TRACTION n. f. est un emprunt didactique (1503) au bas latin tractio, -onis « action de tirer », qui signifie en grammaire « action de dériver un mot », dérivé du supin (tractum) de trahere (→ traire).
❏  Le mot a été pris avec un sens technique « action d'une force qui tire un corps », d'où seulement à partir du XIXe s. des emplois scientifiques (1876) et, plus couramment, un emploi général pour désigner l'action de tirer (1890, traction mécanique). Le mot désigne en particulier un mouvement de gymnastique consistant à élever son corps en tirant sur les bras (1909 ; faire des tractions). ◆  À peu près à la même époque que tracteur*, dans le domaine ferroviaire, traction désigne le service chargé des transports et du matériel qui y est utilisé (1876). Ensuite, dans le domaine de l'automobile, traction avant (1934) se dit de l'impulsion donnée aux roues par le moteur, puis désigne par métonymie la voiture équipée avec ce dispositif (1949), avant que le procédé ne soit généralisé ; on dit par abrègement une traction.
❏  Le mot a produit un dérivé dans le domaine des chemins de fer : TRACTIONNAIRE n. m. (1961), « membre du service de la traction », mot didactique.
Le latin tractus, de trahere, entre aussi dans la composition du mot didactique PROTRACTILE adj. (1805 ; de pro-), employé par les zoologistes pour « qui peut être étiré, distendu vers l'avant », notamment à propos de la langue de certains mammifères, comme le fourmilier.
❏ voir TRACTEUR.REM. Les mots français qui se terminent par -traction (distraction, attraction...) sont empruntés à des composés latins et correspondent à des verbes en -traire.
TRADER n. m., plus ou moins prononcé à l'anglaise (trèdeur), est emprunté au mot anglais très général signifiant « commerçant », de trade « commerce », et spécialisé en terme de Bourse. C'est en ce domaine que le mot anglais a fait l'objet d'un emprunt (v. 1980) pour ce qu'on nomme en français opérateur (de marchés financiers). Cet anglicisme parfaitement inutile a plu, on a proposé de l'adapter en tradeur, tradeuse, ce qui consiste, puisqu'on disposait de opératrice, à confirmer ce qu'on prétend combattre. L'enrichissement fabuleux des traders, leur rôle dans les crises financières en ont fait des personnages emblématiques du dérèglement du capitalisme financier.
TRADESCANTIA n., francisé en tradescante en 1839, est pris au latin des botanistes, où il est formé à partir du nom d'un botaniste hollandais Tradescant. Le mot dénomme une plante exotique ornementale, aux longues tiges rampantes. La tradescantia zébrée et l'éphémère de Virginie sont les deux variétés les plus connues.
TRADE UNION → UNION
TRADITION n. f. est emprunté (1268) au latin traditio, dérivé du supin (traditum) de tradere, de trans (→ trans-) et dare « donner » (→ date) « faire passer à un autre, remettre ». Traditio désigne proprement l'action de remettre, donc la livraison, la remise de qqch. et, au figuré, la transmission, l'enseignement ; il s'applique aussi à l'héritage transmis oralement, puis par écrit.
❏  Le mot a été emprunté avec son sens propre, « action par laquelle on remet une chose à qqn », sorti d'usage sauf dans l'acception spécialisée « action de remettre les insignes d'une charge, d'une fonction » (1694) et dans l'acception juridique de « remise d'une chose mobilière » (→ aussi extradition). ◆  Il s'est employé à l'époque classique pour « enseignement qu'on transmet » (1611).
■  Dans l'usage moderne, qui met l'accent sur la transmission non matérielle, tradition désigne la transmission de doctrines religieuses, de coutumes (1488) ou de récits vrais ou faux (1624), par exemple par la voie orale, puis des récits relatifs au passé et transmis de génération en génération (av. 1654). Il se dit aussi (v. 1541) de ce que l'on connaît par la tradition. ◆  Ensuite, il s'emploie spécialement dans le domaine de la connaissance, des arts, des mœurs, pour l'ensemble des manières de faire et d'agir qui constitue un héritage du passé (1624) ; cet emploi, soutenu par traditionnel (ci-dessous), est le plus vivant en français contemporain, par exemple dans arts et traditions populaires, correspondant à folklore. Il est en général mélioratif, d'où des emplois nombreux dans la publicité, à partir des années 1960. ◆  Le mot a des connotations culturelles plus fortes dans les régions francophones de tradition orale, surtout l'Afrique, les Antilles françaises, Haïti, la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie. ◆  En matière religieuse, tradition, en français d'Europe, fait surtout allusion à la transmission des doctrines qui se sont superposées à l'Écriture sainte dans le christianisme. Le mot, dans les milieux francophones juifs et musulmans, désigne l'ensemble des textes et interprétations postérieurs soit à la Bible (notamment le Talmud), soit au Coran (en islam, tradition s'applique aux hadiths).
❏  Le dérivé TRADITIONNAIRE adj. et n. (1696) « celui qui interprète la Bible selon la tradition talmudique » est didactique.
■  L'adjectif courant TRADITIONNEL, ELLE (1722 ; 1700, traditional) « fondé sur la tradition » est employé spécialement pour qualifier un objet concret d'emploi ancien (1848), une pratique, un événement qui survient régulièrement. ◆  Traditionnel a lui-même donné, outre TRADITIONNELLEMENT adv. (1780), les mots TRADITIONALISTE adj. et n. (1849) et TRADITIONALISME n. m. (1851) relatifs à l'attachement aux notions traditionnelles et notamment, en théologie, à la doctrine selon laquelle l'homme ne peut rien connaître que par une révélation primitive et par la tradition de l'Église.
■  Traditionaliste désigne en français d'Afrique la personne qui se consacre à la tradition orale ; on emploie aussi en ce sens TRADITION(N)ISTE adj. et n. (1891) pour distinguer cette activité, par exemple celle du griot-conteur, des connotations conservatrices du mot traditionaliste en français d'Europe.
1 TRADUIRE v. tr. est emprunté (1480) avec francisation au latin traducere « conduire au-delà, faire passer, traverser », au propre et au figuré, d'où « faire passer d'une langue dans une autre » (voir ci-dessous). Traducere est formé de trans (→ trans-), et de ducere « conduire », d'origine indoeuropéenne dont les composés ont fourni d'importants verbes français (conduire, déduire, réduire, etc.).
