THAÏ, THAÏE adj. et n. est la transcription (1826) d'un mot de cette langue, qu'on peut aussi écrire taï et t'aï, signifiant « (homme) libre », et appliquée à des populations d'Asie du Sud-Est, vivant majoritairement dans le pays qui portait le nom de Siam, tiré par les Portugais (Siaõ) du malais Siyan. Ce nom donné de l'extérieur fut remplacé par le nom autochtone en 1939, sous la forme Muang Thaï « pays des Thaïs » et Prathes Thaï « civilisation des Thaïs », la première étant rendue en anglais par Thaïland, terme emprunté par les autres langues d'Occident. Le mot qualifie et désigne ce qui a rapport à la Thaïlande, à ses habitants et à la langue employée en Thaïlande, au Laos et dans des régions limitrophes de Birmanie, de Chine (la langue thaï, ou thaïe, la grammaire thaï, le thaï). Qualifiant la civilisation, l'adjectif est surtout connu en français à propos de la cuisine (et des restaurants).
❏
THAÏLANDAIS, AISE adj. et n. qualifie ce qui a rapport au pays, à l'État de Thaïlande et désigne ses habitants.
THALAMUS n. m. est un emprunt (1855) au latin scientifique moderne thalamus, (thalami nervorum opticorum) « couches des nerfs optiques », repris au latin classique thalamus, lui-même du grec thalamos « chambre », « couche nuptiale », « lit » (→ épithalame). Thalamus avait abouti à talme (n. m.) « chambre nuptiale » (fin XIe s.) mais semble n'avoir été usité au moyen âge que dans la littérature juive.
❏
Le mot s'est spécialisé en botanique (1855) et en anatomie (1877) où il désigne deux noyaux de substance grise entourant le troisième ventricule du cerveau.
❏
Il a produit
THALAMIQUE adj. (1905) « du thalamus »
(faisceau thalamique).
◈
HYPOTHALAMUS n. m., attesté dans les dictionnaires en 1933, a succédé à
région sous-thalamique (1929). Le mot est attesté en anglais dès 1896.
◆
Il désigne une région du cerveau (diencéphale) située sous le thalamus, et qui est le siège des centres du système neuro-végétatif. Le dérivé
HYPOTHALAMIQUE adj. semble récent (mil.
XXe s.).
THALASS-, THALASSO-, élément formant, est tiré du grec thalassa « mer », terme le plus usuel et le plus général à côté des mots hals « élément salé », pontos « route » (Cf. le Pont-Euxin) et pelagos « vaste étendue » (→ pélagien). Le grec a créé pour désigner la mer des mots qui lui sont propres, et aucun d'entre eux ne contient la racine indoeuropéenne que l'on a dans le latin mare (→ mer). L'étymologie de thalassa, malgré de nombreuses hypothèses, demeure obscure. Le mot grec a été emprunté en français au XVIe s. sous la forme thalasse (n. f.) « mer » (Rabelais).
❏
Thalass-, thalasso- entre dans la formation de quelques mots savants dont le plus ancien semble être
THALASSOCRATIE n. f. (1730, Fontenelle) « puissance antique fondée sur la suprématie maritime », formé avec le suffixe
-cratie ou directement emprunté au grec
thalassokratia « empire de la mer », de
kratos « force ».
■
Le plus courant est THALASSOTHÉRAPIE n. f. (1865, La Bonnardière) « usage thérapeutique des bains de mer », formé avec l'élément -thérapie*, et diffusé dans l'usage courant depuis 1960 pour un traitement plus complexe mais nécessitant l'eau de mer ; en dérive THALASSOTHÉRAPEUTE n. (v. 1950) peu usité. La thalassothérapie est devenue à la mode dans les années 1960-1970, avec des établissements prospères.
■
On note encore les termes de sciences naturelles THALASSICOLE adj. (1904) « qui vit en mer » (→ -cole) et THALASSOTOQUE adj. (1927, Roule) formé avec le grec tokos « frai », et qualifiant un poisson qui se reproduit en mer, ainsi que le terme de médecine THALASSÉMIE n. f. (1959), de -émie, emprunt à l'anglais thalassemia, nom d'une maladie génétique, caractérisée par une synthèse défectueuse de l'hémoglobine, observée autour de la Méditerranée, dont est tiré THALASSÉMIQUE adj. et n. (v. 1970).
