? 2 TOURLOUROU n. m., attesté en 1654, est le nom d'un crabe terrestre des Antilles. L'origine de cette acception est inconnue. Il pourrait s'agir de l'adaptation d'un mot amérindien, de la langue karib (des Caraïbes), sans rapport avec l'onomatopée qui est à l'origine du nom du soldat.
TOURMALINE n. f. (1771), d'abord tourmalin, au masculin (1758), est une adaptation, analogue à celle de l'anglais (1759), du mot cingalais toramalli, faite par les minéralogistes à propos d'un borate et silicate d'alumine, dont des variétés vertes, noires, roses sont employées en joaillerie comme pierres semi-précieuses (ce qui a donné au mot une diffusion supérieure à celle d'un terme de pure histoire naturelle).
L TOURMENT n. m., altération (fin XIIe s.) de torment (fin Xe s.), est issu du latin classique tormentum, employé concrètement pour désigner une machine de guerre reposant sur la détente de cordes enroulées autour d'un cylindre, et aussi un treuil, une machine à refouler l'eau, un cordage et, au pluriel tormenta, des liens. C'est un des sens concrets, « instrument de torture », qui a produit le sens figuré de « souffrance(s) » au singulier et au pluriel. Tormentum est lui-même dérivé de torquere « tordre » et « torturer » (→ tordre, torture). Une évolution comparable a produit le sens dominant de travail*.
❏  Le mot est passé en français avec le sens de « torture, supplice », encore au début du XVIIe s. ; mais il a aussi désigné comme en latin l'instrument du supplice (v. 1130) et, par latinisme au XIIIe s. (av. 1274), une machine de guerre, avant de se restreindre aux valeurs modernes. ◆  Il se dit d'une grande peine morale (v. 1150), spécialement dans un contexte amoureux (XIIIe s.) et, par métonymie, d'une personne qui cause de graves soucis (v. 1200) ; ces acceptions sont toujours vivantes. ◆  En revanche, tourment ne s'emploie plus en parlant de douleurs physiques (1541), et les autres sens attestés en ancien et moyen français, « orage, tempête » (1080), « ruine, destruction » (1265), sont tous sortis d'usage avant la fin du XVIe siècle.
❏  TOURMENTER v. tr. (v. 1380), antérieurement turmenter (v. 1120), couvrait anciennement un champ sémantique plus large qu'aujourd'hui. Dans ses premiers emplois le verbe exprime l'idée d'affliger de souffrances « morales » (v. 1120) ou physiques (v. 1130), usage littéraire et moins courant que se tourmenter « se faire des soucis » (v. 1175) et que le sens de « faire souffrir » en parlant d'une maladie (1499). ◆  Avec une valeur concrète, le verbe s'est employé pour « agiter violemment (un bateau, etc.) » en parlant de la tempête, du vent (v. 1175) ; l'emploi intransitif, « souffler très fort » à propos du vent (v. 1360), a disparu. L'emploi transitif pour « torturer » (v. 1175) a lui aussi disparu ou serait senti comme archaïque et stylistique. ◆  D'autres extensions apparaissent à partir du XVIe s. ; se tourmenter, qui a disparu avec la valeur concrète « s'agiter » (1559), a vieilli pour « se donner du mal pour obtenir qqch. » (1670). Par affaiblissement, tourmenter équivaut à « harceler, agiter » en parlant d'un besoin (apr. 1650). Par ailleurs tourmenter (un vin) se disait pour « altérer » (v. 1600) et, dans le vocabulaire de la peinture, tourmenter une toile « l'altérer en la reprenant trop » (1676), ou de la menuiserie, se tourmenter « gauchir » (1670), reprenant la valeur concrète du verbe. L'emploi pour « interpréter (un texte) de façon tendancieuse » (1748), analogue à celui de torturer, est très littéraire.
Le participe passé TOURMENTÉ, ÉE est lui aussi courant, adjectivé (1273) en parlant d'une personne en proie aux soucis, d'une chose soumise à une violente agitation (comme la mer, 1559) ou plus tard d'un sol irrégulier (1779). À partir de la seconde moitié du XVIIIe s., il s'applique également à ce qui sent trop la recherche ou l'effort, manque de simplicité (1762), puis à ce qui porte les traces du souci, visage ou expression (XIXe s.) et, par figure (1904), à une période agitée.
■  Le participe présent TOURMENTANT, ANTE adj. (1538) s'est en revanche moins bien maintenu, de même que le dérivé TOURMENTEUR, EUSE n. et adj. (fin XIIe s., tormenteor), ancien nom du bourreau quelquefois employé dans un style littéraire pour désigner (1555) et, comme adjectif (av. 1763), qualifier ce qui tourmente.
❏ voir TOURMENTE.
TOURMENTE n. f. (XIIIe s.), antérieurement turmente (v. 1112) et tormente (v. 1175), est issu du latin populaire °tormenta, pluriel neutre de tormentum (→ tourment) pris comme féminin singulier.
❏  Le mot, avec son sens propre de « tempête violente et soudaine », a vieilli pour se cantonner au style littéraire ; il s'est employé en ancien français pour « supplice, vive douleur physique » (XIIe s.) et au sens général de « souci, peine morale » (v. 1250), mais il s'est détaché de tourmenter dans la conscience linguistique. ◆  Tourmente est plus vivant avec le sens figuré de « troubles violents, profonds » qui date de la Révolution (1794) et « agitation, tumulte » (v. 1850).
❏  Il a produit un nom concret, TOURMENTIN n. m. (1678), employé en marine à propos d'un perroquet de beaupré puis, de nos jours, d'un petit foc utilisé par gros temps et, par ailleurs (1765), comme nom du pétrel.
