TESLA n. m., nom donné à un dispositif de couplage (1930), puis repris comme nom d'unité (attesté en 1960), est pris au nom du physicien étatsunien d'origine croate Nicolas Tesla (1856-1943). C'est le nom de l'unité d'induction magnétique dans le système international, correspondant à la production d'un flux de 1 weber sur 1 m2 par induction uniforme. Symbole T. Cette unité a remplacé le gauss.
TESSELLE n. f. est emprunté (1827) à l'italien tessella, lui-même emprunt au latin, variante de tessere (voir ci-dessous tessère). C'est le nom de chaque pièce d'une composition ornementale formée de petits éléments juxtaposés (mosaïque, pavement, marqueterie...).
TESSÈRE n. f., pris au latin à la Renaissance (XVIe s.) comme terme d'histoire militaire romaine, est un emprunt au latin tessera, probablement du grec tessaragônos « carré ». Le mot a été repris au XVIIIe s. au sens latin de « tablette portant un ordre militaire », et de « marque, jeton », dans tessère frumentaire « bon pour une distribution de blé », tessère de théâtre « jeton d'entrée ».
TESSITURE n. f. est emprunté comme terme de musique (1901) à l'italien tessitura, proprement « texture », spécialisé en musique à propos d'une voix, également « complexion, tempérament », de tessere « tisser », de même origine que le français tisser*. La métaphore est la même que pour texte*.
❏  Tessiture désigne l'étendue des sons qu'une voix ou un instrument peut émettre sans difficulté ; c'est à cette notion, exprimée aussi par registre, que se rattachent les termes caractérisant les voix : soprano, alto, contralto, ténor, baryton, basse.
TESSON → 1 TEST
L 1 TEST ou TÊT n. m. est issu (v. 1120) du latin classique testum « couvercle de pot en terre » et « vase de terre », variante neutre, comme testu, de testa (→ tête). La forme têt apparaît au XVIIe s. (1671).
❏  Le mot a désigné en français un débris de vaisselle, sens encore répertorié en 1759, avant d'être supplanté par son dérivé tesson. Il s'est maintenu dans des emplois techniques avec le sens de « pot en terre » (XIIIe s.), spécialement « pot en terre dans lequel on fait l'opération de la coupellation » (1762) et dans têt à gaz (1904) « petite capsule de terre sur laquelle on pose l'éprouvette pour recueillir un gaz dans la cuve à eau ».
■  Par spécialisation d'un ancien sens, « crâne » (v. 1165 ; → tête), le mot s'emploie en vénerie pour désigner le crâne du cerf (XIIIe s., test ; 1763, têt), la forme test étant encore relevée chez Gautier au sens de « crâne », par archaïsme littéraire. La diffusion de l'anglicisme 2 test a rendu cet usage incommode.
❏  De l'ancien pluriel tez, tes est dérivé TESSON n. m. (1283) avec son sens demeuré usuel de « débris de vaisselle, de bouteille cassée », souvent dans tesson de bouteille.
❏ voir 2 TEST, TESTACÉ.
2 TEST n. m. est l'emprunt (1893, Höfler) de l'anglais test, abréviation pour mental test « épreuve psychologique », employé pour la première fois aux États-Unis en 1890 par James McKeen Cattell. C'est une spécialisation en psychologie de ce mot anglais, lui-même emprunté au XIVe s. comme terme d'alchimie à l'ancien français test (→ 1 test) « pot servant à l'essai de l'or » et passé au sens d'« épreuve, mise à l'essai » au XVIe siècle.
❏  Le mot est employé en français (1893) par le fondateur de la psychométrie, A. Binet. L'idée a longtemps été sujette à caution en France. Antérieurement, le français avait repris le mot test dans le terme technique test-objet (1844) « préparation microscopique servant à évaluer le pouvoir d'un microscope ». ◆  Du vocabulaire de la psychologie, test est passé dans celui des médecins (1923) et il est devenu de nos jours un terme d'usage général avec le sens d'« expérience, fait-témoin » (1939), aussi en apposition (1967). ◆  Par réemprunt à l'anglo-américain, il est employé spécialement (1964) pour désigner un essai de production effectué au cours d'un forage pétrolier, au moyen de l'appareil appelé tester (n. m.).
