TRANTRAN ou TRAN-TRAN n. m. est issu (1611), par redoublement à des fins expressives, de tran (1561), onomatopée répétée plusieurs fois dans les cris des chasseurs et les signaux donnés par le cor.
❏
Trantran n'a pas gardé son sens premier, « son du cor », ni son sens figuré de « petits secrets d'une affaire » (1616). Il est passé dans le langage familier avec le sens de « routine que l'on suit dans certaines affaires » (1680) mais est devenu littéraire, concurrencé par la forme TRAIN-TRAIN n. m. (1835), influencée par train* et plus courante.
TRAPÈZE n. m. est emprunté (1542) au bas latin trapezium « figure de géométrie quadrangulaire » et par analogie « espèce de borne ». Lui-même est emprunté au grec trapezion, qui signifie proprement « petite table », en particulier « table de changeur », employé depuis Aristote comme nom de la figure géométrique (en grec moderne, « banque »). Le mot est dérivé de trapeza « table » (parfois « table servie », « repas », « plate-forme », « comptoir d'un changeur » ; Cf. la métaphore du banc pour banque). Trapeza, proprement « objet à quatre pieds », est un composé avec, au premier terme, une forme tirée du nom de nombre tettares « quatre » (→ tétra-) et, au second terme, le nom du pied pous, podos (→ -pode, podo-) avec vocalisme e et suffixe.
❏
Le mot a été emprunté comme terme de géométrie pour « quadrilatère à deux côtés parallèles » incluant le rectangle, et dans l'usage courant « parallèles et inégaux (grand et petit côté) ».
◆
Par analogie de forme, il désigne un des muscles de l'omoplate (v. 1560) ou muscle trapèze (1611) et un os (1751 ; aussi os trapèze).
◆
Il s'emploie aussi pour un appareil de gymnastique (1830) formé d'une barre suspendue par deux cordes divergentes, d'où trapèze volant (1904), attraction de cirque.
◆
Il désigne aussi un dispositif équipant un bateau de plaisance (1958).
❏
Il entre dans quelques mots composés d'usage didactique.
■
TRAPÉZOÏDAL, ALE, AUX adj. (1779) a été formé sur TRAPÉZOÏDE adj. et n. m. « en forme de trapèze » et comme nom « trapèze dont deux côtés se croisent ». Le mot est emprunté comme nom (1652) au grec trapezoeidês (→ -oïde).
■
TRAPÉZIFORME adj. (1803) et TRAPÉZOÈDRE n. m. (1818) sont rares.
■
Avec son sens d'« appareil d'acrobatie », il a produit TRAPÉZISTE n. (1879), usuel.
G
1 TRAPPE n. f. est issu (v. 1175) d'un francique °trappa « piège », qui est représenté par le vieil anglais treppe (anglais trap), le moyen néerlandais trappe, de même sens. Dans le domaine roman, on relève trappa dans la Loi salique ; l'espagnol a trampa, l'ancien provençal trapa et l'italien a trappola, diminutif d'un simple disparu.
❏
Le mot désigne donc un piège, surtout pour prendre les oiseaux mais aussi des personnes ou des animaux sauvages, constitué alors d'un trou recouvert de branchages ou d'une bascule. Par extension,
trappe a pris rapidement le sens figuré de « piège, ruse » (v. 1175), relevé jusqu'au
XIXe s. mais sorti d'usage, de même que le sens voisin de « piège où s'enferrent des ennemis » (1590). Au sens concret de « piège pour la chasse aux animaux », l'usage du mot
trappe s'est conservé en Suisse
(trappe à souris) et surtout au Canada, en relation avec
trappeur (ci-dessous) :
tendre, poser des trappes, relever ses trappes. Par dérivation du verbe
trapper (ci-dessous),
la trappe se dit de l'activité de trappeur, la prise d'animaux, surtout d'animaux à fourrure, distincte de la chasse. Il a pour synonyme un autre dérivé de
trapper, TRAPPAGE n. m.
