TÉTÈRE ou TÉTERRE n. f. est une formation populaire, attestée en 1896, sur (pomme de) terre, avec redoublement, pour « tête » (l'initiale rappelant ce mot). Il s'est employé jusqu'au milieu du XXe s., dans l'usage familier.
TÉTRA n. m., attesté dans les années 1980, semble être l'abréviation de Tétragonopteridés, nom d'une sous-famille de poissons cyprinidés, l'un de ces poissons se nommant tétra néon. Le nom Tetra est une marque déposée par Pfizer comme appellation commune de poissons d'aquarium appartenant à plusieurs famillles différentes. Tétra cuivré, noir, citron, néon, selon leur aspect coloré. Tétra empereur.
TÉTRA- est le premier élément de mots composés savants, soit empruntés directement au grec, soit formés sur le modèle de composés grecs dans lesquels tetra- représente une contraction de tessares « quatre » (tettares en attique). Celui-ci repose sur une racine indoeuropéenne °kwetwr- que l'on retrouve aisément dans le latin quattuor (→ quatre).
❏
TÉTRAGONE adj. et n. f. est emprunté (1370) au bas latin
tetragonus « qui a quatre côtés », lui-même emprunt au grec
tetragônos, de
gônia « angle »
(→ -gone).
◆
Apparu comme nom masculin pour « tétraède », le mot s'est employé en astronomie (1546, puis 1765). Il s'applique (1596) à une figure qui a quatre angles mais est vieilli en ce sens.
◆
D'abord sous la forme latine
tetragonia dans l'
Encyclopédie (1765,
n. m.),
tétragone désigne en botanique (1808), à cause de la forme de ses graines, une plante originaire de la Nouvelle-Zélande nommée aussi
épinard d'été.
◈
TÉTRACORDE n. m. est un emprunt ancien (1370) au latin
tetrachordos, hellénisme
(→ corde). Ce terme de musique désigne un système harmonique de quatre sons, dont les extrêmes sont à distance de quarte* juste. La musique grecque antique était basée sur cinq tétracordes.
◆
Le mot désigne aussi (1547) une lyre à quatre cordes.
◈
TÉTRAÈDRE n. m. a remplacé (1690)
tetraedron (1542), emprunt savant au grec
tetraedron, « figure à quatre faces », de
hedra « base »
(→ cathédrale), pour désigner un polyèdre à quatre faces triangulaires
(→ dièdre, trièdre).
◆
Le mot, aussi adjectivé (1826), a produit des dérivés didactiques, comme
TÉTRAÉDRIQUE adj. (1842).
◈
TÉTRAMÈTRE n. m. est emprunté (v. 1559, puis 1701) au bas latin grammatical
tetrametrus « composé de quatre pieds doubles », lui-même emprunt au grec
tetrametros, de
metros « mesure »
(→ mètre). Il reste comme terme de métrique ancienne.
◈
TÉTRASYLLABE adj. et n. m. est emprunté (1611) au latin
tetrasyllabus, hellénisme, du grec
sullabos (→ syllabe) à propos d'une séquence (mot, expression, vers) de quatre syllabes.
TÉTRASYLLABIQUE adj. n'apparaît qu'au
XIXe s. (1836).
◈
TÉTRASTYLE adj. est un emprunt (1740) à l'hellénisme latin
tetrastylus, du grec
tetrastulos (→ style) pour qualifier ce qui présente quatre colonnes (façade ; temple ayant ce type de façade...).
◈
TÉTRARQUE n. m. (v. 1624), antérieurement
tetrarche (1213), est emprunté par l'intermédiaire du latin
tetrarches au grec
tetrarkhês (→ archi-), dont il reprend les sens : d'abord « gouverneur d'une partie d'une province divisée en quatre », puis (1842) « chef d'une subdivision de la phalange grecque ».
◆
En sont issus
TÉTRARCHIE n. f. (1450) et
TÉTRARCHAT n. m. (1750).
