physique, et à une partie du corps, un cheval à la bouche tendre (1564) étant un cheval sensible au mors.
■  Sur un plan moral, l'adjectif qualifie la personne qui est facilement blessée (1080) et spécialement qui est accessible à la tentation (tendre à, 1559), sens disparu. ◆  Par une restriction au domaine de l'affectif, il qualifie surtout une personne sensible aux sentiments altruistes (amitié, compassion, amour) [XIVe s.], d'où par euphémisme la locution familière n'être pas tendre (v. 1750) et l'emploi substantivé c'est (ce n'est pas) un, une tendre (XXe s.). ◆  L'adjectif est spécialement employé dans le domaine des sentiments amoureux (d'un être, d'une chose). La langue classique l'a employé comme nom masculin (1649) avec le sens d'« amour, tendresse, affection », valeur disparue mais restée célèbre par la carte du tendre de Mlle de Scudéry (v. 1656), qui désignait le pays du Tendre. Dans la langue des précieux, le mot avait le sens métonymique de « sentiment tendre », par exemple dans avoir un (furieux) tendre pour qqn (1659).
■  Depuis le XVIIIe s., tendre qualifie une lumière, un coloris doux (1745). ◆  Les sens anciens de « douillet, délicat », « susceptible », encore vivants au XVIIe s., sont sortis d'usage.
❏  TENDREMENT adv. (1050 ; également tenrement, v. 1200) a d'abord été employé pour « amèrement, avec angoisse » avant de prendre ses valeurs actuelles (v. 1170, « avec amour ») correspondant à celles de l'adjectif.
■  Le diminutif TENDRET, ETTE adj. (XIIIe s., également tenret) n'est plus employé, de même que TENDRELET, ETTE adj. (1535) et les adverbes dérivés.
■  Tendre a produit trois noms de qualité dont un au moins, TENDREUR n. f. (XIIIe s. ; 1080, tendrur, tendror), est presque totalement sorti d'usage.
■  Le second, TENDRETÉ n. f. (XIIe s., également tanreté), d'abord dans le domaine des sentiments, s'est progressivement restreint au sens concret de « caractère d'une matière tendre, molle » (1375). Condamné par Vaugelas mais recommandé au contraire par Furetière (1690), enregistré par l'Académie au XVIIIe s., il n'a pas vraiment réussi à s'implanter dans l'usage, sauf en parlant de la viande tendre, emploi où tendresse est exclu.
■  Le troisième, TENDRESSE n. f. d'abord (v. 1240) pour « tendreté », après avoir exprimé l'idée d'enfance (1319), puis le caractère de ce qui se laisse facilement entamer (1375), a connu au XVIIe s. sa spécialisation moderne au domaine des sentiments (av. 1648, Voiture). Il s'emploie en particulier au pluriel tendresses pour désigner les témoignages d'affection (1666) et s'est dit pour « fille galante » (1882).
Tendre, dont le dérivé verbal tendrir (v. 1174) a disparu avant l'époque classique, a produit le verbe préfixé ATTENDRIR v. tr. (fin XIIe s.), employé à la fois au sens concret d'« amollir » (un aliment, v. 1260 ; une matière, 1538, aussi s'attendrir) et au sens moral. Dans ce contexte, il s'est employé comme intransitif (fin XIIe s.), remplacé en français moderne par le pronominal s'attendrir, puis comme transitif (1559) pour « rendre plus sensible, faire éprouver une émotion tendre ». Il s'emploie également au pronominal s'attendrir (1611) et au participe adjectivé attendri, ie.
■  Il a donné lieu à ATTENDRISSEMENT n. m., d'abord au sens concret (1561, selon Wartburg ; puis 1574), qui ne s'emploie plus qu'au sens moral (1671), comme ATTENDRISSANT, ANTE adj. (1717), les deux mots étant courants dans ce sens.
■  ATTENDRISSEUR n. m. (1960) désigne un appareil pour attendrir la viande.
■  On emploie quelquefois RATTENDRIR v. tr. (1611) pour exprimer l'idée de « faire redevenir mou, souple » ; le sens moral, antérieur, d'abord attesté comme pronominal (v. 1360), ne s'est pas maintenu.
❏ voir TENDRON.
L + 2 TENDRE v. est issu (v. 980) du latin classique tendere « rendre droit, déployer », en particulier au sens érotique « être en érection » (dans les Priapées), employé au figuré avec plusieurs sens dont « diriger vers » et, intransitivement, « avoir tendance à, viser à ». Il est spécialement employé dans la langue militaire avec le sens de « faire effort » et concrètement de « dresser une tente ». Le mot latin se rattache à une racine indoeuropéenne °ten- « étirer, tendre », représentée en sanskrit, grec, germanique, lituanien, slave et en latin même (→ tenir, ténu).
❏  Tendre s'emploie d'abord pour « exercer une traction sur (un objet) pour (le) rendre rigide » et « allonger (un membre), avancer (une partie du corps) », valeurs générales qui donnent lieu à de nombreux emplois spéciaux, au propre et au figuré. Le verbe signifie notamment « déployer (une toile, etc.) de manière à rendre rigide » (1080, d'une tente) puis « disposer en étendant », « appliquer (une tapisserie, etc.) » (1387), aussi en emploi absolu (fin XIIIe s.). En ancien français, tendre intransitif correspondait à « être tendu » (1278) et se disait par exemple d'une tapisserie. ◆  Le transitif s'employait en moyen français (XVe s.) à propos de la décoration de la façade des maisons à l'occasion d'une fête ; au sens d'« étendre (du linge) » (1530), le verbe est aussi sorti d'usage. ◆  Avec l'idée de « disposer », tendre s'emploie comme terme de chasse (v. 1160), d'où la locution figurée tendre un piège à qqn (1643, Corneille), après tendre des filets (1461) ; on disait aussi dans ce sens (1440-1475) tendre sur qqn. ◆  Par métaphore, on a dit se tendre pour « déployer ses efforts » (1424). On emploie aujourd'hui tendre son esprit « faire effort » (1767), précédé par avoir l'esprit tendu (1664) et, à partir du XIXe s., tendre s'applique à une situation, à des rapports humains (1872), emploi plus courant au pronominal se tendre et au participe passé tendu (ci-dessous).