■  Un autre dérivé TOURMENTEUX, EUSE adj. (1636) « frappé par la tourmente », réfection du plus ancien tormentos « qui agite l'esprit » (1227), est rare et d'usage littéraire.
TOURNEBOULER v. tr., mot d'abord populaire, est une altération (1566) de l'ancien français tourneboeler « bouleverser » (XIIIe s.), dérivé de tourneboele (v. 1175), tournebouele (v. 1265) « culbute », lui-même composé de l'impératif de tourner* et de boele, féminin fréquent en ancien français de boel qui signifie « boyau » (→ boyau). Le mot n'est plus compris aujourd'hui au sens étymologique du fait de l'influence de boule*, responsable de la forme moderne.
❏  Le verbe signifie « faire perdre la tête à (qqn) », sens repris au XIXe s. par les Goncourt ; il s'est employé pour « s'agiter, se démener » à partir du XVIe siècle.
❏  On relève TOURNEBOULAGE n. m. « trouble d'esprit » chez A. Daudet (1889).
L + TOURNER v. (XIIe s.), d'abord torner (v. 980), est issu du latin classique tornare, attesté depuis Cicéron et dérivé de tornus (→ tour), proprement « façonner au tour » d'où « arrondir », au figuré « tortiller » et « mettre en forme » (male tornati peut qualifier des vers « mal tournés »). Le mot, panroman, a supplanté les verbes classiques vertere (→ version) et torquere (→ tordre).
❏  Tourner apparaît avec le sens concret de « déplacer (qqch.) par un mouvement circulaire » et, comme intransitif (fin Xe s.), « changer de position, de direction » ; au pronominal se tourner vers qqn signifie « s'adresser à lui » ; ces valeurs générales donnent lieu à plusieurs extensions. Dès l'ancien français, les emplois intransitifs, transitifs et pronominaux se répartissent en de nombreux sens et valeurs, sans oppositions nettes entre ces fonctions. ◆  Faire tourner (qqn, qqch.) de (v. 1050), comme le pronominal soi tourner (v. 1155), ont été remplacés en ce sens par se détourner. ◆  Depuis La Chanson de Roland (1080), le verbe s'emploie par figure dans tourner le dos « partir », expression relevée plus tard avec une valeur concrète (XIIIe s.) et à nouveau au figuré à la fin du XVIIe s. (1694, tourner le dos à un lieu), ensuite avec un sujet abstrait (1718). Le sens de « partir » est assumé par tourner les talons (v. 1220), l'expression tourner casaque s'appliquant plutôt à l'idée de « se retourner », au figuré « changer d'opinion ». ◆  Plusieurs emplois concrets ont pris une valeur figurée, comme tourner ses yeux vers (1580), tourner ses pas vers (1767), etc. Depuis le XIIe s. (v. 1190), le verbe s'applique au changement de direction du vent, et le vent tourne a pris (1653) le sens figuré de « les circonstances changent ». On trouve dès le XVIe s. (1532) l'expression la chance tourne.
■  Avec une valeur générale, « mettre (qqch.) dans une position inverse », tourner est attesté au XIIe s. avec la valeur de « traduire » (1165) sortie d'usage à la fin du XVIIe s., le participe passé (une œuvre tournée en français) s'employant encore au XVIIIe siècle. Ces emplois donnent à tourner la valeur de « diriger », réalisée dans un contexte abstrait par tourner ses pensées vers (1580) ou se tourner vers « s'adresser à ». ◆  L'idée de changement s'applique à d'autres contextes ; le verbe s'emploie intransitivement pour un aliment qui devient aigre (fin XIe s.). Cette valeur du verbe est encore courante à propos du lait (voir ci-dessous le déverbal, la tourne). Il exprime aussi un changement positif, tourner (1636) étant utilisé pour un fruit qui commence à mûrir. Se tourner a aussi signifié à la fois « s'aigrir » (1393) et « commencer à mûrir » (1616). ◆  Tourner qqch. « présenter (qqch.) d'une façon qui en change la nature » (1162) reste jusqu'à l'époque classique à côté de tourner en (fin XIIe s.), spécialement dans tourner qqch. en bien (en mal) [1440-1475], tourner en ridicule « ridiculiser » (1658), auparavant tourner a fable (v. 1175). ◆  Tourner qqn « le faire changer de parti » (XIIIe s.) puis « le circonvenir » (1596) a été remplacé par retourner* mais l'emploi intransitif pour « changer ses opinions » (1878) demeure vivant. ◆  Tourner, intransitif, a donné lieu à tourner court « se retourner dans un petit espace » (1611) d'où « se terminer trop vite ou très vite » (1798, d'une maladie). On peut rapprocher de cet emploi les constructions bien, mal tourner « évoluer bien, mal », aussi avec à, tourner au désastre, à la catastrophe, etc., et, à propos des personnes, il, elle a bien, mal tourné. En français de Belgique, tourner à rien « se dégrader, dépérir ».
Une autre valeur apparaît dès les premiers textes, « remuer (qqch.) par un mouvement circulaire » (fin XIe s.), d'abord en cuisine (tourner une pâte).
■  Le verbe signifie aussi « faire mouvoir (qqch.) autour d'un axe » (v. 1170) et se spécialise au sens de « travailler au tour » (v. 1260), sens originel du latin, d'où l'emploi figuré « arranger (ses paroles, ses pensées) d'une certaine façon » (v. 1550, tourner un compliment) ; tourner un jugement « faire un jugement sur », apparu beaucoup plus tôt (1080), ne s'est pas maintenu. À ces emplois correspondent celui du participe passé dans bien, mal tourné. ◆  Avec ce même sémantisme « mouvement circulaire », tourner, intransitif, correspond à « pivoter sur soi-même » avec des valeurs figurées : le cerveau tourne « on est étourdi » (v. 1420) est devenu la tête (me, lui, etc.) tourne (1606), d'où (faire) tourner la tête à qqn « le perturber » (apr. 1650), en particulier dans le domaine amoureux (1740). Concrètement, tourner se dit d'une machine, d'un moteur qui fonctionne (comme marcher), souvent qualifié : tourner rond « bien fonctionner », tourner à vide « fonctionner sans effet pratique », en français de Belgique tourner fou « être déréglé, tourner à vide ». Ces emplois, au figuré, s'appliquent à une entreprise, une activité (c'est une affaire qui tourne).