❏  Le verbe est d'abord relevé dans l'expression traduire en cause et en procès « porter devant la justice », avant de prendre pour complément la personne que l'on cite en justice, construit avec devant (1668, La Fontaine) ou en (1734, traduire qqn en justice). Traduire s'est aussi employé jusqu'au XIXe s. au sens de « transférer d'un lieu à un autre » (1622).
❏  Aucun mot de la même famille latine ne s'y rapporte plus : 1 TRADUCTION n. f. emprunté à divers moments au latin traductio avec les sens « fait de livrer » (XIIIe s.), « fait de recevoir un grand personnage » (1511), et dit du « fait de traduire en justice » (1794) a rejoint 2 traduire (voir ci-dessous).
2 TRADUIRE v. tr., « faire passer d'une langue dans une autre », est emprunté (1520) pour le sens à l'italien tradurre ou directement au latin traducere (voir ci-dessus). Traduire a tendu à se limiter au sens de « transposer dans une autre langue », d'où traduire un auteur (1559), aux dépens des acceptions plus générales : « montrer sous un certain aspect » (1561), « incarner par des personnages » (1677), reprises au latin par la langue lettrée. Le sens linguistique s'est imposé avec celui de traduction au détriment de translater-translation (devenu par emprunt propre à la langue anglaise). ◆  Par extension, le verbe a pris le sens abstrait d'« exprimer, interpréter » (1654), par exemple dans traduire la pensée, répandu au XIXe s. dans le domaine artistique, psychologique, puis dans le langage didactique.
■  Traduire a fourni le préfixé RETRADUIRE v. tr. (1695) qui signifie spécialement « traduire un texte qui est lui-même une traduction » (1733, Voltaire) ; en dérive RETRADUCTION n. f. (1935), d'après traduction.
■  Du radical traduis- de traduire sont dérivés les adjectifs TRADUISIBLE (1725) « qui peut être traduit », précédé par INTRADUISIBLE (1687), ce qui souligne la prise de conscience des difficultés de la traduction.
Le développement sémantique du verbe correspond à celui de 2 TRADUCTION n. f. qui se spécialise (1543) au sens de « passage dans une autre langue ». Par métonymie, le nom s'applique au texte transposé dans une autre langue (1540), emploi qui l'a emporté sur ses équivalents, translation, version, et a développé, en relation avec le verbe, le sens figuré d'« expression, transposition » (1716). ◆  Au sens propre, on parle aujourd'hui de traduction assistée par ordinateur (T. A. O.) et de traduction automatique, expression plus ancienne mais prématurée. ◆  En biologie, en génétique, traduction se dit (v. 1970) de la synthèse d'une protéine à partir d'une molécule de l'A. R. N. messager, dont la séquence de nucléotides définit la structure (l'« alphabet » des acides nucléiques, à 4 « lettres », y est traduit en alphabet à 20 lettres des protéines). Cf. transfert, dans ARN de transfert.
■  Par changement de suffixe, le nom a servi à former les mots didactiques TRADUCTIBLE adj. (1790), équivalent didactique de traduisible, précédé par INTRADUCTIBLE adj. (1771) et qui a produit TRADUCTIBILITÉ n. f. (v. 1950).
TRADUCTEUR, TRICE n., d'abord emprunté isolément au latin traductor sous la forme traduitor « guide » (XVe s.), a fourni par la suite (1540) un nom d'agent à 2 traduire. ◆  Par le même développement figuré que le verbe et le nom d'action, traducteur désigne la personne qui exprime autrement une réalité (1860) et, techniquement, un dispositif transformant un courant électrique en impulsions lumineuses et inversement (1860, n. m.). ◆  Au sens propre, traducteur est devenu le nom d'une profession, distincte de celle d'interprète* car elle ne concerne que l'écrit. ◆  Son féminin TRADUCTRICE n. f. désigne spécialement un petit dictionnaire bilingue électronique (v. 1970).
Le moyen français translater « traduire » et translation « traduction », remplacés par traduire et traduction, se sont conservés avec d'autres sens (→ translater) ; ils ont été empruntés au français par l'anglais (to translate, translation).
TRAFIC n. m. (1559), d'abord adapté en traffitz (1339), également trafique n. f. aux XVe-XVIe s., est emprunté à l'italien traffico (1323), déverbal de trafficare (XIVe s.), lui-même d'origine incertaine. L'hypothèse de P. Guiraud qui, s'appuyant sur les premiers emplois du mot liés aux idées de « tromperie » et de « dénaturation », remonte à une forme secondaire du latin transfingere « transformer », ne peut rendre compte de l'italien traffico, ni de l'espagnol trafago, accentués sur la première syllabe. Par ailleurs, Battisti et Alessio signalent une forme napolitaine trafëca(rë) « transférer, transvaser du vin de baril dans des fiasques », emprunt au catalan trafegar qui suppose un latin °transfaecare, fait, sur le principe de defaecare et infaecare (Tertullien), de trans (→ trans) et de foex, foecis « dépôt, lie » (passé dans le français fèce*).
❏  En moyen français, comme le note P. Guiraud, trafic est souvent accompagné d'un mot exprimant l'idée négative de « fausseté » ; cependant jusqu'au XVIIe s., il désigne le commerce en général et s'emploie au XVIe s. et à l'époque classique (1552) avec une valeur figurée correspondante, « domaine où s'exerce une activité ». Parallèlement, trafic désigne le fait de monnayer un bien moral (1541), emploi auquel correspond la locution d'abord juridique trafic d'influence. Le mot s'emploie ensuite (sans épithète dépréciative) pour parler d'un commerce plus ou moins immoral et illicite (1656).
■  Le sens de « mouvement général des trains » (v. 1850), étendu (déb. XXe s.) aux bateaux, aux avions et aux véhicules automobiles, est un anglicisme : il vient de l'anglais traffic, lui-même repris au moyen français sous les formes trafiykke (XVIe s.), trafjick (XVIIe s.) et enfin traffic (XVIIIe s.), et qui s'est appliqué au mouvement des véhicules (1825) avant de se dire des chemins de fer (1850). ◆  Le mot se dit aussi en français (1909) à propos de la circulation de nombreux véhicules.
❏  TRAFIQUER v. tr. est emprunté (mil. XVe s.) à l'italien trafficare (ci-dessus).