❏  1 TESTER v. tr. est l'adaptation (1926) de l'anglais to test « soumettre à une épreuve psychologique », de test. ◆  Le mot s'est répandu en français sous l'influence des techniques américaines. Comme le nom correspondant, il est passé dans l'usage général, spécialement au sens d'« éprouver, essayer (qqch.) » (1956).
■  Il a produit les dérivés TESTABLE adj. (1868, Larousse), et TESTABILITÉ n. f., emprunt à l'anglais testability (1936, Carnap), à propos des hypothèses et théories qui peuvent être l'objet d'une vérification scientifique.
■  TESTAGE n. m., en botanique et zootechnique, s'applique (v. 1950) à une méthode d'évaluation des qualités des individus reproducteurs d'après la valeur génotypique de leurs descendants.
■  TESTOLOGIE n. f. (1958), en psychologie appliquée, se dit de la technique des tests, notamment en psychométrie, et TESTEUR, EUSE n. (1952) « personne qui fait passer des tests » et « appareil servant à contrôler certains phénomènes » (1966, n. m.).
TESTACÉ, ÉE adj. et n. m. pl. est emprunté (1562) au latin testaceus « de terre cuite, de brique », « de couleur de brique », spécialement employé par Pline au sens de « qui a une coquille, une écaille ». C'est un dérivé de testa « terre cuite », « coquille » (→ 1 test, tête).
❏  Le mot a d'abord été employé isolément pour qualifier une poire ayant la couleur de l'argile, puis repris en zoologie comme nom d'un animal recouvert d'une coquille (1578 au féminin puis 1765 au masculin), aujourd'hui comme adjectif (1690, testacée, puis 1784).
❏  TESTACELLE n. f. (1801) est emprunté au latin scientifique moderne testacella, diminutif de testa, « genre de mollusque possédant une petite coquille ».
TESTAMENT n. m. est emprunté (1120) au latin testamentum, dérivé de testari (→ 2 tester) qui signifie proprement « prise à témoin », le testament étant d'abord une déclaration orale faite aux comitia calata (comices calates) avec l'assemblée du peuple pour témoin et, plus tard, un acte exigeant le concours de témoins. En latin ecclésiastique, le mot a été employé à contresens (par Tertullien le premier) pour traduire le grec diathêkê qui a été employé par la version des Septante pour rendre l'hébreu berît « alliance », de manière à souligner l'aspect unilatéral et gracieux de cette relation entre un partenaire supérieur (éventuellement Dieu) et un partenaire inférieur bénéficiant de celle-ci. Les autres versions grecques de la Bible ont eu recours au grec sunthêkê qui souligne le caractère bilatéral du « traité » en posant la réciprocité des engagements. D'après l'Évangile selon Matthieu 26, 28, le nom d'alliance / testament a été donné à l'économie de salut instaurée par la venue du Christ et cette « alliance » a été qualifiée de « nouvelle » (I, Corinthiens 11, 25 citant Jérémie 31, 31). L'application de ce terme au canon des écrits chrétiens, « nouveau testament » étant opposé à l'« ancien testament » des Juifs, apparaît chez les Pères du IIIe s. (Clément d'Alexandrie, Origène).
❏  Le mot est passé en français pour rendre ce concept religieux d'alliance, propre au style biblique, et désigner le témoignage d'alliance donné par l'Eucharistie (sens vivant encore au XVIe s.). Par métonymie, Testament, avec majuscule, désigne les deux parties de l'Écriture sainte : Ancien Testament (v. 1514), qui a remplacé Vieux Testament (v. 1265), et Nouveau Testament (v. 1175).
■  Le sens juridique courant de testament, « acte authentique par lequel on déclare ses dernières volontés », est attesté au début du XIIe s. (v. 1175), plus tôt à Cambrai sous la forme régionale tintaument (1133). ◆  Par euphémisme, le mot faisait allusion à la mort, par exemple dans la locution faites votre testament « préparez-vous à mourir » (v. 1725) ou dans il peut faire son testament « il va bientôt mourir » (1876, Larousse). ◆  Testament désigne, au figuré, la dernière œuvre de qqn en tant que suprême expression de sa pensée, de son art (1762), en particulier d'un homme politique (1688, testament politique).
❏  Aucun dérivé de testament ne survit jusqu'à l'époque moderne, TESTAMENTER v. (v. 1240) étant quasiment inusité.