◈
THALASSOTOQUE adj. et n. m. (1927 ; du grec
tokos « frai ») se dit d'un poisson migrateur qui se développe en eau douce et se reproduit en mer.
THALER n. m. est un emprunt (1556) à l'allemand Taler (1540) ou Thaler, abrév. de Joachimstaler, du nom de la ville de Joachimstal, en Bohême. C'est le nom d'une ancienne monnaie allemande d'argent, qui fut en usage jusqu'au XIXe siècle.
❏ voir
DOLLAR.
THALIDOMIDE n. f. est un nom déposé en anglais (1958), tiré de (acide) N-phtaly-glutamic, -amine pour désigner un tranquillisant, connu pour ses effets tératogènes sur l'embryon, quand il est administré à des femmes enceintes, ce qui donna lieu à un grand procès en 1962.
THALLE, THALLOPHYTES → TALLE
THALLIUM n. m. est pris (1862) à l'anglais thallium (Crookes, 1861), tiré du grec thallos (→ talle, thalle, thallophyte) « rameau vert », à cause de la raie verte qui caractérise son spectre. C'est le nom d'un métal d'un blanc bleuâtre, plus mou que le plomb, très malléable (symbole Tl), de no atomique 81, dont certains isotopes sont radioactifs. Les sels de thallium sont très toxiques (la mort-aux-rats en contient).
◆
Thallium d'effort se dit en médecine d'une épreuve d'effort cardiaque suivie d'images du cœur utilisant la radioactivité d'un isotope du thallium.
THALWEG ou TALWEG n. m., d'abord sous la forme en th- (XVIIe s.), puis talweg (1812), graphie la plus courante aujourd'hui, est emprunté à l'allemand Thalweg ou Talweg, proprement « chemin de la vallée ». Le premier élément en est T(h)al « vallée » (ancien haut allemand et gotique dal « vallée, cavité, fosse ») qui a des correspondants en néerlandais (dal), anglo-saxon (dael, dell « vallée, golfe, abîme ») et anglais (dale, dell), et se rattache à une racine indoeuropéenne °dho-. Le second est Weg « chemin », mot issu du gotique wigs et ayant des correspondants dans les langues germaniques (anglais way), du groupe de wiegen « bercer, balancer », apparenté selon Kluge à celui de wackeln « faire balancer, agiter », du moyen haut allemand wackeln.
❏
Le mot a été introduit en géographie pour désigner la ligne de plus grande pente d'une vallée, suivant laquelle se dirigent les eaux.
◆
Il s'emploie par analogie en météorologie, à propos d'une zone dépressionnaire allongée entre deux anticyclones.
THANATO- est un premier élément, tiré du substantif grec thanatos « mort » (parfois personnifiée), et qui entre dans la formation de quelques termes didactiques. Le sens de « mort », si l'on en croit le rapprochement avec un verbe sanskrit signifiant « s'éteindre, devenir sombre », résulterait d'un euphémisme.
❏
THANATOLOGIE n. f. (1872, Littré), de
-logie, « étude des différents aspects de la mort », a servi à former
THANATOLOGUE n. (v. 1950).
■
THANATOPHOBIE n. f. (1872), de -phobie, est un terme rare de psychiatrie.
■
Plus récemment introduit, THANATOPRAXIE n. f. (v. 1972), de -praxie (du grec praxis « exécution » ; → pratique), désigne la technique d'embaumement des cadavres.
◆
Le mot a entraîné la formation de THANATOPRACTEUR, TRICE n. (v. 1979), sur le modèle de chiropracteur.
■
THANATOS n. m., emprunt au grec, est employé en psychanalyse par emprunt à l'allemand (XXe s. : Federn en allemand ; 1935 en anglais) pour désigner l'ensemble des pulsions de mort ; il est le plus souvent sans déterminant et avec une majuscule. Le terme est associé et opposé à Éros (→ érotique), la pulsion de vie, par référence au mythe antique, marquant le caractère radical de l'opposition. Bien que le terme ait été employé par Freud dans la conversation, selon plusieurs témoignages, il ne figure pas dans les écrits freudiens.
THANE n. m., écrit than en 1740, est un emprunt à l'anglais, le mot remontant à l'ancien anglais thegn « guerrier, héros » d'où « vassal doté d'une terre », de l'ancien germanique °thegno, mot indoeuropéen apparenté au grec teknon « enfant ». C'est en histoire le titre accordé par le roi d'Écosse à certains nobles ou hommes d'armes (mot connu en grande partie par le Macbeth de Shakespeare, qui était thane de Cawdor).
