2 TORSE n. m. est emprunté (1676, Félibien) à l'italien torso (XVe s., Luigi Pulci) « buste », terme d'anatomie et depuis Michel-Ange (v. 1518) terme d'art. C'est une spécialisation plaisante de torso (XIIIe s.), terme d'agriculture désignant le trognon de chou, puis celui d'un fruit (XVIe s.) et ce qui reste attaché au col du poulet une fois qu'il est dépecé (1660). Le mot italien est issu du latin tardif tursus, glosé au moyen du grec kaulos « tige, tige de chou », et forme parlée du mot classique thyrsus qui a donné thyrse*.
◆
Torso a également été emprunté par l'espagnol torso et l'anglais torse (v. 1622), puis torso (v. 1797).
◆
Le mot latin a aussi donné le français trou (de chou), au moyen âge tros « trognon, tronçon », aujourd'hui dialectal ou archaïque du fait de la rencontre homonymique avec trou.
❏
Le mot a été emprunté comme terme d'art, à propos d'une représentation du tronc humain sans tête ni membres ; il est employé par la suite en sculpture (1807) puis pour le tronc d'une statue entière (1827).
◆
Torse désigne aussi couramment (1831, E. Sue) le tronc humain, le buste, notamment eu égard à la musculature, à l'apparence de force (bomber le torse).
TORSION n. f. est emprunté (XIIIe s., aussi torcion) au bas latin torsio ou tortio « coliques », dérivé de torquere (→ tordre).
❏
Du
XIIIe au
XVIe s., le mot a servi à désigner les coliques et les contractions de l'utérus. En moyen français, il a aussi la valeur figurée de « vexation, extorsion » (
XVe s.,
torcion).
■
L'usage moderne l'emploie pour exprimer l'action de tordre (1314), d'abord en médecine (→ entorse), puis en parlant d'une partie du corps (1461) et de toute espèce d'objet solide.
◆
Le mot a pris quelques acceptions spéciales en arboriculture (1784, branche de torsion), en textile et surtout en physique (1680), où balance de torsion est attesté dans les dictionnaires en 1834 (Boiste).
❏
Le préfixé INTORSION n. f., terme d'histoire naturelle, désigne un enroulement du dehors en dedans (1803), employé au XVIe s. pour « violence » (1524).
◆
DÉTORSION n. f. correspond à détordre.
❏ voir
CONTORSION, DISTORSION (art. DISTORDRE), EXTORSION (art. EXTORQUER), RÉTORSION (art. RÉTORQUER).
L
TORT n. m. est issu (v. 980) du latin populaire tortum, neutre substantivé de tortus, participe passé de torquere (→ tordre), proprement « ce qui est tordu », d'où « action contraire au droit » par opposition à directum (→ direct). L'emploi du même mot dans les langues romanes (italien torto, espagnol tuerto, ancien provençal tort) prouve que ce développement remonte bien à l'époque latine ; le latin médiéval en donne des preuves avec tortum facere (864).
❏
Le mot, d'abord attesté dans l'expression
à tort, désigne (1080) un acte qu'on ne devrait pas faire, le fait de se tromper, d'être en contradiction avec la vérité, le bon droit, notamment dans ce qu'on dit. Ce sémantisme, où
tort est opposé à
raison*, se réalise en particulier dans des locutions nominales :
avoir tort (v. 980),
avoir tort de et infinitif (1580),
(mettre qqn) dans son tort (1671),
donner tort à (1783) qui a succédé à
donner le tort (1601). Il entre aussi dans des locutions adverbiales :
à tort (980),
à tort ou à droit (
ne a droit ne a tort, 1080) remplacé aujourd'hui par
à tort ou à raison (1770), et
à tort et à travers (1316) qui succède à
en tors et en travers (v. 1165).
■
Par ailleurs, tort désigne aussi (XIIe s.) un dommage matériel ou moral causé indûment, d'où faire tort (v. 1190), et faire du tort (à qqn) [1610]. Dans le centre-ouest de la France, faire tort signifie « être désagréable, dégoûter », surtout dans ça me (lui) fait tort.
◆
L'emploi pour « situation difficile » (v. 1200) est sorti d'usage à l'époque classique.
◆
Avoir tort a donné lieu à la locution proverbiale les absents ont toujours tort (1718), formulation adoucie du proverbe médiéval le mort a tort (1283).