L'adjectif correspondant, TESTAMENTAIRE (1435), d'abord testamentari (1310), est emprunté au dérivé latin testamentarius, de testamentum. Son usage dépasse la terminologie juridique, notamment dans dispositions testamentaires et exécuteur testamentaire (1680).
❏ voir 2 TESTER.
TESTARD, ARDE → TÊTE
1 TESTER → 2 TEST
2 TESTER v. tr. est emprunté (v. 1290) au latin classique testari « déposer comme témoin, témoigner », « prendre à témoin » et « faire son testament », de testis « témoin » (→ témoin).
❏  Ces deux sens, conservés par la langue juridique médiévale, sont passés en français mais le premier, d'abord relevé dans un emploi littéraire figuré (v. 1290), s'est mal implanté et les juristes ont constitué autour de testament* un groupe lexical dans lequel le préfixé attester* remplissait la fonction du verbe factitif. Le sens de « disposer de ses biens par testament » (1406) est le seul à avoir perduré dans la langue juridique, absolument et dans la construction tester de (1581), relevée jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. ◆  On a dit aussi testater (1377) par influence de testateur (ci-dessous), ceci jusqu'au XVIIe siècle.
❏  TESTATEUR, TRICE n. est un emprunt juridique (XIIIe s.) au latin testator « celui qui rend témoignage », « celui qui fait un testament », de testatum, supin de testari. ◆  Il désigne l'auteur d'un testament, et non plus, comme en moyen français, l'exécuteur testamentaire (1337). ◆  Son féminin testatrice (1680) a supplanté l'ancienne forme testateresse (XIVe s.), testatresse (1400), analogue à demanderesse.
❏ voir ATTESTER, CONTESTER, DÉTESTER, INTESTAT, PROTESTER, TESTAMENT.
TESTICULE n. m. est emprunté (1304) au latin testiculus (pluriel testiculi), terme de médecine dérivé (diminutif) de testis, presque toujours au pluriel testes, de même sens. C'est une spécialisation de sens, par métaphore, de testis (→ témoin) avec lequel Plaute l'emploie souvent par équivoque.
❏  Introduit en français par les anatomistes, testicule, surtout au pluriel, (1575, « ovaires »), est resté jusqu'à nos jours un terme technique (médecine, anatomie, botanique) mais a surtout le sens de « bourses » avec de nombreux synonymes familiers (couilles, etc.) ; il a éliminé l'ancien français tesmoings (XIIIe s.). ◆  Désignant d'abord toute glande génitale, il s'est spécialisé au XVIIIe s. au sens de « glande mâle ». ◆  Il a eu quelques acceptions métaphoriques savantes, désignant la paire inférieure des tubercules quadrijumeaux du cerveau (1690-1771), également désignés par testes, et diverses coquilles univalves (1712-1876). Ces emplois ont disparu.
❏  En est dérivé TESTICULAIRE adj. (1812).
TESTOSTÉRONE n. f. est un emprunt à l'allemand (K. David, 1935), testosterone, du latin testis comme radical de testiculus « testicule », sterol et de la finale de hormone. C'est le nom de l'hormone mâle sécrétée par les testicules, qui stimule le développement des organes génitaux mâles et détermine les caractères sexuels secondaires.
TESTIMONIAL → TÉMOIN
TESTON n. m., nom d'une ancienne monnaie d'argent, est emprunté (1514 ; 1499 pour une monnaie du duché de Lorraine) à l'italien testone, dérivé de testa (correspondant au français tête*), parce que cette monnaie portait une tête de souverain. L'emprunt à l'italien vient du fait que François Ier fit fabriquer les premiers testons à Milan.
❏  Le teston eut cours avec des valeurs différentes depuis le règne de François Ier jusque sous Louis XIII. Le mot s'est employé à l'époque classique (1680) pour « argent » et entrait dans de nombreuses locutions de nos jours disparues, comme ne pas valoir un teston « ne rien valoir » (1690) ; Cf. sou.
1 TÊT → 1 TEST
2 TÊT n. m., emprunt (1842) à un mot vietnamien, est le nom du premier jour de l'année vietnamienne, et de la fête célébrée à cette occasion.
