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Le verbe signifie d'abord « faire une chute », « être abattu (en cessant d'être en équilibre) », en parlant d'une personne ou d'un bâtiment.
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L'emploi transitif (v. 1213) pour « faire tomber, abattre », vivant jusqu'au
XVIe s., est blâmé au
XVIIe s. comme gasconisme et n'est repris qu'au
XIXe s. (ci-dessous).
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Tomber se dit aussi en ancien français pour « faire la culbute, des tours acrobatiques » (v. 1160,
intr.), sens conforme au verbe
tumer (ci-dessus), et relevé jusqu'au
XVIe siècle.
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Dans son emploi intransitif, le verbe ne connaît pas d'extensions avant la fin du
XVe s., époque où il prend le sens d'« être entraîné vers le bas (en vertu de son propre poids) », valeur qui se développe ensuite et devient essentielle (elle était assumée par le verbe
choir*). Le verbe s'est dit à propos d'un cours d'eau qui en rejoint un autre (1538) ; il est supplanté dans cet emploi par
jeter mais s'emploie toujours, par analogie, à propos d'une rue qui en rejoint une autre (1740).
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Tomber s'utilise aussi normalement pour les précipitations atmosphériques (v. 1495, de la pluie ; 1694, dans
il tombe de l'eau).
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Par extension, il se dit de ce qui n'est plus retenu (1564, d'un fruit), ou de ce qui s'étend vers le bas librement, sans pour autant choir, par exemple d'un vêtement (1690) et, par métaphore, des cheveux (1671).
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De cette valeur vient aussi
laisser tomber (qqch.) « laisser échapper » (1534), employé par figure (1872,
laisser tomber sa voix), et surtout familièrement
laisser tomber qqch. (1689) ou
qqn (1679), qui correspond à « ne plus s'en occuper », « ne plus s'y intéresser ».
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Tomber signifie également « arriver du haut », en parlant de la lumière,
la nuit tombe (1690) ou
le jour tombe (1740) étant équivalents, puis du brouillard (1694), des paroles (1694), etc.
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Tomber des nues (des nuages), avec un sujet nom de personne, a signifié « se trouver sans protection (dans une société) » (1690), sens disparu, puis (1872) « être ahuri, paraître sortir d'une rêverie »
(Cf. être dans les nuages.)
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Par une autre extension,
tomber équivaut à « s'incliner » en parlant des épaules (1715), d'un navire, en marine (1732), d'un toit, etc.
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L'idée de chute se développe également, à partir du XVIe s., d'abord en emploi figuré dans tomber en ruine (1531) et au propre (v. 1550).
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La chute implique parfois le passage à un état dangereux (1538), qui se produit de façon soudaine ; cette valeur se réalise dans de nombreux contextes : tomber en embuscade (1538), tomber entre les mains de qqn (v. 1485 ; 1690, ...aux mains), tomber malade (1546) qui succède à tomber dans une maladie (v. 1500), abstraitement tomber en faute (1538), sorti d'usage, et, sans idée de danger, tomber d'accord (1640).
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À partir du XVIIe s. tomber avec un sujet nom de personne s'emploie pour « déchoir » (1662), physiquement ou moralement, d'où tomber en enfance (1694), concurrencé par retomber.
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Par ailleurs, tomber sur qqn s'emploie pour « s'abattre », en parlant d'une charge morale ou matérielle (1549) ou de toute chose désagréable (1564).
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La notion de soudaineté entraîne d'autres emplois liés à l'idée d'improviste ou de hasard, le verbe étant souvent construit avec sur ou sous, parfois avec de : au figuré tomber du ciel (1638).
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Tomber sur (qqn, qqch.), d'abord « l'atteindre par hasard » (v. 1485), signifie « rencontrer à l'improviste » (v. 1500) ; d'où familièrement tomber sur un os, un bec, etc. « rencontrer un obstacle ». Le verbe s'emploie aussi avec une valeur temporelle pour « arriver » (1671, tomber tel jour) et à propos d'une personne qui arrive dans un lieu d'une façon inattendue (1680), d'abord dans tomber bien (mal), ou à propos de qqch. (1685), souvent en impersonnel (ça tombe bien, à pic...).