Dès le XIIIe s., d'autres emplois figurés liés au corps apparaissent ; tendre, intransitif, « être en érection » (sens du latin) reste isolé (XIIIe s.), remplacé par bander. ◆  Comme transitif, le verbe s'emploie dans tendre l'oreille (v. 1225), tendre la main (XIIIe s., mein tendre à), d'abord « mettre la main sur qqch. », puis « se reconnaître vaincu » (1373), enfin « se réconcilier avec (qqn) » (v. 1860), sens encore en usage, alors que tendre la main pour « faire l'aumône » (1636) est devenu archaïque.
Alors que tendre, intransitif, a disparu, y compris dans l'emploi argotique et érotique, « être en érection » (Cf. bander), tendre à s'est maintenu. Tendre à signifie « aller vers sa fin » (v. 1160, en parlant de qqn qui va mourir) et avec une valeur concrète (v. 1225) « aller vers (un lieu) » ; ces emplois ont disparu avant l'époque classique, alors que la valeur psychologique, « aspirer à » (v. 1190), est toujours vivante. ◆  Tendre à ou vers (qqch.) s'emploie (fin XIIe s.) après tendre de (1080, sorti d'usage) pour « avoir pour but », avec une idée d'effort, spécialement en parlant d'un discours, d'un argument, etc. (1538). ◆  Plus tard en sciences tendre à (1759), puis tendre vers, équivaut à « être de plus en plus voisin de (une valeur limite) ».
❏  TENDU, UE adj., participe passé adjectivé de tendre (XIe-XIIe s., nerfs tendus ; Cf. tendon), exprime d'abord un sens physique, « rendu droit par traction », avant de développer des sens figurés en relation avec ceux de tension* : il qualifie ce qui indique l'effort (1580), spécialement un style (1784), puis à partir du XIXe s. une situation critique (1849) et une relation humaine difficile (1876), menaçant de se rompre. Un des derniers sens apparus correspond en phonologie à « qui entraîne une déformation plus grande de l'appareil vocal » (1933).
Tendre a produit un certain nombre de dérivés qui s'ajoutent aux emprunts faits au latin et aux formations savantes (→ tenseur, tension, tente), mais qui, pour la plupart, se limitent à un sens technique ou spécialisé. Ainsi, le nom d'action TENDAGE n. m., apparu dans le Nord pour « action de tendre les draps » (1285), a été reformé au XIXe s. pour désigner l'action de tendre une corde, un fil.
■  TENDEUR, EUSE n., également attesté dans le Nord, désigne une personne qui tend qqch. (1250, « tapissier ») et s'est employé comme terme de chasse (v. 1280 ; 1765, « braconnier »). Il est rare (1858) au sens érotique du verbe tendre (Cf. bandeur). ◆  Le mot sert aussi à désigner un dispositif qui maintient une chose tendue (1876).
■  TENDANT, ANTE adj., du participe présent, d'abord employé au sens ancien passif, « allongé » (XIIIe s.), a depuis le XVe s. le sens de « qui tend à », généralement assumé par le participe présent lui-même.
■  TENDIÈRES n. f. pl. (1609, au singulier) désigne les pièces horizontales d'un échafaudage fixe. ◆  TENDOIR n. m. (1765) désigne une pièce du métier à tisser et (1829) un étendoir à linge. ◆  TENDERIE n. f. (XIVe s., tendrie) signifiait « action de tendre » ; c'est aussi un terme de chasse, « fait de tendre les filets » (1446). ◆  TENDELLE n. f. (1825) désigne un collet pour prendre les grives.
Le seul dérivé de tendre qui ait de l'importance dans l'usage général est TENDANCE n. f., attesté (fin XIIIe s.) avec le sens isolé d'« inclination amoureuse », et depuis le dernier tiers du XIVe s. pour « force tendant vers une fin ». Le mot semble avoir été à peu près inusité jusqu'au XVIIIe s., où il a été repris dans la langue scientifique, en physique, au sens de « force par laquelle un corps tend à se mouvoir dans un certain sens » (1727), aujourd'hui disparu. ◆  À partir du XVIIIe s., tendance désigne aussi couramment (1748) ce qui porte une personne à agir, à se comporter (d'où avoir tendance, 1876), sens cependant rare avant le XIXe siècle. ◆  Depuis la fin du XVIIIe s., il se dit de l'orientation (idéologique, artistique) d'un groupe de personnes, notamment en politique (1920, d'un parti). Au XIXe s., il s'impose pour « évolution de ce qui est dirigé vers un but » (1810, Mme de Staël) et entre dans le langage de la psychologie, où il désigne le principe dynamique considéré comme la cause de l'orientation des activités humaines (1896). Le mot s'emploie aussi pour « dernier courant de la mode », aussi comme adj. (v. 1990 : être tendance).
■  De tendance sont dérivés, dans la langue moderne, deux adjectifs : TENDANCIEL, ELLE (1874), d'usage didactique, et dans la langue courante TENDANCIEUX, EUSE, « qui manifeste des préjugés, qui n'est pas neutre ni objectif » (1904), dont est tiré TENDANCIEUSEMENT adv. (1918, Proust).
Le groupe de tendre s'est élargi de quelques préfixés avec RETENDRE v. tr. (fin XIIe s.), « tendre à nouveau » et surtout « tendre ce qui était détendu » (retendre les cordes d'une raquette, et par ext. retendre une raquette). Le dérivé RETENDOIR n. m. (1811) s'applique à la clé utilisée pour retendre les cordes d'un piano, SURTENDRE v. tr. (av. 1889, Villiers) « tendre encore plus, à l'excès ». SOUS-TENDRE v. tr. traduction (1856) de l'anglais to subtend (1570 en géométrie) signifie « joindre (ou constituer) les extrémités d'un arc » ; ce verbe est virtuel depuis le XVIIe s. où l'on parle de soustendente, en géométrie. Il est employé au sens figuré de « servir de fondement à » depuis le début du XXe s. (1907, Bergson), emploi courant au participe passé sous-tendu.
❏ voir ATTENDRE, DÉTENDRE, ENTENDRE, ÉTENDRE, PRÉTENDRE, STANDARD, TENDER, TENDON, TENSION, TENSON, 1 TENTE, TENTURE, 1 TOISE.
L TENDRON n. m. est une réfection (fin XIVe s.) par changement de suffixe de tendrun (v. 1213), tenrun (fin XIe s.), formes issues d'un latin populaire °tenerumen, dérivé du classique tener (→ 1 tendre), auquel remonte aussi l'italien tenerume « cartilage ».