THAUMATURGE adj. et n. m. est emprunté (1610) au grec thaumatourgos « qui fait des tours d'adresse », spécialement en grec chrétien « faiseur de miracles ». Ce mot est formé de ergon « action » (→ 2 erg) et, pour le premier élément, de thauma « objet d'étonnement ou d'admiration », « merveille », en particulier (au pluriel) « tours de force, d'adresse », rapproché de thea « action de regarder » et par métonymie « spectacle » (→ théâtre).
❏
En français, le mot est littéraire ou didactique pour qualifier et désigner une personne qui fait des miracles.
❏
Il a produit THAUMATURGIQUE adj. (1623) et, probablement par emprunt au grec thaumatourgia, THAUMATURGIE n. f. (1831), plus rares.
THÉ n. m., (1648), aussi écrit tay (1652), est emprunté au malais teh, te ou à un mot t'e de dialectes chinois méridionaux (Formose) par le néerlandais (v. 1610), dans des textes en latin moderne. La plante est en effet originaire d'Asie et la botanique et la médecine chinoises en font remonter l'usage au IIIe millénaire avant l'ère chrétienne sous le règne de l'empereur mythique Shennong. Décrite sous divers noms chinois, elle était appréciée comme soulageant les fatigues, fortifiant la volonté et ranimant la vue. Au Ve ou au IVe s., elle se répandit dans la vallée du Yangzi et dans le sud de la Chine et commença à être représentée par l'idéogramme actuel transcrit cha, sans doute dérivé du caractère classique transcrit tu. En Occident, le mot est mentionné plusieurs fois (851 en arabe par le commerçant Sulayman) avant que la plante ne soit importée en Europe par la Dutch East Company (fondée en 1602) en 1606. Plusieurs langues ont emprunté leur nom du thé au chinois classique cha, comme le portugais (cha, 1559), le russe (tchaï), le turc et le persan. La pluralité des voies commerciales explique qu'on ne puisse trancher entre l'étymon chinois dialectal et le malais.
❏
Le mot sert à désigner la plante et, par métonymie, ses feuilles récoltées et séchées (1664), ainsi que la boisson que l'on prépare avec elles (1657). Selon le degré de séchage, on parle de
thé vert (1704) ou, simplement, de
thé (alors que le chinois distingue ce qu'on nomme en français
thé vert, thé noir, thé rouge).
■
Par extension, au fur et à mesure que l'usage du thé comme boisson se développe en France, et surtout en Angleterre (tea), après son usage thérapeutique, thé se dit de cette boisson servie lors d'une collation et désigne la collation elle-même (1751) et, en particulier, une réunion où l'on sert le thé, des gâteaux (1779) d'où thé dansant (déb. XXe s.) et salon de thé. Ces emplois doivent beaucoup à l'anglais tea, le sens de « collation au milieu de l'après-midi » étant directement emprunté à l'anglais (five o'clock) tea. L'emploi du mot pour désigner un service à thé (1844) est sorti d'usage.
■
Sans autre précision, le mot désigne le thé noir, préparé avec des feuilles torréfiées ; on emploie sinon le syntagme thé vert. C'est le cas dans thé de Chine, de Ceylan, les variétés étant nommées d'après la provenance. Thé au lait, thé citron caractérisent des façons de servir le thé, ainsi que thé glacé, calque probable de l'anglais iced tea. À thé à la menthe, servi sucré dans des verres, typique du Maghreb, correspond en français de Belgique thé maure.
◆
Il arrive que thé s'emploie pour thé vert, dans le contexte japonais (la cérémonie du thé).
Par analogie, le mot désigne (v. 1750) une plante à infusion, alors qualifié par un complément en
de ou un adjectif, et surtout l'infusion qu'on en fait ;
thé de tilleul, etc. est aujourd'hui un régionalisme : les mots neutres sont
tisane et
infusion (l'anglais
tea a conservé cet emploi qui est normal en français de Belgique et du Luxembourg, ainsi qu'en Suisse
[thé de menthe, de citronnelle], là où on dirait
infusion en France). Le même sens est en cause en français d'Afrique, avec
thé des savanes, thé de Gambie « infusion de plantes aromatiques ».
■
En apposition, rose thé se dit d'une rose de la couleur du thé infusé.