■  En relation avec trafic, il s'est employé comme intransitif à l'époque classique au sens de « faire du commerce avec un pays lointain » et a signifié « entretenir une correspondance, des relations avec qqn » (1461), aujourd'hui péjoratif pour « avoir des relations condamnables (avec qqn) » (1579, trafiquer avec). Il est devenu péjoratif dans tous ses emplois, trafiquer de signifiant « faire trafic de qqch., en réalisant des profits illicites » (1581), puis plus récemment trafiquer, transitif (v. 1900) « manipuler (une chose) afin de tromper sur la marchandise » (v. 1900), emploi qui réactualise la notion très ancienne de « dénaturation » et qui est assez courant au passif et participe passé (des denrées trafiquées). ◆  Le verbe s'emploie aussi familièrement pour « faire, fabriquer » (1885), également au pronominal se trafiquer (1844).
Le verbe a d'abord donné deux noms d'agent. Dès le XVe s., TRAFIQUEUR, EUSE n., « commerçant », « personne qui fait un trafic », aujourd'hui rare sous la concurrence du participe présent substantivé TRAFIQUANT, ANTE n. (1585, puis fin XVIIe s.), d'abord « commerçant », qui a pris son sens péjoratif au début du XIXe siècle.
■  De trafiquer, on a tiré le verbe suffixé TRAFICOTER v. intr. (1933), « mener un petit jeu malhonnête », étendu à « mener des activités occultes dans son coin ». ◆  Celui-ci a donné à son tour un nom d'agent, TRAFICOTEUR, EUSE n. (v. 1950) et un nom d'action, TRAFICOTAGE n. m. (v. 1960), tous deux familiers.
TRAGE ou TRAIGE n. m. est le déverbal du verbe trager, d'usage régional en Bourgogne et en Franche-Comté, et issu du latin populaire °trebare. Le mot désigne un passage, un couloir qui fait communiquer deux rues, deux voies à travers des maisons et leurs cours (comme traboule dans le Lyonnais).
TRAGÉDIE n. f. est emprunté (v. 1300) au latin tragoedia, lui-même pris au grec tragôdia, désignant un genre littéraire né à Athènes et qui s'est développé de la seconde moitié du VIe s. jusqu'au milieu du Ve s. par l'adjonction d'un acteur, de deux, puis de trois, à un chœur d'abord seul, évolution qui a eu lieu au théâtre de Dionysos. Par extension, le mot grec s'est dit quelquefois d'un style pompeux. Il est dérivé de tragôdos « membre d'un chœur tragique » et « acteur de tragédie » (plus rarement « auteur de tragédies ») dans lequel on reconnaît les mots tragos « bouc », nom d'agent tiré de tragein « croquer » et -ôdia, de ôdê « chant » (→ ode), mais dont le sens reste controversé. On l'a interprété comme celui qui chante et danse pour obtenir le prix du concours, qui aurait été un bouc, ou à cause du sacrifice d'un bouc : l'helléniste F. Robert part d'une analogie de destination entre le sacrifice du bouc de Délos et le sacrifice mis en scène dans la tragédie, tous deux chargés comme le pharmakos (→ pharmacie) de libérer la cité d'une souillure.
❏  Le mot s'est introduit en français avec le sens de « conversation, discours sur des sujets déplorables », emprunt scolaire au latin médiéval qui ne désignait plus qu'un style narratif grave et noble. ◆  Le sens antique, faisant référence au grec par le latin, apparaît en même temps (v. 1300) dans des traductions. Il se répand à la Renaissance où les théoriciens appliquent le mot à un genre moderne en formation (1549), d'abord proche de la tragédie antique ou de ses adaptations italiennes et se modifiant à l'époque classique. À partir du XVIIe s., tragédie s'emploie (1636) à propos du genre dramatique noble et comportant des événements tristes et sanglants, déplorables, et de la façon qu'a un auteur de traiter ce genre (1690). Au XVIIIe s. avec l'évolution du théâtre, la terminologie hésite pour dénommer le drame* bourgeois et Beaumarchais utilise tragédie bourgeoise (1757), tragédie héroïque, tragédie domestique (1767), dénominations qui ne resteront pas. ◆  La tragédie s'emploie ensuite pour parler des règles particulières à l'interprétation d'une tragédie (fin XIXe s.).
■  Le sens figuré, « événement ou ensemble d'événements funestes », proche de l'emploi en moyen français, est déjà attesté en latin classique et repris au XVIe s. (1552). ◆  En français moderne, les valeurs figurées sont des métaphores du théâtre, par exemple jouer la tragédie « feindre des comportements propres à exciter la pitié » (1876).
❏  Le mot a produit plusieurs noms d'agents, comme tragecdique n. m. (isolément au XVIe s.), substantivation d'un adjectif (v. 1380) que reprirent les Goncourt (1862, « qui aime le théâtre »).
■  TRAGÉDIEN, IENNE n. (1380 ; 1372, tragedian), d'abord appliqué à un acteur du théâtre tragique antique et étendu ensuite (1741) à un acteur moderne de tragédies, a eu du mal à s'implanter : il a été critiqué au XVIIIe s. et on lui préférait comédien.
■  TRAGÉDISTE n. (v. 1750) a été aussi lancé au XVIIIe s. avec ce sens et, sans succès, pour désigner un auteur de tragédies (1775).
TRAGIQUE adj. est emprunté (1414) au latin tragicus, terme littéraire pris au grec tragikos, adjectif correspondant à tragôdia (ci-dessus).
■  Le mot a été emprunté avec sa valeur antique « qui appartient à la tragédie grecque », sens repris à la Renaissance (1546, Rabelais). La valeur de l'adjectif se modifia au fur et à mesure de l'évolution du genre en France et s'étendit, sous l'influence de l'usage latin, à l'auteur (1685) et à l'acteur (1803) des tragédies (auteur, acteur tragique). ◆  Un tragique n. m. se dit (1485) d'un auteur de tragédies et le tragique est un terme de littérature pour désigner le genre tragique (1566). Avec la tragédie bourgeoise du XVIIIe s. (remplacée par drame* bourgeois), on a nommé le genre tragique bourgeois (1765). ◆  L'emploi figuré (1569) imité du latin s'est répandu après le XVIe s., éliminant tragédieux (1553, de tragédie) ; il a donné lieu, parallèlement à tragédie, à une substantivation à propos d'un événement qui présente un caractère terrible (av. 1679) et ce qui est terrible dans une situation (le tragique de la situation). Cet emploi a servi à former les locutions usuelles prendre au tragique (1747) et tourner au tragique (1798).
■  Son dérivé TRAGIQUEMENT adv., surtout employé au figuré (1558), est rare avec son sens en littérature (1549).
TRAGI-COMÉDIE n. f. est emprunté (1527) au latin tragi(co)comoedia, hybride de tragedia et de comoedia (→ comédie) « pièce de théâtre où se mêlent les éléments tragiques et les éléments comiques ».