■
Trappe est devenu un terme de charpenterie désignant un panneau fermant une ouverture dans le plancher (1260) et cette ouverture même (1552). Il se spécialise ensuite pour désigner le châssis d'une fenêtre à coulisse (1694), puis au théâtre la partie mobile d'un plancher de scène servant à faire disparaître les acteurs (1842). Par analogie, il désigne en technique (1755) la plaque d'ouverture d'un fourneau, puis (1872) une plaque de tôle devant une cheminée.
❏
Le dérivé
TRAPPON n. m., autrefois « planche » (1432), vivant dans les parlers régionaux avec de nombreux sens, est un terme technique désignant une trappe placée à fleur de terre servant à fermer les caves où l'on entre par la rue ; cette valeur du mot est surtout vivante dans le Lyonnais, en Franche-Comté (1593, Lyon ; puis 1839). Un autre sens, en usage dans le Rhône, en Savoie, est celui de « trappe d'accès (à une cave, un grenier, un réduit) à l'intérieur d'une maison ».
■
TRAPPILLON n. m. (1772) désigne dans un théâtre l'ouverture pratiquée sur scène pour laisser passage aux décors qui montent de dessous (1876) et, par ailleurs (1872), ce qui maintient une trappe fermée.
◈
TRAPPEUR n. m. est un emprunt avec adaptation en
-eur (1827) à l'anglais
trapper n. (1768), dit du chasseur d'Amérique du Nord qui fait commerce de fourrures et se sert ordinairement de trappes. Celui-ci vient de
trap n. « piège, trappe », de même origine que le français. Dans l'histoire du Canada, l'expression
coureur de (des) bois est préférée à
trappeur.
■
Un dérivé TRAPPER v. intr. (1876, Larousse) « chasser comme le font les trappeurs » a été fait à l'imitation de l'anglais to trap, mais n'a pas vécu en français d'Europe.
◆
Le moyen français avait employé trapper v. tr. (1530) « prendre (un animal, qqn) par ruse », dérivé de trappe. Ce sens, conservé dans des dialectes, a réapparu en français du Canada, avec influence de l'anglais, pour « faire la trappe, avoir l'activité de trappeur ».
❏ voir
ATTRAPER, CHAUSSE-TRAP(P)E.
2 TRAPPE n. f., nom d'un ordre religieux, est tiré (1671), par abréviation, de Notre-Dame-de-la-Trappe, nom donné à un monastère fondé en 1140 entre Mortagne et L'Aigle — alors Laigle — (Orne) par des moines de la congrégation de Savigny, entrée dès 1147 dans l'ordre cistercien en s'affiliant à Clairvaux. Le monastère avait d'abord reçu le nom de Maison-Dieu mais le nom de Trappe prévalut bientôt. Les trappes étaient les marches qu'il fallait descendre pour aller pêcher le poisson à l'étang, et le mot est à rattacher à une forme dialectale (trappe) correspondant à l'allemand Treppe « escalier ». La racine semble la même que celle de 1 trappe* et repose sur une onomatopée évoquant le trépignement.
❏
Trappe désigne d'abord l'abbaye mère de l'ordre (la Trappe ou la Grande Trappe), puis avec majuscule l'ordre cistercien (1691) et un monastère de l'ordre (avec ou sans majuscule) [1832].
❏
TRAPPISTE n. m., dérivé (1796) de
trappe, est le nom donné à un moine cistercien de la règle de la Trappe telle qu'elle fut réformée au
XVIIe s. par Rancé (1626-1700), nommé abbé régulier de la Trappe en 1663. Les bouleversements révolutionnaires qui avaient supprimé tous les monastères, puis la restauration de l'ordre par Lestrange au
XIXe s., furent suivis en 1892 par la fusion des trois congrégations issues de la Trappe en l'ordre des Cisterciens réformés (la stricte observance). Depuis,
Trappe et
trappiste, maintenus dans le langage courant, ont disparu de la terminologie officielle.
◆
Trappiste n. f. est le nom (marque déposée) d'une bière fabriquée par des moines trappistes en Belgique et se dit par extension à propos des « bières d'abbaye », de différentes marques.