TÉTANOS n. m. est emprunté (1555 ; 1541, tetanus) au grec tetanos « tension convulsive d'un muscle, d'un membre ». C'est la substantivation de tetanos « étendu, allongé » et par suite « rigide », dérivé (avec redoublement) de teinein « tendre » (→ 1 ton), qui appartient à la même racine indoeuropéenne que le latin tendere (→ 2 tendre).
❏  Le mot est passé en français avec son sens médical ; il désigne une maladie bacillaire où une toxine agit sur le système nerveux en produisant contractures et convulsions.
❏  Il a produit quelques dérivés en médecine et en physiologie : TÉTANIQUE adj. « relatif au tétanos » est attesté le premier (1554), notamment dans contraction tétanique. ◆  Il a servi à former ANTITÉTANIQUE adj. (1836) et TÉTANIQUEMENT adv. (XXe s.).
■  Au XIXe s. sont apparus TÉTANIE n. f. (1852, Corvisart) « syndrome tétanique », le composé TÉTANIFORME adj. (1846, Bescherelle) avec -forme*, qualifiant un phénomène semblable à la tétanie ou au tétanos et TÉTANISER v. tr. (1862), ce dernier ayant donné TÉTANISATION n. f. (1872). Ces deux mots concernent le fait de produire le tétanos, et au figuré de paralyser, de figer douloureusement.
L + TÊTE n. f. est issu (1050, teste) du latin testa « coquille » et « carapace (de tortue) » d'où « récipient en argile cuite ou en terre de potier », « tuile » et « tesson de tuile ou de poterie » (→ 1 test). À basse époque, testa a pris par plaisanterie le sens de « crâne » puis de « boîte crânienne, tête », par un transfert de sens qui utilise l'analogie de forme et que l'on retrouve avec le grec konkhos, le germanique kopf, issu du latin cuppa (→ coupe) et en français même, avec une série de mots désignant originellement des récipients (bouilloire, calebasse, cafetière...), à côté de ceux qui dénomment des fruits ronds (fraise, poire, etc.). ◆  L'hypothèse anecdotique selon laquelle le passage de « pot » à « crâne » refléterait l'habitude des Barbares de boire dans des crânes est de pure fantaisie. ◆  Le mot, qui n'a pas de correspondant net dans les langues indoeuropéennes, a supplanté progressivement les représentants du latin classique caput (→ chef) ; il s'est implanté en France d'abord dans le Nord et l'Est ; l'espagnol contemporain n'a conservé qu'un dérivé de caput, cabeza, du dérivé latin populaire °capitium. D'autre part, testa a été conservé, avec sa valeur originelle dans plusieurs parlers romans, par exemple l'ancien provençal testa « écaille » (v. 1300), « coquille de noix » (XIVe s.).
❏  Le mot est passé en français avec le sens de « partie supérieure du corps humain », longtemps en concurrence avec chef, mais l'acception étymologique de « pot » (v. 1200) est elle aussi représentée en ancien français. En parlant de l'être humain, teste, puis tête désigne spécialement le visage quant à ses expressions (dep. 1080, plus nettement au XIIIe s.) et, dans le domaine psychologique, la tête considérée comme siège de la pensée (1080), des idées, du jugement et des états psychologiques, d'où perdre la tête (teste, v. 1160), teste fole (mil. XIIIe s.), ou de la volonté (d'où faire à sa tête [teste, 1461]), et aussi du souvenir (avoir en tête, 1376). ◆  On ne compte pas les syntagmes lexicalisés, expressions et locutions (surtout à partir du XVIe s.) dans lesquels tête entre avec ces différentes valeurs, concrètes et abstraites : par exemple monter en la tête (XIIIe s.) puis à la tête, mal en la tête (mil. XIVe s.) puis mal à la tête et mal de tête (1597), avoir sa tête à soi (1773), toute sa tête, ne savoir où donner de la tête (1586) « où porter son attention ». Faire qqch., calculer de tête « mentalement » apparaît au XVIIIe s. C'est aussi avec la valeur d'« esprit, siège de la pensée » que tête entre dans des expressions populaires comme avoir, attraper la grosse tête « se croire important, intelligent, être prétentieux », ou encore prendre la tête (à qqn), prise de tête « obséder ; obsession ». L'exclamation ça va pas la tête ! (parfois interrogative) correspond à « t'es pas fou ! ». Tous ces emplois sont attestés à partir des années 1970-1980, et sont entrés dans l'usage familier courant, en français de France. Ces expressions mettent en œuvre les différents aspects du signifié, souvent mêlés, comme dans la locution adverbiale tête à tête (av. 1250, puis 1549), (se rencontrer, se voir tête à tête), remplacée ensuite par en tête à tête (XVIIIe s.) et qui évoque le visage, mais aussi une situation intime : Cf. ci-dessous le composé un tête-à-tête. ◆  Une métaphore sur le sens de « personne » et « pensée » a créé laver la tête de qqn « réprimander » (fin XVe s., Commynes). ◆  Par métonymie, le mot désigne la personne elle-même, considérée dans un ensemble (v. 1275 ; v. 1283, par teste), puis, qualitativement, en emploi qualifié (mauvaise tête, 1538 ; forte tête, 1690) « esprit qui raisonne bien », puis « frondeur » (1904) ou déterminé (tête de bois [1847], de pioche [1894], de boche [fin XIXe s., sans allusion aux Allemands], tête à claques, fin XIXe s.). Avec le même sémantisme que dans tête à claques, à gifles « figure ridicule », tête désigne la partie sensible de l'individu, comme gueule, par exemple dans faire une grosse tête (à qqn), mettre la tête au carré (années 1950) « battre, corriger » Cf. casser la gueule.