■  Tourner a signifié « parcourir en tous sens » (v. 1360), sens encore usuel à l'époque classique, demeuré très vivant dans des usages régionaux et ruraux (souvent associé à virer). En français d'Afrique, tourner se dit pour « se promener, faire un tour ». ◆  Le verbe, en France, s'est spécialisé à propos d'une troupe de théâtre, d'un représentant de commerce qui effectue une tournée. ◆  Par figure, il a pris en moyen français une valeur abstraite, « étudier (qqch.) sous tous ses aspects » (1440-1475).
■  Depuis la même époque il s'est dit pour « aller çà et là », notamment dans tourner autour de qqn, de qqch., valeur passée dans des locutions comme tourner autour du pot (1538), tourner autour de qqn (fin XVIIe s.) et tourner autour de la question (1835) ; avec une autre construction, l'indécision est aussi marquée dans ne savoir de quel côté se tourner (1671 ; 1538, ...où se tourner).
■  Par extension, tourner, en emploi transitif, équivaut à « faire le tour de » (v. 1360), spécialement pour éviter un obstacle, valeur qui demeure au figuré (1845), notamment dans tourner la loi (1864), mais aussi dans le domaine de la chasse (1770) et plus généralement avec l'acception « prendre à revers (qqn) » (1798, dictionnaire de l'Académie).
■  Toujours avec l'idée de mouvement circulaire, tourner est passé dans le vocabulaire du cinéma, par allusion à la manivelle des premières caméras ; tourner un film s'emploie en parlant d'un acteur (1909) ou pour « faire un film ». L'intransitif peut s'appliquer au réalisateur, à l'acteur, aux techniciens (1907).
❏  Parmi les très nombreux dérivés de tourner, son déverbal 3 TOUR n. m. (XIIe s.), d'abord tor (1080), a suivi partiellement le développement sémantique du verbe. ◆  D'abord employé au sens de « volte-face », il exprime l'idée d'un mouvement sur soi-même à propos d'un objet (v. 1175) ou du corps humain (v. 1200). ◆  Il a produit plusieurs locutions du type tour de + nom, souvent avec le nom d'une partie du corps comme dans tour de bras, à tour de bras (1510) signifiant « avec une grande dépense physique », tour de main (1440-1475, au tour d'une main) « habileté manuelle » [Cf. ci-dessous tournemain], tour de rein « douleur du dos » (1640 ; déjà au XVIe s. pour une avarie dans un bateau). ◆  Prendre son tour vers a signifié (v. 1155) « se diriger vers » et tour équivaut à « promenade, voyage », « circonférence d'un lieu » (v. 1200), d'où faire un tour (1226) et faire le tour de « parcourir » (fin XVIe s.) puis « s'étendre autour de », au figuré à partir du XIXe siècle. Depuis la fin du XVIIe s. (1690), il désigne le circuit accompli par un voyageur, d'où, après un passage par l'anglais tour et ses dérivés, la série de touriste*, tourisme. Faire son tour de France s'est employé (1798) à propos des compagnons du devoir ; aujourd'hui, Tour de France désigne une course cycliste annuelle disputée depuis 1903 ; d'autres courses analogues sont appelées tour (d'Italie, etc.). Vers la même époque, le mot est passé dans le vocabulaire des sports pour désigner en général un circuit (1904).
■  Dès l'ancien français, tour désigne une action qui suppose de l'adresse, de la ruse, etc. (v. 1175), spécialement cette action commise au détriment de qqn, d'où jouer un vilain tour (v. 1275), un mauvais tour (fin XIIIe s.). Des expressions familières, du type tour de cochon, tour de con, ont la même valeur. ◆  En français de Belgique, avoir le tour « savoir s'y prendre » (peut-être ellipse de tour de main). ◆  Par ailleurs le mot se dit d'un exercice difficile à exécuter et montré en spectacle (v. 1310), d'où à l'époque classique tour de main « de bateleur » (1690). On parle plus tard de tour de cartes, tour de prestidigitation, tour de main prenant le sens général de « gestes habiles pour une opération manuelle difficile ». ◆  En même temps tour s'est employé pour parler d'une manière d'agir quelconque (v. 1226), puis d'un acte condamnable (XIIIe s.) et d'un bon procédé (1530) ; ces acceptions étaient encore très vivantes à l'époque classique où tour s'emploie aussi pour une façon originale de présenter sa pensée (apr. 1650) (d'où aujourd'hui tour de phrase [1669] ou tour) et pour la manière dont on use du langage (1659) ; dans ces emplois, comme au sens de « manière dont se présente une affaire » (apr. 1650), tour est en général remplacé par tournure*.
■  Enfin, tour a eu dès le XIIe s. (1175) le sens temporel de « fois » (Cf. l'italien volta « volte, tour » pour une image analogue) procédant de la transposition de l'idée de « mouvement tournant » à celle de « mouvement successif qui donne à chaque chose un temps pour agir ». Ce sens a disparu, comme celui de « rang successif » (v. 1450), mais a fourni quelques locutions vivantes : tour à tour (v. 1456), à son tour (1611), à tour de rôle (1611) qui vient du langage de la procédure où le « tour du rôle » était la suite des causes à entendre que l'on fournissait aux juges avant l'audience (1493, a tour de roulle) ; tour de faveur est plus récent (1835). Tour lui-même entre dans le composé usuel DEMI-TOUR n. m., d'abord à propos d'un objet (1536) puis d'une personne (1587) [→ autour, entour, pourtour].
