TOUNGOUZE adj. et n., écrit tunguse en 1699, est pris à cette langue turque, pour qualifier et désigner ce qui concerne un peuple d'Asie septentrionale, et comme nom, un groupe de langues de la famille dite ouralo-altaïque, comprenant le mandchou.
TOUPET n. m. est dérivé (v. 1138) de l'ancien français top (v. 1130), toup (v. 1180-XVe s.) « touffe de cheveux au sommet du crâne ». Ce mot, conservé régionalement (Cantal, tup « sommet »), est issu d'un francique °top « bout, pointe » auquel est apparenté l'anglais top « houppe de cheveux au haut du crâne », « huppe, crête », « sommet, pointe » (→ toupie).
❏  Un sens de l'ancien français, « sommet (d'une tour) », réalisé par la variante tupé (v. 1138), est resté sans lendemain. Une autre valeur « touffe de cheveux au sommet de la tête » (v. 1138, toupet) devient rapidement le sens dominant, éliminant progressivement le doublet toupe n. f., autre dérivé de top, toup. ◆  Par analogie, le mot désigne la touffe de crins située à la partie antérieure de la crinière du cheval (XIIIe s.) et une petite touffe de poils, de crin, de laine (1456). Il se répand dans les dialectes pour dénommer des touffes de végétaux, des grappes de fruits. ◆  Le sens dominant a donné en français classique une spécialisation en coiffure, faux toupet (XVIIIe s.), désignant de faux cheveux ramenés sur le front, emploi réemprunté par l'anglais toupee (XVIIIe s.) ; après l'abandon de cette mode, l'expression s'emploie au XIXe s. avec la valeur péjorative « ridicule, vieillot » et correspond à la terminologie critique des romantiques à l'égard du passé (comme trumeau et quelques autres).
■  Le sens figuré d'usage familier « audace, aplomb » (1808) s'explique par la même métaphore que front dans avoir le front de... ; il est probablement surdéterminé par des locutions familières employées aux XVIIIe et XIXe s. pour caractériser un tempérament batailleur et frondeur : dès le XVIIIe s., Saint-Simon écrit le toupet lui monte et le toupet s'échauffe « il est en colère » (av. 1755) ; on appelait parties de toupet (1789) les rixes où l'on se prend aux cheveux et, par le même développement que tête / entêter, se foutre dans le toupet (1867), correspond familièrement à « se mettre en tête, s'entêter ».
❏  TOUPILLON n. m. (1414) est le seul dérivé encore attesté de toupet : « petit toupet ». Il s'est dit par analogie des branches inutiles et confuses d'un oranger (1703), d'un bouquet de branches mal disposées sur un arbre (1842), des poils de la tête du veau (1844) et du bouquet de crins qui termine la queue des bœufs (1876). Il n'est plus guère en usage.
❏ voir TOUFFE, TOUPIE.
1 TOUPIE n. f., d'abord topoie (1202), altéré en tourpoie (1312), tourpie (v. 1360), puis toupie (1530), paraît être l'altération par changement de suffixe de la forme anglo-normande correspondante topet (v. 1138) qui désignait un jouet en poire avec une pointe, que l'on lance avec une ficelle enroulée pour le faire tourner rapidement sur lui-même. Topet est le diminutif de l'anglo-normand top « toupie », lui-même pris à l'anglais top (v. 1060 en ce sens), proprement « pointe, sommet », et qui se rattache comme l'ancien français toupe (→ toupet) au francique °top « pointe ». Le passage de topet à topoie, toupie s'explique mal ; on a fait l'hypothèse d'un verbe °topoier, dérivé de topet, qui a eu pour variante topier (XIIIe s.), d'où topie, toupie.
❏  Toupie a gardé le sens de l'étymon, la toupie étant distincte du toton, puis il a pris une valeur plus large, avec le vieillisement de toton. Il entre dans plusieurs syntagmes déterminés (tel toupie d'Allemagne, 1835) et dans la locution figurée ronfler comme une toupie « très fort » (1839). ◆  Par métaphore, il a développé le sens dépréciatif de « femme légère » (« tournant en toutes mains ») [1706] qui a disparu, mais qui annonçait l'emploi figuré de toupie pour « femme sotte, désagréable et ridicule » (1896) ; plusieurs termes insultants ayant suivi cette voie, de l'injure sexuelle à une péjoration générale (par exemple chameau). ◆  Par une autre métaphore, toupie se dit d'une personne faible, sans volonté, notamment dans la locution tourner comme une toupie (1876). ◆  Par analogie de forme et de mouvement, le mot a pris quelques sens techniques, désignant un outil qui permet d'exécuter des moulures (1876) et la machine sur laquelle cet outil est monté (1904), un pied de meuble tourné et évasé, une lampe à pétrole piriforme, valeur devenue archaïque.