■  Par une autre métonymie, tête a désigné une monnaie (XVe s.), puis le côté de l'effigie (1690), remplacé aujourd'hui par face ; il désigne spécialement la représentation artistique de la tête (1645, Poussin) et la mesure de cette partie du corps (1671). L'expression tête de Turc, retenue par l'usage à propos d'un être en butte aux railleries de qqn, vient de la foire : on y appelait ainsi (1866) une sorte de dynamomètre sur laquelle on frappait une tête coiffée d'un turban. ◆  Utilisant le sens de « visage », tête se dit d'une personne grimée et parée pour se divertir (1888), notamment dans dîner de têtes « dîner travesti ». ◆  Le langage du sport met l'accent sur le coup donné au ballon avec la tête (1905), par exemple dans faire une tête. ◆  Dès le XIe s., tête s'applique aussi aux animaux, spécialement aux bois des bêtes fauves (v. 1180 : cerfs). À partir du XVIe s., il a servi à former nombre de désignations d'animaux.
Par ailleurs, la situation de la tête en haut ou à l'avant du corps a suscité de nouveaux emplois comme de la tête aux pieds. Dans les oppositions, tête est souvent opposé à queue. Ainsi, la locution faire tête à queue, employée d'abord à propos d'un cheval (1855), a donné TÊTE-À-QUEUE n. m. (1902) pour « volte-face (d'un véhicule) ». ◆  ◆  D'expressions telles que se jeter en tête la première, vient sans doute le sens de « plongeon » (1805 ; piquer une tête, 1842). ◆  Cette idée de situation supérieure, parfois mêlée à l'analogie de forme, se retrouve dans l'emploi de tête pour « extrémité arrondie (de certains végétaux) » (1260), par exemple dans tête d'ail, tête d'un arbre (1590), etc. ◆  En ne gardant que l'idée d'antériorité spatiale, tête désigne l'extrémité antérieure d'un objet (XVe s. teste de clou), orienté ou en mouvement (1559), par exemple dans les locutions en tête (1580), de tête, à la tête de... (à la teste d'une trouppe, 1580 Montaigne) [Cf. ci-dessous un autre sens]. De là aussi tête de liste (1885), tête de série en sports (1905) et tête d'affiche (att. 1941). ◆  Cette valeur s'applique notamment, depuis le milieu du XIXe s., aux véhicules longs et aux lignes de communication : tête de ligne (1869), voitures de tête, etc. Des locutions techniques, comme tête chercheuse (d'une fusée) [1954] ou tête de lecture (d'un appareil de reproduction sonore), relèvent aussi de la notion d'extrémité. ◆  Abstraitement, le mot s'applique aussi au premier élément d'une série (tête de vin, 1740 ; avant tête de cuvée) et à la première d'une série d'opérations, notamment à propos des produits de tête (ou de queue) d'une distillation (1892) ou du tirage de tête d'un livre. ◆  Une autre métaphore, où la situation supérieure et le rôle psychique du cerveau se mêlent, aboutit au sens abstrait de « position supérieure et dirigeante » (Cf. chef), notamment dans à la tête de... (1580), et à celui de « personne qui dirige » (1636, Corneille).