Tourner a produit plusieurs autres noms : l'idée d'action de tourner, assumée en général par le mot tour, a nécessité la création de noms spécifiques pour rendre certaines acceptions du verbe.
■  Faute d'une telle spécification, TOURNEMENT n. m. (1355 ; v. 1180, « combat », → tournoi) s'est mal maintenu.
■  TOURNAGE n. m. (1501, tournaige) s'est spécialisé en marine (1773), puis pour l'action de façonner au tour (1842) et surtout l'action de tourner un film (1918).
TOURNE n. f., d'abord « dédommagement » (déb. XIIIe s., tornes, pl.), a désigné jusqu'au XVIIIe s. ce qui est dû (1450 ; XIIIe s., torne de bataille « gage dans un duel judiciaire »). Le mot s'emploie avec des valeurs techniques, au sens de retourne en imprimerie (1690) où il signifie « revers de la page, qu'il faut retourner » (à la tourne, « au dos ») et au jeu de cartes. ◆  Du sens de « devenir aigre » qu'a tourner, intransitif, la tourne se dit du fait de s'altérer à propos d'un aliment, surtout d'un liquide (lait, bière, vin). Cette altération est due à une bactérie, parfois appelée tourne par métonymie.
TOURNÉE n. f., d'abord « fuite, retraite » (v. 1225), seulement en ancien français, et « houe pour défoncer la terre » (v. 1225), emploi vivant jusqu'au XIXe siècle, s'est employé longtemps pour « échange » (XIIIe s.) et au sens général de « voyage » (1226 ; 1596, « petite promenade »). Il s'est spécialisé à propos d'un déplacement professionnel (1680, d'un fonctionnaire) ou de celui d'une compagnie théâtrale (1863). Par tournées « à tour de rôle » (1538) ne s'emploie plus mais le mot désigne familièrement et très couramment (1828) un ensemble de consommations qu'on paie à tour de rôle. ◆  Enfin, tournée a aussi des valeurs techniques, par exemple à la pêche (1765).
TOURNANT, ANTE adj., autrefois employé au figuré en ancien français pour « agile, changeant » (v. 1175) et jusqu'au XVIIIe s. « capricieux » (XIIIe s.), s'applique concrètement à ce qui pivote sur soi-même (1385), en particulier à un meuble (1573). ◆  Il qualifie aussi ce qui prend à revers (1876, mouvement tournant) et ce qui présente des courbes (1876). L'adjectif a été substantivé au masculin et au féminin.
■  TOURNANT n. m., autrefois « système qui fait tourner deux meules » (1385) et « endroit où un corps présente une courbure » (v. 1260), s'est aussi employé (1279) pour nommer l'endroit où une voie tourne, sens spatial aujourd'hui dominant, en concurrence avec virage. ◆  Le mot a désigné au figuré un moyen détourné pour réussir (1798) et a pris au XIXe s. une valeur temporelle, « moment où qqch. devient autre » (1837), spécialement « changement radical » (1904).
■  TOURNANTE n. f., mot apparu dans les années 1990, diffusé par les médias en 2000 à l'occasion d'un procès, désigne (d'abord dans l'usage des banlieues) un viol collectif commis par un groupe de garçons qui violent tout à tour leur victime. ◆  Le mot avait eu diverses valeurs argotiques, de « clé » (1628) à « montre » (1886) ou « valse » (1929).
TOURNIS n. m. provient (1812 ; tournie 1803) de l'ancien adjectif tourniche (XIIIe s., féminin) « qui a le vertige », auparavant torneïs (v. 1130), tornediz (fin XIe s.) « pliant, mobile ». Le mot désigne une maladie du bétail qui se manifeste par le tournoiement de la bête atteinte, mais est employé familièrement pour « vertige ».
■  Le même adjectif a produit le nom féminin TOURNISSE n. f. (1765) avec un sens technique spécialisé en charpenterie.
Il n'existe qu'un nom d'agent pour tous les sens du verbe tourner, TOURNEUR, EUSE n. (1234), d'abord « ouvrier qui travaille au tour » ; il a été recréé plusieurs fois au fur et à mesure des besoins, surtout comme nom masculin (1913 « opérateur de cinéma », sens disparu ; 1933 « organisateur de tournées ») ; la dernière acception en date (1973) concerne la finance. ◆  TOURNEUSE n. f. désigne (1836) une ouvrière qui dévide la soie. ◆  Tourneur, euse, adjectif, s'applique (1835, derviche tourneur) à ce qui tourne sur soi.
TOURNETTE n. f., autre dérivé du verbe tourner, nom d'un dévidoir cylindrique (1384), a désigné (1805) la cage tournante d'un petit animal (écureuil, notamment) et se dit encore (depuis 1872) d'une roulette coupante de vitrier, de relieur.
Tourner a aussi produit quelques dérivés verbaux par changement de suffixe.
■  TOURNASSER v. (v. 1550), réservé à un usage régional ou technique (1756), a produit TOURNASSIN n. m. (1765, tournasin).
■  TOURNILLER v. (av. 1650, « tortiller ») et TOURNIQUER v. (1866 « valser » ; 1920 en français régional), créé d'après tourniquet*, ont la même valeur « se déplacer (tourner) de manière irrégulière, aller et venir sans règle ». ◆  Tourniquer est lui-même à l'origine du diminutif familier TOURNICOTER v. intr. (XXe s.).