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Enfin tomber sur qqn signifie aussi « l'attaquer physiquement » (1679) et par figure « le critiquer violemment » (1694). La locution figurée tomber sous le sens correspond à « être sensible, perceptible » (v. 1650) puis « être évident ».
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Tomber, par métaphore « être arrêté » (1821), familier, est d'abord apparu en argot. Tomber « paraître », en parlant d'un journal est plus récent.
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À partir du XVIe s. tomber s'emploie aussi absolument pour « mourir » (1564), sens archaïque, sauf contexte militaire, à côté de tomber raide (1580, ...roide), ou tomber raide mort, également usité au figuré. L'idée de disparition ou d'échec se développe dans des usages extensifs ou figurés ; le verbe s'applique à une place-forte qui est prise (1640), d'une difficulté qui cesse d'être (1679), d'un livre (1669) ou d'une pièce de théâtre (1694) qui échouent, notamment dans tomber à plat (1738), métaphore de la chute humaine ; il se dit aussi d'une personne qui perd sa célébrité (1775), sa situation, puis d'un gouvernant qui perd son pouvoir (1836) ou d'un ministère renversé (v. 1890). D'abord en argot, tomber s'emploie pour « être arrêté ou incarcéré » (1821), et aussi « être condamné » (1916).
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Le verbe exprime aussi la perte de force, en parlant d'êtres humains (1676, tomber de fatigue), et aussi à propos du vent (1680), de la fièvre et de la passion (1691), d'une conversation (1694), etc.
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La manière concrète de tomber est spécifiée avant le XVIe s. ; tomber de son haut (1477), de haut (1564), aussi attesté au figuré (1643), avant tomber sur ses pieds (1656) « se rétablir » ou tomber à la renverse (fin XVe s.), pris aussi au figuré (1687).
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Le verbe permet en particulier de noter métaphoriquement une attitude qui exprime un sentiment, par exemple dans les bras m'en tombent (1669) ou avec pour sujet le nom de la personne, tomber dans les bras de qqn (1751).
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Si la plupart des emplois correspondent à l'idée passive de « chute », tomber sur, dans l'usage familier, peut être actif, par exemple dans tomber sur le casaquin (1790), sur le poil (1872), le râble (de qqn) « attaquer, assaillir ».
Le verbe transitif s'est employé familièrement avec un sujet de personne dans tomber de l'eau « uriner », lu chez Montaigne (1580) ; cet usage est encore relevé au XVIIe s. mais disparaît des dictionnaires avant le XIXe s. (1821).
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Le verbe, avec le sens de « faire tomber », entre dans le vocabulaire de la lutte (tomber son adversaire), d'où viennent les emplois figurés pour « vaincre » (1860), en sports tomber un record (1933), et familièrement « séduire ». Plus récemment on relève tomber la veste « l'enlever » (1929).
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En dehors de ces emplois transitifs passés en français général, le verbe, blâmé par Vaugelas comme gasconisme, s'emploie régionalement dans le centre et le sud-est de la France pour « abattre, faire tomber » (tomber un arbre, un mur), et, en Auvergne pour « abattre, désespérer (qqn) ». On trouve aussi le pronominal se tomber. Dans ces mêmes régions et dans le Roussillon, le verbe s'emploie pour « laisser choir » et « faire tomber » (tomber des quilles), parfois pour « perdre (ce qui faisait partie de soi, du poids, des cheveux) ».
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Tomber a produit relativement peu de dérivés.
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TOMBER n. m., infinitif substantivé au sens de « chute » (déb. XVIe s.) s'emploie au XIXe s. dans le tomber du jour (1821) et le tomber de la nuit (1840).
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TOMBEUR, EUSE n., d'abord tumbeor (v. 1130), désigne à l'origine un danseur, un acrobate, en relation avec l'emploi transitif de tomber, tumer.
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Il semble peu attesté et est reformé au XIXe s. avec la valeur active de tomber (l'adversaire), pour désigner un mauvais acteur (1840), puis un lutteur (1845).
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Il a développé sous l'influence du verbe le sens familier d'« homme à femmes » (1878), dans tombeur de femmes ou absolument c'est un tombeur (1884), réactualisant la métaphore ancienne de l'abatteur de quilles (→ abattre).
