L + TORCHE n. f. (1174), également écrit torke, torce, torge en ancien français, est issu d'un latin populaire °torca, altération de torqua attesté chez Varron, et lui-même variante du latin classique torques ou torquis, proprement « torsade », d'où « collier, bracelet » (→ 2 torque), mot dérivé du verbe torquere (→ tordre). La forme dialectale torque (nord-est de la France, XVe s.), l'espagnol tuerca « écrou » et l'ancien provençal torcar « torcher » sont de même origine. ◆  Des mots dérivés de tordre ont désigné la torche : torse en ancien français, torta en ancien provençal.
❏  Le mot est passé en français avec l'idée de « faisceau de choses tordues », désignant une conglomération d'insectes et surtout un bouchon de paille (1174), un faisceau d'osier (1355) ou de chanvre (1477), etc. Cette idée s'est maintenue dans plusieurs acceptions techniques : « paquet de fils de fer roulés en cercle » (1467, torque), « linge roulé que les femmes mettent sur la tête pour porter un fardeau » (1549), « petite natte de paille » pour protéger les pierres de taille (1680), « brin d'osier roulé qui constitue le tour des objets en vannerie » (1680) ou encore « oignons liés autour d'un bâton » (1723). ◆  Par allusion à la forme en couronne, torche a désigné en français de Suisse une pâtisserie (1739) et on parle aussi en France de torche aux pommes au XIXe s. (1842). Au XXe s. et ensuite, le mot s'emploie en français d'Alsace dans torche aux marrons, pour un gâteau de pâte sablée ou de meringue surmonté de purée de marrons. ◆  Avec le même sémantisme, on dit en torche à propos d'un parachute qui se met en torsade au lieu de se déployer.
■  Le sens aujourd'hui dominant « flambeau fait d'une corde tordue enduite de résine ou d'un bâton de bois résineux » (1285 ; v. 1220, torke) est une spécialisation du précédent qui a transféré le noyau de sens de « torsion » à « flamme » ; par métonymie, torche s'est employé pour « résine de pin » (1611) jusqu'au XIXe siècle. ◆  Par analogie de fonction, on parle de torche électrique (1919) pour désigner une lampe de poche de forme cylindrique. Par extension, le mot s'emploie (v. 1960) pour la flamme qui sort d'une torchère, dans l'industrie du pétrole.
❏  Torche a produit deux noms d'objets.
■  Le diminutif TORCHETTE n. f. (1332), d'abord « collerette », a pris avec le sens technique de « faisceau de paille » (1526), sens disparu, puis s'est employé à propos d'une petite torche (1531) ou d'un petit torchon (1842).
■  TORCHÈRE n. f. (1653) a désigné au XVIIe s. un grand chandelier recevant de gros flambeaux de cire. ◆  De nos jours, le mot désigne un candélabre monumental (1802) et, techniquement (XXe s.), une tuyauterie en hauteur pour brûler les hydrocarbures. ◆  De ce sens procède celui de « flamme de gaz naturel, de pétrole ».
1 TORCHER v. tr., dénominatif (v. 1150, torchier) de torche, a d'abord eu la valeur d'« essuyer en frottant avec un bouchon de paille ». Il reste de cette acception de nombreux emplois régionaux (Bourgogne, Champagne et Ardennes, Loire, Isère...) pour « essuyer » (1857, torcher un plat). Ces emplois ne se maintiennent pas partout, du fait de la spécialisation du verbe en français central, pour « essuyer les excréments de (qqn, une partie du corps) » (fin XIIe s., torchier son cul), suivi par le pronominal se torcher (1534). Cette acception, d'où vient l'emploi figuré de se torcher le derrière de (1640), le cul de (1867), s'en torcher pour « se moquer, ne pas se soucier de », a donné une valeur populaire, voire vulgaire aux autres sens.
■  Le verbe signifie en effet aussi « construire un mur en torchis » (après 1250), c'est-à-dire plus sommairement qu'en pierres, d'où, au figuré, « bâcler (un ouvrage) » (1798) puis aussi « exécuter vite » (1875).