■
Trappiste a produit le dérivé, TRAPPISTINE n. f., relevé pour la première fois dans la Vie de Rancé de Chateaubriand (1844) pour désigner une religieuse suivant la règle réformée de Rancé (ordre fondé en 1827).
■
Le mot désigne aussi (1866) une liqueur fabriquée par les trappistes.
?
TRAPU, UE adj. est un dérivé (1555) de l'ancien adjectif trape, trappe (XIVe s.) « court et grossier », encore usuel au XVIe s., lui-même d'origine obscure, peut-être d'un hypothétique °trape, altération de tarpe « grosse patte, grosse main ».
❏
L'adjectif est toujours usuel appliqué à une personne de petite taille mais large, par extension à des animaux (1690) et à des choses (1831). En argot scolaire, il qualifie un élève qui a de grandes connaissances (1886) ou un problème ardu (1890).
TRAQUENARD n. m. est emprunté (1534, Rabelais) au gascon ou au languedocien tracanart « amble rompu d'un cheval » et, par métonymie, « cheval qui va de ce pas », de tracan « marche », lui-même dérivé de traca qui appartient à la même racine que traquer* au sens de « balancer ».
❏
Le mot a pénétré en français avec le sens du gascon, fournissant une dénomination du diable dans la locution classique traquenard Saint-Michel (1640).
◆
Par analogie avec le mouvement de l'amble, le mot est passé dans le langage de la vénerie pour désigner un piège contre les animaux nuisibles (1680) et s'est répandu dans l'usage courant au sens figuré de « piège, embûche » (1622).
TRAQUER v. tr. est généralement considéré comme dérivé (v. 1460) de l'ancien français trac (parfois tract) « piste des bêtes » (XVe s.) d'où, à la même époque, « trace » (→ trac, dans tout à trac). On a aussi proposé d'y voir un emprunt au néerlandais treck « action de tirer, trait » mais le sens ne satisfait pas et, d'autre part, le mot est déjà signalé au XVe s. dans le sud de la France : si le mot était d'origine néerlandaise, la forme méridionale devrait évidemment être attestée après celle du français central. P. Guiraud y voit le représentant d'un roman °tracticare ou la réfection sur trac (de °tracticus) d'un dérivé du latin trahere « tirer » d'où « tirer de côté et d'autre, balancer » (→ traire).
❏
Le mot est apparu en français avec le sens de « s'emparer de qqn », sorti d'usage, puis a signifié « chasser devant soi (un troupeau) » (av. 1577).
◆
C'est chez Saint-Simon (déb. XVIIIe s.) qu'il est relevé pour la première fois au sens moderne de « poursuivre (qqn) sans lui laisser d'issue », se spécialisant dans le domaine de la chasse où il signifie « fouiller (un bois) pour en faire sortir le gibier » et « poursuivre (le gibier) en l'encerclant » (1726).
❏
Le verbe a produit quelques dérivés, certains se détachant de son groupe en suivant une autre évolution sémantique
(→ tracasser, détraquer), le rapport à
traquer restant parfois sensible
(→ 1 et 2 traquet).
■
Le déverbal TRAQUE n. f. (1798) et le nom d'agent 2 TRAQUEUR, EUSE n. (1798) se rapportent tous deux à l'activité de la chasse et ont quelquefois un sens figuré. Traque, selon la mode récente des déverbaux, a été repris (attesté 1945) au figuré au sens de « poursuite, chasse à l'homme », notamment « d'un malfaiteur recherché par la police ».
❏ voir
TRAQUENARD.
1 TRAQUET n. m., en usage depuis le XVe s. (1458), est généralement rattaché à la racine onomatopéique trak- (→ 1 trac) ; en mettant l'accent sur la notion de « mouvement » plus que sur celle de « bruit », on peut y voir un dérivé de traquer* au sens de « balancer », mais l'idée de bruit semble aussi ancienne que la forme.