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TOMBEREAU n. m. (
XVe s.) existe dès la fin du
XIIe s. sous la graphie
tumberaus pour désigner une ancienne machine de guerre destinée à faire s'effondrer un objectif.
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Ce sens est sorti d'usage en moyen français, de même que
tumberel « dés » (v. 1280) [qu'on tombe, qu'on culbute], et le sens de « grand filet pour prendre les perdrix » (v. 1375).
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Tumbereau est attesté dans les dictionnaires du
XVIIe s. au sens de « danseur de corde » (1637) qui procède de l'ancien sens de
tomber « sauter, danser », et on relève en ancien français
tunberresse pour « danseuse » (v. 1330).
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Le mot, concurrencé par
benne et vieilli, désigne depuis le
XIIIe s.
(tumberel) une voiture de charge susceptible d'être déchargée en basculant à l'arrière (
tombereau, 1406), le rapport avec le verbe
tomber s'affaiblissant avec le temps ; par métonymie, il désigne le contenu de cette voiture (1377).
Tombereau s'est dit (mil.
XVe s.) de la charrette qui transportait les condamnés à mort.
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Au
XIXe s., il prend le sens figuré de « grosse quantité » (1857) et passe récemment dans le vocabulaire des travaux publics pour un engin de terrassement se déversant par basculement (v. 1970).
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Les deux participes ont été adjectivés.
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TOMBÉ, ÉE adj. et n. m. s'est employé (déb. XIIIe s., tumbes) pour « chute ». Le mot semble rare jusqu'au XVIIe s. où il s'applique (v. 1650) à une personne qui a perdu sa puissance, d'où auteur tombé « oublié » et femme tombée « dans une situation de misère » (XIXe s.), sortis d'usage ; il s'emploie aussi au propre (1683).
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Tombé n. m. (1765) ou pas tombé désigne un pas de danse ; le nom est également un terme de lutte (1905).
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TOMBÉE n. f., substantivation du féminin (1477), a remplacé tumerie, tumée (1230), dérivé de l'ancien français tumer (voir en début d'article). Le mot est resté rare jusqu'à la fin du XVIIIe s., où apparaît tombée du jour (1782, S. Mercier). Le mot a aussi un emploi technique (XXe s., tombée de tissu).
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TOMBANT, ANTE adj., tiré du participe présent, s'applique (1556) à ce qui tombe et s'est employé dans la locution adverbiale tombant levant « tant bien que mal (1611) », sortie d'usage au XVIIIe siècle.
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L'adjectif se dit aussi de ce qui perd de sa force (1642), d'où le jour tombant (1741) et à la nuit tombante (1778).
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Il qualifie plus couramment ce qui va vers le bas, n'étant pas maintenu (1753) ou naturellement (1808, du calice d'une fleur).
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Substantivé, le mot est littéraire à propos d'un filet d'eau qui coule (1895, un tombant) ou technique (1925, donner du tombant à une tenture).
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RETOMBER v. (1538), d'abord
retumber (1510), proprement « tomber une seconde fois, faire une seconde chute », a développé un certain nombre de sens correspondant à ceux de
tomber. Retomber dans (1559) signifie « tomber de nouveau dans une situation dangereuse » et aussi « dans le péché » (1541).
Retomber (dans un lieu) s'est employé pour « se trouver de nouveau quelque part » (1690).
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Le verbe a produit un certain nombre de dérivés.
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RETOMBÉE n. f., substantivation, d'abord sous la forme retumbée (1518), du participe passé féminin, désigne le mouvement de ce qui retombe et, par métonymie, l'ensemble des choses qui retombent, spécialement les substances radioactives qui retombent après une explosion atomique (v. 1963). D'où le sens figuré, généralement au pluriel, de « conséquences » (v. 1967).
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Les autres noms dérivés de retomber sont rares ou techniques.
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RETOMBE n. f. (1846) se dit en architecture d'un élément qui retombe.
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RETOMBEMENT n. m. (av. 1848) signifie « fait de retomber ».
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RETOMBÉ n. m. (1845) est un terme de chorégraphie.
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RETOMBANT, ANTE, le participe présent, est adjectivé (1847).