■  Un figuré ancien (1214) du sens initial correspond à une métaphore courante, pour « battre ». ◆  Se torcher v. pron., outre le sens scatologique, au figuré (s'en torcher) « s'en ficher, s'en foutre », a la valeur réciproque de « se battre » et réfléchie de « se soûler ». ◆  Le participe passé adjectivé TORCHÉ, ÉE, est employé avec les sens correspondants, mais se dit également, en bonne part, d'un ouvrage bien enlevé (1767, bien torché).
■  Torcher entre sous la forme conjuguée torche- dans le mot familier TORCHE-CUL n. m. inv. (1489) « linge ou papier essuyant les excréments », sens rendu célèbre par Rabelais, et au figuré (1694) « écrit méprisable » avec influence possible de torchon. TORCHECULATIF, IVE adj. (1878, Gill) qualifie un écrit méprisable et son contenu.
■  De torcher sont tirés trois noms. TORCHIS n. m. (1303 ; 1255, torcheïs) désigne un bouchon de paille roulé dans la terre et un procédé de construction sommaire avec de la paille et de la terre. ◆  Le mot s'est dit aussi d'un tortillon pour porter les fardeaux.
■  TORCHÉE n. f. (1735), mot familier venant de torcher au sens ancien de « battre », existe antérieurement sous les formes torche et torchon (v. 1450).
Le plus important des trois dérivés est TORCHON n. m. (v. 1174) qui a perdu le sens attesté le premier de « coup (que l'on donne) », sauf dans la locution coup de torchon (1836) « bagarre » et « élimination qui laisse place nette ». Le sens de « bouchon de paille, de foin » (fin XIIe s.) est resté dans quelques acceptions très spécialisées (1680) et a donné naissance au sens, aujourd'hui disparu, de « café, bistro ». ◆  Le sens aujourd'hui courant de « pièce de toile destinée à des usages domestiques, notamment à essuyer la vaisselle », est attesté vers 1330, mais ce n'est pas de lui que procède la locution le torchon brûle (1798), qui n'est plus comprise malgré sa vitalité et vient d'un emploi de torchon, alors rapporté à torche, pour « flambeau » (apr. 1360). ◆  Là où on emploie torchon en France, on peut dire drap de vaisselle et essuie de vaisselle en français de Belgique, linge à vaisselle au Québec, patte en Suisse. ◆  Le mot désigne aussi une serpillière, dans plusieurs régions de France (torchon de plancher), en Belgique, parfois en Afrique ; au Québec, c'est aussi le nom d'un chiffon pour essuyer un meuble, une table. ◆  Torchon s'est employé en France pour « linge, habits sales » (1690), d'où les sens, de nos jours disparus, de « souillon » (1718), et au XIXe s. de « prostituée » (1873, Zola). ◆  Enfin, torchon, senti comme lié à torcher « bâcler », désigne familièrement (1920) un imprimé médiocre ou vil.
■  De torchon est issu TORCHONNER v., autrefois « battre (qqn) » (v. 1450), « essuyer (avec un bouchon de paille) » (1564). ◆  Il est surtout employé au sens familier figuré (1872) de « bâcler » et intransitivement (1904 ; 1852, tr., « essuyer avec un torchon ») ; au sens de « faire des travaux de nettoyage », il est prolongé par TORCHONNEMENT n. m.
Un autre verbe 2 TORCHER est usuel en français d'Afrique ; c'est le dérivé de torche (électrique), correspondant à « éclairer (qqn, qqch.) » avec une torche ou une lampe électrique. Ce type d'emploi est rendu impossible en français central à cause de la fréquence des sens familiers de torcher (ci-dessus), sauf en terminologie où, lié au sens technique de torche, le verbe signifie (v. 1950) « brûler (des gaz) dans une torchère ».
1 TORQUE n. f. représente (1250) une variante dialectale de torche et désigne dans ses divers emplois une chose souple en torsade. Introduit au sens de « ballot (de drap) », aujourd'hui disparu, il subsiste dans le vocabulaire technique pour un rouleau de fil de fer (1419) et comme terme de blason (1690) à propos du bourrelet d'étoffe tordue, qui figure le cimier sur un heaume. ◆  Il a désigné le tabac à chiquer en rouleau (1893) et une chevelure féminine roulée en couronne (fin XIXe s.). ◆  C'est encore, en Provence, le nom (1876) d'un pain en forme de couronne.