❏
Le dérivé le plus ancien et le plus usuel est
THÉIÈRE n. f. (1687 Champlain) concurrencé par
thehère (1704),
thétière (1715) qui n'a pas vécu.
◆
Le mot, parallèle à
cafetière, désigne le récipient spécifique dans lequel on fait infuser le thé.
◆
La valeur argotique de « tête » (1901, Bruant) correspond à celle de
cafetière, plus courant, et a pu être appuyé par le paronyme
tétère. Ce sens n'est plus connu, mais est compris.
■
THÉIFORME adj. s'est employé (1732) pour « qui ressemble au thé », valeur didactique et archaïque, et a été reformé en botanique à propos d'une ressemblance avec l'arbre à thé.
■
THÉINE n. f. (1842) a désigné l'alcaloïde du thé et du café (appelé aujourd'hui caféine).
■
2 THÉISME n. m. (1871) s'applique aux accidents dus à une consommation excessive de thé (du fait de l'alcaloïde).
■
1 THÉIER, IÈRE adj. est rare pour « relatif au thé, en tant que denrée » (1872).
■
2 THÉIER n. m., d'abord theyer (1779), est formé sur le modèle de caféier et désigne l'arbre à thé.
◈
Le composé
PASSE-THÉ n. m. (v. 1900) désigne une petite passoire pour le thé.
❏ voir
THÉOBROMINE, THÉOPHYLLINE.
THÉATIN n. m. est un emprunt (1611), par l'italien, au latin Teatinus, du nom de la ville de Teate en Apulie, dans le royaume de Naples (aujourd'hui Chieti) dont l'évêque était Gian Pietro Carafa, fondateur de l'ordre. C'est le nom d'un religieux de l'ordre qui porte ce nom, fondé par Carafa et par Gaétan de Thiène pour réformer les mœurs du clergé, et qui s'était implanté notamment en France.
THÉÂTRE n. m. est emprunté (mil. XIIe s.) au latin classique theatrum « lieu de représentation », par métonymie « public » et par figure « scène », lui-même emprunté au grec theatron. Ce mot est dérivé de thea « action de regarder », « vue, spectacle, contemplation », que l'on rapproche à l'intérieur de la langue grecque de thauma « merveille » (→ thaumaturge).
❏
Le mot a été emprunté au latin pour désigner un endroit où se déroule, devant des spectateurs, un combat singulier puis, comme terme d'antiquité romaine (1213), l'amphithéâtre où se donnaient les spectacles publics à Rome.
◆
C'est avec le développement des spectacles profanes, à côté des
mistères chrétiens, qu'il commence à être appliqué au lieu, à la salle où ont lieu les représentations (1370) et, en même temps (fin
XIVe s.), au bâtiment où viennent les spectateurs.
◆
Une autre métonymie concernait ce qui est joué sur la scène (fin
XIVe s.), emploi disparu ainsi que quelques locutions plus tardives comme
ouvrir le théâtre (1690) « commencer une représentation » et, pour un acteur, « entrer le premier en scène » (1718).
◆
L'usage du mot pour désigner une estrade dressée, destinée à une cérémonie publique (1549), est lié à l'habitude ancienne de donner des représentations en plein air, sur des tréteaux ; au
XVIIe s., ce sens était encore vivant, le mot désignant aussi les gradins où étaient placés ceux qui assistaient à une cérémonie (1600), encore au
XIXe siècle.
◆
La naissance de la tragédie moderne, au
XVIe s. en France, puis le développement de l'activité théâtrale, surtout à l'âge classique, conduisent à une prolifération des emplois. Le mot désigne depuis lors les œuvres dramatiques d'un auteur et celles d'une époque ou d'une nation (1561 ;
le théâtre français, anglais) et la poésie dramatique elle-même (1573). Par métonymie, il recouvre (1636) la représentation et aussi (1616) l'ensemble des acteurs. Si ce dernier emploi a disparu,
un théâtre se dit de nos jours pour l'entreprise qui donne des spectacles, avec son personnel, etc. (depuis 1693).
◆
Le spectacle théâtral est théorisé au
XVIIe s. et le mot désigne alors (1657, d'Aubignac) l'art de composer des ouvrages dramatiques et l'art de l'acteur, puis le genre lui-même, incluant tous les aspects du spectacle théâtral (interprétation, mise en scène) ou seulement, comme au
XVIe s., le texte mis en œuvre par ce spectacle
(le théâtre de Racine). Dans de nombreux emplois et s'agissant de ce type de spectacle,
théâtre est concurrencé par
scène et par les mots désignant des types :
comédie (autrefois synonyme),
tragédie, drame, vaudeville, etc.