❏  L'ancien dénominatif TOUPIER v. intr. (1288) « tournoyer, aller et venir », également « faire tourner comme une toupie » (XIIIe s.) et « s'agiter sur place », a disparu.
■  TOUPILLER v. (1547), formé avec le suffixe -iller, après toupier (1288), signifiait « tourner comme une toupie », aujourd'hui archaïque et régional, et par extension « aller çà et là » (1740 dans le Barbier de Séville). ◆  Ce verbe a développé un sens technique (déb. XXe s.) en relation avec toupie « organe de machine-outil ».
■  C'est en ce sens qu'il a donné lieu à TOUPILLEUR n. m. (1876) « ouvrier du bois travaillant à la toupie » et TOUPILLEUSE n. f. (1960), nom de machine.
TOUPINER v. intr., dérivé d'une variante de toupie, toupin, est attesté en Normandie (depuis le début du XIIIe s.) pour toupiller (ci-dessus) et spécialement, pour une bête attachée, s'enrouler dans sa longe.
TOUPIN n. m., attesté au XXe s. en français central, est emprunté au provençal toupin (1452), variante topin (XIVe s.), auparavant topi (v. 1220) et présent avec des formes variées dans diverses régions : toutes sont issues comme topette* d'un francique °toppin « pot ».
❏  Le mot désigne régionalement un pot de terre vernissé ou de fonte avec couvercle, allant au feu, et aussi un pot de grès pour les semi-conserves (des confits en toupin). Ces emplois correspondent aux zones occitane et francoprovençale (Savoie) de la France et de la Suisse, où le mot (1852) s'applique à une grosse cloche portée par une vache dans certaines occasions. ◆  TOUPINE n. f., de l'ancien provençal topina, de topi, en français régional du sud, désigne aussi un pot de terre. Par analogie de forme, c'est aussi le nom d'un fromage à pâte cuite de Haute-Savoie.
■  Par attraction de 1 toupie, ce mot a été modifié en 2 TOUPIE n. f., employé aux Antilles (Guadeloupe), dans l'océan Indien (Maurice), en Nouvelle-Calédonie, pour un récipient en métal servant de marmite.
? 1 TOUQUE n. f. est peut-être un emprunt (1400) au provençal tuc, tuca « courge, gourde », d'un radical °tukka, antérieur au latin. Le mot désigne un récipient métallique pour le transport des poudres, pâtes, liquides. Il est courant en français de l'île Maurice et de Nouvelle-Calédonie où le sens s'étend à des objets de récupération à partir de fûts de métal (touque à courrier, servant de boîte à lettres).
TOUQUER v. tr. est une variante régionale de toucher, du latin toccare (voir aussi toquer).
Le verbe s'est employé en France, régionalement, au sens de « prendre un repas sommaire ». ◆  En français de l'île Maurice, touquer l'hameçon se dit du poisson qui touche et mordille l'appât, sans mordre ; au figuré « faire des avances discrètes à (qqn) ».
❏  Le déverbal 2 TOUQUE n. f. n'a le sens de « touche » qu'à la pêche.
L 1 TOUR n. f. (XIIe s.), antérieurement tur (1080), est issu du latin turris de même sens, également employé à propos d'une maison élevée. Celui-ci est généralement regardé comme un emprunt au grec de même sens tursis, lequel est considéré comme un emprunt à une langue indoeuropéenne. Il se pourrait aussi que le mot latin vienne d'Asie Mineure par les Étrusques, dont le nom Tyrrheni (en latin), Turrênoi (en grec), a été rapproché de turris.
❏  Le mot désigne un bâtiment construit en hauteur, d'abord destiné à la protection militaire, seul emploi jusqu'au XVIe s. où il commence à se dire de toute construction élevée (1580) notamment dans l'expression adaptée de la Bible, tour de Babel (1580) ; il s'emploie ensuite à propos d'un clocher à sommet plat (1636) et d'un phare (1690), emploi disparu. ◆  À partir du XVIIIe s., tour a pris des valeurs spécialisées en technique (1765), qui se développent surtout au XXe s. : tour de contrôle en aviation (v. 1949), tour de forage en exploitation pétrolière (v. 1960), etc. Il désigne aussi un bâtiment de grande hauteur à usage d'habitation ou de bureaux et tend à remplacer gratte-ciel et l'anglicisme building.