■  TOURNAILLER v. intr. a signifié « tergiverser » (1595), aujourd'hui « aller et venir dans un espace restreint » (1743, au Québec, puis 1785 en France).
TOURNUS n. m., bien qu'emprunté à l'allemand Turnus en français de Suisse, est de même origine latine (le mot allemand est un latinisme du XVIIIe s.) et quasi synonyme de tour, pour un ordre de succession fixé d'avance, un roulement par alternance. Le mot a été critiqué comme germanisme, mais est mieux intégré au français que l'anglicisme turn over, employé en français de France. Tournus, à partir des années 1970, est courant dans l'usage politique et administratif de Suisse romande.
Enfin, des noms composés concrets utilisent la forme conjuguée tourne comme premier élément.
La locution EN UN TOURNEMAIN (1583), de tourner et de main avec le sémantisme de tour (ci-dessus) de main, signifie « en un instant ».
TOURNEBROCHE n. m. (1581), réfection de tourne-brocque (1461), désigne celui qui tourne une broche puis (1663) un mécanisme faisant tourner une broche à faire rôtir, une rôtissoire. Tournebroche a désigné (1678) le chien qu'on faisait avancer dans une roue à cet effet.
■  TOURNEBRIDE n. m., d'abord « volte-face » (1611), s'est dit (1798) d'un relais de poste (où les chevaux s'arrêtaient et repartaient dans l'autre sens), puis d'une auberge, d'une hôtellerie de campagne (1872).
■  TOURNEVIS n. m. (1671) désigne un outil formé d'un manche et d'une tige aplatie ou en croix à son extrémité libre, destiné à tourner les têtes de vis, à visser et à dévisser.
■  TOURNE-DISQUE n. m. désignait (1936, et jusque vers 1970-1975), l'appareil électrique formé d'un plateau tournant et d'un dispositif de lecture pour disques à enregistrement sous forme de sillons. Le mot a vieilli, puis tend à disparaître avec le disque laser.
Avec un autre sémantisme, TOURNEPIERRE n. m. est un calque (1780, Buffon) de l'anglais turnstone pour désigner un oiseau échassier qui retourne avec son bec les pierres sous lesquelles se trouvent de petits animaux dont il se nourrit.
TOURNEDOS n. m. s'est dit du fait de tourner le dos (1594), d'un poltron qui « tourne le dos pour fuir » (1611). ◆  Le sens moderne, enregistré par Littré (1864), est expliqué par ce lexicographe par le fait que le plat n'était pas présenté sur la table à l'origine mais circulait derrière les convives, hypothèse très douteuse.
TOURNE-À-GAUCHE n. m. (1676) est un terme technique désignant un levier présentant une encoche, un œil et servant à tordre, à faire tourner une pièce, ainsi qu'une tenaille de forgeron, sens attesté au XVIIIe s. (1769). Ce terme correspond à des techniques artisanales anciennes.
BISTOURNER v. tr., réfection de bestourner (1175), est formé du préfixe péjoratif bes- « mal » et de tourner. Il a été repris en technique (1718, pour un objet), notamment au sens de « châtrer (un mâle) par torsion du canal spermatique » (1680 ; 1676 au p. p.). ◆  Le participe BISTOURNÉ, ÉE adj. (XIIe s.) signifie au figuré « compliqué » ; Cf. tordu, tortillé.
CHANTOURNER v. tr. est composé de 2 chant et tourner ; après s'être employé comme intransitif (1611) pour « sinuer comme un ruisseau », il s'est spécialisé (av. 1694) en menuiserie, par « tailler, évider selon un profil donné ». ◆  Le dérivé CHANTOURNEMENT n. m. (« mouvement sinueux », 1611) lui correspond (sens attesté en 1803).
❏ voir CONTOURNER, DÉTOURNER, ENTOURER (art. ENTOUR), RETOURNER, RISTOURNE, TORNADE, TOURNEBOULER, TOURNESOL, TOURNIQUET, TOURNOYER, TOURNURE, TURNEP.
TOURNESOL n. m. est la forme moderne (1611), après tornesol (1606), de l'ancien tornissol (1393), déjà relevé en 1291 (T.L.F. : 1360) sous la forme tournesot au sens de « matière colorante ». Le mot est emprunté à l'italien tornasole ou à l'espagnol tornasol, littéralement « qui se tourne vers le soleil », composés formés avec les représentants dans chacune de ces langues du latin tornare (→ tourner) et sol (→ soleil), soit parce que cette fleur se tourne vers le soleil, soit parce que son image ressemble à celle du soleil (elle « tourne » à « soleil »). Le mot grec de même sens hêliotropion a été emprunté par le français héliotrope* par l'intermédiaire du latin.
❏  Tournesol a d'abord nommé le fruit avant de désigner la plante (1501, tornissol). Le mot est concurrencé dans la langue savante par héliotrope et hélianthe mais a éliminé la formation française analogue tourne-soleil (XVIe s.) qui fut usuelle dans la plupart des parlers français ; on dit aussi soleil*.
■  Tournesol sert à désigner (1291, tournesot, puis fin XVIe s.) le colorant bleu que l'on tire d'un arbuste, le croton, spécialement en chimie (1765, teinture de tournesol ; 1872, papier de tournesol).
TOURNIQUET n. m. (1575) est probablement (Wartburg) un dérivé de tourner*, avec le suffixe -et usuel pour les noms d'outils et un élément -iq- à valeur diminutive. On y a vu un emploi métaphorique du moyen français tourniquet « cotte d'armes », auparavant turniquet ou turniquel « vêtement de dessus » ; altéré sous l'influence de tourner*, ce mot dérive de l'ancien français tunicle, emprunté au latin tunicula, diminutif de tunica (→ tunique). L'hypothèse est peu convaincante pour des raisons sémantiques, tourniquet n'ayant aucun rapport connu avec l'habillement.