❏  En ancien français, le mot désigne surtout un cartilage en général, d'où par spécialisation le sens actuel de « cartilage tendre à l'extrémité de la poitrine de certains animaux » (1680) et l'emploi en boucherie (1740) pour un morceau de bœuf, de veau constituant la paroi inférieure du thorax. ◆  Le mot, par influence directe de tendre adj. désigne aussi la partie tendre d'une plante, le bourgeon, le rejeton (v. 1245).
Il se dit, par analogie, d'une très jeune fille (v. 1200), familièrement et par plaisanterie depuis le XVIIe s. (1680, Richelet). Il s'est aussi employé au XVIIe s. à propos d'un très jeune homme délicat (1611).
TÉNÈBRE n. f. est emprunté (1080, au pluriel) au latin tenebrae n. f. pl. « obscurité », mot sans singulier avant Apulée. Celui-ci repose sur une forme °temə-s-rā (sanskrit tȧmisrāh) et contient une racine dissyllabique indoeuropéenne qui a des représentants dans le sanskrit támaḥ « ténèbres », le lituanien témsta « l'obscurité vient », le letton timsa, tumsa « obscurité », l'ancien haut allemand dinstar « sombre ». Le passage de m à n fait difficulté.
❏  Dès les premiers textes, ténèbres est plus fréquent au pluriel ; il désigne l'obscurité profonde et spécialement (v. 1120), dans le langage biblique, le néant, la mort, l'absence de Grâce divine, l'enfer (av. 1250), notamment dans les expresssions comme œuvre de ténèbres (1553), prince des ténèbres « le démon » (1690). Il désigne spécifiquement l'office de nuit du jeudi et du vendredi saints pendant lesquels on éteint les lumières (1270), l'expression leçon de ténèbres s'appliquant aux leçons et à une composition musicale sur des textes de cet office (XVIIe s.). ◆  Ténèbres s'est employé en médecine (1735), encore au XIXe s., pour un obscurcissement de la vue. ◆  C'est encore le pluriel qui exprime le sens figuré d'« erreur, ignorance, incertitude » (1580, Montaigne).
■  Le singulier la ténèbre (v. 1450), employé en parlant de l'obscurité, semble disparaître à l'époque classique avant d'être repris littérairement (Huysmans, 1887 ; à ténèbre, 1859) par archaïsme, également au figuré (1891) à propos de l'ignorance cachant la vérité.
❏  Il ne reste des dérivés que ENTÉNÉBRER v. tr. (fin XIIIe s.), d'usage littéraire, dont le dérivé ENTÉNÈBREMENT n. m. est relevé pour la première fois chez Huysmans (1880).
■  Deux termes didactiques récents, TÉNÉBRESCENCE n. f. et TÉNÉBRESCENT, ENTE adj. (attestés 1964, Larousse), formés sur le modèle de luminescence, luminescent, concernent la disparition de la luminescence sous l'action de certaines excitations physiques.
TÉNÉBREUX, EUSE adj. et n. (XIIIe s.), antérieurement tenebrus (1080), est emprunté au dérivé latin tenebrosus.
■  Le mot au sens propre « où règne l'obscurité » est du style poétique (selon l'Académie, 1718). Comme ténèbre, il est employé au figuré pour qualifier ce qui est obscur, perfide (fin XVIIe s.), pour « incertain, caché » en parlant d'une production de l'esprit (1580), et dans le vocabulaire religieux dans séjour ténébreux « enfer » (v. 1550), ange ténébreux « démon » (v. 1730), emplois disparus. ◆  Depuis le début du XVIIIe s. (1718), l'adjectif qualifie une personne mélancolique, cet usage ayant été précédé par l'emploi substantivé du mot dans le syntagme le Beau Ténébreux (1555), surnom donné à Amadis de Gaule qui, repoussé par celle qu'il aimait, se retira dans un ermitage ; l'expression est attestée (v. 1680) à propos d'un beau garçon mélancolique.
■  De ténébreux est issu TÉNÉBREUSEMENT adv. (1522) qui, sorti d'usage au sens propre de « sans lumière », est rare avec le sens figuré de « perfidement » (v. 1700, Saint-Simon).
TÉNESME n. m. (d'abord ténasman, v. 1370, ténasme 1537) est un emprunt médical au latin tenesmus, hellénisme, du grec teinesmos, du verbe teinein « tendre » (→ tendon). Le mot s'est spécialisé en médecine pour une vive douleur, une sensation de brûlure accompagnant un besoin pressant d'uriner ou d'aller à la selle. Il s'est employé au figuré pour « tension douloureuse », usage très littéraire.
1 TENEUR n. f. est emprunté (XIIe s., tenur) au latin tenor, nom dérivé de tenere (→ tenir), « cours non interrompu, marche continue » (au propre et au figuré) dans la langue classique, spécialisé à basse époque (VIe s.) au sens juridique de « disposition, contenu d'une loi ».
❏  En français, le mot a été employé au sens de « continuité, suite » jusqu'au XVIIe s. (encore chez Descartes).
■  Par réemprunt au latin juridique, il a pris son sens de « contenu exact (d'un écrit officiel ou important) » (1257).
■  Par spécialisation du premier emploi, il est devenu un terme de musique, désignant la voix aujourd'hui appelée de ténor* (1373), puis le chanteur qui a cette voix ; concurrencé par d'autres termes, comme taille (→ tailler) et ténor, cet emploi disparaît au XVIIe siècle. Teneur désigne ensuite (1767) une mélodie suivie, utilisée comme base en composition dans la polyphonie médiévale.
■  Un sens concret scientifique, « quantité de matière rapportée à une masse ou à un volume d'autres matières », est enregistré le dernier (1866) et s'est développé au XXe siècle.
❏  Avec ce dernier sens, il a produit le nom d'instrument TENEURMÈTRE n. m. (1973, J. O.), formé de manière hybride avec -mètre*.
❏ voir TÉNOR.
2 TENEUR → TENIR
TÉNIA n. m. (1764), francisation graphique de taenia (v. 1560), antérieurement sous la forme tynia (XVe s.), est emprunté au latin taenia, lui-même transcription du grec tainia, proprement « bandelette » avec les sens secondaires de « bandeau pour la tête », « ceinture pour soutenir le sein », « bandage », « banderole » et, parmi plusieurs sens analogiques, « ver solitaire ». Ce mot est rapproché de teinein « tendre » (→ tendon).