■  Par ailleurs tour, en archéologie aujourd'hui, est le nom d'une machine de guerre (1538 ; 1636, tour mobile). ◆  Le mot a remplacé (1611) roc pour nommer aux échecs la pièce qui a la forme d'une tour crénelée. ◆  Par comparaison, il se dit (1669) d'une personne très robuste. ◆  L'expression figurée usuelle tour d'ivoire (1830) est due à Sainte-Beuve (d'après celle des Litanies, turris eburnea) qui l'appliqua à Vigny dont il regrettait la retraite précoce et hautaine ; on disait auparavant tour (v. 1200), dans ce sens.
❏  TOURELLE n. f. (1530), antérieurement écrit touriele (v. 1175) et turelle (1373), désigne proprement une petite tour : les variantes tornele (v. 1165), peut-être influencé par torn (→ 2 tour), tournelle (v. 1320) jusqu'au XVIIe s. par attraction de tourner*, subsistent dans la toponymie. ◆  Par extension, tourelle est employé à propos d'un abri blindé protégeant une pièce d'artillerie (1872). ◆  Il a développé quelques sens techniques, désignant par exemple les parties saillantes qui ornent un buffet d'orgue (1680), employé aussi au cinéma et pour le dispositif porte-outil d'une machine-outil (XXe s.).
■  On a tiré de tourelle l'adjectif rare TOURELÉ, ÉE (1562) « qui a des tourelles », en héraldique.
❏ voir TURNE.
L 2 TOUR n. m., d'abord torn (fin XIe s.) devenu tor puis tour (v. 1175), est issu du latin tornus « trépan, instrument de tourneur », lui-même emprunté au grec tornos, mot technique de même sens, désignant aussi une forme arrondie, une courbure et un mouvement circulaire. Tornos est apparenté à teirein « user, faire souffrir » qui se rattache à une racine indoeuropéenne °ter-, « user en frottant », qui a de nombreux représentants en grec, en latin (→ trier) ainsi qu'en celtique (→ taraud, tarière) et en germanique (→ drille).
❏  Le mot a d'abord désigné un treuil, en particulier celui d'un puits, sens encore en usage au XVIIIe s., et par spécialisation la pièce qui permettait de bander une arbalète (v. 1175), un rouet (1369) et un dévidoir (v. 1600). ◆  Dès la fin du XIIe s., tour est le nom d'un dispositif qui permet de façonner le bois, l'ivoire, etc., emploi d'où vient la locution figurée fait a tour (v. 1406), aujourd'hui fait au tour « très bien fait » (1671) ; Cf. bien tourné. ◆  Suivant l'évolution des techniques, tour désigne des dispositifs (1723, tour de potier) puis des machines, enfin des machines-outils. ◆  À partir du XVIe s. et d'abord dans les monastères, le mot s'applique à une armoire ronde et tournant sur pivot, posée dans l'épaisseur d'une muraille et servant à faire passer diverses choses d'un côté à l'autre (1549) ; par métonymie, on appelle le tour la chambre d'un couvent où se trouvait ce dispositif (1701). Tour a désigné en particulier l'armoire tournante à l'entrée des hospices dans laquelle on déposait les enfants abandonnés (1842). ◆  Par métonymie, le nom s'applique à la grande table épaisse sur laquelle les pâtissiers tournent la pâte (1680).
❏  Quelques dérivés sont d'usage technique.
■  Le diminutif TOURET n. m. (1240), aussi toret (v. 1150) en ancien français, a eu de nombreuses acceptions liées aux emplois de tour. Il s'est dit de dispositifs en forme d'anneau (v. 1240, en fauconnerie) ou de divers types de treuils (v. 1150), sens disparu. ◆  Il s'emploie depuis l'ancien français pour désigner un rouet à filer (1260), plusieurs sortes de dévidoirs (XIIIe s. isolément, tornet ; puis 1701) et, plus généralement ensuite, une petite roue qui, fixée sur un tour, est mue par une plus grande (1690) ; ces valeurs existent encore. ◆  Par ailleurs c'est le nom d'un petit tour à l'usage des graveurs en pierres fines (1676) et d'une petite machine-outil (XXe s.).