■  Le mot s'est répandu au début de l'époque classique, au moment où le théâtre met à l'honneur un genre de pièce tenant à la fois de la tragédie par le sujet et les personnages et de la comédie par les incidents et le dénouement (1628) ; on a dit aussi tragicque comédie (1546). Il a développé un sens figuré analogue à ceux de tragique et comique (av. 1614).
■  Le composé TRAGI-COMIQUE adj., d'après comédie / comique (1610), terme de littérature, (1674 acte tragicomique) est couramment employé au figuré (1708).
TRAGUS n. m. est un emprunt du latin médical au grec tragos, nom du bouc (→ tragédie), devenu terme d'anatomie pour une saillie triangulaire, à la partie antérieure de la conque de l'oreille (évoquant en grec l'oreille de faune). Le mot est employé en français depuis 1751.
❏  TRAGOPAN n. m. est un emprunt (1780) au latin, lui-même pris au grec, où tragopan désigne un oiseau mythique. Le nom est composé de tragos et du nom du dieu Pan. C'est le nom d'un oiseau de l'Inde, proche du faisan, qui porte deux caroncules en forme de cornes (d'où son nom) et un plumage présentant des ocelles.
L TRAHIR v. tr., d'abord écrit traïr [trair] (1080), déjà attesté au Xe s. par la seconde personne du présent de l'indicatif trades « tu trahis » (v. 980), est issu d'un latin populaire °tradire, altération du classique tradere composé de trans (→ trans-), et dare « donner » (→ date). Tradere signifie proprement « livrer, transmettre » ; il a développé plusieurs sens dont procèdent, par deux types d'évolutions divergentes, les valeurs opposées de « confier » et de « livrer, abandonner » ; c'est la francisation d'après traïr du latin traditor qui a donné traître*.
❏  Le mot est passé en français avec le sens de « manquer à la foi donnée à qqn », d'où par extension dès le XIIe s. : « abandonner (la personne aimée) pour une autre » (v. 1130), « ne pas seconder », en parlant d'une chose (v. 1175) et « agir contre (un idéal, etc.) auquel on était fidèle » (fin XIIe s.). Le -h- de la forme actuelle (attesté au XVe s.) ne répond qu'à la nécessité de séparer le -a- du -i-. ◆  Au cours du XVIe s. le verbe prend d'autres acceptions par extension : « ne pas respecter (un pacte) » (v. 1550), « abandonner en passant à l'ennemi » (1559) ; il emprunte au latin le sens de « livrer (un secret) » (1580) et par ailleurs, avec un sujet nom de chose, signifie « être ce qui permet de révéler le secret de qqn » (1580). ◆  À partir du XVIIe s. le verbe, fréquent dans la tragédie (Corneille, Racine), signifie « ne pas prendre parti pour (la cause de qqn) » (1636) et, à l'époque classique seulement, « ne pas être reconnaissant » (1640), valeur à laquelle correspond la locution trahir la confiance de qqn (1671). ◆  Trahir s'emploie également pour « être l'indice de (ce qui était dissimulé) » (1690) et plus tard pour « laisser voir (ce qu'on voulait cacher) » (1836). Par extension le verbe a pris plus récemment (XXe s.) le sens de « donner une idée fausse (de qqn ou qqch.) ». ◆  La forme pronominale se trahir n'apparaît qu'au XVIIe s., au sens d'« agir contre ses propres intérêts » (1650), qui a disparu. Se trahir signifie ensuite « laisser découvrir qqch. malgré soi » (1672) et « se manifester » (av. 1750).
❏  De l'ancienne forme du verbe est dérivé traïsun (1080) refait en TRAHISON n. f. (1538 ; trahyson, XVe s.), « action de trahir », partiellement synonyme de traîtrise. Haute trahison (1677, Bloch et Wartburg) est emprunté à l'anglais high treason (treason étant repris au français) et a signifié « lèse-majesté » ; l'expression s'emploie aujourd'hui (1810, Code pénal) pour un crime d'intelligence avec l'ennemi. ◆  Trahison s'applique aussi (1673) à l'infidélité en amour. Il s'emploie au figuré (1642) pour l'action de dénaturer une pensée en la présentant.
❏ voir TRAÎTRE.
TRAIL n. m. est un emprunt (v. 1985) à l'anglais trail bike « moto de piste », appliqué à un engin de moto-cross, employé en français pour une moto légère dotée d'une suspension à grand débattement.
TRAILLE n. f. n'est attesté qu'en moyen français (1403) mais doit être plus ancien, puisqu'il est issu par voie orale du latin tragula « javelot ». C'est le nom d'un dispositif constitué par un câble tendu d'une rive à l'autre d'un cours d'eau, le long duquel une embarcation peut traverser en utilisant le courant (bac à traille) ; le mot s'applique aussi à l'embarcation.
TRAIN, TRAÎNEAU → TRAÎNER
L + TRAÎNER v. est la réduction (XIVe s.) de traïner [écrit trainer] (v. 1131), issu d'un latin populaire °traginare, dérivé d'un type assez rare °tragere, forme altérée de trahere « tirer », qui a donné traire*.
❏  Dans les premiers textes, le verbe s'emploie à propos de déplacements dans l'espace ; il signifie « forcer (qqn) à aller quelque part » et « tirer (qqn) après soi », d'où plus tard « se faire accompagner par qqn » (1690) puis « tirer (qqch.) » (v. 1155). Il s'emploie aussi intransitivement au sens de « pendre à terre » (déb. XIIe s.) en parlant d'un objet.
■  Par extension traîner développe l'idée de difficulté à se déplacer, d'abord au pronominal se traîner « avancer avec peine » (XIIe s.), d'où ensuite « suivre difficilement un groupe » (v. 1550) et « aller quelque part à contre-cœur » (déb. XVIIIe s.). ◆  À partir du XVIe s. apparaissent avec cette valeur des locutions où le verbe est à l'actif : traîner ses pieds (1552), devenue traîner les pieds, traîner la jambe (1690) ou la patte, traîner sa chaîne, au propre (apr. 1550) et au figuré, puis au XIXe s. se traîner aux pieds de qqn, également au figuré. ◆  Par figure traîner signifie « supporter (qqch.) dont on ne peut se débarrasser » (1440-1475), en particulier une façon de vivre pénible (mil. XVIe s.). ◆  Par une autre figure, le verbe s'est employé (fin XVe s.) pour « entraîner », en parlant de choses, et pour « séduire », notamment dans traîner les cœurs (après soi) [1667].