❏  Ténia, aussi écrit taenia, signifie « ver solitaire ».
❏  Il a servi à former le terme de médecine TÉNIFUGE adj. (1833), avec l'élément -fuge*, substantivé au masculin par ellipse de médicament.
L + TENIR v., réfection (XIe s.) de tener (980), est issu d'un latin populaire °tenire, peut-être forme altérée du latin classique tenere qui appartient à la même racine indoeuropéenne °ten- que tendere (→ 2 tendre) dont il est distinct sémantiquement. Le verbe, employé transitivement, signifie « avoir (qqch.) en main » et en emploi absolu « durer, persister, se maintenir », avec des acceptions spéciales dans la langue militaire (« se maintenir dans une position ») et nautique (« se maintenir dans une direction »). Du sens de base, « avoir en main », dérivent de nombreuses autres valeurs : « occuper » (spatialement et au figuré), « posséder », « garder immobile, arrêter, maintenir », « captiver » et « arrêter, retarder ». Par l'intermédiaire de l'idée de « garder en esprit », le verbe signifie à la fois « se souvenir » (memoria tenere) et « comprendre, savoir » (mente tenere). Il est représenté dans les langues romanes (italien tenere, espagnol tener).
❏  La riche polysémie du latin s'est transmise au verbe français à travers ses emplois transitifs, intransitifs et pronominaux, ceci dès l'ancien français et pour l'essentiel avant le XIIIe siècle. Tenir, transitif, signifie d'abord « occuper (un territoire), le posséder », d'où au XVIe s. tenir la mer (1549) avec la même valeur aujourd'hui disparue (l'expression ayant pris un autre sens), l'idée de violence liée à l'occupation n'apparaissant qu'au XVIIe s. (1669). ◆  L'idée de possession donne lieu à un emploi dans le vocabulaire féodal, « avoir un fief qui relève de qqn » (1130) [d'où le dérivé tenure, ci-dessous], et aussi à ne rien tenir de qqn « ne pas en dépendre » (XIIIe s.) d'où vient, au passif et au figuré, être tenu à qqch. « obligé » (v. 1283), toujours usuel en français moderne, par exemple dans l'expression proverbiale à l'impossible nul n'est tenu (1690). ◆  Par extension, cette notion de dépendance aboutit plus tard à une autre acception : tenir de qqn, de qqch. en vient à signifier « avoir ses qualités ou ses défauts » (1636) et « lui ressembler » (fin XVe s.). ◆  Toute une série d'emplois se développent à partir du XIe s., différenciés par une préposition ou un complément figé : tenir (qqn, qqch.) pour... « croire tel, estimer » (v. 1050), plus tard tenir que « estimer, penser » (v. 1330), qui reste vivant. ◆  Tenir qqn chez soi « loger » (v. 1050) ne s'est pas maintenu, non plus que se tenir a « demeurer à » (v. 1175). Cette valeur du verbe s'est maintenue en français de Belgique dans l'emploi familier pour « élever » : tenir des poules, des lapins, et dans des emplois comme tenir une collection (on dirait faire, en France). ◆  C'est aussi depuis le XIe s. que tenir suivi d'un adjectif signifie (v. 1050) « maintenir (qqch., qqn) dans un certain état » (tenir éveillé). Des emplois tels que tenir qqn en respect relèvent du même sémantisme que tenir qqch. pour soi, en français de Belgique, « garder pour soi ».
■  Déjà dans La Chanson de Roland, le verbe a le sens concret du latin, « avoir (qqch.) en main » (1080) et figure très tôt dans des emplois que les préfixés maintenir* et retenir* ont parfois seuls conservés ; tenir s'emploie pour « s'accrocher à (qqch.) pour ne pas tomber » (v. 1175) et « empêcher (qqn) de tomber (1080) ou de s'en aller » (v. 1190). ◆  Parallèlement tenir qqn équivaut à « l'occuper en lui parlant » (v. 1175), valeur encore vivante dans la locution familière et figurée tenir la jambe à qqn, qui correspond à retenir. ◆  Tenir qqch. de qqn « l'avoir appris ou obtenu de lui » n'apparaît qu'en moyen français (fin XVe s., Commynes), comme faire tenir qqch. à qqn « le lui remettre » (1549), aujourd'hui un peu archaïque. ◆  L'impératif tiens ! tenez !, en emploi absolu, a le sens de « prends ! prenez ! (ce que je tiens) » (1080) [→ tennis] ; ironiquement, il s'adresse à qqn que l'on frappe (1667) ou que l'on attaque. Au figuré, tiens a valeur d'interjection (1200) pour appeler l'attention ou manifester un sentiment, évidence (1793), surprise ou étonnement (valeur attestée à la fin du XVIIIe s.), tiens étant alors souvent répété (tiens tiens tiens !). ◆  La valeur concrète du verbe, « garder dans sa main », se réalise aussi dans des locutions où l'impératif est substantivé, comme assez vaut miex un tien que quatre tu l'auras (v. 1170) devenue, après plusieurs variantes (v. 1185, mieux vaut un tien que deux auras), un tiens vaut mieux que deux tu l'auras (in Furetière, 1690) ; elle se manifeste aussi dans l'emploi pronominal se tenir à qqch. « s'y arrêter » (XIIe s.), d'où vient l'expression usuelle savoir à quoi s'en tenir (XVe s. ; v. 1174, a coi soi tenir) « savoir ce que l'on doit penser de qqch. », et dans de nombreuses locutions figurées, comme tenir les rênes « gouverner, dominer » (XIIIe s.), tenir la plume (1690) ou se tenir les côtes (de rire) [1763 ; 1690, se tenir les côtés]. ◆  Une série d'emplois argotiques, puis familiers, donne au verbe la valeur d'« avoir » ou « garder », dans tenir le crachoir (1867) « garder la parole », ou encore en tenir une (sévère), ellipse de tenir une cuite, une biture (d'abord tenir la coque, 1899). ◆  Le verbe s'est spécialisé avec un complément nom de personne (XIIe s.) au sens de « tenir par la main (la personne qui reçoit le baptême) », aujourd'hui, avec l'idée de « porter dans ses bras (un jeune enfant) », sous la forme tenir (un enfant) sur les fonts (baptismaux) « en être le parrain ou la marraine » (v. 1460).