■  Un autre diminutif TOURILLON n. m. (1474), antérieurement toreillon (fin XIIe s.) puis torillon (XIIIe s.), après divers emplois (fin XIIe s., « gros anneau »), désigne un gros pivot de porte (1400) et l'axe autour duquel pivote un canon (1611). ◆  Il a donné récemment le verbe technique TOURILLONNER v. intr. (XXe s.), d'où TOURILLONNEUSE n. f. (XXe s.).
■  1 TOURIER, IÈRE adj. et n., d'abord « huissier » (1487, tourrier, n. m.), réapparaît au féminin (1564) pour désigner autrefois une laïque qui faisait passer au tour les choses apportées au couvent. ◆  Il s'applique aujourd'hui à la religieuse chargée des relations avec l'extérieur (1611), mais on dit plus couramment sœur tourière (1680). ◆  Tourier n. m. ou frère tourier ne s'emploie maintenant que pour « portier d'une communauté religieuse » (1743). ◆  Un autre dérivé de tour procède de son sens spécialisé en pâtisserie : c'est TOURER v. tr. (1765) qui se rapporte au travail de la pâte feuilletée et auquel correspond le nom d'agent 2 TOURIER n. m. (1876).
❏ voir TOURNER.
3 TOUR → TOURNER
TOURAILLE n. f., altération (1583) d'après tour-, de toraille (2e moitié du XIIIe s.), est dérivé du radical du latin torrere « brûler ». Ce mot technique s'applique à l'étuve où l'on chauffe le malt (orge germé) pour arrêter la germination, dans la fabrication de la bière, et par métonymie au malt séché.
❏  TOURAILLON n. m. (1803) désigne le malt séché en touraille ; l'opération est appelée (1880) TOURAILLAGE n. m.
? TOURACO n. m. est probablement un emprunt à une langue africaine, employé en français de Côte d'Ivoire, du Bénin. C'est le nom d'un gros oiseau au plumage coloré, à bec court, aux ailes arrondies, vivant en Afrique. Cet oiseau frugivore est comestible. Le mot recouvre plusieurs espèces différentes.
TOURANIEN, IENNE adj. est le dérivé en -ien (1771) de Touran, emprunt au persan Turân, désignant les pays d'Asie centrale situés au nord de l'Iran (Firdusi oppose Iran à Turan), et dérivé du nom de Tur, héros mythique. Le mot, repris en histoire, a servi au XIXe s. à désigner les langues appelées plus tard ouralo-altaïques, considérées par les linguistes Bunsen et Max Müller comme les rameaux d'une même famille, théorie abandonnée.
1 TOURBE n. f. est emprunté (1200) au francique °turb̸a « touffe d'herbe », reconstitué d'après l'ancien norrois torfa et le moyen néerlandais torf, turf (Cf. allemand Torf et anglais turf ; → turf).
❏  Le mot, passé en français pour désigner la matière combustible spongieuse et légère qui résulte de la décomposition de certains végétaux, n'a pas eu d'extension de sens. ◆  En français du Canada, le mot peut prendre le sens de gazon, pour « motte de terre gazonnée » et « plaque de terre gazonnée vendue en rouleau » (sens critiqué).
❏  Il a produit quelques dérivés dont le plus ancien est TOURBER v. intr., mot technique exprimant l'action d'extraire la tourbe (1248) qui constitue un humus riche en carbone. ◆  TOURBÉ, ÉE adj. se dit (XXe s.) d'un whisky qui a pris le goût de la tourbe servant à chauffer les alambics. ◆  Du verbe ont été tirés TOURBAGE n. m. (XVe s.) et TOURBEUR, EUSE n., nom d'agent (1923), limité à un usage régional.
■  Le français central emploie avec le même sens TOURBIER, IÈRE n. et adj. (XIIIe s.), repris (1832) pour désigner aussi le propriétaire d'une tourbière et employé depuis la même date comme adjectif.
■  TOURBIÈRE n. f., « gisement de tourbe », est attesté dès le XIIIe s. mais ne semble régulièrement usité qu'à partir du XVIIIe s. (1765, Encyclopédie) ; il a évincé son synonyme TOURBERIE n. f. (1260), abandonné après le milieu du XVIe s., repris en 1765.
■  TOURBEUX, EUSE adj. (1752) qualifie un sol contenant de la tourbe et ce qui est de la nature de la tourbe (1816).