❏
Ce mot technique désigne la pièce d'un moulin dont le mouvement fait tomber le blé sous la meule ; on a dit
traquet de moulin pour une personne bavarde (1718).
■
Il désigne un oiseau passereau (1552) à cause de son bruit et est relevé au sens de « crécelle » (v. 1485), sorti d'usage. Le premier de ces deux oiseaux est parfois appelé traîne-charrue.
❏
2 TRAQUET n. m., terme de chasse désignant un piège tendu aux bêtes puantes (1694), est soit dérivé de traquer* « chasser », soit formé sur l'onomatopée trak- (→ 1 trac) à cause du bruit que fait le piège en se refermant ; dans ce cas, ce serait le même mot que 1 traquet.
◆
Le mot entre dans une locution figurée donner dans le traquet (1694) « dans le piège », sortie d'usage.
TRASH adj. inv. est un emprunt de mode (1989) à l'anglais trash « déchet ». Cet anglicisme familier est devenu assez courant pour qualifier ce qui est volontairement répugnant, physiquement ou moralement.
TRATTORIA n. f. est un emprunt (1836) à l'italien trattoria, dérivé féminin du verbe trattare, qui correspond à traiter, avec un sens analogue à celui du français traiteur.
❏
Le mot désigne, dans un contexte italien ou imité de l'Italie, un restaurant populaire de style traditionnel.
TRAUMATIQUE adj. est un emprunt de la Renaissance (1549) au bas latin traumaticus « efficace contre les blessures », lui-même emprunté au grec tardif traumatikos « qui concerne les blessures, bon pour les blessures ». Celui-ci est dérivé de trauma (trôma en ionien) « blessure » et au figuré « dommage », « désastre, déroute », dérivé du verbe titrôskein « blesser » et « endommager », qui appartient à la racine indoeuropéenne °ter- « user en frottant, trouer », également bien représentée en latin (→ trier), et en grec même dans tornos (→ 2 tour), trêma (→ tréma), trupanon (→ trépan).
❏
Le mot a été emprunté par les médecins du
XVIe s. avec le sens du latin, sorti d'usage de même que celui de « vulnéraire » (1752). Cet adjectif didactique s'applique aujourd'hui à ce qui est relatif aux blessures (1806), spécialement dans
choc traumatique (1877). Au
XXe s., l'adjectif s'est spécialisé en psychanalyse sous l'influence de
trauma (1900,
névrose traumatique).
■
TRAUMA n. m., emprunté (1876) au grec trauma comme terme de médecine, est employé en psychanalyse (1913) en parlant d'un choc modifiant la personnalité.
❏
Le mot a produit plusieurs dérivés.
■
TRAUMATISME n. m. (1855), formé d'après le grec traumatismos, s'est répandu dans l'usage courant au XXe s. par l'intermédiaire de la psychologie (1900) et de la psychanalyse, mais il reste usuel en physiologie (traumatisme crânien, 1926).
■
TRAUMATISER v. tr., créé d'après le verbe grec traumatizein au sens de « provoquer un traumatisme » (1896), est passé (v. 1950) dans le langage psychologique, psychanalytique et courant.
■
Les mêmes valeurs sont réalisées par ses participes adjectivés TRAUMATISÉ, ÉE (1896) et TRAUMATISANT, ANTE (1910) qui sont devenus usuels.
■
En revanche, la série TRAUMATOLOGIE n. f. (1834, A.-M. Ampère), TRAUMATOLOGIQUE adj. (1842), TRAUMATOLOGISTE (v. 1968) ou TRAUMATOLOGUE n. (1965), qui concerne l'étude et la thérapeutique des traumatismes, est réservée à l'usage didactique, cependant diffusé par la désignation des services hospitaliers.
◈
POLYTRAUMATISÉ, ÉE adj. et n. (vers 1950) qualifie et désigne les personnes ayant subi plusieurs traumatismes graves au cours d'un même accident.
◆
BAROTRAUMATISME n. m. (1958) s'applique au traumatisme causé par une rapide élévation de pression dans les cavités de l'organisme humain (due, par exemple, à la plongée sous-marine).