❏  Le mot a d'abord servi à désigner une poutre armée de pointes de fer qui servait autrefois à fermer une ouverture. Rejoignant le sémantisme de tourner, il s'est dit pour « manivelle » (1611) et a désigné un appareil formé d'une croix tournant autour d'un axe pour laisser le passage (1669). Il s'emploie ensuite en chirurgie (1752), en marine (1836), en physique, en technique d'arrosage (1845). ◆  Il a également développé le sens figuré argotique de « conseil de guerre » (1888, passer au tourniquet), puis (1899) de « cour d'assises » ou de « tribunal correctionnel ». ◆  Enfin, depuis Sartre (1943, L'Être et le Néant), il s'emploie avec une valeur abstraite pour « mouvement par lequel un contenu de pensée se retourne et se nie ».
TOURNOI → TOURNOYER
TOURNOIS adj. inv. est dérivé (fin XIIe s., n. m.) de Tours parce que cette monnaie était frappée dans cette ville. On a de même appelé tournisien une monnaie frappée à Tournai au XIIIe siècle.
❏  Tournois a également été substantivé pour désigner une petite monnaie valant un denier, jusqu'au XVIIIe siècle. Par la suite, le mot s'est employé (1538, aussi sol [sou] tournois) pour une monnaie royale frappée sur le modèle de celle de Tours, entrant dans la locution n'avoir pas vaillant un tournois (1538), sortie d'usage à la fin du XVIIIe siècle.
TOURNOYER v. intr. (1200, tornoier), réfection suffixale de torneier, turneer (déb. XIIe s.), est dérivé de tourner*.
❏  Le verbe s'introduit avec les sens toujours vivants de « décrire des courbes sans s'éloigner » et « tourner sur soi-même dans un mouvement rapide ». Il a signifié « faire un détour », concrètement (v. 1180), d'où par figure « biaiser » à l'époque classique (1606). L'emploi pour « errer sans but » (v. 1298) a vieilli au début du XIXe s., époque où Chateaubriand l'emploie encore.
■  Par ailleurs, tournoyer s'est spécialisé dès le XIIe s. au sens de « combattre en champ clos » (v. 1165) qui disparaît au cours du XVIe s., en même temps que les valeurs liées au monde chevaleresque.
❏  TOURNOYANT, ANTE adj., réfection (XIVe s.) de tourniant (XIIe s.), participe présent du verbe, est d'abord appliqué à une personne saisie de vertige, seulement aujourd'hui à ce qui provoque le vertige (déb. XXe s.). ◆  Il a qualifié le vent qui tourbillonne (fin XIIe s.) et se dit plus largement de ce qui tournoie (1538).
■  TOURNOYANT n. m. a désigné (av. 1559) un combattant dans un tournoi ; on employait auparavant tournoieor (v. 1175), devenu tournoieur (XVe s.) et tournoyeur chez Voltaire.
■  TOURNOIEMENT n. m., réfection (XIIe s.) de torneiement (v. 1130) « combat » en général et « tournoi » (v. 1155) jusqu'au XVIe s., désigne (v. 1230) l'action de tournoyer. ◆  Le mot a eu par extension divers emplois, signifiant notamment « vertige » (1549), encore au XIXe s., et « sinuosité » à l'époque classique (1549). Il se dit au figuré pour « mouvement entraînant (des événements, etc.) » (1671).
L'idée de « combat » n'est restée vivante que dans le dérivé (déverbal) TOURNOI n. m. (XIIIe s.), antérieurement tornoi (v. 1175), tornei (v. 1130). Le mot a eu le sens général de « combat », puis s'est restreint (v. 1165, turnei) pour désigner un combat opposant plusieurs chevaliers en champ clos. D'origine ancienne, le tournoi, pourvu à l'origine d'une valeur sacrée (jugement de Dieu), serait apparu au XIe s. pour se répandre au XIIe et au XIIIe s. ; ce fut d'abord un combat sanglant opposant des bandes adverses (y compris des vilains), peu à peu ritualisé et réservé aux seuls chevaliers, qui utilisaient des armes courtoises. Le tournoi était devenu un sport mondain à la fin du moyen âge, alors réduit à une succession de joutes singulières, strictement réglées comme un ballet ; le carrousel lui succéda. ◆  Tournoi, qui a aussi signifié « action de tournoyer » (v. 1298), a pris le sens figuré de « lutte d'émulation » (fin XVIe s., « joute oratoire »). ◆  Le mot s'est aujourd'hui répandu dans le langage des jeux et sports pour désigner un concours à séries d'épreuves ou de manches.
❏ voir TORGNOLE.
L TOURNURE n. f. (1328), d'abord tournëure (v. 1265), est issu du bas latin de la Vulgate tornatura (du supin de tornare, → tourner) « technique du tourneur », également vivant en latin médiéval.
❏  Le mot, lié à tourner, a d'abord signifié « détour » et a eu divers emplois pour exprimer un mouvement circulaire (1328, « roue qui fait tourner une meule »). ◆  Il désigne à partir du XVe s. l'action de façonner au tour et son résultat (1472) et cette acception technique, aujourd'hui disparue, s'est développée dans deux directions. Dans divers domaines tournure conserve un lien étroit avec l'idée de forme donnée par le tour : « forme donnée au fer à cheval » (1757), « lamelle d'un légume ou d'un fruit que l'on tourne » en cuisine (1767) ou « déchet métallique détaché au tour » (1832). ◆  Le mot désigne aussi (1828) un bouffant qui donnait de l'arrondi à une robe.