L 2 TOURBE n. f. est la réfection (1283) de torbe (v. 1050), issu du latin turba « trouble, agitation, désordre », qui s'employait à propos d'une foule, à la différence de rixa (→ rixe) qui ne s'appliquait qu'à un très petit nombre de personnes. Le mot a pris le sens de « foule en mouvement et en désordre, cohue », « foule nombreuse et mêlée », généralement avec une valeur péjorative. Il était également employé dans la langue familière au sens de « querelle, dispute ». Le grec a un mot comparable, turbê « confusion, tumulte » : on a envisagé l'hypothèse d'un emprunt du latin au grec, plus plausible que celle d'une parenté originelle, en l'absence d'autres mots indoeuropéens apparentés.
❏  Tourbe s'est employé pour « foule » jusqu'à la fin du XVIe s. où il a pris (1580) le sens de « ramassis de gens méprisables », probablement sous l'influence de son homonyme 1 tourbe. ◆  C'était aussi à l'époque classique un terme de droit (1549, « assemblée de dix témoins »), parallèlement au latinisme turbe n. f. (1680) qui s'est maintenu plus longtemps dans l'expression enquête par turbe « faite en prenant le témoignage des habitants » ; turbe avait été introduit en moyen français, signifiant « grande quantité de » (v. 1370) puis « troupe de soldats » (1465).
❏ voir PERTURBER, TOURBILLON, TROUBLER, TURBINE, TURBULENT.
TOURBILLON n. m. a remplacé (XIIIe s.) la forme plus ancienne torbeillon (v. 1120, encore v. 1380) qui dérive de l'ancien français torbeil (fin XIe s.). Ce mot est issu d'un latin populaire °turbiculum, formé sur le latin classique turbo, désignant toute espèce d'objet animé d'un mouvement rapide et circulaire : cyclone, trombe, aussi sabot, toupie et, par suite, fuseau, cône ; le mot désigne aussi le mouvement lui-même : révolution d'un astre, tournoiement d'une arme, marche sinueuse d'un reptile et, au figuré, vertige de l'âme. Turbo est dérivé de turba qui a donné en français 2 tourbe*.
❏  Le mot désigne d'abord une masse d'air qui tournoie rapidement ; il est employé plus tard à propos de la poussière, de la fumée (1558), puis de l'eau (1611). Au XVIIe s., le mot a développé le sens figuré de « mouvement entraînant, irrésistible » (v. 1660) et, parallèlement, chez Descartes, le sens scientifique de « système matériel animé d'un mouvement de rotation » (1647, Descartes, Principes philosophiques), notion abandonnée à partir des travaux de Newton.
❏  Le mot a produit TOURBILLONNER v. (1529, au sens ancien de « faire grand vent »), essentiellement employé intransitivement, au propre (1583) et au figuré (1775), l'usage de la construction transitive étant propre à la langue classique (1680) pour « agiter vivement ». ◆  Le verbe a donné l'adjectif TOURBILLONNANT, ANTE, tiré du participe présent (1772), et le nom d'action TOURBILLONNEMENT n. m. (1767).
■  Au XIXe s., tourbillon a servi à former l'adjectif TOURBILLONNAIRE (1842) « qui constitue un tourbillon », terme didactique distinct par le sens de tourbillonnant.
❏ voir TURBINE.
? TOURIE n. f. vient sans doute du latin, mais on ne sait s'il faut le rattacher au radical de torrere (→ touraille, torréfier) ou à celui de torus (→ tore) selon qu'on fait référence à la fonction ou à la forme (aucun des deux n'étant très satisfaisant). Ce terme technique, depuis le XVIIIe s. (1773), désigne la bonbonne entourée de paille servant au transport des acides.
TOURIN n. m., attesté en 1802 en français, est un emprunt à un dérivé béarnais du verbe torrer « cuire », du latin torrere (→ torréfier). Ce mot régional du sud-ouest de la France désigne une soupe à l'ail et à l'oignon, liée avec un jaune d'œuf, spécialité du Périgord.
TOURISTE n. est emprunté (1803) à l'anglais tourist (1780), formé par dérivation sur le mot anglais tour, pris au sens de « voyage circulaire », lui-même emprunt (XIVe s.) au français tour, déverbal de tourner*.