◆
POST-TRAUMATIQUE adj. qualifie ce qui apparaît à la suite d'un traumatisme. Il est assez courant.
L
TRAVAILLER v. est issu (1080) d'un latin populaire °tripaliare, littéralement « tourmenter, torturer avec le “trepalium” », du bas latin trepalium, nom d'un instrument de torture (→ ci-dessous 2 travail). P. Guiraud invoque un croisement entre trepalium, qui désignait aussi un appareil à ferrer les bœufs, et le roman °trabiculare de trabicula « petite poutre », diminutif de trabs « poutre » (→ travée) ; trabicula a pu désigner le chevalet de la question et °trabiculare signifier « torturer » et « travailler », c'est-à-dire supporter une charge comme le chevalet.
❏
En ancien français, et toujours dans l'usage classique,
travailler signifie « faire souffrir » physiquement ou moralement, intransitivement « souffrir » (
XIIe s.) et
se travailler « se tourmenter » (
XIIIe s.). Il s'est appliqué spécialement à un condamné que l'on torture (v. 1155), à une femme dans les douleurs de l'enfantement (v. 1165 ;
Cf. ci-dessous 1 travail), à une personne à l'agonie (v. 1190) ; tous ces emplois ont disparu.
◆
Par ailleurs le verbe a signifié « molester (qqn) » (1249), puis « endommager (qqch.) » (
XVe s.) et encore « battre (qqn) » (
XVIIe s. ; 1636,
travailler sur qqn) à l'époque classique, d'où
travailler les côtes à qqn (1793,
travailler les côtelettes) qui pourrait encore se dire, et en boxe
travailler (l'adversaire) au corps (
XXe s.).
◆
Le verbe s'est aussi employé pour « agiter (l'eau d'un fleuve, etc.) » (v. 1270), d'où l'intransitif
travailler « être agité » (v. 1709), encore représenté avec une valeur abstraite (voir ci-dessous
travailler du chapeau).
◆
L'idée étymologique s'est conservée de façon très affaiblie avec la valeur de « tracasser, inquiéter » (fin
XIVe s.), d'où
travailler l'esprit de qqn (déb.
XVIIe s.),
travailler qqn (
XIXe s.) et l'emploi familier
ça le (me, nous) travaille.
■
Cependant, dès l'ancien français, plusieurs emplois impliquent l'idée de transformation acquise par l'effort ; se travailler « faire de grands efforts » (v. 1155), avec une valeur concrète et abstraite, se maintient jusqu'au XIXe s., précédant travailler à « exercer une activité qui demande un effort » (v. 1200) ; travailler un cheval « le soumettre à certains exercices » (1373) est encore en usage au XIXe siècle.
◆
Cependant, en moyen français, l'idée de transformation efficace l'emporte sur celle de fatigue ou de peine. Le verbe se répand aux sens de « exercer une activité régulière pour assurer sa subsistance » (1534), d'où faire travailler « embaucher » (1581). À partir du XVIIIe s., le verbe peut avoir pour sujet le nom d'une force productive ou d'une entreprise en fonctionnement (1723).
◆
Au XVIe s., il a aussi le sens de « rendre plus utilisable », d'abord à propos d'un ouvrage de l'esprit (1559, travailler le style). Travailler à qqch. signifie (fin XVIe s.) « participer à son exécution ».
◆
Le verbe, employé absolument, s'est dit en argot pour « voler » (1623), puis « assassiner » (1800) et « se prostituer » (1867), spécialisations de l'idée de travail professionnel dans un contexte d'illégalité.
◆
Dans le même usage populaire, l'idée de « dérangement cérébral » est exprimée par celle de « travail mental » dans des expressions du type travailler du chapeau (1932), suivi par des équivalents (...du canotier, du bigoudi, de la touffe).
◆
Par extension, travailler pour (contre) qqn prend le sens de « le servir (le desservir) » (1651).
◆
Puis le verbe s'emploie dans des domaines variés : travailler le fer (1680), travailler la pâte en cuisine (1732). Par métaphore, il signifie « exciter à la révolte » (1798, travailler le peuple).