■  Dans l'abstrait, le verbe équivaut (1080) à « observer, suivre (une règle, etc.) », sens qu'il gardera jusqu'au XVIIe s. et qui subsiste dans tenir sa parole (v. 1155), tenir un pari (1798) qui succède à tenir employé absolument pour « parier » (av. 1550). Tenir son ordre (v. 1226) « se conformer aux règles de sa situation sociale » a été remplacé par tenir son rang avec une autre nuance (ci-dessous) ; tenir rigueur à qqn (1549, tenir la rigueur) « le traiter rigoureusement » s'est affaibli en « lui en vouloir de qqch. » (1786).
■  La valeur concrète du verbe, « suivre », apparaît au XIIe s. avec tenir a et tenir en « se rendre (quelque part) » et « se diriger vers » (v. 1138) ; ces emplois sont propres à l'ancien français. ◆  Par figure, tenir près qqn (1165) signifiait « soumettre à une discipline sévère », encore à l'époque classique. ◆  Quant au transitif, la valeur spatiale du verbe se retrouve dans tenir la mer (1680) et sa valeur psychologique de surveillance dans tenir qqn de près (1694). ◆  Dans un emploi érotique, tenir une femme a signifié (v. 1213) « posséder » (Cf. prendre).
■  Tenir à, avec un sujet nom de chose, s'emploie (1210) pour marquer un rapport d'effet à cause (une chose tient à une autre), valeur reprise plus tard en construction impersonnelle et dans la locution qu'à cela ne tienne (1693), précédée par à cela ne tienne (1611).
Depuis la fin du XIIe s., tenir à signifie (v. 1180) « être attaché, maintenu à » en parlant d'une chose, d'où par analogie « être contigu » (v. 1175) et tenir, intransitif, « être difficile à arracher » (1553), aujourd'hui modalisé (bien, mal tenir). Cette acception donne lieu à des locutions figurées : ne tenir qu'à un fil (v. 1650), ne tenir à rien (1694) et à il n'est (amitié, etc.) qui tienne (1668), il n'y a pas de (raison, etc.) qui tienne (1694), etc. ◆  Se tenir à qqn « se ranger dans son parti » (XIIe s., soi tenir) ne s'est pas maintenu et a été remplacé par tenir pour (XVe s.), surtout vivant à propos d'une opinion, alors construit avec un adjectif (tenir pour vrai, certain, assuré...). Tenir à qqn, à qqch. signifie depuis le XVIe s. (1580) « y être attaché ».
Tenir, intransitif, équivaut dès le XIIe s. à « subsister sans changement », puis s'emploie en particulier (fin XVIIe s.) à propos d'une couleur qui ne déteint pas et du temps qui ne change pas (1694), acception vieillie.
■  Le verbe reprend par ailleurs le sens latin de « résister » (v. 1080), qui donne lieu à des emplois, souvent pronominaux ou transitifs, repris par retenir*, comme se tenir de faire qqch. (v. 1160) ou tenir sa colère (v. 1175). Tenir, intrans., correspond aussi à « garder sa valeur et supporter la comparaison » (1882 en art). D'autres emplois sont restés vivants, comme tenir bon, au propre (v. 1460) et au figuré (1640), ou, avec un sémantisme analogue mais une syntaxe différente (transitif), tenir le coup (1548, tenir coup), précédé par l'emploi concret de tenir le coup de (v. 1080). ◆  En français de Belgique, tenir pour (qqn), tenir avec (qqn) s'emploie au sens de « prendre parti pour, soutenir ». ◆  Suivi d'un adverbe ou d'un adjectif (se tenir tranquille), se tenir, avec un sujet nom de personne, équivaut à « se comporter, avec telle attitude » (v. 1155), également dans des locutions, comme se tenir bien (mal) [1667], qui s'emploient au propre et au figuré (voir ci-dessous tenue).
Une autre construction ancienne, où tenir correspond à « continuer, ne pas arrêter (une activité) », se réalise dans tenir plait « délibérer » (v. 1155), tenir un discours (v. 1175), tenir une séance (v. 1190), d'où se tenir « avoir lieu, délibérer » en parlant d'une assemblée (1559). ◆  Tenir s'emploie aussi (v. 1130) pour « être situé, avoir une place dans un ensemble », d'où « habiter, demeurer » (XIIIe s.), sens relevé jusqu'au XIXe siècle. Cette valeur reste vivante en emploi abstrait, dans des syntagmes comme tenir son rang (v. 1175, un rang) et par métaphore dans tenir le bon bout (1640), modification d'une autre construction, se tenir sur le bon bout (1611). ◆  Par extension, le verbe signifie « occuper (un espace) » (v. 1215), « être susceptible de contenir » (v. 1130), acception dont procèdent tenir l'eau « être étanche » (1674), en parlant d'un récipient, et, à propos d'une personne, tenir le vin « boire beaucoup sans être ivre » (1697, ...du vin). ◆  L'idée de « demeurer » a produit de nombreuses expressions où tenir est aujourd'hui remplacé par garder, comme tenir le lit (1671). Tenir le lieu de qqn « occuper la place de qqn » (1370) est devenu tenir lieu de avec ce sens (1534) et s'emploie encore aujourd'hui pour « équivaloir à » (1599).
❏  Dès le XIIe s., le participe présent TENANT, ANTE est adjectivé (v. 1160) et employé en ancien et en moyen français avec des sens sortis d'usage (« stable », « solide », v. 1165). Il s'emploie aujourd'hui pour « qui se continue de manière suivie » (1828, dans séance tenante) et « qui n'est pas séparé, qui tient » (XXe s., en parlant d'un col).