TORTELLINI n. m. pl. est un emprunt (attesté mil. XXe s.) à l'italien, pluriel de tortellino, diminutif de tortello, du participe passé du verbe torcere, issu comme le français tordre du latin torquere. Le mot fait partie de la série des italianismes désignant des pâtes alimentaires, celles-ci étant formées de petites couronnes torsadées farcies, comme les raviolis, d'un hachis de viande. Le pluriel est parfois francisé : tortellinis.
TORTICOLIS n. m. (1606), après torticollis (1535) et torty colly (1542, Rabelais), est généralement considéré (probablement à tort) comme une altération du pluriel de l'italien torticollo, torticolli désignant proprement un oiseau au col flexible, le torcol, le sens de « torsion du cou » n'étant signalé qu'au XIXe siècle. Il est plus probable que le mot, écrit torty colly, soit une création plaisante de Rabelais (ou de son temps) — aussi torticulant, torcoulx — d'après un latin fictif tortum collum « cou tordu » (→ col, tort). Le nom d'oiseau torcol, de tordre, paraît trop récent (mil. XVIe s.) pour avoir servi de modèle.
❏
Le mot, avant de désigner une torsion douloureuse du cou (1562), s'est employé comme adjectif, appliqué à une personne qui a le cou de travers ; le fait d'avoir le cou de travers était au XVIe s. (Rabelais, Pantagruel, xxx) l'expression symbolique de l'hypocrisie, d'où l'emploi relevé jusqu'au XIXe s. pour « faux dévot » (1535, n. m. pl.).
TORTILLA n. f. est un emprunt (1891) à l'espagnol du Mexique tortilla, dérivé diminutif de torta, de même origine que le français tourte. L'espagnol castillan tortilla « omelette » (plus cuite que l'omelette française) n'a pas fait l'objet d'un emprunt. En français comme en espagnol d'Amérique, tortilla désigne une galette plate de farine de maïs, servant le plus souvent de support pour la nourriture (viande hachée, légumes coupés ou en pâte, etc.).
TORTILLER v., variante graphique (1419) de tourtillier (fin XIVe s.), auparavant tortoillier (v. 1200 ; mais antérieur, voir ci-dessous détortiller), est soit issu d'un hypothétique latin populaire °tortiliare, dérivé de tortus « tordu », soit plus probablement (l'existence de °tortiliare n'étant soutenue par aucune forme romane), issu par réduction de entortiller*. Son rattachement étymologique à tordre* est encore perçu.
❏
Le verbe, transitif, signifie « tordre à plusieurs reprises (une chose souple) » puis « tourner de côté et d'autre (une partie du corps) » (déb.
XVIIe s.), d'où par figure
tortiller sa pensée. Ce dernier sens est réalisé également dans l'emploi intransitif, au propre (1640,
tortiller des fesses) et au figuré (1669), notamment dans la locution familière
il n'y a pas à tortiller (1756), et dans l'emploi pronominal du verbe (1812, au propre ;
XXe s., au figuré). Croisé avec
tortiller des fesses, du cul (1640 et 1690, dans Oudin et Furetière) « se déhancher en marchant », puis « danser », l'expression
y a pas à tortiller du cul (1792) [pour chier droit] signifie « il n'y a pas à hésiter, à tergiverser ».
■
Le sens familier « manger complètement et rapidement qqch. » (1821), d'où par extension « faire rapidement », « vaincre rapidement », correspond à un emploi analogue mais plus rare de tordre.
❏
Les dérivés de
tortiller sont nombreux, eu égard au champ sémantique couvert par le mot ; ce sont surtout des noms.
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TORTILLON n. m. (1402) désigne en général une chose tortillée et, spécialement, un petit fuseau de papier enroulé en spirale pour estomper (1877). Il s'est dit aussi pour « support circulaire natté » ou linge roulé posé sur la tête pour porter des fardeaux.
◆
Tortillon « petit gâteau sec en forme de cercle » représente sans doute (1872) une altération de tourtillon (v. 1600), dérivé de tourte* (en ancien français tortignolle ; dialectalement tortollion, XVIIIe s.), etc.
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Il a servi à former un verbe TORTILLONNER v. tr. (XVIe s., mais un dérivé est relevé au XVe s.), surtout employé avec le sens figuré de « présenter avec des détours » (1677, Mme de Sévigné).
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Autre nom concret, TORTILLÈRE n. f. a désigné (1437) une sorte de cordage et est vieilli pour nommer une allée étroite et tortueuse (1798), comme TORTILLE n. f. (1835).