❏ voir 2 TORQUE.
L TORDRE v. tr. (v. 1180), d'abord tuerdre (v. 1130), tortre (v. 1119, p. prés.), remonte, comme l'italien torcere et l'espagnol torcer, à un latin populaire °torcere, altération du latin classique torquere. Celui-ci signifie « tourner, faire tourner », en particulier « faire subir une torsion aux membres » d'où « torturer, tourmenter » au physique comme au moral et, dans la langue militaire, « faire tourner une arme avant de la lancer, brandir ». Ce mot dont l'étymologie n'est pas claire se rattache peut-être au grec trepein « tourner ».
❏  Tordre a gardé le sens de « soumettre (qqch.) à une torsion », mais plusieurs emplois, repris au latin ou extensifs, n'existent qu'en ancien français (v. 1200, « tourmenter ») ou ne se maintiennent que jusqu'à l'époque classique : « presser (les matières dont on fait l'huile) » (XIVe s.), « tourner » (XIIIe s.) et se tordre « s'égarer » (fin XIIIe s.). Tordre qqn « l'obliger à parler », attesté chez La Bruyère et relevé dans les dictionnaires jusqu'au XIXe s., semble poursuivre l'emploi ancien au sens de « tourmenter ». ◆  Dès le XIIe s., le verbe s'emploie à propos d'un membre, d'abord par figure pour exprimer un sentiment (v. 1130, tuerdre ses poinz ; 1530, se tordre les mains), puis au propre et concrètement (XIIIe s.) et dans la locution tordre le cou à qqn « le tuer » (XIIIe s.). ◆  Tordre qqch. s'emploie à partir du XVIIe s. dans le vocabulaire technique à propos de la fabrication du fil ou de la corde (1690). ◆  Par extension, le verbe exprime une idée de déformation, en parlant d'une partie du visage (1532) puis par figure prend la valeur de « détourner de son sens (un texte) » (av. 1564), d'où à l'époque classique tordre le nez à un texte, à un auteur (1611).
■  Se tordre équivaut à « se plier, se courber dans tous les sens » (av. 1778), utilisé ensuite pour le corps plié sous l'effet d'une douleur ou d'une émotion, en particulier dans se tordre de rire, par ellipse se tordre (1847) ; Cf. tordant. ◆  L'emploi transitif pour « courber (qqch.) en déformant » remonte au XVIe s. (1532, tordre la gueule, Rabelais).
❏  TORDU, UE, le participe passé moderne du mot (→ tors), est adjectivé (1690) et appliqué à une chose ou à une personne (1841), familièrement au figuré, par exemple en parlant de l'esprit (XXe s.) ou dans faire un coup tordu.
■  TORDANT, ANTE, le participe présent de tordre, est lui aussi adjectivé (1896) seulement avec le sens familier de « très drôle », de se tordre (de rire).
Tordre, dont le nom d'action torsion* est emprunté au latin, a produit le nom d'objet concret TORDOIR n. m. (1254) qui a quelques acceptions techniques, le nom d'agent TORDEUR, EUSE n. (1465, tordeor « fabricant d'huile »), surtout d'usage technique et dont le féminin tordeuse désigne une machine (1872), ainsi que TORDAGE n. m., autrefois « fabrication de l'huile » (1333), employé à propos de la torsion des fibres textiles (1723).
■  D'après l'usage fréquent du verbe tordre avec le nom d'une partie du corps, on a formé les noms composés TORD-NEZ n. m. (1837) en médecine vétérinaire et le mot familier TORD-BOYAUX n. m. inv. (1833) « alcool fort ». ◆  Un composé plus ancien est TORCOL n. m. (1564), ou, rare, torcou (1555), désignant un oiseau à cou flexible (→ torticolis), employé par Rabelais pour « hypocrite » (1534, torcoulx).
DÉTORDRE v. tr., attesté (1080) avant tordre, a d'abord été formé avec un préfixe intensif, signifiant « tourner de travers (les mains, etc.) » puis « tourmenter » (1188) ; il survit à l'époque classique aux sens de « fouler (un membre) » (1549) et « détourner de son sens (un texte) » (1690).