■  Parallèlement, le nom TENANT n. m. (v. 1138) a perdu divers sens anciens : « avare » (v. 1190), « remplaçant » (1326), et désigne, d'après différents sens du verbe, une personne qui « tient » qqch. ou qqn, dans quelques domaines spéciaux : celle qui dépend d'une autre (v. 1138), le tenancier de terres en roture (v. 1198) [voir tenure, ci-dessous], l'assiégé, l'amant en titre (1615), le combattant dans un tournoi (1610), toutes valeurs devenues historiques ou archaïques. ◆  Le mot désigne de nos jours, en sports, l'athlète qui détient un titre (1889), surtout dans l'expression le tenant du titre. ◆  Il sert aussi à désigner, au figuré, la personne qui soutient qqch. contre tous (av. 1685). ◆  Depuis le XIIe s., tenant désigne également ce qui n'est pas séparé, dans quelques locutions : d'un tenant (v. 1130, valeur temporelle « en une seule période de temps, de manière continue » ; 1538, valeur spatiale), puis d'un seul tenant (1878), qui a remplacé tout d'un tenant (1531, R. Estienne). ◆  Dans le langage juridique, son pluriel les tenants se dit des terres qui bornent une propriété (1611), d'abord dans la locution tenants et aboutissants (1508) passée dans l'usage au figuré (1625), et en blason des figures qui soutiennent l'écu (1636).
■  Quant au participe passé TENU, UE, il est substantivé au féminin TENUE n. f. (v. 1165), d'abord terme de féodalité, là où l'on dit plus souvent tenure. Le disparate des sens de ce substantif procède de la polysémie de tenir : tenue a désigné ce que l'on tient (1373) et exprimé la continuité, la suite (XVIe s.), sens qui a vieilli sauf dans la locution d'une tenue (1636) ; il désigne spécialement, en musique, la continuation d'un même son sur une touche (1680), comme synonyme de note tenue, en manège la qualité d'un cheval capable de soutenir un effort prolongé (1885), en finances la fermeté d'une valeur boursière (1872). ◆  Depuis le début du XVIIe s., il fournit le nom d'action correspondant à tenir séance (tenue de séance), d'usage didactique ; au XIXe s., celui de tenir une maison, un ménage, la gestion (1835). ◆  Il exprime aussi le fait et la manière de tenir en place, de se tenir, spécialement en équitation (XVIe s.) et en marine (1680), et, en relation avec les sens pronominaux du verbe, le fait, la manière de se tenir (1835), en particulier la façon d'être habillé (1798), valeur devenue usuelle surtout pour les habits d'uniforme. Ce dernier sens a donné lieu aux expressions usuelles grande tenue (1798) « uniforme de parade », par opposition à petite tenue « uniforme de service » (1835), tenue de rigueur (1835), vieillie, et tenue de soirée, tenue de ville (1933). Par extension, la tenue (avoir de la tenue) est employé au sens figuré de « dignité dans la conduite » (1872) et spécialement de « correction dans le style » (1907).
TENURE n. f., réfection (1274) de teneüre (v. 1138), est un terme de féodalité désignant la condition sous laquelle une personne (le tenant) tient un fief, la possession en fait d'une chose immobilière (XIIe s.), d'où la dépendance, la mouvance d'un fief féodal (1636). Il se dit aussi techniquement d'un trou dans un bloc d'ardoise pour introduire le coin (1768).
■  TÈNEMENT n. m. (v. 1155), qui désigne en ancien français la terre qu'on tient comme fief, est employé régionalement pour désigner une réunion de propriétés contiguës (1872 ; 1690, tout d'un tènement).
■  2 TENEUR n. m. (d'abord teneor « possesseur », v. 1175 comme terme de féodalité) s'est employé pour désigner la personne qui tient un établissement (1545), en concurrence avec tenancier* qui l'a éliminé. Il se dit de celle qui tient un registre (1680) et s'emploie dans le vocabulaire technique de l'imprimerie : teneur de copie (1843).
■  Tenir a produit deux autres noms de sens technique. TENON n. m. (1379 ; d'abord tenoun, v. 1280) a lui-même donné TENONNER v. tr. (1872), d'où TENONNAGE n. m. (XXe s.) et TENONNEUSE n. f. (1904), nom d'un outil.
■  TENETTE n. f. (1680), ancien terme de chirurgie, désignait la pince servant à saisir des calculs dans la vessie.
Un dérivé plus courant est TENABLE adj. (XIIe s.), qui a servi en ancien français d'adjectif verbal à tenir avec les sens de « que l'on peut tenir, garder », « stable », « que l'on doit respecter (parole, etc.) » (v. 1160), « constant (du cœur) » (v. 1270), tous sortis d'usage. ◆  Il est resté vivant en emploi négatif pour qualifier ce que l'on peut défendre militairement (apr. 1360) et le lieu où l'on peut se tenir, demeurer (1640).
■  L'antonyme préfixé INTENABLE adj. (1627), qui correspond à (ce n'est) pas tenable, est également employé pour qualifier une personne remuante (XXe s.) et notamment un enfant.
ATTENANT, ANTE adj. est le participe présent adjectivé (1395 ; atenans, v. 1365) de l'ancien verbe attenir, issu du latin populaire °attenire, du latin classique attinere « toucher à, dépendre de ». Sa formation est parallèle à celle du verbe simple tenir (voir ci-dessus ; de °tenire, latin classique tenere). Attenir à « être attenant » s'employait encore au XIXe siècle.
■  Attenant qualifie ce qui touche à qqch., en est tout proche et s'emploie notamment à propos de constructions ; il se construit avec à ou s'emploie absolument.
■  ATTENANCES n. f. pl., dérivé de attenir (1611), désigne une dépendance contiguë, aussi au figuré abstrait (encore chez Sainte-Beuve, in T. L. F.), et au XVIIIe s. des relations étroites. En ancien français, atenance (v. 1165) s'est dit d'une pensée, d'un sentiment qui dépend de qqch.
TENUTO adv. (attesté en 1788) est l'emprunt en musique de l'italien tenuto, correspondant à tenu, le mot désignant sur une partition les passages où le son doit être soutenu (Cf. sostenuto).
❏ voir ABSTENIR (S'), ABSTINENCE, APPARTENIR, TENACE, TENAILLES, TENANCIER, 1 TENEUR, TÉNOR, ainsi que les composés CONTENIR, CONTENT, CONTINENT, CONTINUER, DÉTENIR, ENTRETENIR, MAINTENIR, OBTENIR, PERTINENT, RETENIR, SOUTENIR et aussi LIEUTENANT, TENNIS.