◈
TÉTRALOGIE n. f. est emprunté (1752) au grec
tetralogia, en parlant de l'ensemble des quatre pièces que les premiers poètes grecs présentaient aux concours dramatiques des Dionysies.
◆
Par extension, le mot est appliqué (attesté en 1861, Baudelaire) à la série des quatre opéras de Wagner qui composent
L'Anneau des Niebelungen, puis à tout ensemble de quatre œuvres présentant une unité.
◆
Il est repris en médecine (apr. 1950) dans
tétralogie de Fallot, nom de la maladie (« maladie bleue ») qui comporte quatre malformations associées et fut décrite par Fallot en 1888.
◈
TÉTRAGRAMME n. m., au
XVIe s. comme
adj. (1549, dans
nom tétragramme « formé de quatre lettres ») succède comme nom (1834) à
tetragrammaton (1765), formé à partir du grec
tetragrammos « formé de quatre lettres », de
gramma « caractère d'écriture »
(→ -gramme). Ce terme de religion désigne l'association des quatre lettres hébraïques figurant le nom de Jéhovah, qui ne doit pas être écrit ou prononcé.
◈
TÉTRAMÈRE adj. et n. m. est emprunté (1839) au grec
tetramerês « formé de quatre parties », de
meros « partie »
(→ -mère). L'adjectif s'emploie en botanique puis (1904) en zoologie (« insecte dont les tarses ont quatre articles ») ; le nom est un terme de chimie (« oligomère à quatre monomères »).
◈
Un autre composé courant en sciences est
TÉTRAPODE adj., attesté en 1803, tiré du grec
pous, podos (→ -pode) d'abord équivalent de
quadrupède, notion élargie à la lumière de l'embryologie, et devenu substantif au
XXe s.
(les Tétrapodes) pour dénommer les vertébrés dont le squelette présente deux paires d'appendices (les membres) de structure analogue, que ces appendices soient apparents ou non, comme chez les serpents (mammifères, oiseaux et reptiles, batraciens). L'adjectif, dès lors, a pris cette valeur.
◈
Une série de composés en
tétra- sont apparus aux
XVIIIe et
XIXe s. en biologie :
TÉTRADACTYLE adj. (1808) « qui a quatre doigts au pied »,
TÉTRAPTÈRE adj. (1762, Geoffroy), pour les insectes ayant deux paires d'ailes ;
TÉTRABRANCHE adj. (1872) « qui a quatre branchies », comme nom pour une sous-classe de mollusques céphalopodes.
■
TÉTRAPLÉGIE n. f. semble formé (avant 1904) d'après hémiplégie, pour « paralysie des quatre membres », d'où TÉTRAPLÉGIQUE adj. et n.
■
TÉTRAPLOÏDE adj. et n. m. est emprunté à l'anglais tetraploid (1914), formé avec l'élément -oïd, pour une plante dont les cellules portent quatre stocks de génomes au lieu de deux. Le mot, comme TÉTRAPLOÏDIE n. f. est attesté en français au début des années 1930.
◈
La chimie fournit de nombreux composés en
tétra- à partir de la seconde moitié du
XIXe siècle.
TÉTRACHLORURE n. m. dénomme un composé comportant dans sa molécule quatre atomes de chlore. Le mot est connu par le fait qu'on emploie le
tétrachlorure de carbone comme détachant.
TÉTRATOMIQUE adj. (1869) qualifie un corps dont la molécule compte quatre atomes, caractère appelé
TÉTRATOMICITÉ n. f. (1872).
TÉTRAVALENT, ENTE adj. « de valence 4 »
(→ valence).
◆
TÉTRAHYDRONAPHTALÈNE n. m. (attesté 1948), abrégé en
TÉTRALINE n. f. désigne un hydrocarbure provenant de l'hydrogénation du naphtalène, carburant pour les moteurs à injection.
◆
TÉTRACYCLINE n. f. est le nom (attesté en 1952) d'un antibiotique à large spectre d'action, dont l'un des dérivés, l'oxytétracycline, est appelé
terramycine.