■
De nombreuses expressions et locutions correspondant à ce sens général apparaissent, par exemple pièce de théâtre (av. 1650), d'où absolument pièce, ou encore costume de théâtre (1694), écrire pour le théâtre (1680). Depuis le XVIIIe s. coup de théâtre désigne un événement brusque, imprévisible, à la scène (1743), puis dans la vie (1762).
◆
Le mot a aussi désigné le décor de la scène (1694, changement de théâtre), sens disparu au XIXe siècle.
◆
Avec la coutume de placer des spectateurs sur la scène, il s'est dit (1671) des bancs disposés pour les recevoir.
◆
Il est entré ensuite dans de nombreux syntagmes figés, en particulier au XXe s. pour caractériser un aspect du théâtre, par exemple théâtre de (la) foire, en histoire du théâtre (XVIIIe-XIXe s.), théâtre de boulevard*, théâtre pur (1927, théâtre-théâtre), théâtre populaire, théâtre total (1966), etc.
Par analogie avec l'amphithéâtre antique ou avec la scène, le mot s'emploie dans théâtre d'eau (1671), sorti d'usage et théâtre de verdure, autrefois théâtre de fleurs (1715) « gradins destinés à recevoir des plantes fleuries ». Il désignait en architecture (v. 1691) un ensemble harmonieux de bâtiments.
◆
Théâtre anatomique s'est employé (1691) jusqu'au XIXe s. (théâtre d'anatomie) pour le lieu destiné aux dissections.
◆
Par une analogie plus lointaine, théâtre a désigné en marine le gaillard d'avant (1690) et, par ailleurs, des constructions rappelant la forme de l'estrade ancienne, par exemple dans le domaine de la pêche (1772) ; ces emplois ont disparu.
L'idée de jeu a donné lieu à une acception figurée (1660), « attitude artificielle », théâtre s'opposant alors au naturel de la vie, seulement conservée dans de théâtre (fin XVIIe s.) et reprise par théâtral (ci-dessous).
◆
Une autre valeur figurée, plus ancienne, « lieu où se produit qqch. » (v. 1360), s'est mieux implantée, fournissant dans le vocabulaire militaire théâtre de la guerre (1662), aujourd'hui théâtre des opérations (1913), puis d'après l'anglais theater, simplement théâtre (v. 1980).
◆
Le mot équivalait d'ailleurs en français classique à « lieu, situation politique où se produit qqch. » (1676).
❏
Théâtre a donné le dérivé moderne
THÉÂTREUX, EUSE adj. et n. (1888), péjoratif comme
n. f. (1896) à propos d'une comédienne sans talent, autrefois d'une actrice demi-mondaine (1898), et désignant familièrement (1901) une personne qui fait du théâtre.
■
Il a servi à former THÉÂTROPHONE n. m. (1881) sur le modèle des noms en -phone (→ téléphone), nom d'un ancien appareil transmettant à domicile les éléments sonores d'un spectacle théâtral, et THÉÂTROTHÉRAPIE n. f. (v. 1950) « psychothérapie à base d'improvisation théâtrale ».
◈
THÉÂTRAL, ALE, AUX adj., emprunté (1520) au dérivé latin
theatralis « relatif au théâtre » et « faux », a évincé
théâtrique (adj.), lui-même emprunté (1482) au latin
theatricus, en usage jusqu'au
XVIIe siècle.
◆
L'adjectif s'applique à ce qui concerne le théâtre et, comme le mot latin, à ce qui a le caractère outré de la scène (1690), aussi substantivé dans cet emploi (1941,
le théâtral).
■
Il a produit THÉÂTRALEMENT adv. (1764, Voltaire), employé au figuré, et, au XXe s., THÉÂTRALISER v. tr. (1927) d'où THÉÂTRALISATION n. f. (1964), ainsi que THÉÂTRALISME n. m. (une fois en 1845 ; chez Valéry, 1915) et THÉÂTRALITÉ n. f. (1842).
■
ANTI-THÉÂTRAL, ALE, AUX adj. (v. 1750) qualifie ce qui s'oppose au spectacle théâtral et ce qui n'en possède aucun caractère.