TENNIS n. m. est emprunté (1824) à l'anglais tennis, d'abord nom donné au jeu de paume, emprunté au XIVe s., sous la forme tenetz acclimatée en tennes, teneys, tenys, tenise puis tennis, au français tenez, impératif de tenir*, exclamation du serveur dans ce jeu ; cependant cette forme n'est pas attestée en français, mais indirectement en latin médiéval et en italien. Le mot anglais a servi à former field tennis « longue paume » (XVIIIe s.) avec field « champ » et lawn tennis (1874) avec lawn « pelouse », nom du sport codifié dont tennis devint bientôt l'abréviation.
❏  Selon toute vraisemblance, le mot a d'abord désigné en français une variante de la longue paume, et le dictionnaire de Landais (1836) le donne comme peu connu. C'est le succès rapide du lawn tennis (1877) répandu hors d'Angleterre, en France à partir des années 1870, qui l'a fait adopter pour désigner ce sport joué avec des raquettes sur un terrain de dimensions déterminées muni d'un filet. Le vocabulaire de ce sport (court, set, smash, etc.) est aussi passé de l'anglais en français. Il est cependant malaisé de savoir si les Français formèrent eux-mêmes l'abréviation ou l'adoptèrent de l'anglais. ◆  On leur doit à coup sûr l'emploi de un tennis pour « terrain de tennis » (1891), l'anglais employant tennis court et par abréviation court. ◆  Tennis de table « ping-pong » apparaît en 1901, d'après l'anglais table tennis.
■  Les autres extensions de sens dans le domaine vestimentaire, « flanelle à rayures fines » (1890) et au pluriel « sandales, chaussures de tennis » (1894), sont inconnues en anglais.
❏  Enfin, le français est seul responsable des dérivés du mot, qu'ils soient inusités comme TENNISSER v. intr. (1904) et TENNISSEUR n. (1920), qui ont disparu, ou qu'ils soient, comme TENNISTIQUE adj. (1922), l'adjectif didactique de tennis (les activités tennistiques), rares.
■  Le faux anglicisme TENNISMAN n. m. (1903) est à peu près sorti d'usage. Il est formé de deux éléments empruntés indépendamment à l'anglais, tennis et man « homme », détaché d'emprunts véritables (barman, policeman, sportsman) et utilisé comme un quasi-suffixe. Outre-Manche, son équivalent est tennisplayer (XVe s.) et, récemment aux États-Unis, tennist. On lui connaît un équivalent féminin également fictif en anglais, TENNISWOMAN n. f. (attesté 1927), formé avec woman « femme » et sorti d'usage après 1950.
■  TENNIS-ELBOW n. m. (1964 dans les dictionnaires) est un emprunt à l'expression anglaise formée de tennis et de elbow « coude » pour désigner une synovite du coude, fréquente chez les joueurs de tennis.
TENON → TENIR
TÉNOR n. m. est emprunté (1444) à l'italien tenore « forme, manière », spécialisé en musique aux sens de « concert », « harmonie », puis « voix considérée comme la plus harmonieuse (voix de ténor) ». Tenore est lui-même emprunté au latin classique tenor, dérivé de tenere (→ tenir), qui a donné 1 teneur*. En latin médiéval, le mot était employé pour désigner un accent syllabique, un fragment mélodique de plain-chant exécuté en récitatif, ou encore la note correspondant à la dominante d'un mode grégorien chanté en notes longues et servant de thème au déchant et à l'organum. Tenor se disait aussi de la mélodie suivie servant de base dans la composition des œuvres polyphoniques.
❏  Le mot, introduit dans une traduction de l'italien, apparaît après 1 teneur* en musique et semble peu employé jusqu'à l'époque classique, concurrencé alors par taille* (→ tailler) et dessus* ; il est donné comme « vieux » par Richelet (1680). Il est repris au XVIIIe s., désignant une voix d'homme comprise entre le premier ut de l'alto et le sol du violon, puis par métonymie la personne qui a ce type de voix (1798) et, par extension, toute partie instrumentale ou vocale se déroulant à la hauteur de ce type de voix. De là vient l'emploi en apposition avec le nom de certains instruments (saxophone ténor). ◆  Le mot est passé dans l'usage général avec une valeur figurée, désignant (1869) une personne très en vue dans son domaine, souvent avec un complément de détermination (les ténors du journalisme, de la politique...).
❏  En est issu TÉNORISER v. intr., d'abord (1769) au sens figuré ancien de « proclamer avec éclat », de nos jours terme de musique. ◆  Le verbe a pour dérivés TÉNORISATION n. f. et TÉNORISANT, ANTE adj. (1872).
Le même radical latin se retrouve dans TÉNORINO n. m. (1879), emprunt à un mot italien diminutif de tenore pour un ténor très léger.
■  Par ailleurs, le français a emprunté TENORA n. f. (déb. XXe s.) au catalan (du latin tenor), désignation d'une sorte de clarinette.
■  CONTRE-TÉNOR n. m. est une adaptation récente (v. 1960) de l'anglais counter tenor. Le mot, équivalent de haute-contre*, mais plutôt utilisé à propos des chanteurs anglais, a été introduit avec le renouveau de ce type de voix, d'abord en Angleterre autour d'Alfred Deller qui reprit le répertoire élisabéthain et baroque. On employait en français dès le XVe s. contre teneur (1473 ; → 1 teneur) et, à l'époque classique, haute taille (→ tailler).
TÉNORITE n. f. est dérivé du nom du naturaliste italien M. Tenore (le mot figure dans le dictionnaire de d'Orbigny, 1848) pour dénommer un oxyde naturel de cuivre.
TENREC ou TANREC n. m., mot qui apparaît dans Buffon (1761), lequel distingue « le tanrec et le tandrac », est la déformation du mot malgache trandraka ou tandraka, désignant un petit mammifère insectivore à museau pointu, au corps couvert de poils et de piquants, vivant à Madagascar. À la Réunion, il est appelé tangue (→ 2 tangue).
TENSION n. f. est emprunté (1490) au bas latin tensio, tensionis « fait, manière de tendre », spécialement « contraction des nerfs », dérivé du supin (tensum) de tendere (→ 2 tendre).