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Le dernier nom concret, TORTILLARD n. m. (fin XIXe s.), a commencé à se dire d'une petite voie de chemins de fer faisant de nombreux détours, puis s'est appliqué au train ; c'est la substantivation de l'adjectif plus ancien tortillard, arde (1681), qui était employé en héraldique et qui qualifie familièrement une voie qui fait des lacets.
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Tortiller a donné aussi un terme d'architecture, TORTILLIS n. m. (1694), antérieurement dit d'un bonbon tortillé (1647).
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TORTILLEMENT n. m. désigne l'action de tortiller (1547) ou de se tortiller (1567) mais est vieilli au figuré (1700).
■
TORTILLAGE n. m. s'est employé au figuré (1677) et est rare au sens concret (1812).
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TORTILLEUR n. m. (XXe s.), précédé par tortilleuse au figuré (1677, Mme de Sévigné), a eu un sens technique dans le travail du rotin.
◆
Il a été repris (1976, Journal officiel) pour désigner un type de véhicule.
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Un antonyme à
tortiller a été créé par préfixation,
DÉTORTILLER v. tr. (v. 1190,
destortoiller), en concurrence en français moderne avec
désentortiller.
❏ voir
ENTORTILLER.
TORTIONNAIRE adj. et n., réfection (av. 1534) de torcionnaire (1412), est emprunté au latin médiéval tortionarius, latinisation de l'ancien français torceunier « qui exerce des exactions » (v. 1120), torcenier « violent, injuste » (v. 1200), dérivé savant du latin tortio « torture », dérivé de torquere (→ tordre).
❏
Tortionnaire a évincé torcenier à partir du XVe s. en lui reprenant le sens d'« injuste, qui fait tort, cruel » ; cette acception a disparu.
◆
Le mot, rare en emploi adjectif (1845), désigne (1832) une personne qui torture qqn pour lui arracher des aveux ou par sadisme, et en histoire le bourreau qui torturait les condamnés.
❏
De tortionnaire ont été dérivés TORTIONNAIREMENT adv. (1376, torsionnairement), rare, et TORTIONNER v. tr. (1583), archaïque et évincé par torturer*.
TORTIS n. m. est la spécialisation de l'adj. d'ancien français
tortiz « tordu », issu du latin populaire
°torticium, dérivé de
tortum, de
torquere (→ tordre). Ce mot désignait un objet formé d'éléments tordus ensemble, en ancien français (v. 1181) une torche, un flambeau, au
XVIe s. (1552) une couronne de fleurs ou de feuillage. Au
XVIIIe s. (attesté en 1740), ce n'était plus qu'un terme technique, un assemblage de fils de chanvre tordus ensemble.
TORTIL n. m. est une variante de tortis (écrit tourtil en 1582) désignant alors un ruban tordu et, spécialement en blason, le ruban ou collier de perles enroulé autour de la couronne nobiliaire de baron, ainsi que le bourrelet en torsade autour de la « tête de Maure ».
TORTORER v. tr. est emprunté (1866) au provençal tourtoura « tordre » (XIIIe s., tortoirar).
❏
Il s'emploie très familièrement au sens de « manger », selon la même figure que pour tortiller*.
❏
Le déverbal TORTORE n. f. (1878) désigne l'action de manger et ce qu'on mange.
TORTUE n. f. représente une altération (v. 1190), sous l'influence de tortu, tordu, de l'ancien provençal tartuga qu'on relève lui-même sous la forme tortuga. Ce mot provient par dissimilation de tartar-, du bas latin tartaruca, féminin substantivé de tartarucus « qui appartient au Tartare », c'est-à-dire au monde des ténèbres, à l'enfer. Ce mot est à l'origine de la plupart des formes romanes (espagnol, italien et portugais tartaruga). Tartarucus est un emprunt au grec Tartaroukos, dérivé de Tartaros « Tartare », mot d'origine inconnue. Pour les chrétiens, l'adjectif s'appliquait aux messagers de l'Enfer, sens passé en latin dès saint Paul. Dans les représentations du christianisme, la tortue (symbole des ténèbres) apparaît combattue par le coq (figure de lumière) ; l'opposition entre les deux animaux existe avec cette valeur dès l'Inde védique, dans le culte de Mitra, et ensuite en Perse. Le passage qui conduit à tartaruca « tortue » a pu se produire à partir d'expressions comme °bestia tartaruca « animal du Tartare » ou même °testudo tartaruca, testudo étant le nom classique de la tortue. Ce mot, dérivé de testa « coquille » (→ tête), a aussi désigné en latin classique, par analogie de forme, le toit que les soldats romains faisaient en s'abritant sous leurs boucliers ; s'il reste avec son premier sens en italien (testuggine) et en sarde, il a abouti en ancien français à testue (1213) avec son sens technique, repris plus tard par tortue. Le grec khelônê « tortue » survit dans l'emprunt savant chélonien n. m. (XIXe s.).