■  Une autre valeur différente apparaît à la fin du XVIe s. à propos des personnes, « aller sans but », avec une idée d'activités douteuses, déréglées, et à propos des choses, pour « être laissé à l'abandon, en désordre ». De là l'emploi pour « pendre en désordre » (1694) et l'usage abstrait pour « se trouver partout » (1727) à propos d'idées. ◆  Dès le XVe s. traîner s'emploie avec une valeur temporelle, signifiant « durer trop longtemps » (1440-1475), spécialement à propos de la voix (1549, tr. ; 1861, intr.). En parlant de personnes, il équivaut à « s'attarder, perdre du temps » (1580), d'où « prolonger volontairement (qqch.) » (1636), dans traîner qqch. en longueur, traîner qqn « lui faire attendre l'issue de qqch. » (1680) ; ces emplois transitifs ont disparu, remplacés par l'intransitif dans faire traîner (les choses en longueur), laisser traîner, etc. Le verbe se dit aussi d'une personne qui se laisse distancer (1718), puis de quelque chose qui se dissipe difficilement : brouillard, nuages, etc. (apr. 1850). La même valeur s'exprime au pronominal se traîner « s'étirer en longueur », par exemple d'une conversation (1807), et « se passer lentement et péniblement » (déb. XIXe s.).
❏  TRAÎNANT, ANTE adj., du participe présent, qualifie un objet qui traîne au sol (v. 1160) puis s'applique à une voix languissante et monotone (1580) et à une œuvre qui s'étire en longueur (1640), emploi tombé en désuétude.
Au XIIe s., le verbe a produit les déverbaux train et traîne, le premier ayant un développement sémantique très riche étendu sur plusieurs siècles.
TRAIN n. m. a d'abord désigné (v. 1160) un ensemble de choses, et dans les chansons de geste, de cadavres dont la terre est jonchée, valeur propre à l'ancien français. ◆  Ses autres sens anciens « convoi de bêtes voyageant ensemble » (v. 1190), « file de bêtes de somme voyageant ensemble avec le personnel de service » (v. 1240) et « ensemble de domestiques, de chevaux, de voitures accompagnant une personne » (v. 1225) ne sont plus employés en français central, mais ils amorcent plusieurs sens modernes en mettant l'accent sur l'idée de file, de suite en mouvement. ◆  Ce sémantisme s'est néanmoins conservé en français de Suisse, avec des syntagmes comme train de campagne « exploitation agricole » (1849 dans Amiel), aussi train et train de paysan, emplois connus encore au XXe s. en Bourgogne. Le mot n'a alors aucun contenu impliquant « suite » ou « mouvement ». ◆  Ainsi, train se dit aujourd'hui d'une suite de choses tirées ou entraînée à propos de divers véhicules (1660, de bateaux) et en technique d'un ensemble de choses semblables fonctionnant en même temps (1836), tel un train de laminoir. Le mot est employé dans le domaine militaire (déb. XIXe s.), autrefois en emploi déterminé (le train des équipages Cf. ci-dessus tringlot), en parlant des attelages conduisant les munitions, les approvisionnements. ◆  Dès le XVIIe s., il s'employait au figuré à propos d'une série de pensées (XVIIe s.), aujourd'hui d'actes de caractère officiel (v. 1960), par exemple un train de mesures.
Une extension concrète de l'idée de « suite, convoi » a connu une fortune particulière, donnant le sens de « locomotive et ensemble des wagons de chemins de fer » (1829), puis par métonymie celui de « voyageurs d'un train » (déb. XXe s.). Ce sens a engendré un certain nombre de syntagmes (train rapide, train express, train express régional, en France, abrégé en T. E. R., train régional en Suisse) et quelques locutions ; il colore en français actuel l'ensemble des emplois, souvent sentis comme métaphoriques (prendre, manquer... le train). Le syntagme train à grande vitesse est abrégé en France en T. G. V., n. m. très courant.
Par un autre développement, l'accent est mis sur l'allure, le mouvement, d'abord d'une bête de somme ou de trait (XVe s.) puis également d'une personne (1580), emploi aujourd'hui marqué comme littéraire en dehors de certaines locutions : aller son train (archaïque), train de sénateur (1668) « démarche lente et solennelle », du train où vont les choses (1761, du train dont les choses vont). ◆  Ultérieurement, train pour « allure » est employé dans le langage des sports à propos d'une course de chevaux (1855), d'une course cycliste (1885) et d'autres courses.
■  Par attraction de l'ancienne valeur de train, « suite d'une maison, domesticité » et aussi « dépenses » (fin XVe s.), le mot a désigné l'ensemble des moyens matériels (fin XVe s.), notamment dans l'expression train de vie (1879) autrefois au sens de « manière de vivre » (1588). Cette valeur survit dans mener grand train (1872). ◆  Une spécialisation rurale, vivante au Québec, donne à train la valeur de « suite d'activités quotidiennes de la ferme : traite des vaches, travaux, nettoyage... ».
■  D'après certains emplois attestés dès le XVe s. avec la préposition en, il est entré dans la locution adverbiale en train « en action, en mouvement, en cours d'exécution » (v. 1480) et dans la locution prépositionnelle en train de (1668) « disposé à », qui n'est plus guère réalisé qu'en phrases négatives. L'emploi moderne de en train de n'exprime plus l'imminence de l'exécution d'une action (1567) mais l'aspect duratif (1731, Marivaux).
■  Une autre acception, liée à l'idée de mouvement, déplacement de nombreuses personnes, est « agitation », d'où « tapage » (1768), qui survit dans mener un train d'enfer, passée aujourd'hui au sens de « très vive allure ». Ce sémantisme est actif en français du Canada, pour « bruit, tapage » et « agitation », par exemple dans faire, mener du train, un train, un train d'enfer ; aller faire, aller mener le train (quelque part).
■  Enfin, train est pris concrètement dans un certain nombre d'emplois pour désigner la partie d'un objet qui traîne : il s'applique à la partie d'un véhicule qui porte le corps d'une voiture (1467), d'où au XXe s. le train d'atterrissage d'un avion (1912) ; il se dit aussi de la partie de devant, et surtout de derrière, d'un animal de trait et par extension de tout quadrupède (XVIe s.). L'expression train de derrière et le composé arrière-train (ci-dessous) ont suscité l'apparition d'un sens argotique, puis familier, de train, pour « derrière, postérieur » (1878), surtout dans l'expression botter le train. ◆  Ce sens fournit les composés AVANT-TRAIN n. m. (1704 ; 1628, avantrein) et ARRIÈRE-TRAIN n. m. (1827), dénomination familière du derrière humain. ◆  Quant à l'expression mise en train, à l'origine employée en imprimerie, elle vient d'un ancien sens de train « partie d'une presse d'imprimerie sur laquelle on posait la forme » (1680).