■  Seul le verbe préfixé avec dé- négatif subsiste ; il s'est dit pour « déployer (un drapeau) » (v. 1150, destordre). Il n'existe plus que comme contraire de tordre avec une valeur concrète (1640 ; auparavant soi deteurtre, v. 1354).
DÉTORS, DÉTORSE adj. vient (v. 1560) de l'ancien participe passé de détordre ; il a été repris en technique au XVIIIe s. (attesté 1790) à propos d'un fil « détordu » (fil détors, soie détorse).
❏ voir CONTORSION, DISTORDRE, ENTORSE, ENTORTILLER, EXTORQUER, RETORDRE, RÉTORQUER, TORCHE, 2 TORQUE, TORS, TORSION, TORT, TORTELLINI, TORTICOLIS, TORTIL et TORTIS, TORTILLA, TORTILLER, TORTIONNAIRE, TORTUEUX, TORTURE, TORVE, TOURMENT, TOURTE, 2 TOURTEAU, TREUIL, TROUSSER.
TORE n. m. est emprunté (1545, thore ; v. 1530, thorus) au latin torus, mot sans étymologie claire (peut-être emprunté), dont le sens le plus ancien est « brin ou cordon de câble », conservé dans la langue rustique. Le mot a été appliqué plus généralement à une corde puis à des objets qui, par leur forme, rappellent les renflements que font les brins d'un câble tressé : torus désigne en architecture la moulure bombée qui constitue un des membres de la spirale d'une colonne, la saillie d'un muscle sous la peau, celle des veines (d'où le sens de « muscles » dans la poésie impériale), un matelas, un coussin (primitivement bordé d'herbes tressées) et, de là, dans la langue poétique de l'Empire, un lit funèbre ou un lit nuptial.
❏  Tore a été emprunté en architecture. ◆  Depuis le XIXe s., il est aussi employé en botanique (1832, « réceptacle de fruits ») et en géométrie (1837) pour désigner une surface de révolution (dite anneau dans l'usage courant). ◆  C'est aussi le nom (mil. XXe s.) d'un anneau magnétique utilisé dans certaines mémoires d'ordinateur.
❏  Il a pour dérivé TORIQUE adj. (1888), didactique pour « d'un tore » en géométrie, en physique. ◆  TOROÏDAL, AUX adj. (1908 ; de -oïde et -al) « en forme de tore », s'emploie en géométrie, en physique, où l'enroulement tiroïdal est un bobinage électromagnétique formant anneau.
1 TORON n. m. est un dérivé savant (1677) du latin torus. Le mot, d'usage technique, désigne la réunion de fils de caret tordus servant à faire des cordages. ◆  Son dérivé TORONNER v. tr. (1889) procède du premier sens ; on en a tiré TORONNEUSE n. f. (1949), nom de machine.
Un homonyme 2 TORON n. m. (1835), « gros tore » en architecture, est emprunté à l'italien torone, dérivé de toro « tore », de même origine que le français.
TORÉADOR n. m. est un emprunt (1659) à l'espagnol toreador, ancien terme de tauromachie remplacé par torero, dérivé de torear « combattre le taureau dans l'arène », de toro « taureau », de même origine que le français taureau*. La graphie francisée tauréador (1721) se rencontre jusqu'au milieu du XIXe siècle.
❏  Introduit dans des relations de voyage, le mot est passé dans l'usage courant au XIXe s. où il a dû sa vogue au livret de l'opéra de Bizet, Carmen (signé par Meilhac et Halévy). Il a été supplanté par torero et par matador.
❏  TORIL n. m. reprend (1765) le dérivé espagnol toril pour nommer l'enceinte où l'on enferme les taureaux avant la corrida.
TORERO n. m. est emprunté (1785 ; 1782, torrero) à l'espagnol torero, terme de tauromachie désignant l'homme qui affronte le taureau, dérivé de toro ; il a supplanté toréador.