❏
Tortue est le nom d'un reptile amphibie à quatre pattes courtes, au corps protégé par une carapace (d'où les valeurs figurées). Il entre dans des syntagmes (tortue marine, géante...) et dans la locution marcher comme une tortue (1648) en vertu de la lenteur proverbiale de la tortue, utilisé dans les fables avec l'idée de « sage lenteur » (le lièvre et la tortue). En français d'Afrique, par calque des langues africaines, c'est un personnage des contes, caractérisé par la prudence et l'astuce.
◆
L'expression tortue ninja concerne des récits japonais → ninja.
◆
Par analogie, le mot désigne, d'après le sens du latin testudo, une machine de guerre couverte qui servait au siège d'une ville (1575) et s'emploie en histoire romaine (1606) pour une manœuvre tactique de protection (faire la tortue).
◆
En marine, il s'est dit (1680) d'un navire à pont bombé et demeure vivant comme nom d'un abri protégeant l'homme de barre.
◆
Tortue a eu divers emplois techniques sortis d'usage, par exemple en imprimerie : « forme plate où l'on place les caractères » (1858).
◆
Il est entré dans le vocabulaire de l'éthologie (XXe s.), notamment en parlant de certains oiseaux qui se groupent pour « faire la tortue » et ainsi se protéger.
TORTUEUX, EUSE adj. est emprunté (v. 1200, tortüous) au latin tortuosus « sinueux » (propre et figuré), spécialement employé en médecine à propos de l'écoulement difficile de l'urine. Le mot est dérivé de tortus (→ tort), participe passé de torquere (→ tordre).
❏
Le mot, emprunté au sens figuré de « subtil, compliqué », est encore senti comme rattaché à tordre, tors. Il est pris ensuite au sens concret (1314), puis est appliqué par figure à des choses (v. 1550, un moyen tortueux) et à une personne qui manque de franchise et à son comportement (1685, Bossuet) ; cette acception est aujourd'hui plus courante que le sens concret, très littéraire.
❏
L'adjectif a produit
TORTUEUSEMENT adv. (v. 1370), surtout figuré.
■
TORTUOSITÉ n. f. (1314) est sans doute emprunté directement au dérivé bas latin tortuositas ; il est rare tant avec son sens propre qu'avec le sens figuré de « rouerie, détours astucieux » (Saint-Simon), malgré la relative fréquence de tortueux dans ce sens.
TORTURE n. f. est issu (v. 1190) du bas latin tortura « action de tordre » et « souffrance » (IVe s.), dérivé de torquere (→ tordre), celui-ci ayant déjà donné tortio (→ tortionnaire) en ce sens.
❏
Le mot n'a pas gardé l'ancien sens descriptif de « contorsion, distorsion, action d'être tordu » (v. 1210), non plus que le sens figuré moral d'« injustice, tort » (v. 1190).
■
Spécialisé dans le domaine pénal, il a désigné une peine grave, une punition corporelle pouvant entraîner la mort (1459) et, de là, a pris son sens moderne (1580) de « souffrance physique intense infligée pour arracher des aveux », sens aujourd'hui dominant.
◆
Il s'emploie aussi au figuré dans des locutions comme mettre qqn (1627), mettre son esprit à la torture.
◆
Par métonymie, l'accent passant de l'acte de violence exercé à sa conséquence, il se dit (1631) de souffrances (physiques, morales) intolérables. Attesté en ancien français, ce sens ne semble réapparaître, après d'autres valeurs, qu'au milieu du XVIIe siècle.
◆
Par un retour au sens étymologique (« torsion »), torture s'est employé pour l'action de fausser le sens d'un texte (1676, Mme de Sévigné) ; cet emploi est encore possible, mais il serait compris comme une métaphore du sens dominant.
❏
Son dérivé
TORTURER v. tr. (1480) signifie « soumettre à la question », « faire subir la torture » (1831), et, par extension, « faire souffrir (qqn) » ; il s'emploie également au moral (1803), aussi au pronominal (1797, « chercher avec effort »).
◆
Il a pris et conservé, à la différence du nom, le sens figuré de « tordre en manipulant » (v. 1560), spécialement « altérer le sens (d'un texte) » (1798).