◈
En physique,
TÉTRODE n. f., formé avec le
-ode de
électrode, triode, etc., désigne (av. 1948) un tube électronique comportant quatre électrodes, une anode, une cathode et deux grilles.
◈
TÉTRAPHONIE n. f., formé (v. 1970) de
-phonie*, désigne une technique de reproduction des sons qui fait appel à quatre canaux. Moins courant que
quadriphonie (→ quadri-), il a produit
TÉTRAPHONIQUE adj. (v. 1972).
❏ voir
TÉTRODON, VALENCE (TÉTRAVALENCE, TÉTRAVALENT).
TÉTRAS n. m. est emprunté, sous la forme savante tetrax dans le dictionnaire de Trévoux (1752) puis francisé en tétras par Buffon (1770), au bas latin tetrax « coq de bruyère », calque du grec tetrax, de même sens. On a rapproché de tetrax divers noms d'oiseaux dans les langues indoeuropéennes, mais la parenté entre ces termes n'est pas certaine. Un équivalent grec tetraôn a été emprunté par le latin à l'époque classique, sous la forme tetrao.
❏
Le mot désigne un oiseau de grande taille qui vit dans les forêts et les régions montagneuses.
TÉTRODON n. m. appartient étymologiquement à la série des tétra-, mais s'en est détaché sémantiquement. Ce mot est la francisation (1803) du latin des zoologistes tetrodon, du grec tetra (→ tétra-) et odous, odontos « dent ».
❏
Le mot désigne un poisson plectognathe (Gymnodontes, « à dents nues ») au corps ovale, massif, qui vit dans les mers et certains fleuves des régions chaudes et est appelé couramment poisson-coffre. Le tétrodon se gonflant lorsqu'il est en danger, comme le diodon, on l'appelle poisson-ballon en français de Nouvelle-Calédonie. Le mot s'est employé en architecture pour une construction modulaire qui peut être agrandie.
G
TETTE n. f. est probablement issu (v. 1200) d'un germanique occidental °titta « sein de femme », dont le radical °tit- a peut-être eu le sens de « pointe ». À ce radical se rattachent l'allemand Zitze « téton, mamelon », le néerlandais tet et l'anglais teat de même sens. Le germanique est par ailleurs largement représenté dans les langues romanes, l'italien tetta, l'espagnol teta, l'ancien provençal teta. On peut supposer, d'après un latin tardif dida « sein, mamelle » et « nourrice », que °titta a été introduit à l'époque du Bas Empire par les nourrices, venues nombreuses des pays germaniques. Dida est entré en concurrence avec le latin classique puppa, lui-même passé dans l'italien poppa, l'ancien provençal popa et l'ancien français (→ poupard). D'autres parlers recourent aux dérivés de mamma, correspondant au français mamelle. L'étymologiste espagnol Corominas conclut, non à un emprunt, mais à l'existence de formes expressives du langage enfantin imitant un bruit de succion, tant dans les langues romanes qu'en celtique, en grec (tithos) et dans les langues germaniques. Il renvoie à un même type de formations expressives dans les langues non indoeuropéennes.
❏
En français, le mot a désigné longtemps le sein d'une femme (encore au XVIIe s.), spécialement le bout du sein (1660) ; même au sens de « bout de la mamelle des animaux » (v. 1360), il est sorti d'usage au XVIIIe siècle.
❏
Tette a produit plusieurs dérivés courants.
■
TÉTINE n. f. (v. 1165) est d'abord le nom du sein, sens qu'il a perdu puis retrouvé dans l'usage familier avec une connotation péjorative. Le mot désigne encore couramment la mamelle de certains mammifères (1393).
◆
Par analogie d'aspect, il s'est dit (1694) de la dépression provoquée dans une cuirasse par une balle de fusil qui ne la traverse pas, sens disparu.