◆
C'est au XVIIe s. qu'apparaît faire travailler son argent (1675).
◆
Par figure, il signifie « fermenter » en parlant par exemple d'un vin (1690) et « subir une force, se déformer » (1690, d'un bois), d'où « s'altérer avec le temps » (1812).
◆
Au XIXe s., il signifie « effectuer un exercice » (1859), « fonctionner », en parlant d'une machine (1872).
◆
Se travailler, passif, se dit pour « pouvoir être façonné » (XIXe s.).
❏
Les participes de
travailler ont fourni
TRAVAILLÉ, ÉE adj., archaïque au sens de « fatigué » (1080) puis « tourmenté » (fin
XIVe s.), employé au sens moderne à partir du
XVIe s. (1559).
◆
Au
XXe s. (1975), il est employé spécialement pour qualifier le temps pendant lequel on exerce un emploi salarié.
■
Quant à TRAVAILLANT, ANTE adj., son emploi est limité au sens technique de « qui travaille (d'un organe mécanique) » (1373).
◈
Le déverbal
1 TRAVAIL, TRAVAUX n. m. (v. 1130) présente le même type de développement sémantique que le verbe : jusqu'à l'époque classique, il exprime couramment les idées de tourment (v. 1140), de peine (v. 1130) et de fatigue. Il se dit spécialement des douleurs de l'enfantement dans la locution
(être en) travail d'enfant (v. 1130), autrefois aussi
travail (v. 1462) et aujourd'hui dans quelques expressions en médecine comme
salle de travail et
femme en travail.
■
Après avoir concerné des efforts, la peine prise à l'exercice d'un métier (artisans, mil. XIIIe s.), le mot s'applique à cette activité en tant que source de revenus (comme labor) [2e moitié XIIIe s.]. Malgré la métonymie pour « résultat du travail » (1362), ce n'est guère qu'au XVe s. que le mot devient un synonyme neutre pour « activité productive ». L'idée d'« activité quotidienne permettant de subsister », avec ses implications sociales, apparaît nettement en 1600. Le mot s'applique aussi à l'activité utile à l'homme que l'on impose aux animaux (1668). Par métonymie, travail désigne la façon dont l'activité est accomplie (1676).
■
Le pluriel travaux s'est spécialisé à l'époque classique (1611) pour parler d'entreprises difficiles et périlleuses qui apportent la gloire ; il développe des emplois concrets spéciaux, dans le langage militaire pour « opérations par lesquelles on établit les fortifications » (1669), et en général pour « suite d'entreprises exigeant une activité physique et la mise en œuvre de moyens techniques » (1751). Tous ces contextes (travaux guerriers, etc.) ont vieilli, puis disparu après l'époque classique. Ce pluriel entre dans les syntagmes travaux forcés (1795 ; 1768, travail forcé) désignant en droit pénal la sanction qui succède aux galères, et travaux publics, autrefois (1727) « peine correctionnelle », puis spécialisé pour « constructions, travaux de voirie... ». En français d'Afrique, l'expression travail forcé s'appliquait à l'époque coloniale aux travaux imposés par l'administration coloniale, souvent non rémunérés.
◆
Les activités de couture et analogues sont appelées travaux d'aiguille et travaux de dames.
■
À la même époque, le singulier commence à s'appliquer à l'activité d'une machine, au fonctionnement d'un organe (1790) et à l'action d'une cause naturelle aboutissant à une transformation (1783), développant l'emploi abstrait (av. 1850, le travail du temps) dont procède la valeur du mot en psychanalyse (XXe s., travail du rêve, travail du deuil, traduction de Freud).
◆
Au XIXe s., le mot désigne l'activité humaine organisée à l'intérieur du groupe social et exercée régulièrement (1803).