❏  En français, le mot s'applique d'abord aux voyageurs anglais ou dans un contexte anglais (1816, au voyage d'un Français en Angleterre pendant les années 1810 et 1811). Il semble s'être répandu à partir de la publication du livre de Stendhal, Mémoires d'un touriste (1838), et surtout lorsque les voyages d'agrément sont devenus habituels pour les Français, ce qu'atteste l'apparition du mot tourisme (ci-dessous). À partir du milieu du XIXe s. le mot évolue parallèlement à tourisme, se répandant notamment au XXe s. lorsque les voyages d'agrément deviennent un véritable phénomène de société. Il prend souvent des connotations plus ou moins péjoratives, par rapport à voyageur (idée de groupe passif, etc.).
❏  TOURISME n. m. est un emprunt (1841) à l'anglais tourism (1811) adopté pour correspondre à touriste. Le mot anglais est plus rare que touring ou sightseeing pour « fait de voyager pour son plaisir », et que tourist industry ou tourism trade pour « industrie touristique ». Il est le plus souvent péjoratif, à la différence de l'emprunt français.
■  Tourisme a été emprunté avec son sens anglais, « fait de voyager par plaisir », et se dit par extension de l'ensemble des activités liées à ce phénomène (1930, l'industrie du tourisme). La valeur du mot se déplace au cours du XIXe s. et surtout au XXe s., notamment après 1950, avec l'apparition du tourisme de masse ; il prend alors une importance économique et même politique accrue (création d'un commissariat au tourisme, en France). ◆  Il entre dans le syntagme de tourisme (v. 1950), employé dans des expressions françaises spécifiques (avion, voiture de tourisme).
Le composé ÉCOTOURISME n. m. (1992) tente de remédier aux inconvénients dénoncés du tourisme de masse en proposant l'idée d'un tourisme de découverte de la nature dans le respect de l'environnement, de la faune et de la flore des régions visitées, y compris l'environnement humain.
AGROTOURISME n. m. (1977) désigne une forme de tourisme pratiqué en zone rurale, en gîtes ruraux, chambres d'hôtes, etc. Beaucoup plus ancien, contemporain de la diffusion de la bicyclette, CYCLOTOURISME n. m. et CYCLOTOURISTE n. apparaissent en 1890 à propos du tourisme à bicyclette (alors que le tourisme automobile, contemporain, n'a pas donné lieu à un composé durable, de même que le tourisme pédestre).
À tourisme et touriste s'ajoute le dérivé de ce dernier, TOURISTIQUE adj. « relatif aux touristes, au tourisme », l'anglais touristic, rare et péjoratif, étant postérieur (1848). ◆  L'adjectif, attesté chez Töpffer (1830), ne se répand que vers la fin du XIXe s. (1894) ; il qualifie ce qui est relatif au tourisme, ce qui concerne les déplacements et activités liés au tourisme et (mil. XXe s.) ce qui attire les touristes.
■  Quelques mots ont été formés à l'aide du premier élément TOURISTICO- représentant touristique (touristico-culturel, -géographique, -sentimental...).
TOURISTA ou TURISTA n. f. (u prononcé ou) est un emprunt (attesté en 1972) à l'espagnol, où le mot s'applique par dérision à la diarrhée de l'étranger qui ne supporte pas la cuisine mexicaine et signifie « la touriste ». Le mot s'emploie en français, avec ou sans ironie, à propos de la diarrhée infectieuse que peuvent contracter les étrangers séjournant dans des régions de climat différent de leurs habitudes (en général, des régions tropicales).
1 TOURLOUROU n. m., ancien nom populaire du soldat, du fantassin (1830), existait antérieurement sous les formes turlureau (XVIe s.) et turelourou (1640, dans un refrain) comme terme d'amitié de valeur imprécise. Il est formé sur le radical onomatopéique lur- que l'on a dans luron*, turlure* et, sous la forme urlu, turlututu*. P. Guiraud précise qu'il représenterait une forme dialectale et populaire de °tourloureur (comme on dit filou pour fileur), d'après le verbe expressif (onomatopéique) turelurer « jouer de la flûte ». Le développement sémantique de tourlourou se comprendrait, toujours selon P. Guiraud, par métaphore, le fusil du fantassin étant appelé clarinette en argot (1807) ; ce serait pour la même raison que le fantassin a été appelé au XIXe s. troubade, apocope de troubadour.
❏  Le tourlourou, type social du simple soldat en période de paix, souvent associé à la bonne d'enfants, est surtout évoqué à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Le mot est ensuite archaïque.
❏ voir TURELURE, TURLUPIN, TURLUTUTU.
⇒ encadré : Le tzigane ou tsigane