❏ voir
AMPHITHÉÂTRE.
THÉBAÏDE n. f. est un dérivé savant (1674, Mme de Sévigné) du latin Thébaïs, -idis, nom d'une contrée de l'ancienne Égypte, voisine de Thèbes (latin Thebae, grec Thêbai), où se retirèrent les ascètes chrétiens aux premiers temps du christianisme.
❏
Le mot, d'usage littéraire, signifie « lieu désert et solitaire » dans la littérature classique, puis, après sa reprise (1803), dans un style très recherché.
❏
THÉBAÏQUE adj. est un emprunt (1833, déjà en 1664 à propos du granit d'Égypte) à l'hellénisme latin
thebaicus, du nom de Thèbes, la région étant un centre du commerce de l'opium. Le mot qualifiait ce qui a rapport à l'opium, contient de l'opium
(extrait, poudre thébaïque). Il est sorti d'usage, remplacé par
opiacé.
■
THÉBAÏNE n. f. (1835) est le nom de l'alcaloïde toxique tiré de l'opium (paramorphine).
◆
THÉBAÏSME n. m. (1895) est un nom ancien de l'opiomanie.
1 THÉISME n. m. est l'adaptation (1745) de l'anglais theism, formé sur le grec theos « dieu » (→ théo-) avec le suffixe -ism correspondant au français -isme.
❏
Le mot, distinct de déisme*, est considéré comme son synonyme dans des emplois non techniques.
❏
THÉISTE n. et adj., appliqué à la personne qui professe le théisme, est l'adaptation (1705) de l'anglais theist (fin XVIIe s.), fait sur le grec theos avec le suffixe -ist.
THÈME n. m., réfection savante (v. 1425) de tesme (v. 1240), graphie encore relevée dans plusieurs dictionnaires du XVIe s., est emprunté au latin de la rhétorique thema, lui-même emprunté à l'époque impériale au grec thema. Ce dernier est dérivé du verbe tithenai « poser », qui est à la base d'un certain nombre de mots repris en français (→ thèse) et signifie proprement « ce que l'on pose » ; de là, il s'est appliqué à une somme d'argent déposée, à une offrande, à la racine d'un mot, à la position des astres lors de la naissance, enfin au sujet d'un développement oratoire. Par métonymie, il désigne également l'objet dans lequel on dépose, empiétant sur le domaine de thêkê (→ taie, -thèque dans bibliothèque).
❏
Le mot a été emprunté dans le sens scolastique de « sujet traité, proposition que l'on pose pour la développer » (v. 1240), emploi considéré comme pédantesque au
XVIIe siècle. Il reçoit aux
XIXe et
XXe s. une spécialisation technique en musique où il désigne un motif mélodique, harmonique et rythmique, sur lequel un développement est basé (1814, puis 1821 ;
théma 1807). Plus récemment en tactique militaire où on appelle
thème de manœuvre un problème tactique (1935), et en critique littéraire.
◆
Parallèlement, dès le
XIVe s.,
thème (d'où l'anglais
theme) est repris dans le vocabulaire religieux (1372,
thieume), désignant en concurrence avec
texte* un passage biblique cité au début d'un sermon qui en fait le commentaire. Il a désigné, selon la même évolution que
texte*, une composition d'écolier sur un sujet donné (1580). C'est à ce sens disparu que se rattachent le sens de « trame d'un exposé » (1837), sorti d'usage, et la locution usuelle
fort en thème (1852), interprétée aujourd'hui à tort d'après le sens restreint et scolaire de
thème « traduction de la langue maternelle dans une langue étrangère » (1718) ; le mot recouvrait auparavant (1690) toute traduction, y compris la version*.
◆
La diffusion rapide du mot est attestée par les valeurs qu'il a prises dans le style administratif et juridique, avec des altérations régionales pour « manière de parler », « caprice », « idée fixe » (d'après P. Zumthor).
◆
Les grammairiens classiques s'en servent pour désigner la première personne du présent de l'indicatif d'un verbe grec (1655). Ultérieurement, la grammaire l'emploie pour le radical d'un verbe (1765), aujourd'hui seulement dans le cas de langues de flexion pour désigner la racine (1842).
◆
Au
XVIIe s., les faiseurs d'horoscopes réempruntent le mot aux astrologues grecs et latins pour « figure de la position des astres au moment de la naissance de qqn » (1690,
thème céleste) ; on dit dans ce sens
thème astral.