■  La duplication de train en TRAIN-TRAIN n. m. (fin XVIIIe s.) est une corruption de la locution plus ancienne trantran* par attraction phonétique et sémantique de train « allure ».
Le déverbal féminin TRAÎNE n. f., d'abord traïne (1172-1174), trahine (v. 1180), a été employé dans la locution a traîne pour qualifier une chose répandue sur une surface, et a eu les sens de « retard » (1172-1174) et de « prison » (v. 1180) en ancien français. ◆  Le mot est resté jusqu'au XIXe s. d'usage rare et technique, avec différents sens concrets (1466,« poutre » ; 1457, « traîneau ») et il a développé en marine le sens de « filet qu'on traîne derrière un navire » (1553). ◆  Le sens de dispositif traînant sur certains sols, sur la neige (sans patins, à la différence de traîneau), est vivant en français du Québec, notamment avec la locution traîne sauvage, à propos du véhicule traîné sur toutes sortes de sol qu'employaient les Amérindiens, dit aussi tabagane (→ toboggan). En général, on dit au Québec traîne pour traîneau et traîneau pour luge. ◆  C'est au XIXe s. que l'on a commencé à dire la traîne pour le bas d'un vêtement qui traîne (1843) et, régionalement, pour un chemin creux (1832). ◆  La locution à la traîne, appliquée à un bateau remorqué par un autre (1718) et à un type de pêche (1876), est passée dans l'usage courant avec le sens figuré de « en désordre, à l'abandon » (v. 1900) et dans l'usage familier pour « en arrière d'un groupe de personnes » (1931). ◆  Ciel de traîne s'emploie en marine et en météorologie, à propos d'une fin de perturbation.
TRAÎNEAU n. m., dont la forme actuelle (1549) a été précédée par trainneaul (fin XIVe s.) et traneau (1227), désigne d'abord (comme traîne) un véhicule dont une partie traîne sur le sol, le plus souvent sur la neige, utilisé pour le transport des marchandises et (fin XVIe s.) une voiture à patins, valeur spécialisée à propos d'un véhicule se déplaçant sur la neige. Au Québec, traîneau s'emploie aussi là où on dit luge en France. ◆  Le nom désigne aussi un grand filet de chasse ou de pêche que l'on tire (v. 1270) et anciennement, en agriculture, un cadre de bois traîné sur des terres labourées pour les aplanir (fin XIIIe s.).
D'autres dérivés restent en relation plus étroite avec le verbe.
■  TRAÎNÉE n. f. a d'abord été employé comme terme de vénerie (v. 1354) en parlant d'une trace faite avec des morceaux de bête morte pour attirer le loup dans un piège. Il a pris par généralisation le sens de « trace laissée par une substance répandue sur le sol » (1493, traînée de poudre), aussi au figuré. ◆  Il s'applique par extension à ce qui s'étale sur une certaine longueur (1602), en particulier à la trace d'un corps en mouvement (1701). Il désigne en termes de pêche une longue ligne de fond (1872). ◆  Le sens figuré et familier de « groupe de personnes, suite » (1423), quasi-synonyme de train dans ses emplois anciens, est presque éteint de nos jours. ◆  L'accent se déplaçant sur l'action de traîner, le mot désigne le mouvement de ce qui traîne (1887) et s'emploie en technique (1949), opposé à poussée.
■  Un sens métaphorique familier, lié à une acception du verbe traîner pour « aller sans but », spécialisée pour « femme de mauvaise vie » (v. 1488), s'est répandu à partir du XVIIIe s. (Rousseau) ; avant de vieillir, au XXe s., ce fut un terme d'injure méprisante dans le langage bourgeois.
■  TRAÎNEMENT n. m., autrefois au figuré « effort » (1295), et au propre « action de traîner un condamné dans une ville » (1501), puis « action de se traîner » (1538), désigne le bruit fait par qqch. qui traîne (v. 1550). Le mot est rare pour « action de traîner ».
■  TRAÎNERIE n. f., créé avec les sens anciens de « maladie de langueur » (1555) et « pêche à la traîne » (1560), s'est à peine mieux conservé avec la valeur générale, « fait de traîner » (v. 1600), emploi vivant au Québec, où l'on dit c'est pas, ça sera pas une traînerie pour « c'est, ce sera rapide, vite fait ». Par métonymie on emploie le mot au pluriel, au Québec, pour « choses qui traînent, qu'on laisse traîner ».
■  L'autre nom d'action, TRAÎNAGE n. m., d'abord écrit traisnage (1531) « action de traîner un fardeau », est vivant avec des sens très limités, souvent techniques.
■  Le nom d'agent TRAÎNEUR, EUSE n., lui-même attesté depuis le XVIIe s., a été précédé par l'ancienne forme de féminin traîneresse (v. 1330) appliquée à celle qui traînait un condamné par les rues. ◆  Traîneur d'épée (1639 ; v. 1600, traineux) a disparu mais traîneur de sabre, familier pour « soudard » (déb. XIXe s.), s'est maintenu. Le nom désigne une personne qui traîne quelque chose. Il équivaut au figuré à « traînard » (1689, Mme de Sévigné) et familièrement se dit (1873) de la personne qui traîne (qqn) quelque part. La forme régionale et rurale TRAÎNEUX, EUSE adj. et n. s'emploie au Québec là où on dit en France traînard, et aussi pour « personne qui laisse traîner ses vêtements, les objets dont elle se sert, qui ne range rien ».
■  TRAÎNASSER v. (1563), précédé par trainacer (1480, dans une locution figurée), sert de doublet péjoratif à traîner. Il s'emploie transitivement avec les sens de « tirer mollement par terre » (XVIe s.) et de « faire tarder » (1749) et intransitivement pour « errer » (1845), « lambiner » (av. 1850). ◆  On en a tiré un nom d'action péjoratif, TRAÎNASSERIE n. f. (1611 ; 1552, trainacerie).
■  À l'époque classique, le dérivé TRAÎNIER adj. (1607) signifie « qui se traîne » ; il a été substantivé (fin XIXe s.), aussi sous la forme TRAÎNIÉ, ÉE à propos de qqn qui traîne dans des lieux mal fréquentés, qui sort la nuit, mais n'est resté vivant que régionalement.