■
De torturer sont dérivés TORTURANT, ANTE adj., du participe présent, attesté en 1480 et repris à partir du XIXe s. (1845), ainsi que TORTUREUR, EUSE n. (1830 ; 1480, adj.), celui-ci rare et concurrencé par tortionnaire*.
TORVE adj. est emprunté (av. 1526, Jean Marot) au latin classique torvus « qui regarde de travers, farouche », d'abord appliqué aux yeux, ensuite au visage, au corps ou au caractère puis à toute espèce d'objet. C'est un mot sans correspondant exact pour lequel M. Burger suppose une relation à torquere (→ tordre), mot qui lui est souvent associé.
◆
Torvus avait produit en ancien français un adjectif torvain (v. 1175).
❏
Emprunté avec le sens de « louche », comme qualificatif de l'œil, torve a été repris en ce sens à partir du XIXe s. (1842, Académie) ; il s'est aussi employé pour « fâché, mécontent » (1540).
◆
Par extension, il est quelquefois employé dans un style littéraire au sens d'« oblique, de travers » (1873, A. Daudet).
TORY n. m. est l'emprunt (1704) à l'anglais tory (1681, comme nom) signifiant à l'origine « brigand (irlandais) » (1646). Le mot est emprunté à l'irlandais toraidhe « poursuivant », et en particulier « rebelle faisant la guérilla aux troupes anglaises », de toir « poursuivre ». Ce sont les Whigs qui ont donné à leurs adversaires le nom péjoratif de tory ou « brigand papiste ». Le mot est ensuite passé dans le vocabulaire politique comme dénomination officielle de l'un des deux grands partis politiques de la Grande-Bretagne. Après l'adoption de la première loi de réforme électorale en 1832, l'épithète conservative « conservateur » (1830 en ce sens, du français conservateur) s'est progressivement substituée à celle de tory. Celle-ci ne s'emploie plus en Angleterre que par les adversaires du parti conservateur, par dénigrement, ou encore par allusion historique.
❏
Le mot est introduit en France plus tard que whig pour désigner les adversaires de l'exclusion du trône d'Angleterre votée contre le catholique duc d'York en 1680, et surtout en politique pour « membre du parti conservateur (fondé en 1689) et soutenant l'autorité monarchique ». Il est aussi employé comme adjectif (1835) avec ce sens.
❏
Le français a aussi emprunté TORYSME n. m. (1727 ; d'abord torisme, 1717) « doctrine, attitude politique des tories » à l'anglais toryism (ou torism) n. (1682), de tory.
◆
Le mot n'est plus employé que comme terme d'histoire.
TOSCAN, ANE adj. et n. est un emprunt à l'italien toscano, a, adjectif de Toscana « la Toscane », région d'Italie autour de Florence correspondant à peu près à l'ancienne Étrurie. En effet, le latin médiéval Tuscanus, de Tuscia, vient du thème tusc-, probablement de turs-, base du grec tursenoi, d'où en latin °Tursci et Etrusci. Le premier emploi connu en français, au féminin comme nom, s'applique à une herbe (v. 1250), l'adjectif au sens général « de Toscane » étant en usage au début du XIVe s. (v. 1316). Au XVIe s. apparaît un emploi spécial en art (v. 1530), ordre toscan, simplification du dorique, l'un des cinq ordres de l'architecture classique (censé avoir été emprunté aux Étrusques par les Romains).
◆
C'est aussi au XVIe s. que l'adjectif s'applique aux dialectes, aux parlers de Toscane, aussi comme nom, le toscan, pour l'ensemble des dialectes du groupe italien parlés en Toscane qui servirent de base à Dante pour l'usage littéraire, repris par Pétrarque et Boccace, et qui constitua l'élément majeur de l'italien central, devenu langue nationale diffusée et normalisée par l'écriture littéraire, puis comme langue parlée (au XIXe s.) dans toute l'Italie.
TOSSER v. n'est attesté qu'au XXe s. dans l'usage des marins, venant probablement d'un emprunt à l'anglais to toss, attesté à partir du XVe s. et dont l'origine, peut-être une langue germanique scandinave, est incertaine. Comme intransitif, il s'emploie pour « cogner de manière forte et répétée, sous l'effet du ressac » (le sujet désigne une embarcation, sa coque...). Le verbe s'emploie aussi, en Bretagne, comme transitif (tosser le quai) et par extension pour « heurter, cogner » (tosser les verres pour trinquer).