■  TORÉER v., adaptation (1926) du verbe espagnol (ci-dessus), a remplacé le français tauricider (1652, Scarron). ◆  Enfin, conformément aux tendances hispanisantes du vocabulaire moderne de la corrida, les spécialistes emploient pour taureau la forme espagnole toro.
TORGNOLE n. f. (1761) est une variante graphique de torniole, tourniole (v. 1225) « mouvement circulaire, détour », dérivé dérivé du verbe torniier, tornoiier, variante (v. 1180) de tournoyer* restée dans les dialectes. Pour expliquer l'originalité graphique de torgnole, P. Guiraud invoque l'attraction de trogne*, trognon* ; mais le passage oral de torniole à torgnole est naturel et insensible.
❏  Le mot désigne familièrement une forte gifle faisant « tourner la tête » de celui qui la reçoit et, par extension et influence de tournée, une série de coups.
❏  Le dérivé TORGNOLER v. tr. (1876), « donner une torgnole à (qqn) », s'est moins bien maintenu.
■  TOURNIOLE n. f., mot familier pour « panaris » (1812 ; 1829, torgniole), a été formé parce que le panaris fait le tour de l'ongle.
TORII n. m. est la transcription d'un mot japonais (attesté en anglais au XVIIIe s., en français seulement en 1893) qui évoque un oiseau (tori) perché (radical t-). Ce mot didactique en français désigne un portique ornemental situé devant un temple shinto, au Japon.
TORMENTILLE n. f. est un emprunt des botanistes, en moyen français (1314), au latin médiéval tormentilla (1250), dérivé du latin classique tormentum (→ tourment) à cause des propriétés curatives de la plante. Le mot désigne une variété de potentille, une rosacée à petites fleurs jaunes dont le rhizome était utilisé comme astringent (le mot potentille, formé avec le même suffixe diminutif sur potentia « vertu, pouvoir », est postérieur).
TORNADE n. f. est emprunté (1655) à l'espagnol tornado « tourmente » et « ouragan », qui semble être le participe passé substantivé de tornar, de même origine que tourner*. Mais il pourrait s'agir de la forme altérée, sous l'influence de tornar, de tronada, dérivé de tronar, verbe représentant le latin tonare (→ tonner) et altéré d'après le tr- de tronido « tonnerre », représentant (lui aussi avec métathèse) le latin tonitrus d'où est issu tonnerre. L'espagnol ayant fourni à l'anglais la forme tornado, également employée en français (1663, n. m.) à côté de ternado, turnado (1673), le mot anglais a interféré au XIXe s. avec l'emprunt espagnol initial.
❏  Le mot, très rare avant le XIXe s. où l'on trouve aussi tournade (1873), s'est fixé sous la forme tornade (1842). Devenu alors usuel, il désigne un violent cyclone et s'emploie aussi par figure, comme cyclone, ouragan. ◆  En français d'Afrique, le mot correspond à « forte averse, accompagnée de pluie » (les tornades de la saison des pluies), ou à « coup de vent violent » dans l'expression tornade sèche.
TORPÉDO n. f., nom d'une ancienne automobile décapotable, est un emprunt (1910) à l'anglais torpedo « poisson qui produit un engourdissement par une décharge électrique » (XVIe s.), puis « torpille », sens déjà emprunté par le français (1820), et sorti d'usage, puis « voiture fuselée, en forme de torpille ». Le mot est emprunté à l'espagnol, lui-même pris au latin torpedo (→ torpille).
❏  Le français torpédo évoque les « années folles » et ne s'emploie plus guère après 1950.
TORPEUR n. f. est emprunté (1470) au latin torpor n. m. « engourdissement » (physique, moral), lui-même dérivé de torpere « être engourdi ». Le verbe latin a été rapproché du vieux slave (serbe) u-trŭpeti, du russe térpnut' « se raidir » et du lituanien tir̃pti « se raidir, perdre connaissance, s'engourdir », sans qu'on puisse reconstituer une base indoeuropéenne claire.
❏  Le mot, introduit avec le sens moral, est rare avant le XVIIIe s. où il reprend le sens physique (1770, Buffon) ; par métonymie d'objet, il est aussi employé (1770) pour parler du ralentissement de l'activité d'une foule, d'une ville, d'un lieu. Il ne se répand dans l'usage courant qu'au XIXe siècle.