■  TRAÎNARD, ARDE adj. et n. (1594) qualifiait autrefois une personne rampant à terre et s'applique à ce qui traîne en longueur. Le nom, employé au XVIIe s. pour « valétudinaire » (1660), désigne en français moderne une personne qui est lente ou qui reste en arrière (1819).
■  TRAÎNAILLER v., terme voisin de traînasser, est attesté depuis le XIXe s. (1839).
Un certain nombre de noms composés imagés avec TRAÎNE- comme premier élément ont été formés à partir du XVIIe s. ; TRAÎNE-MALHEUR n. inv. (1664) a été remplacé par TRAÎNE-MISÈRE n. inv. (1893) « miséreux ». ◆  Au XVIIIe s. les créations sont des noms régionaux d'oiseaux : TRAÎNE-BUISSON n. m. et TRAÎNE-CHARRUE n. m., tous deux chez Buffon (1778), le premier comme nom de la fauvette d'hiver, le second pour le traquet. Au XXe s., outre TRAÎNE-BÛCHES n. m. inv. (1923), nom donné à une larve aquatique par les pêcheurs, ont été formés au XXe s. TRAÎNE-LA-PATTE n. et adj. d'abord figuré (1892 « vagabond » et « paresseux ») désigne concrètement une personne qui traîne les pieds, avance lentement. TRAÎNE-SAVATES n. inv., TRAÎNE-PATINS n. inv. et TRAÎNE-SEMELLES n. inv., désignations familières attestées vers le milieu du XXe s., qui réunissent deux valeurs de traîner, une concrète « aller lentement, péniblement », l'autre abstraite comme dans traîne-misère.
Enfin, un dérivé de train, dans train des équipages, est TRINGLOT n. m. (1863), aussi écrit tringlos, trin- pour train- croisé avec un sens argotique de tringle, « fusil ».
■  Le mot a désigné jusque vers 1945, mais surtout de 1863 à 1918, un soldat du train des équipages.
❏ voir ENTRAIN, ENTRAÎNER et TRAINING.
TRAINING n. m. est emprunté (1854) à l'anglais training « entraînement » spécialement « entraînement d'un cheval » (1558), substantif verbal de to train « dresser, entraîner », lequel est emprunté au XVe s. au français traîner*.
❏  Le mot est passé en français pour désigner le dressage d'un cheval et, par extension, l'entraînement d'un sportif (1872). ◆  Il est passé en psychologie (v. 1950) à propos d'une méthode de relaxation par autosuggestion, dite training autogène, appellation critiquée par les puristes.
■  Par métonymie, et par abréviation de l'anglais training suit, il sert à désigner un vêtement d'entraînement sportif (v. 1950), et un survêtement à capuche (v. 1970). ◆  Son pluriel est employé (v. 1970) pour désigner des chaussures d'entraînement en toile, anglicisme plus rare que baskets.
TRAIN-TRAIN → TRAN-TRAN
L TRAIRE v. tr. est issu (1050) par évolution phonétique d'un latin populaire °tragere, réfection sur le modèle de agere (→ agir), avec lequel il avait des rapports de sens, du latin classique trahere (supin tractum). Ce verbe signifiait proprement « tirer, traîner » et était employé avec de nombreux sens figurés comme « entraîner », « attirer », « solliciter », « extraire », « rassembler », « contracter ». L'étymologie de trahere est obscure, et la forme même du verbe est surprenante parce que l'indoeuropéen ne semble pas avoir de racine commençant par une occlusive sourde et finissant par une consonne aspirée (tr-h). On a cependant rapproché le vieil anglais dragan « tirer » (→ draguer) et peut-être le grec trekhein « courir ».
❏  La polysémie du latin se retrouve en ancien français, où traire (et de nombreux dérivés disparus) recouvrait une grande part des emplois qu'a aujourd'hui tirer*. Le verbe a signifié « arracher (qqch.) », « tirer » (1050), en particulier « faire sortir (d'un contenant) » (1080) ; par ailleurs il s'est dit pour « se diriger quelque part » (1050), « lancer (une arme de trait) » (1080 ; → trait), « ressembler à » (1080 ; → portrait), « endurer des souffrances » (v. 1120), « tracer (une ligne) » (v. 1160 ; → tirer, trait) et « soutirer (du vin, etc.) » (v. 1190). Chacune de ces acceptions a donné lieu à de très nombreux emplois extensifs ou figurés. ◆  Une partie seulement des valeurs de traire s'est maintenue jusqu'au XVIe s. et le verbe s'est progressivement restreint au sens de « tirer le lait d'une femelle d'un animal » qui existait par spécialisation depuis le XIIe s. (v. 1120) par exemple traire une vache, attesté beaucoup plus tard en emploi absolu (1810). Il a aussi été en ce sens concurrencé par tirer* (encore usité régionalement : tirer les vaches) et a remplacé lui-même l'ancien français moudre, issu du latin classique mulgere et devenu homonyme de moudre* issu de molere. ◆  Par métaphore traire s'est employé à l'époque classique (1668, Molière) au sens de « soutirer (de l'argent à qqn) ».
❏  Le sens moderne est réalisé dans deux dérivés.
■  TRAYEUR, EUSE n. (v. 1400), « personne qui trait les vaches », spécialement au féminin TRAYEUSE « machine effectuant la traite » (1923).
■  TRAYON n. m. (1583), réfection de traion (1551), anciennement treon (XIIIe s.), signifie « tétine du pis de la vache, correspondant à une glande mammaire ».
Mais le participe passé féminin substantivé TRAITE n. f., apparu dès le XIIe s. (v. 1119, avec un sens peu clair), a conservé une partie de l'ancien éventail de sens du verbe et correspond en partie à tirer. La rémanence de tous ces sens, en dehors d'« opération par laquelle on trait les femelles des mammifères » (1538), a fait rattacher le mot à traiter*. Ainsi le substantif, après avoir désigné le transport de marchandises d'un lieu à un autre (1375), se spécialise pour parler des échanges, sur les côtes d'Afrique, de marchandises contre de l'ivoire, de la gomme, etc. (1680) et donne lieu à traite des nègres (1690), « commerce des esclaves noirs », phénomène nommé ainsi au XVIIe s. et qui remonte à l'Antiquité. La traite fut considérée comme un délit depuis le congrès de Vienne de 1815 et ne cessa qu'au XXe siècle. Par analogie, traite est entré dans l'expression traite des blancs (1808, abbé Grégoire) « esclavage des Européens par les Barbaresques », se disant également au XIXe s. des engagements militaires forcés et des contrats de travail abusifs (1830) ; seule l'expression parallèle traite des blanches « commerce de femmes en vue de la prostitution » (1846) a survécu. ◆  La valeur générale du mot pour « trafic, commerce », surtout représentée par le verbe traiter et son dérivé traitant, existe encore en français d'Afrique, pour « commercialisation des cultures destinées à l'industrie alimentaire, à l'exportation (arachides, café...) ». Faire une bonne traite s'emploie pour « bien vendre ses récoltes ».