◆
On relève dès le XVIe s. (Paré) le sens de « tire-lait », puis des emplois évoquant un bout de sein artificiel (1834, biberon en tétine incorruptible, chez Gautier ; 1867 à propos d'un type de biberon) ; de là vient l'emploi aujourd'hui courant (1867) de tétine pour désigner l'embouchure de caoutchouc d'un biberon, ainsi que l'embout de caoutchouc donné aux jeunes enfants pour le sucer (synonyme régional tute*).
■
TÉTER v. tr. (1190) signifie, pour un jeune animal ou un enfant, « boire le lait de la mère en suçant le mamelon », et a développé ensuite des acceptions figurées au sens de « sucer », le complément désignant des objets fonctionnant comme substituts du sein maternel (1835 ; téter son pouce, un cigare...).
◆
Au jeu de boules, il se dit d'une boule qui touche au but (XXe s.).
◆
Le sens familier de « boire » (1863), en emploi transitif et absolu, est à peu près sorti d'usage.
◆
Le verbe a produit les dérivés TÉTÉE n. f. (1611, tettée) « action de téter » et « repas du nourrisson », et TÉTEUR, EUSE n. (1615), ce dernier également employé au figuré (1929), puis le nom technique TÉTERELLE n. f. (1851).
■
TÉTON n. m. est, comme tétine et tette dans leurs premières attestations, une désignation du sein de la femme (1480), et aussi du mamelon. Il s'est dit également (1658, Scarron) du sein de l'homme.
◆
Il a pris, comme tétine, des acceptions analogiques dans le vocabulaire technique (1876).
◆
Les quelques dérivés de téton, familiers, sont peu usités. TÉTONNIÈRE n. f., autrefois « morceau de dentelle placé sous le corsage pour cacher les seins » (1701), se dit familièrement (1771) d'une femme qui a une forte poitrine ; on a employé dans ce sens 1 TÉTONNEUSE adj. f. (1850).
◆
TÉTONNER v. intr. signifie « prendre de la poitrine » (XXe s.).
◆
2 TÉTONNEUSE n. f. est un dérivé technique récent de téton, et désigne un appareil muni de tétons pour superposer exactement des documents.
◆
TÉTÉ n. m., mot du langage enfantin pour « sein » (1901, Colette) est resuffixé en -é.
◈
TÈTE-CHÈVRE n. m. (1607), selon une croyance populaire d'après laquelle l'oiseau va téter le pis de la chèvre, désignait un engoulevent.
❏ voir
TUTE.
TEUBÉ adj. est le verlan de bête, adj., passé dans l'usage familier, en France, dans les années 1990.
TEUF n. f. est le verlan de fête, attesté par écrit en 1984, avec le sens contemporain du mot chez les jeunes, notamment celui de « grande réunion collective ». Le mot correspond par le sens à l'anglicisme rave ou rave party.
❏
Le dérivé TEUFEUR, EUSE n. est lui aussi courant, dans l'usage familier.
TEUF-TEUF interj. et n. f. est une onomatopée évoquant le bruit d'un moteur à explosion, contemporaine des débuts de l'automobile. Par métonymie, et comme nom, teuf-teuf désigne (1898) un véhicule à moteur à explosion (teuf-teuf automobile, dans Le savant Cosinus), spécialt une automobile poussive, un tacot ou, plus tard, une voiture ancienne. Le mot a vieilli dans tous ses emplois.
TEURGOULE n. f., altération (1929) de tord goule, forme normande de tord gueule, désigne en français de Normandie un riz au lait cuit au four de boulanger, dit aussi bourre-goule.
TEUTON, ONNE adj. et n., attesté au XVIIe s. (1654), est emprunté au latin classique Teutonus, singulier de Teutoni (ou Teutones), nom d'un peuple de la Germanie du Nord, envahisseur de la Gaule et vaincu par Marius près d'Aix-en-Provence (Aquae Sextiae) vers 102 avant J.-C.
❏
L'adjectif, didactique pour qualifier (XVIIe s.) ce qui est relatif aux anciens Teutons, est péjoratif (1842, n. ; 1884, adj.) pour « Allemand ».