■  Une autre évolution détache le mot du vocabulaire technique ; tournure désigne une manière de s'exprimer, d'agencer les mots dans une phrase (1509), d'où le sens plus restreint, « groupe de mots dont la construction est déterminée » (1856). ◆  Parallèlement, le mot désigne l'aspect extérieur d'une personne, sa façon de se présenter ; l'acception a vieilli et tournure « manières distinguées » (1832) ne s'emploie plus : on dit plutôt allure. ◆  Tournure a en effet pris d'autres valeurs, désignant la manière de présenter les choses (1690) et l'aspect (la « forme ») que prend une situation (1773), d'où viennent le sens d'« apparence, aspect (d'une chose) » (1734) et la locution prendre tournure (1774, prendre une mauvaise tournure), toujours usitée par ailleurs dans un contexte concret. Enfin, par extension, on parle de tournure d'esprit (1701).
TOURNUS → TOURNER
TOURON n. m. est un emprunt (1715), d'abord écrit torron (1595), mais alors donné comme mot espagnol, à l'espagnol turrón. Le mot, comme le catalan torró, le portugais torrão, vient des verbes (espagnol turrar) signifiant « dessécher, griller » et remontant au latin torrere « sécher, griller » (→ toast, torréfier, torrent, torride, tôt).
❏  Touron, rare en français, désigne une confiserie espagnole aux amandes et au miel voisine du nougat. On emploie plutôt aujourd'hui, sauf régionalement, le réemprunt TURRÓN n. m., forme espagnole.
L TOURTE n. f. est issu (XIIIe s.) du bas latin de la Vulgate torta « sorte de pain rond » (dans l'expression torta panis), auquel remontent aussi l'italien et l'espagnol torta (→ tortilla). Torta est lui-même la substantivation de torta, participe passé féminin de torquere (→ tordre).
❏  Tourte a pénétré en français avec le sens du latin, conservé régionalement ; ses emplois ultérieurs témoignent d'influences réciproques avec tarte*. Tourte est passé de la boulangerie à la pâtisserie, et se dit couramment (v. 1393) d'une pâtisserie ronde, salée, fourrée de viande ou de poisson et d'une tarte couverte fourrée aux fruits ou à la confiture (1680). ◆  Par analogie de forme, il s'emploie (1704) pour la plaque d'argile qui supporte le creuset du verrier et en métallurgie. ◆  Le mot désigne aussi un gâteau de marc de noix, de matières oléagineuses qui sert d'aliment aux animaux (1723), concurrençant alors son dérivé tourteau.
■  Par figure et comme tarte (1879, Huysmans), il signifie familièrement « idiot, imbécile ».
❏  1 TOURTEAU n. m. succède (XIIIe s.) à tortel (fin XIe s.). Le mot a d'abord désigné (comme tourte) une sorte de pain bis de forme ronde. Régionalement, il désigne une pâtisserie et une couronne de pain brioché, parfumée à l'anis. De nos jours, en français central, il ne se dit plus que d'un résidu de graines, de fruits oléagineux une fois qu'on en a retiré l'huile (XIIIe s., tourtiau ; XVIe s., tourteau). ◆  Par analogie de forme, le mot a développé dès l'ancien français (v. 1230) un sens spécial en héraldique, « figure circulaire en émail », d'où tourteau-besant (1690).
■  La forme ancienne tortel a donné le dérivé TOURTELET n. m. (1437 ; v. 1170, turtelet) à valeur diminutive (suffixe -elet), qui ne se dit plus à propos d'un gâteau rond mais reste au sens de « pâtisserie en feuille mince » (1803).
■  TOURTIÈRE n. f. désigne (1573) un ustensile de cuisine pour faire les tourtes et par métonymie la pâtisserie, salée, à la viande, ainsi qu'un gâteau sucré de pâte feuilletée, dans plusieurs régions de France (surtout Centre et Sud-Ouest), et en français du Canada (1836 au Québec, « tourte à base de porc »), avec plusieurs recettes, dont une comportant des pommes de terre et plusieurs sortes de viandes coupées en morceaux.
❏ voir TORTILLA.
2 TOURTEAU n. m. est formé (1611) par suffixation sur l'ancien français tort (→ tors), participe passé de tordre, par allusion à la démarche du crabe. Le mot a existé sous les formes isolées tourtel (XVe s.) « vertige », torteau (1419) « mal au ventre ».
❏  Tourteau est le nom d'un gros crabe au corps massif, appelé régionalement (Bretagne) dormeur.
L TOURTERELLE n. f., d'abord turtrele (v. 1050), turterele (v. 1200) et torterele (v. 1265), écrit tourterelle au XIVe s. (v. 1380), est issu d'un latin populaire °turturella, altération du classique turturilla employé par Sénèque au sens figuré de « homme efféminé ». C'est un dérivé de turtur, mot imitatif à redoublement (comme murmur, susurrus, gurgulio, et autres noms de bruits) désignant un oiseau qui roucoule. Le simple turtur est bien représenté dans les langues romanes : l'italien a tortola, tortora à côté de tortorella, l'espagnol a tórtola, l'ancien provençal tortre et tortora, l'ancien français turtre (v. 1120) puis tourtre (XIVe s.), attesté en poésie jusqu'au XVIIIe siècle.
❏  Le mot désigne une espèce d'oiseau voisine du pigeon. ◆  Il sert d'appellatif affectueux (Cf. colombe). ◆  Comme pigeon, il a fourni un nom de couleur, employé en apposition dans gris tourterelle (1845) et absolument (1819). ◆  Sa sonorité et son genre féminin l'ont prédisposé à des figures affectives, plus encore que pigeon*, qui a pris des valeurs familières et péjoratives que ne connaît pas tourterelle.