■
Les historiens de l'antiquité l'ont repris au sens de « circonscription administrative de l'Empire byzantin » (1726, Fontenelle) au grec thema qui, depuis le VIIe s., désignait à Byzance un corps d'armée et la région qu'il régissait.
❏
THÉMATIQUE adj. est emprunté (1572) au dérivé grec thematikos, avec le sens ancien de « relatif à un sujet que l'on développe dans un discours ». Il ne développe ses sens modernes qu'à partir du XIXe s. : en musique (1836), en phonétique (1872, voyelle thématique), puis en critique littéraire (1927) et plus récemment en linguistique.
◆
Il est substantivé (1936, la thématique, n. f.) à propos d'un ensemble organisé de thèmes, spécialement dans une œuvre littéraire, cinématographique.
◆
Thématique a produit les dérivés didactiques ATHÉMATIQUE adj. (1888), auquel correspond ATHÉMATISME n. m. « absence de thématisme », THÉMATISER v. tr. (1935 thématisé), terme de philosophie, correspond à « poser comme thème, objet d'activité mentale » et, en littérature, « ramener à un thème ».
◆
THÉMATISME n. m. (attesté v. 1950) s'emploie aussi en philosophie, au sens de « rapport entre un thème et les phénomènes qu'il organise » (le thématisme affectif d'un raisonnement).
❏ voir
ANATHÈME.
THÉNAR n. m. est un emprunt des médecins de la Renaissance (1555) au grec thenar « paume », pour la saillie que forment les muscles courts du pouce sur la paume de la main. En apposition, l'éminence thénar.
❏
HYPOTHÉNAR n. m. est aussi un emprunt (1541) au grec hupothenar « creux de la paume de la main », de hupo (→ hypo-) au sens de « dessous », pour la saillie que forment les muscles du petit doigt à la partie interne de la paume de la main.
THÉO-, élément formant, est tiré du grec theos « dieu » (par opposition à « homme », notamment au pluriel). Au singulier et au pluriel, theos et theoi désignent la divinité, sans qu'il soit possible de reconnaître une notion monothéiste. Theos est d'origine inconnue, un rapprochement avec le latin deus (→ dieu) et le sanskrit devá- étant impossible. On admet en général la chute d'un sigma et on évoque des composés en thes-, theskelos « extraordinaire », thesphatos « annoncé par les dieux, prédit ». Une hypothèse rapproche des formes à ē long en arménien et en latin feriae (→ férié) et festus (→ fête). C. Gallavotti évoque la racine °dhe- du grec tithenai « poser, placer, mettre » (→ thèse) et suggère que le dieu serait originellement une stèle de pierre que l'on dresse. L'ensemble reste très incertain.
❏
Théo- entre dans la formation de divers termes théologiques et de quelques termes scientifiques. La plupart des composés sont des emprunts, faits à partir du XVIe s., à des formations grecques ; → aussi théologie.
❏
THÉOGONIE n. f. est emprunté (1556, dans une traduction d'Hérodote) au grec
theogonia « naissance ou origine des dieux » et « généalogie des dieux », de
theogonos « né d'un dieu, divin », lequel est composé de
theos et
-gonia « origine », qui se rattache à la même racine indoeuropéenne que le latin
gens (→ gens), genus (→ genre).
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Le mot se dit d'un récit expliquant, dans une religion polythéiste, la naissance des dieux et leur généalogie et, par métonymie, désigne l'ensemble des divinités dont le culte forme le système religieux d'un peuple (1764).
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On en a tiré l'adjectif didactique THÉOGONIQUE (1839).
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THÉOCRATIE n. f. est emprunté (1679) au grec chrétien
theokratia (
Ier s.), littéralement « gouvernement de Dieu », de
theos « dieu » et
-kratia (→ -crate, -cratie).
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Le mot s'applique à un gouvernement dont l'autorité, censée émaner de Dieu, est exercée par une caste sacerdotale ; il s'est quelquefois employé avec une intention polémique (pendant la Révolution) à propos d'un régime dans lequel les prêtres jouent un rôle politique important.
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Il a pour dérivés THÉOCRATIQUE adj. (1701), THÉOCRATE n. m. (1775).
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THÉOSOPHE n. est emprunté (1704) au latin médiéval
theosophus (
XIe s.), lui-même pris au grec
theosophos « qui connaît les choses divines », de
theos et
sophos « habile, instruit, sage »
(→ philosophe, sophisme).