❏  Tête a produit un certain nombre de dérivés et (surtout) de composés.
■  TÊTIÈRE n. f., d'abord testière (v. 1175), désignait une pièce d'armure couvrant la tête d'un guerrier, de son cheval (XIIIe s.) ainsi qu'une coiffe d'enfant (1680). ◆  De nos jours, le mot désigne la partie supérieure de la bride d'un cheval (XIIIe s. isolément, puis 1530) et une garniture de siège, à l'endroit où l'on appuie la tête (déb. XXe s.). Il est également employé en technique pour désigner une pièce disposée à la « tête » d'un objet ou d'un appareil (en marine, 1771 ; en typographie, 1769).
■  L'adjectif TÊTU, UE (1237, testu) a d'abord qualifié concrètement une personne ayant une grosse tête (Cf. ci-dessous têtard), ceci jusqu'au XVIIe s., avant de prendre le sens figuré courant d'« obstiné » (1284), où il est aussi substantivé (1659). Dans cet emploi courant, le mot est à peu près démotivé (Cf. pour la même évolution, crâneur, de crâne). ◆  Têtu est également employé comme nom pour désigner un genre de marteau (1384), sens avec lequel il a donné lieu au verbe technique TÊTUER v. tr. (1876).
TÊTARD a d'abord été adjectif (1303, testard) au sens d'« obstiné », où il a été éliminé par têtu (ci-dessus), puis pour « qui a une grosse tête » (XVe s.) ; cet adjectif a disparu. ◆  La valeur concrète a été seule retenue pour les substantivations, un têtard se disant d'abord (1560) d'un poisson à grosse tête, sens archaïque depuis que le mot s'applique aux larves de batraciens (1611). ◆  L'idée de « grosse tête » appliquée aux objets (1421, « poutre »), puis aux arbres (1751, « arbre écimé », aussi en apposition), n'a produit que des acceptions techniques.
■  Revenant à la notion initiale de « grosse tête humaine », têtard s'applique en argot puis familièrement à un enfant (fin XIXe s.). ◆  En argot il désigne aussi une personne dupée (1924, être fait têtard), produisant TÉTARER v. tr. (XXe s.) « duper ».
En dehors de quelques autres dérivés sortis d'usage comme TESTONNER v. tr. « coiffer » (1515), tête n'a guère donné encore que TÉTOIR n. m. (1755), terme technique ayant trait aux têtes d'épingles, TÊTEAU n. m. (1777), terme d'arboriculture, « arbre étêté, lorsqu'il commence à refaire ses branches ».
TESTARD, ARDE adj. et n., attesté en 1931 en français de Marseille, est un emprunt au provençal testard, correspondant au français têtard, mais avec le sens figuré de têtu ou entêté. Le mot est courant en français de Provence, du Gard, de la Lozère, comme adjectif et comme nom. ◆  TESTARDISE n. f. est la francisation du provençal testardige (testardugi à Marseille) pour « entêtement ».
Tête a produit des noms composés désignant des objets ayant un rapport avec la tête humaine, tels APPUI-TÊTE n. m. (1853), SERRE-TÊTE n. m. (1573), casse-tête (→ casser), ou procédant d'un sens analogique de tête comme c'est le cas pour en-tête (ci-dessous).
■  Plusieurs composés correspondent à des dénominations imagées, comme TÊTE-DE-NÈGRE n. m., nom de couleur (1818), employé aussi comme adjectif invariable (1874) et désignation d'un bolet (1907, n. f.), TÊTE-DE-MOINEAU n. m., nom usuel d'une centaurée (1793) puis d'une forme d'anthracite moulée (1877). TÊTE-DE-LOUP n. m. (1814) désigne une brosse ronde munie d'un long manche, pour le nettoyage de lieux inaccessibles autrement (plafonds, notamment). ◆  TÊTE-DE-MAURE n. m. (mil. XIXe s.) s'emploie en terme de blason pour l'image de la tête d'un homme à la peau noire (meuble de l'écu). C'est aussi le nom (surtout régional : sud-ouest de la France) d'un fromage de Hollande sphérique, à croûte rouge. Il a été altéré en TÊTE-DE-MORT. ◆  TÊTE-DE-CLOU n. m. (1837, puis 1884 pour « caractère typographique usé »), désigne en archéologie un ornement de pierre en forme de petite pyramide à quatre faces, notamment dans l'art roman.