◆
Par métonymie, le travail est appliqué à l'ensemble des travailleurs (1877) et spécialement aux travailleurs salariés des secteurs agricole et industriel, alors opposé à capital (pour « ensemble des capitalistes »). On parle ainsi du monde du travail. D'une manière plus neutre, travail désigne l'ensemble des activités économiques productrices de valeur, par exemple dans des noms institutionnels, comme Organisation internationale du travail (O. I. T.) dont le Bureau international du travail (B. I. T.) est l'organisme directeur.
■
L'acception spéciale du mot en physique remonte elle aussi au XIXe s. (1829, Coriolis), par exemple dans travail moteur (1829).
◆
Le composé SANS-TRAVAIL n. inv. (1894), qui a pour synonyme sans-emploi, demeure rare pour « chômeur ».
■
Travail a produit un dérivé propre, TRAVAILLISTE adj. et n., une première fois (1907) au sens de « socialiste russe » puis (1920) pour traduire l'anglais Labour (Party).
◆
Il a lui-même donné TRAVAILLISME n. m. (1925), doctrine et action du Labour Party britannique et des partis analogues.
◈
TRAVAILLEUR, EUSE n. et adj. (
XIIIe s.) a suivi la même évolution. Le mot part du sens ancien, au masculin, de « celui qui fait souffrir » (spécialement « bourreau ») et « celui qui veut du mal à », pour prendre avec le mot
travail la valeur moderne de « personne qui travaille » (1552), se disant de toute personne faisant un travail utile, qu'il soit physique ou intellectuel (1606), spécialement d'une personne exerçant une activité professionnelle (1761).
◆
En ce sens, lorsqu'il n'est pas qualifié, le mot désigne spécialement, surtout au masculin pluriel, le salarié, et plus spécialement l'ouvrier de l'industrie
(travailleurs syndiqués).
■
L'adjectif apparaît au XVIIe s. pour « qui travaille » (1629), puis au sens psychologique « qui aime le travail » (l'ancien français avait travailleux « pénible, fatigant » qui ne s'est pas maintenu).
◆
Il qualifie également ce qui est caractérisé par le travail et qui se rapporte aux travailleurs.
■
Le nom, dans l'expression travailleur à bec rouge, est celui d'un oiseau passereau grégaire d'Afrique sahélienne, appelé plus souvent mange-mil. C'est le Quelea quelea des ornithologues.
■
Le féminin TRAVAILLEUSE n. f., « femme qui travaille, en général manuellement », a désigné un petit meuble pour les travaux de dames (1830, Balzac). L'argot l'a repris avec l'un des sens populaires de travailler, pour « prostituée ».
◈
Le dernier dérivé attesté de
travailler est son diminutif
TRAVAILLOTER v. intr. (1865), familier.
◈
Le préfixé
RETRAVAILLER v. tr. « travailler de nouveau », s'est spécialisé pour « reprendre afin d'améliorer » (1719).
◈
2 TRAVAIL n. m., avec son sens technique de « machine où l'on assujettit les bœufs, les chevaux difficiles pour les ferrer », est issu (v. 1200), par la même évolution qui aboutit à
travailler, du bas latin
trepalium, attesté en 582 dans les actes du concile d'Auxerre. C'est la variante de
tripalium, composé de
tri « trois »
(→ tri-) et de
palus (→ pal, pieu), littéralement « machine faite de trois pieux ». Le mot (au lieu de
°trevail) suppose un croisement avec les dérivés de
tref « poutre »
(→ travée).
❏ voir
TRAVELLER'S CHECK, TRAVELLING.
TRAVÉE n. f. est dérivé (1356) de l'ancien français trev (fin XIe s.), tref (v. 1160) puis trave « poutre », lequel remonte par voie populaire au latin trabs, trabis « poutre », qui a plusieurs sens figurés : « arbre de futaie » et « toit », « massue », « javelot ». On a rapproché de ce mot, malgré un sens assez différent, l'osque trííbúm « maison » et, par ailleurs, l'irlandais treb « demeure », le lituanien trobà « construction, maison » et sans doute aussi le vieil islandais thorp « petit enclos ».