❏  TORPIDE adj. est emprunté (1531) au dérivé latin torpidus, « engourdi » et « stagnant ». ◆  D'abord attesté au sens du latin, spécialement pour « froid, engourdi », le mot a vieilli et disparu. Il a été repris dans l'usage littéraire (1823) pour « dans un état de torpeur », « de la torpeur », puis (1876) pour « accablant ». En médecine, il caractérise un mal qui ne s'atténue ni ne s'aggrave.
❏ voir TORPÉDO, TORPILLE.
TORPILLE n. f., formé avec la finale -ille (1549), précédé par torpile (1538) et torpin (1547), est emprunté au provençal torpio, issu par changement de suffixe du provençal torpin qui représente le latin torpedo, torpedinis « engourdissement », dérivé de torpere (→ torpeur). Torpedo en latin désigne par métonymie et spécialisation un poisson qui engourdit par une décharge électrique, sens conservé par l'emprunt anglais torpedo (→ torpédo).
❏  Le mot désigne comme en latin un poisson voisin des raies dont la décharge électrique peut engourdir l'homme. ◆  À partir du XIXe s. c'est le nom d'un engin de guerre ; il représente alors la traduction (1812) de l'anglais torpedo, qui avait pris par analogie le sens de « charge d'explosifs utilisée sous l'eau » (XIXe s.) et « engin automobile explosif envoyé d'un navire » (XIXe s.). Le français a utilisé la forme torpille pour désigner l'engin de guerre automobile (1878), développant deux valeurs sémantiques : celle d'engin explosif et celle de mobile de forme fuselée, que l'on retrouve dans l'emprunt torpédo*. ◆  Dans l'argot du XIXe s., le mot s'est dit d'une prostituée ; dès 1838 chez Balzac, la Torpille est le surnom d'Esther Gobseck. C'est alors une métaphore du nom du poisson.
❏  Le mot a produit ses dérivés à la fin du XIXe siècle.
■  TORPILLEUR n. m. (1872) désigne l'artilleur (autrefois le marin) chargé de lancer les torpilles et un bâtiment capable de porter et lancer les torpilles (1876, bateau-torpilleur, traduction de l'anglais torpedo-boat, 1864). ◆  On a formé sur ce mot CONTRE-TORPILLEUR n. m. (1890) pour désigner le petit navire de guerre chargé de donner la chasse aux torpilleurs.
■  Quant à TORPILLER v. tr. (1872, au participe passé), il a vieilli au sens de « garnir de torpilles fixes, de mines », au profit de miner ; il signifie « attaquer aux torpilles » (1904) et, au figuré, « attaquer sournoisement » (1897, Valéry). ◆  Il a lui-même donné TORPILLAGE n. m. (1915), au propre et au figuré (1930 ; le torpillage d'un projet).
1 TORQUE → TORCHE
2 TORQUE n. m. est emprunté (v. 1210) au latin torques, proprement « torsade », d'où « collier, bracelet métallique » (→ torche), de torquere (→ tordre).
❏  Le mot désigne en archéologie un collier de métal (torque gaulois) ; il semble peu employé après le XVIe et est repris au XIXe siècle.
TORR n. m., mot proposé sous la forme tor en 1913, adopté en 1953, du nom de Torricelli, est l'unité de mesure des faibles pressions, correspondant à celle qu'exerce une colonne de 1 mm de mercure.
TORRÉFIER v. tr. est emprunté (v. 1520) au latin torrefacere, composé de torrere « faire sécher » et surtout « brûler, griller » (→ toast, torrent, tôt), et de facere (→ faire).
❏  Le verbe a été emprunté avec le sens de « soumettre à une chaleur intense (des graines), de façon à produire un début de carbonisation ». Il a développé au XIXe s. le sens figuré « brûler, dessécher », d'emploi littéraire.
❏  Il a pour dérivé le nom technique TORRÉFIEUR, EUSE n. (v. 1950).