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Le mot désigne l'adepte d'une philosophie ésotérique fondée sur la contemplation de l'univers et l'illumination intérieure ; il s'applique (1810) aux penseurs des
XVIIe et
XVIIIe s. qu'on a nommés
illuminés et, par un autre emprunt, à ceux qui pratiquaient l'art de la divination, dans l'antiquité (1842).
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L'emploi, à la Renaissance, de THÉOSOPHISTE n. m. (1582) comme synonyme péjoratif de théologien, est indépendant de théosophe et vient d'un jeu de mots avec sophiste*.
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THÉOSOPHIE n. f. est emprunté (1710) au latin médiéval ou au grec theosophia « sagesse de dieu », de sophia (→ philosophie). Le mot apparaît chez plusieurs Pères de l'Église grecs et latins comme synonyme de « théologie », sophia désignant à la fois une connaissance, une doctrine et une sagesse. Depuis le début du christianisme jusqu'à la Renaissance, son emploi s'est parfois écarté de celui de theologia, suggérant plus ou moins l'existence d'une connaissance de type gnostique. Les contours du concept restent flous jusqu'au XVIIe s. où il se précise, peut-être sous l'influence de l'Arbatel, livre de magie blanche (v. 1550-1560) et surtout de la diffusion de l'œuvre de J. Boehme. La théosophie s'élabore et se répand en Allemagne, à l'époque de l'apogée de la littérature baroque et de la naissance du mouvement des Rose-Croix (1610-1620). Il s'accompagne alors d'un mot à la mode dans les milieux rosicruciens et paracelsiens, pansophia, d'où pansophie n. f. (avec pan- « tout », → pan) qu'il finit par absorber. Au XVIIIe s., mot et concept entrent dans le vocabulaire philosophique et se répandent largement, notamment à travers l'œuvre du pasteur Jacob Brucker (Historia critica philosophiae, 1741, Leipzig).
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Le mot, absent de presque tous les dictionnaires français du XVIIIe s. (en dehors d'une courte mention dans Trévoux), fait l'objet d'un long article de Diderot (1765, Encyclopédie) très inspiré de Brucker. Le terme sera un moment dévoyé quand Mme Blavatsky fondera la Société théosophique (1785) qui n'a avec la théosophie traditionnelle que des rapports lointains. Un emprunt postérieur au latin en fera momentanément un terme d'antiquité (1823).
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THÉOSOPHIQUE adj. (1759) et THÉOSOPHISME n. m. (v. 1750) ont suivi cette évolution. Ce dernier a en outre le sens de « système de ceux qui admettent que nous voyons, sentons et pensons en Dieu » (1810), repris à l'allemand Theosophismus, créé par Kant.
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THÉODICÉE n. f., apparu en 1710 dans le titre de l'ouvrage de Leibniz,
Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l'homme et l'origine du mal, a été créé par ce philosophe, à partir de
théo- et du grec
dikê « règle, droit, justice »
(→ syndic).
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Le mot désigne la justification de la bonté divine par la réfutation des arguments tirés de l'existence du mal. Il a été employé au
XIXe s. à propos de l'une des quatre parties de la philosophie enseignée dans les lycées qui traitait de l'existence et des attributs de Dieu (1834).
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THÉURGIE n. f. est un emprunt ancien (1375), repris au
XVIIIe s. au latin chrétien
theurgia, hellénisme, le mot grec signifiant « opération divine, miracle » et aussi « opération magique ».
Theurgia est formé de
theos et
ergon « action »
(→ énergie, démiurge ; chirurgie). Le mot désigne une magie faisant appel au pouvoir divin ou à celui d'êtres surnaturels. Dans la philosophie néoplatonicienne (1872), le fait de laisser agir en soi la force divine.
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THÉURGIQUE adj. est emprunté (1375) au latin chrétien theurgicus, grec theurgikos.
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Théurgie a pour dérivés français THÉURGIEN n. m. (1586), puis THÉURGE (1759) et THÉURGISTE (1784) pour « adepte de la théurgie » (Voltaire emploie théurgite, en 1747).
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-THÉISME, -THÉISTE, élément final de composés concernant le divin.
❏ voir
APOTHÉOSE, ATHÉE, ENTHOUSIASME, PANTHÉISME, POLYTHÉISME, 1 THÉISME, THÉOBROMA, THÉOLOGIE.