L
TÔT adv., d'abord tost (v. 880), forme qui se maintient jusqu'au XVIIe s. (1636, tôt), est issu d'un latin populaire °tostum, neutre pris adverbialement de tostus, participe passé de torrere « dessécher, griller » (→ torrent, torride ; toast). Le développement sémantique de l'idée temporelle de rapidité (Cf. torrent) s'expliquerait par une métaphore analogue à celle qu'offrent en français les emplois figurés de brûler, griller (une étape, une station).
❏
Cette étymologie paraît appuyée par le sens premier du mot en français, « vite, promptement », encore vivant au
XVIIe s. par exemple dans la locution
plus tost que plus tard « au plus vite » (v. 1350) et, de nos jours, dans la locution
avoir tôt fait de.
■
De l'idée de « vitesse », on est passé au sens de « bientôt » (v. 1180), littéraire, et à celui d'« en avance par rapport à un moment fixé » (v. 1180), courant aujourd'hui. Le sémantisme est réalisé notamment dans plusieurs locutions usuelles, tôt ou tard (1176), au plus tôt (1549), le plus tôt sera le mieux (1636), ne... pas plus tôt... que (fin XVIIe s.) ; certaines d'entre elles donnant lieu, par soudure de leurs éléments, à de nouveaux adverbes (→ aussitôt, bientôt, plutôt, sitôt, tantôt).
◆
La locution tôt-fait est substantivée au masculin (1872) pour un gâteau simple et rapide à faire (tôt étant pris avec son sens étymologique de « rapide »).
TOTAL, ALE, AUX adj. et n. est emprunté (1370) au latin médiéval totalis (XIIe s. ; l'adverbe totaliter est attesté dès le IVe s.), dérivé du latin classique totus (→ tout).
❏
Le mot, depuis Oresme, qualifie ce qui est complet, à quoi il ne manque rien et, surtout après un nom précédé par l'article défini, ce qui est pris dans son entier (1398).
◆
Il est substantivé (1559, n. m.) pour désigner un assemblage de plusieurs choses considéré comme un tout, sens disparu, et aujourd'hui une somme obtenue par addition (1723).
◆
Il entre dans la locution au total (1788) qui se prête à l'emploi figuré pour « somme toute » (1805) ; dans un usage très familier, il est employé seul en tête de proposition avec le sens de « conclusion, résultat » (1832).
◆
Totale n. f. s'emploie familièrement (XXe s., une totale) pour l'ablation de l'utérus et pour « le grand jeu » (il nous a fait la totale).
❏
Le plus ancien de ses dérivés est
TOTALEMENT adv. (1361, Oresme) « d'une manière complète, totale » et, par affaiblissement, « absolument ».
■
TOTALITÉ n. f. (1375) désigne la réunion des éléments d'un ensemble, sens qui a éclipsé celui de « caractère total » aujourd'hui sorti d'usage mais dont procède la locution en totalité (1578, en toutallité) « sans rien excepter ».
◈
Le radical de
totalité a servi à former, au
XXe s., l'adjectif
TOTALITAIRE (1927) qui s'est répandu à la fin des années 1930 pour qualifier les régimes et mouvements autoritaires nés au cours de la décennie précédente (d'abord le fascisme italien). Il est aussi employé dans un style didactique au sens de « qui englobe, prétend englober la totalité des éléments d'un ensemble ». La valeur politique est de loin la plus usuelle ; c'est elle qui suscite plusieurs dérivés et composés, notamment l'antonyme
ANTITOTALITAIRE adj. (v. 1930-1940) et le dérivé
TOTALITARISME n. m. (1936, J. Maritain), passé dans l'usage courant après 1945, et souvent pris comme synonyme soit de « dictature », soit d'« autoritarisme ».
◈
Total a aussi produit le verbe
TOTALISER v. tr. (1802) « additionner » et « atteindre un total », sur lequel sont formés
TOTALISATION n. f. (1818),
TOTALISATEUR, TRICE adj. (1869) ou
TOTALISEUR adj. dont le masculin est substantivé pour désigner un appareil totalisant les mises de chaque course hippique (1870), et
TOTALISANT, ANTE adj. (1946).
❏ voir
TOTON.
TOTCHÉ n. m. est un mot du patois jurassien de la famille du latin torta (→ tourte, tourteau) avec r amuï et palatisation du second t, désignant en français de Suisse un gâteau salé à la crème aigre. Le mot a plusieurs graphies, comme toctché ; il est bien représenté dans les patois francoprovençaux de France.