■  TORRÉFACTION n. f., nom d'action correspondant, est emprunté (1576) au latin scientifique médiéval torrefactio, fait sur le supin (torrefactum) de torrefacere. Il a d'abord eu le sens de « grillage d'un minerai », avant de prendre à la fin du XVIIIe s. (1797) le sens moderne « action de torréfier (le café, le cacao, etc) ».
■  TORRÉFACTEUR n. m. (1856) désigne d'abord un appareil, puis le commerçant qui torréfie son café, alors avec un féminin torréfactrice.
❏ voir TORRÉE, TORRENT, TORRIDE, TOURAILLE, (?) TOURIE, TOURIN.
TORRÉE n. f., en français de Suisse, appartient à la famille du latin torrere. Le mot a d'abord désigné (1867) une colonne de fumée, puis (1881) un feu de berger. Le sens actuel est « repas collectif, en plein air, où l'on mange des saucisses, des pommes de terre cuites dans la braise et les cendres d'un feu ». Les torrées traditionnelles du Jura avaient lieu à l'automne ; aujourd'hui, c'est l'équivalent d'un pique-nique avec barbecue (comme la brisolée du Valais, avec d'autres nourritures). On écrit parfois torée.
❏  TORAILLER v. intr., autre mot suisse, est dérivé de toraille, qui avait à peu près le même sens que torrée (ci-dessus). Attesté en 1861, le verbe signifie « fumer avec excès, cigarette sur cigarette ». Le mot est aussi attesté en France, dans le Jura et le Doubs.
TORRENT n. m. est un emprunt ancien (v. 1120 au fig.) au latin torrens, participe présent de torrere « faire sécher, dessécher », plus souvent employé avec le sens dérivé de « dessécher au feu, consumer » (au physique et au moral) [→ torréfier]. Celui-ci se rattache à une racine indoeuropéenne °ters- qui signifie « sécher » et, exprimant souvent la notion de « soif » pour laquelle le latin a recours à sitis (→ soif), a donné par exemple l'anglais thirst ; on l'a aussi rapproché de terra (→ terre). ◆  Torrens est adjectivé en latin au sens absolu de « brûlant » et de « desséché » ; d'où le latinisme torrent adj. « torride » au XVIe s. (1540). L'adjectif latin a été substantivé pour désigner un cours d'eau maigre ou irrégulier, enclin à se dessécher, avec un sens voisin de celui du mot arabe oued. Il est vraisemblable que, se répandant hors du domaine méditerranéen, et notamment en Gaule, le mot latin a continué à désigner un cours d'eau irrégulier, mais, au moins en montagne, rapide, violent et jamais asséché.
❏  Le mot a été emprunté avec le sens figuré de « grande abondance » (un torrent, des torrents de) et désigne ensuite (1273) comme en latin un cours d'eau rapide et impétueux. Il est rare avant le XVe s. et prend aux XVIe et XVIIe s. d'autres valeurs figurées aujourd'hui disparues : « conquérant que rien n'arrête » (1579), « mouvement irrésistible » (1580) et « force des choses, de la mode, etc. » (1643), mais la comparaison et la métaphore sont toujours possibles. Il s'emploie par analogie pour désigner un écoulement rapide, brutal (1607). La locution usuelle pleuvoir à torrents a remplacé pleuvoir par torrents, à torrents et par torrents étant attestés en 1653.
❏  Le mot a produit tardivement ses dérivés, trois adjectifs.
■  TORRENTIEL, ELLE (1832), employé en géographie et couramment au sens de « qui coule à flots » (1844), également au figuré, est le seul usuel. ◆  Son dérivé TORRENTIELLEMENT adv. (1843, Balzac) est plus littéraire.
■  TORRENTUEUX, EUSE adj., presque contemporain de torrentiel (1823), est d'usage littéraire, au propre comme au figuré (1835).
■  Quant à TORRENTICOLE, de -cole*, c'est un terme didactique (XXe s.).
❏ voir TOAST, TORRÉFIER, TORRIDE, TÔT, TOURON.
TORRIDE adj. est emprunté (1495) au latin torridus « desséché, aride », « maigre (personnes) », « brûlé » et, activement, « brûlant », dérivé du verbe torrere (→ torrent).