◆
Le teuton a désigné (1734) la langue germanique médiévale, aujourd'hui nommée ancien haut allemand.
❏
Teuton a produit deux termes désuets :
TEUTONISME n. m. (v. 1660) « caractère teuton », remplacé en linguistique par
germanisme, et
TEUTOMANE adj. et n. (1835, Heine) « partisan du nationalisme allemand », mot d'histoire du
XIXe siècle.
◈
TEUTONIQUE adj., emprunté comme nom masculin (1489) au dérivé latin
teutonicus, au sens de « Teuton », s'emploie spécialement, en histoire, dans
ordre, chevalier teutonique, à propos de l'ordre de chevalerie fondé pendant le siège d'Acre (1191) par des chevaliers venant de Brême et de Lübeck. L'ordre a été sécularisé en 1525 et a disparu sous sa forme initiale, les chevaliers s'étant convertis à la Réforme.
TÉVÉ (ou T. V.) → TÉLÉVISION
TEXAN, ANE adj. et n., emprunt à l'anglais des États-Unis, a remplacé au XXe s. la forme dérivée en français de Texas, texien (1840). Le nom de l'État actuel du sud des États-Unis, ancienne province de la Nouvelle-Espagne (XVIe s.) avant d'échoir au Mexique, écrit en espagnol Texas ou Tejas, transcrit la prononciation avec la jota, modifié par les anglophones quand le pays devient un État de l'Union (1845). Le nom espagnol vient d'un mot amérindien ; il semble que les Espagnols aient pris pour le nom du peuple ou du pays le mot par lequel les autochtones se présentaient, et qui signifiait, dit-on, « amis ». La région, sous les Espagnols, s'est appelée Nuevas Filipinas (1714) en l'honneur de Philippe V d'Espagne.
❏
Texan, ane qualifie et désigne ce qui a rapport au Texas ou à ses habitants (le pétrole texan). L'espagnol texan.
❏
TEX-MEX adj. et n. m. est un emprunt (1987) a un composé anglo-américain (1949) de texan et mexican désignant la cuisine d'origine mexicaine adaptée au goût des Étatsuniens du Texas, et diffusée par les restaurants.
TEXTE n. m. est emprunté (v. 1155), après une altération en tiste (v. 1112), au latin textus, proprement « tissu, enlacement », spécialement « enchaînement d'un récit », d'où à l'époque impériale « teneur (du discours), récit ». Textus s'est ensuite spécialisé dans l'exégèse pour désigner le libellé authentique de la parole divine et, au IXe s., a désigné matériellement l'Évangile. Textus, littéralement « ce qui est tramé, tissé », est le nom d'action qui correspond au verbe texere « tramer, entrelacer » (textus au participe passé), également appliqué au domaine de la pensée (→ tisser).
❏
Texte apparaît d'abord dans le vocabulaire religieux, désignant le volume qui contient les Évangiles ; ce sens se maintient longtemps et on a appelé
texte (1704, Trévoux) le livre d'évangiles porté par le diacre aux grandes messes et donné à baiser à l'officiant.
◆
La seconde valeur du latin ecclésiastique est reprise au
XIIIe s. : le mot se dit alors (v. 1220,
teuste) du passage authentique d'un livre saint, opposé à
glose.
◆
À la même époque apparaît l'emploi pour « énoncé écrit », en tant qu'ensemble des signes qui constituent un écrit, valeur liée au latin
textus. En même temps, la notion d'authenticité, liée à l'origine, se réalise dans diverses acceptions, par exemple dans la locution disparue
nomer par plain tiexte « citer exactement un auteur » (
XIIIe s.) qui suggère une autre valeur, celle d'« extrait cité ». En droit, le mot désigne (v. 1275) les termes authentiques et notés par écrit d'une loi, d'un acte. En religion, il s'emploie (v. 1245) pour un passage de l'Écriture sainte retenu par un prédicateur, cité au début du sermon, puis sujet de son développement. À cette acception se rattachent des emplois vivants du
XVIIe au
XIXe s. : « thème qui constitue le sujet d'un discours » (1690), d'abord dans
revenir à son texte (1668) et « sujet d'un entretien » (1762), d'où
prendre texte de pour « prendre prétexte » (1830), chez Stendhal. Ces emplois ont disparu, mais l'idée subsiste dans le contexte scolaire où
texte se dit (déb.