❏  Il a pour dérivé TOURTEREAU n. m. (1694), attesté une première fois sous la forme turtrel (1170) au sens de « mâle de la tourterelle ». ◆  Le mot sert à désigner une jeune tourterelle (1694) mais il est surtout employé avec le sens figuré de « jeune amoureux » (1776), le plus souvent au pluriel pour un couple.
TOUSSAINT n. f. est une réfection graphique (fin XVIIe s.) de Toussains (v. 1180), abréviation de feste Toz Sainz (v. 1131) « fête de tous les saints » (→ saint, tout). L'emploi de la devant Toussaint vient d'expressions comme la (feste) Saint-Jean, la (feste) Saint-Michel et du fait que dans la tous sainz, le pronom déterminatif la (normal au XIIe s.) a été pris pour un article quand cette valeur de le, la a disparu.
❏  Cette fête catholique en l'honneur de tous les saints est célébrée le 1er novembre et l'usage s'est répandu de fêter le même jour tous les morts, alors que la fête des Morts a lieu le 2 novembre. Ainsi, Toussaint évoque surtout aujourd'hui la célébration des morts. ◆  Au figuré, un temps de Toussaint (1917) se dit d'un temps triste et froid.
L TOUT adj. fém. TOUTE, plur. TOUS, TOUTES, pron., adv. et n. m., plur. TOUTS, est issu par évolution phonétique (XIIe s.), d'abord tuit au cas sujet et toz au cas régime (fin IXe s.), du bas latin tottus à géminée (tt) expressive, altération du latin classique totus qui a donné l'espagnol et le portugais todo. Totus s'employait en considérant les objets dans leur extension avec le sens de « tout entier, intégral » (substantivé au neutre totum « le tout »), mais il a souvent repris le sens de omnis (→ omni-) « chaque, tout ». Le mot n'a pas d'étymologie claire (de même que le groupe de omnis). J. Wackernagel propose de considérer totus comme un traitement dialectal, à rapprocher de termes désignant la cité, la nation : il fonde son hypothèse sur l'étude de termes qui, en indo-iranien, ont subi la même évolution sémantique.
❏  La majorité des emplois de tout (toute, etc.) est attestée avant la fin du XIIIe s., si l'on excepte l'emploi de l'adjectif devant un nom temporel pour indiquer une périodicité (XIVe s.) et des emplois lexicalisés ou ayant donné lieu à des locutions (surtout aux XVIe et XVIIe s.). L'emploi (XVe s.) de tout pronom pour désigner des personnes (on dit aujourd'hui tout le monde) est sorti d'usage. Le tout signifie encore aujourd'hui « toutes les choses en question » (fin XVe s.) et « ce qui est essentiel » (v. 1550). ◆  Le grand Tout s'est dit en style noble de l'univers en tant que création (1552 dans Ronsard). ◆  L'expression le tout pour le tout (1690 ; 1694, risquer le tout pour le tout) est l'emploi figuré d'une locution d'abord employée dans le langage du jeu. ◆  Les expressions usuelles tout à fait (1200 ; mise à la mode depuis les années 1970-1980 comme forme remplaçant oui), puis après tout (XVIe s.), du tout au tout (1694), c'est tout dire (1665), ce n'est pas tout de (1668), d'où ce n'est pas le tout (1735), et familièrement c'est pas tout ça (1824), et aussi comme tout (1668), pas (point) du tout (Descartes) se sont maintenues. ◆  D'autres locutions, moins nombreuses, ne sont attestées qu'au XXe s., comme avoir tout de (1923), en tout et pour tout (1935), de même que le tout ou rien (1975). ◆  Tout de bon !, formule de salut pour se séparer, est propre au français de Suisse.
Tout, suivi d'un nom de ville, sert à former des noms désignant un groupe d'habitants ou de résidents de cette ville, considéré comme significatif ou dominant. La plus notable de ces formations est TOUT-PARIS n. m. (1852), qui correspond à une spécialisation de l'adjectif parisien. ◆  Le tout- (suivi d'un nom ou d'un adj. substantivé) s'emploie pour « intégral » (le tout-nucléaire, le tout-électrique, etc.).
❏  Un seul dérivé demeure, le synonyme argotique TOUTIM n. m. (1596, toutime), surtout dans et (tout) le toutim « et (tout) le reste », encore très vivant dans la littérature argotique du milieu du XXe siècle.
■  Tout a produit plusieurs composés allant des adjectifs (tout compris, v. 1950) aux noms (tout-à-l'égout, 1886, → égout ; tout-en-un, XXe s.) et aux locutions adverbiales (à tout va, XXe s., d'une expression tout va employée dans les casinos). ◆  Deux composés, toute-puissance (→ pouvoir) et toutefois (→ fois) sont usuels.
TUTTI n. m. inv., mot de musique (1705), est un emprunt à l'italien tutti « tous ». ◆  Il signifie « tous les instruments doivent jouer » et désigne par métonymie un morceau, un passage à exécuter par l'orchestre entier.
■  TUTTISTE n. est le nom d'un musicien d'un orchestre symphonique ne jouant pas en solo. TUTTI FRUTTI loc. adj. et n. m. inv. est emprunté (1899) à l'italien tutti frutti « tous les fruits », employé à propos d'un dessert, d'une glace où autre « tous les parfums de fruits ».
■  TUTTI QUANTI est l'emprunt (1605) de l'expression italienne tutti quanti « tous tant qu'ils sont », et s'emploie à la fin d'une énumération de noms de personnes, avec une valeur souvent péjorative.
❏ voir ATOUT, ITOU, PARTOUT, PANTOUTE, 1 et 2 SURTOUT ; et TOTAL, TOTIPOTENT, TOTON.
TOUTE-PUISSANCE, TOUT-PUISSANT → POUVOIR (PUISSANCE, PUISSANT)
⇒ encadré : Le tzigane ou tsigane