❏  Le mot a été introduit par les médecins pour désigner l'état d'un organe, d'un tissu tendu, d'où la sensation de raideur qui se manifeste dans certaines parties du corps (1520). Il s'emploie ensuite pour « état d'un tissu vivant distendu, qui a augmenté de volume ». ◆  Par extension, le mot est passé dans l'usage général pour désigner l'état d'une chose souple tendue (1680), exprimant plus rarement le sens actif, correspondant au verbe, « fait de tendre ». ◆  Il a développé plusieurs sens spéciaux en physique où il désigne aussi bien la force qui agit de manière à séparer les éléments d'un corps (avec des applications en mécanique), par exemple dans tension superficielle (d'un liquide), voir ci-dessous tensio-actif, que la pression (1821, tension de vapeur). C'est de ce sens, et non pas de l'ancien sens physiologique (concernant les nerfs), que procède l'emploi médical moderne pour « pression du sang » (1859, tension artérielle). Ce sens est entré dans la langue courante en français d'Europe (avoir de la tension, pour « de l'hypertension ») [on dit pression au Québec]. Le mot donne lieu à des composés (ci-dessous). ◆  Tension est aussi employé en électricité (1862) d'après l'italien tensione elettrica, expression de Volta (1802) pour désigner une différence de potentiel, entrant dans haute tension (1897) et basse tension.
L'usage du mot dans le domaine abstrait remonte à la fin du XVIe s. (d'Aubigné) dans le domaine psychologique, à propos d'un effort soutenu, d'une opposition contre quelque chose, d'une querelle ; de là viennent les emplois courants à propos des relations internationales (1904) et sociales (1963, tension raciale) et l'expression tension nerveuse. Toujours par métaphore, tension désigne depuis le XVIIe s. un effort intellectuel soutenu (1690, tension d'esprit).
❏  Le mot n'a pas produit d'autre dérivé que le verbe technique moderne TENSIONNER v. tr., attesté vers 1950 mais certainement antérieur : le dérivé TENSIONNAGE n. m. étant enregistré dans le dictionnaire Larousse de 1933. Tensionner signifie « donner la tension correcte à ».
■  En revanche, en médecine, il entre dans la formation de HYPOTENSION n. f. (1895) et HYPERTENSION n. f. (1895) « tension anormalement basse », et « tension excessive ». À hyper- et hypotension correspondent les adjectifs HYPERTENSIF, IVE et HYPOTENSIF, IVE (tous deux attestés en 1903) pour « qui augmente » et « qui diminue la tension artérielle », et aussi « qui résulte de l'hyper- ou de l'hypotension » (on trouve aussi, au masculin, HYPER- et HYPOTENSEUR, pour le premier sens). ◆  De là NEUROTENSINE n. f. (1979, de neuro-, suff. -ine) dénommant un peptide de l'hypothalamus qui libère des hormones hypophysaires, avec un effet hypotensif.
SOUS-TENSION n. f. (1949) et SURTENSION n. f. (1902), sont spécialisés en électricité où l'on trouve aussi BITENSION n. f. (v. 1970).
Sous la forme de l'élément savant tensio- (du latin tensio), tension a servi à former quelques termes d'usage didactique dans le vocabulaire des sciences : TENSIO-ACTIF, IVE adj. (v. 1950), écrit ensuite TENSIOACTIF, pour une substance capable d'augmenter les propriétés d'étalement, de mouillage d'un lipide, qui dépendent de sa tension superficielle (aussi : un tensioactif, n. m.). De là TENSIO-ACTIVITÉ n. f. (v. 1950). TENSIOMÈTRE n. m. (1949) et TENSIOMÉTRIE n. f. (1964, Larousse), formés d'après l'anglais tensiometer (1922), tensiometry, désignent un appareil de mesure des déformations d'un corps soumis à des contraintes mécaniques, ou à mesurer la tension superficielle d'un liquide, et cette mesure.
TENSEUR n. m. et adj. est dérivé avec le suffixe -eur (1830) du latin classique tensum, supin de tendere (→ 2 tendre). ◆  Le mot est employé comme terme d'anatomie pour qualifier et désigner le muscle qui produit une tension. Il est également employé en mécanique (1877) dans un sens synonyme de tendeur*. En mathématiques (1900) d'après l'anglais tensor. L'anglais tensor est créé par le mathématicien Hamilton en 1846, mais le concept utilisé aujourd'hui est défini en allemand par W. Voigt en 1898. En français, l'Encyclopédie Berthelot (1900) définit tenseur comme un symbole utilisé dans le calcul des quaternions. Il s'agit d'un être mathématique, généralisation du vecteur*, défini dans un espace à n dimensions par un nombre de composantes nk, k étant l'« ordre » du tenseur (un vecteur est un tenseur d'ordre 1). Les tenseurs représentent les contraintes mécaniques (inertie, élasticité), la conductivité électrique, etc.
■  En est issu TENSORIEL, IELLE adj. (1948), employé en physique dans la théorie de l'élasticité et en mathématiques (calcul tensoriel).
L TENSON n. f., d'abord écrit tenzon (fin XIe s.), puis tenson (v. 1138), est issu d'un latin populaire °tentio, dérivé du classique tentum, un des supins de tendere (→ 2 tendre).
❏  Le mot est employé jusqu'au XVIe s. au sens de « dispute, querelle », d'où les valeurs dérivées « tapage » (v. 1210, tençon), « discussion » (1362), elles aussi disparues. ◆  Il se spécialise en français (v. 1450), d'après l'ancien provençal (mil. XIIIe s., après 1250), pour désigner un genre poétique dialogué où les interlocuteurs s'opposent sur un sujet donné, genre particulièrement illustré par les troubadours. Tenson reste un terme d'histoire littéraire.
❏ voir TANCER.
TENTACULE n. m. est l'adaptation (1767) du latin moderne tentaculum, lui-même dérivé savant du latin classique tentare, temptare « tâter, toucher » (→ tenter).
❏  Le mot désigne un organe souple qui sert à la préhension et au tact chez certains animaux.
❏  Il a servi à former TENTACULAIRE adj. (1822), antérieurement attesté comme nom d'un ver de l'intestin, du foie (1797). Ce dernier, en dehors de son sens propre en zoologie, a développé le sens figuré « qui se développe dans toutes les directions » (1893), d'abord dans Villes tentaculaires, titre d'un recueil poétique de Verhaeren. ◆  Il a produit TENTACULAIREMENT adv. (XXe s.), d'usage plus littéraire.
■  Les composés TENTACULIFORME adj. (1842), de forme, et TENTACULIFÈRE adj. et n. (av. 1848, Bibron, n. m. pl.), de -fère*, sont des termes didactiques vieillis.
TENTATIVE → TENTER
⇒ encadré : Le tzigane ou tsigane