❏  Torride en français est uniquement associé à une extrême chaleur en parlant du climat (1532, Rabelais, zone torride), de l'atmosphère (1556, air torride) ou de la température (1872, chaleur torride ; 1832, soleil torride). ◆  Par influence de l'anglais, l'adjectif s'emploie (depuis les années 1970 ou 1980) au figuré à propos de la sexualité, de l'érotisme.
L TORS, TORSE ou TORTE adj. est l'adjectivation (fin XIIe s., tors) de l'ancien participe passé de tordre*, issu d'un latin °torsus, participe passé non attesté de torquere (→ tordre) ; la forme régulière tortus a abouti à torte (v. 1119), d'où le masculin tort, adj. (v. 1210). Le T.L.F. n'atteste que le substantif au XIIe s. et fait apparaître l'adjectif au milieu du XIIIe s. Le féminin torse apparaît en moyen français.
❏  L'adjectif s'applique d'abord à ce qui présente des courbes anormales, à côté de tordu, spécialement en parlant des parties du corps ; c'est seulement avec cette valeur que l'on rencontre jambe torte aujourd'hui, archaïque par rapport à jambe torse. ◆  Tort s'est employé à propos d'un chemin (v. 1119), d'où en ancien français de tort « en faisant des détours » (1213). ◆  Il a pris, aussi en ancien français, une valeur morale (fin XIIe s., « louche »). ◆  Par extension, il s'applique à une matière souple qui est tordue (XIIIe s.), en particulier au bois (1559, tors boys) ; sucre tors a désigné un mélange de sucre et de réglisse en bâtons tortillés, remède contre le rhume (1694). ◆  Le mot s'est spécialisé en architecture (1671) dans colonne torse, à fût contourné en spirale, cet emploi étant resté vivant.
❏  L'usage de tors est limité aujourd'hui mais il avait produit, ainsi que tort, torte, de nombreux dérivés souvent d'emploi technique.
■  Lui-même est substantivé en TORS n. m. (v. 1180) aux sens de « torsade » puis de « flambeau » (1283), sortis d'usage. ◆  Il entre au XVIIIIe s. dans le vocabulaire du textile (1723, tors sans filé, d'une soie ouvrée) et désigne (1753) la torsion donnée aux brins afin de former un fil, une corde. Ce nom désigne aussi un gros cordon de soie utilisé en tapisserie (1845).
■  Le féminin de l'adjectif a fourni 1 TORSE n. f. (v. 1380, torce), équivalent alors de torsade ; le mot a eu de nombreux emplois, désignant en particulier un bâton pour porter les cierges (1440) et l'action de tordre (1611).
Le verbe TORSER v. tr., d'abord « tordre (les cheveux) » (v. 1280), est d'usage technique, comme son dérivé TORSIN n. m. (1872, torcin), antérieurement « flambeau » (XIVe s.).
■  TORSEUR n. m. (1901) est un terme de mathématiques désignant l'ensemble formé par un « glisseur » (vecteur glissant : couple formé par une droite affine et son vecteur directeur) et un couple dont le moment a la même direction.
Torser a fourni un autre nom, beaucoup plus courant, TORSADE n. f., d'abord attesté avec un sens obscur (1496) et repris (1818) avec son sens actuel « fils, cordons tordus en spirale ». Le mot est employé en particulier en parlant d'une coiffure féminine (1830) et, en architecture (1910), d'un modèle ornemental. En torsade (1830) signifie « en hélice ».
■  On en a tiré TORSADER v. tr. (1845, Richard de Radonvilliers, puis 1872) « mettre en torsade », d'où le nom d'action TORSADAGE n. m. (XXe s.).
Des dérivés de tort, torte, beaucoup ont disparu, mais il reste TORTU, UE adj. qui a qualifié ce qui est de travers (v. 1230), d'où le sens de « contrefait » (1507) ; vieilli ou littéraire, il s'applique par exemple au bois (1640, de la vigne). Au figuré, après s'être dit d'un argument subtil (1541), il s'emploie pour ce qui manque de justesse (1664, esprit tortu).
❏ voir TORT, TORTUEUX.
1 TORSE → TORS
⇒ encadré : Le tzigane ou tsigane