■  Si le sens du moyen français « droit levé sur les marchandises transportées » (v. 1350) a disparu, de même que celui d'« action de retirer de l'argent d'une lettre de change » (1675), le mot continue d'être employé en finances pour désigner une lettre de change (1723).
■  En relation avec l'ancien sens de traire « marcher, se rendre quelque part », le mot a pris le sens de « trajet effectué en une fois » (1440-1475), archaïque sauf dans les locutions courantes d'une traite (1394), aussi prise avec une valeur temporelle comme tout d'une traite (1527), archaïque, et d'une seule traite.
❏ voir PORTRAIT ; RETRAIT, TRACER, TRAÎNER, TRAIT, TRAITER ; ABSTRAIRE, ATTRAIT, DISTRAIRE, EXTRAIRE, SOUSTRAIRE ; -TRACTEUR, TRACTION.
L TRAIT n. m. est issu (fin XIe s.) du latin tractus, nom d'action correspondant à trahere « tirer » (→ traire), désignant l'action de tirer et, par métonymie, la traînée, le tracé (par exemple d'un stylet), et employé au sens figuré de « mouvement lent », « étendue de temps », « lenteur ».
❏  Le mot se dit d'abord de l'action de boire en une seule fois et de la quantité de boisson ainsi bue, valeur courante dans plusieurs locutions comme boire à grands traits (v. 1185 ; v. 1130, à grand trait) et à longs traits (1546). ◆  En emploi temporel, a trait a signifié « lentement, posément » (v. 1175) et trait désignait une durée occupée entièrement par une action ; ce sens demeure dans d'un trait (1681), d'abord d'un même trait (1530), et à l'époque classique dans prendre long trait (1559) puis prendre trait (1690) « durer ». En musique on conserve trait pour désigner (1835) un passage formé d'une suite de notes rapides ; dans l'ancienne liturgie le trait était un psaume réduit chanté à la messe (1374).
Une autre valeur du latin, « action, fait de tirer », qui correspond aujourd'hui à traite* et surtout à traction*, ne subsiste qu'en parlant des animaux dans de trait (1549, cheval de trait) ou dans des emplois extensifs spécialisés ; par métonymie le mot désigne une lanière servant à tirer (XIIIe s.), spécialement en vénerie (1373) et, par ailleurs (1260), l'espace parcouru en traînant un filet. ◆  Trait a eu le sens général de « corde » (1376) et s'employait par exemple dans trait de corde (1566) « coup par lequel on tire la corde au supplice de l'estrapade ».
■  Trait désigne également (XIIIe s.) comme le latin tractus une ligne tracée, mais cet emploi ne se développe qu'à partir du XVIe s. ; on relève plus tôt l'acception spécialisée « tracé préparatoire (d'une construction) » (XIVe s., tret) : elle est isolée et ne sera reprise qu'au XVIIe s. (1676), donnant lieu ensuite à l'expression technique art du trait (1802). Trait de scie désigne une marque pour guider la scie (1508, « coupe faite à la scie », puis 1694) ; ensuite, lié à tirer*, — notamment dans tirer un trait, d'où tirer un trait sur qqch., au figuré « considérer comme annulé » —, trait se dit d'une ligne dessinée (1538), sens qui produit dessin au trait (apr. 1750), aujourd'hui opposé au dessin en couleurs, et plusieurs locutions comme trait pour trait « reproduit fidèlement » (1670) et à grands traits « reproduit de manière sommaire », au propre et au figuré (1788). La langue classique employait la locution écrire d'un trait de plume « rapidement » (apr. 1650) dont reste d'un trait de plume « brutalement » (1690). Les traits a aussi désigné (1666) une manière personnelle d'écrire. ◆  Par une autre extension, trait désigne au pluriel à partir du XVIe s. les lignes caractéristiques du visage (1573), d'abord au singulier (1559, le trait du visage « le contour »).
■  Trait s'est dit également (v. 1130) d'une action correspondant à l'un des emplois du verbe tirer, puis (v. 1280) d'un acte marquant une intention favorable ou nuisible, d'où les locutions sorties d'usage jouer un trait à qqn « un mauvais tour » (1587) et faire des traits à qqn « lui être infidèle » (av. 1850). ◆  Il désigne aujourd'hui une manière d'agir qui constitue la marque d'un caractère, d'une qualité (1640), d'où trait de caractère (1735), et plus généralement un élément caractéristique qui permet de reconnaître une chose ou une personne. ◆  En ancien français le mot avait le sens de « coup » en termes de jeu (v. 1170), toujours vivant à l'époque classique ; au figuré donner le premier trait s'employait pour « commencer, engager une affaire » (1655) ; cette valeur s'est restreinte, trait désignant (1690) l'avantage de jouer le premier, aux échecs et aux dames.
Enfin trait s'emploie en ancien français comme déverbal de traire* « lancer (une arme) » ; il se dit de l'arme lancée avec l'arc, la main (v. 1130), de la portée d'un projectile (v. 1130) et de l'action de le lancer (déb. XIIIe s.) ; il est archaïque dans tous ces emplois, dont ne subsiste que la locution comme un trait (1668) ; on a dit vite comme un trait d'arbalète (1640). ◆  Trait employé seul (fin XVIe s.) ou déterminé, désigne une parole ou un acte malveillant (1651). À partir du XVIIe s. il se spécialise également pour désigner une expression heureuse, brillante (1658). ◆  Par ailleurs il se dit de tout ce qui frappe vivement, par exemple dans trait de lumière (1647), trait de génie.
■  Avoir trait à « se rapporter à » (1579) vient aussi de traire* au sens de « ressembler à » (1080).
❏  Le mot, dont les dérivés ont disparu, entre dans le composé TRAIT D'UNION n. m., « signe écrit qui sert de liaison » (1754), qui se dit au figuré d'une chose, d'un être servant d'intermédiaire (1770).
TRAITE → TRAIRE
⇒ encadré : Le tzigane ou tsigane