■  TÊTE-À-TÊTE n. m. (1670) est la substantivation de la locution tête à tête (ci-dessus) et s'applique à la situation de deux personnes qui se trouvent seules ensemble. ◆  Ce même composé sert à désigner un petit canapé à deux places (1780), un service à thé (1890) ou café pour deux.
■  EN-TÊTE n. m. utilise le sens figuré de tête avec en- et désigne une inscription en haut d'une feuille de papier (1838), puis une vignette. En informatique, il désigne la portion initiale d'un message.
■  TÊTE-BÊCHE loc. adv. est l'altération moderne (1820) de la locution plus ancienne à tête beschevet (av.1577 ; 1534, teste a teste beschevel), renforcement de bêchever, formé avec l'ancien bes-, du latin bis « deux fois » (→ bis) et chevet* ; l'expression n'étant plus comprise, elle a été altérée. ◆  Elle signifie « en position inverse » en parlant de deux personnes ou de deux choses orientées et parallèles.
S'il n'existe pas de verbe dérivé de tête, deux dérivés verbaux préfixés sont en usage.
■  ÉTÊTER v. tr. (XIIIe s.) « couper la tête à » se dit essentiellement à propos d'un poisson, d'un arbre (1552), d'une épingle ou d'un clou (1690). ◆  Ce verbe a pour dérivés ÉTÊTEUR n. m., surtout usité dans le domaine de la pêche, à propos de l'ablation de la tête des poissons pêchés (1740) et ÉTÊTEMENT n. m. (1611, estestement), opération d'arboriculture.
L'autre composé verbal, ENTÊTER v. tr. (v. 1175, entester), a d'abord signifié « frapper à la tête » et « mettre sur la tête », emplois aujourd'hui disparus. ◆  Il a développé les sens figurés de « porter à la tête » en parlant d'un vin (1275) et de « (s')enivrer avec du vin » (XIIIe s.), sortis d'usage mais qui sont à l'origine du sens moderne, « incommoder (en agissant sur la tête) », le sujet désignant les vapeurs du vin, une odeur, etc. (XIVe s.), sens auquel correspond l'adjectif plus courant ENTÊTANT, ANTE (1860), employé dans les mêmes contextes. ◆  L'autre sens figuré de entêter, à l'origine « emplir la tête », est courant sous la forme pronominale s'entêter « s'obstiner » et remonte également au XIIIe siècle. ◆  D'autres acceptions, comme « affermir (qqn) dans un dessein » (XIVe-XVe s.), « prévenir en faveur de (qqn) » (1611) et, à la forme pronominale, « tirer vanité de » (XVIe s.) puis « s'engouer de » (XVIIe s.), fréquentes dans la langue classique, sont sorties d'usage.
■  Le nom d'action correspondant, ENTÊTEMENT n. m. (1562), a suivi le même développement, ne conservant que deux valeurs principales du verbe : « étourdissement dû aux vapeurs de l'alcool » (1562) et « obstination excessive » (1798).
■  Enfin, entêter fonctionne comme l'antonyme de étêter au sens technique de « mettre des têtes à (des épingles) » (1755, Encyclopédie), d'où un sens spécial de entêtement (1907) et le dérivé ENTÊTEUR n. m. (1765), sorti d'usage avec la disparition du métier qu'il désigne.
TÉTIGUÉ interj., juron de paysan dans le théâtre classique (attesté en 1666, Molière), est l'altération euphémistique, populaire et rurale, de tête* Dieu, d'après la locution ancienne jurer la teste Dieu « jurer par la tête de Dieu ». On relève également les formes par la teste-bleu (1659), tête-bleu (1660), et les composés altérant dieu en gué, guenne, etc. : testiguenne (1668), tastigué (1678), testiguienne (1721), tetigoine (1721), déjà archaïques et ruraux dans l'usage classique et qui ont dû disparaître complètement au début du XIXe siècle.
❏ voir 1 et 2 TEST, TESTACÉ, TESTON ; TÉTÈRE.
TÉTER, TÉTINE, TÉTON → TETTE
⇒ encadré : Le tzigane ou tsigane