XXe s.) d'un sujet de travail proposé à des élèves, employé notamment dans
cahier de textes (déb.
XXe s.) et dans
texte libre.
■
Un autre développement aboutit au XVIIe s. au sens de « passage, extrait d'un livre que l'on cite » (1636). Le mot commence alors à s'employer en parlant d'une œuvre littéraire, d'abord à l'école à propos du fragment d'une œuvre considérée comme caractéristique d'un auteur, avec livre à textes (1690), puis choix de textes, textes choisis et, par ailleurs, avec explication de texte.
◆
L'emploi pour « œuvre littéraire » ne semble s'établir qu'au XIXe s., en même temps qu'une valeur extensive assimilant un objet culturel interprétable à un texte, d'abord à propos de la musique (chez Balzac).
■
C'est aussi au XIXe s. que l'idée d'authenticité s'applique au travail d'établissement des textes anciens, en particulier ceux du moyen âge (1872, Littré, restituer un texte) : ces emplois sont liés à ceux de critique (critique biblique, etc.) et de philologie.
◆
Le texte étant assimilé à l'écrit, le mot avait déjà désigné en imprimerie les caractères employés : petit texte et gros texte (1556).
◆
Il se dit encore des paroles d'une chanson (1705), en concurrence avec paroles, plus courant, et opposé à musique.
◆
Au XXe s., les emplois se sont étendus, mais dans l'emploi quotidien le mot reste lié à l'écrit ou à l'imprimé. Texte est peu utilisé en linguistique en France, sinon par emprunt récent à l'allemand dans linguistique du texte (Textlinguistik) ou grammaire de texte, mais il représente un des concepts importants de la sémiotique des langues naturelles, s'appliquant d'ailleurs aussi aux langages formels.
❏
TEXTUEL, ELLE adj. a été emprunté, d'abord sous la forme
textuale (v. 1444), au latin médiéval tardif
textualis, de
textus.
◆
Le mot est apparu chez les juristes dans le syntagme
sentence textuale « prise dans sa forme et son sens littéraux » ; il s'est dit, comme nom (v. 1540) et comme adjectif (v. 1571), de la personne qui sait citer à propos les textes juridiques et qui les connaît bien.
◆
Il est didactique pour qualifier ce qui est dans le texte authentique (1611) et s'est répandu dans l'usage courant au sens de « conforme au texte » (1812).
◆
Il s'emploie familièrement (parfois exclamatif :
textuel !) pour « exactement cité » (1844), à propos d'une déclaration bizarre, scandaleuse...
■
Le dérivé TEXTUELLEMENT adv. « de manière conforme au texte authentique » (1491) et « en citant exactement » (1811) est abrégé familièrement en TEXTO (v. 1950) avec cette dernière valeur.
◈
TEXTUAIRE n. m., nom ancien d'un livre (juridique ou biblique) contenant le texte seul, sans commentaire, est un emprunt (1636) au latin médiéval tardif
textuarius, de
textus.
◈
Le premier composé de
texte apparaît à la fin du
XIXe s. :
HORS-TEXTE n. m. (1907), d'abord dans
planches hors texte (1882), désigne un document intercalé dans un livre, hors pagination.
■
Par ailleurs, le développement de la sémiotique, en particulier avec l'école d'A. J. Greimas, et de la critique littéraire, a conduit autour des années 1960 à la formation de termes didactiques à partir de texte : INTERTEXTE n. m., PARATEXTE n. m., PARATEXTUEL, ELLE adj., TEXTOLOGIE n. f., et de textuel : INTERTEXTUEL, ELLE adj., INTERTEXTUALITÉ n. f. (1968, Kristeva).
◆
GÉNOTEXTE n. m. (1968, Kristeva) et PHÉNOTEXTE n. m. (id.) sont des adaptations du russe (Shaumjan).
◈
HYPERTEXTE n. m., calque (1965) de l'anglo-américain
hypertext, désigne un système et un procédé permettant de relier automatiquement des éléments d'un texte (mots, séquences, icônes...) à d'autres textes ou fichiers, en informatique. En français, le mot s'est répandu à la fin des années1980.
■
HYPERTEXTUEL, ELLE adj. « de l'hypertexte » (liens hypertextuels).
❏ voir
CONTEXTE, 1 PRÉTEXTE, 2 PRÉTEXTE.
TEXTILE adj. et n. est un emprunt tardif (1752, Trévoux) au latin classique textilis « tissé » et « tressé, entrelacé », dérivé du supin (textum) de texere (→ tisser).
❏
Textile est d'abord employé comme adjectif pour « qui peut être divisé en fils propres à faire un tissu ».
◆
À partir du XIXe s., il qualifie ce qui se rapporte à la fabrication des tissus (1864, Littré) ; on le rencontre surtout dans des syntagmes comme fibre, matière textile, et machine textile, industrie textile.
◆
Comme substantif, il désigne la substance propre à faire un tissu (1872) d'où (1912) textiles artificiels, ainsi que l'industrie textile elle-même : le textile (1929).
1 TEXTO adj., tiré de textuel, est l'abréviation familière de textuellement, Cf. sic, tel que.
2 TEXTO n. m. est un nom déposé dérivé de texte, pour un court message écrit, utilisant des procédés d'abréviation et de codage graphiques, destiné au petit écran d'un téléphone portable. C'est l'équivalent de l'anglicisme S. M. S.*, plus courant encore que texto, qui s'emploie surtout à propos du procédé d'écriture, cet usage graphique contrevenant aux règles de l'orthographe et perturbant son apprentissage à l'école. Le texto, en ce sens, est assimilé à tort à une véritable langue (Parlez-vous texto ?, titre d'ouvrage) alors qu'il s'agit de conventions d'écriture, proches du rébus, parfois phonétiques, remplies d'abréviations et de sigles, souvent pris à l'anglais.
TEXTURE n. f. est une réfection savante (v. 1380), de tisture (v. 1268), issu du latin textura « tissu », de texere qui a donné tisser (→ tessiture, tisser).
❏
Le mot se dit d'abord de la trame (v. 1268), puis de l'action de tisser, sens encore enregistré comme « peu usité » dans le dictionnaire de l'Académie en 1762, mais depuis longtemps archaïque.
◆
Il s'applique à la fin du XVe s. (1478) à la disposition des « fibres » formant un « tissu » organique, puis à toute disposition matérielle évoquant un entrelacement (mil. XVIIIe s.), notamment en technique et en sciences (pédologie, métallographie, etc.). Dans ces emplois, il concurrence contexture, mais se trouve limité par le succès de structure.
◆
À propos des aliments, le mot désigne à la fois la structure physique et la consistance, en tant qu'élément de la saveur.
◆
Texture, qui se dit aussi (1540) de l'agencement des parties d'un texte, d'un discours, évoque aujourd'hui une métaphore du tissage.
❏
Quelques dérivés ont été formés au
XXe siècle.
■
TEXTURER v. tr. et TEXTURISER v. tr. (v. 1950) sont d'usage strictement technique.
◆
Le premier a pour dérivé TEXTURANT n. m. (v. 1970), employé dans l'industrie alimentaire pour « agent de texture ».
■
Dans le vocabulaire de l'art, TEXTUROLOGIE n. f., mot créé (v. 1970) par Jean Dubuffet, désigne une peinture évoquant une texture matérielle.
❏ voir
CONTEXTE (CONTEXTURE).
T. G. V. n. m. est le sigle (prononcé tégévé) de « train à grande vitesse », désignant en France un type de train très rapide.
❏
TÉGÉVISTE n. « conducteur, trice de T. G. V. ».