❏
Dès les premiers emplois, travée désigne l'espace entre deux poutres garni par un certain nombre de solives d'où, plus tard (1835), la portion de voûte comprise entre deux points d'appui. Travée se dit aussi de la partie d'un pont (1676, Félibien) ou d'un édifice comprise entre deux supports (fin XVIIe s.).
◆
Par extension, il a désigné, dans une église, la galerie supérieure au-desssus des arcades de la nef (1835), appelée de nos jours tribune.
◆
Le mot s'emploie pour désigner l'ensemble des rayons d'une bibliothèque compris entre deux montants (1935), l'espace laissé vide entre deux rangées de sièges (1901).
❏
Quelques termes techniques en ont été dérivés, comme
TRAVURE n. f. (1448),
TRAVON n. m. (1561) et, plus récemment,
TRAVELAGE n. m. (1894), dérivé irrégulier avec un
l de liaison, désignant la mise en place des traverses* d'une voie ferrée et, par extension (1949), le nombre de traverses au kilomètre.
■
TRAVE n. f., « assemblage de deux pièces de bois » en charpenterie (1904), reprend le provençal travo, dérivé de l'ancien provençal trau.
❏ voir
ARCHITRAVE, ENTRAVER.
TRAVELLER'S CHECK n. m. est un emprunt (1925 au plur.) à l'américain traveler's (anglais traveller's) check (1891), de traveller « voyageur », dérivé de to travel « voyager », qui a été emprunté au français travailler* avec un de ses anciens sens, et de l'américain check qui a donné le français chèque* (anglais cheque).
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Au Canada francophone, on a d'abord traduit le terme par chèque de voyageur ; en France, c'est le terme chèque de voyage qui concurrence cet anglicisme inutile mais bien implanté.
TRAVELLING n. m. est une forme abrégée (inconnue en anglais) empruntée (1921) à l'anglais travelling shot « prise de vue en mouvement », terme de cinéma formé de to travel « voyager » et ici « se déplacer » (emprunt de travailler*) et de shot « prise de vues », de la famille de to shoot « tirer » (→ shoot).
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Travelling désigne le mouvement d'une caméra placée sur un chariot mobile et, par extension, l'appareil lui-même (1951), d'abord nommé travelling-caméra (1927). Le mot s'est imposé malgré les équivalents proposés (balade, baladage pour l'opération, baladeur, baladeuse pour l'appareil).
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Par extension, on a formé travelling optique (1952) en concurrence avec un autre anglicisme, zoom.
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La graphie francisée travelingue (Marcel Aymé, Travelingue, 1941), correspondant à une prononciation populaire, n'a pas été retenue par l'usage.
L
TRAVERS n. m., réfection graphique (v. 1150) de traver (1080), est issu du latin transversus « oblique, transversal », employé dans plusieurs locutions adverbiales (in transversum, de transverso) et au figuré opposé à directus (→ direct). Transversus est le participe passé adjectivé de transvertere « tourner vers, changer » et « détourner », de trans (→ trans), et vertere « tourner » (→ version). À la différence du français, qui a repris le mot latin dans ses emplois substantivés au neutre, l'espagnol travieso, l'italien traverso s'emploient également comme adjectifs.
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Dès les premiers textes,
travers est surtout fréquent dans des locutions adverbiales et prépositives
en travers (1080,
traver),
à travers (v. 1155),
de travers (v. 1150) pris au sens concret dans
avaler de travers (1850) et
au travers de (v. 1210). Celles-ci ont parfois changé de forme comme les formules associant
travers et
tort dans la péjoration :
de tort et de travers, de tort en travers, en tort et en travers (
XIIIe s.), devenu
à tort et à travers (→ tort).
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Certaines ont aussi changé de sens,
en travers perdant le sens de « directement » pour « transversalement » (v. 1155) et « de part en part » (v. 1213) et
de travers s'étant chargé de valeurs psychologiques négatives (
regarder qqn de travers « avec hostilité ou méfiance », v. 1280 ;
répondre de travers « mal », v. 1440 ;
prendre tout de travers, 1585).
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À travers s'est différencié de
de travers, dont il était d'abord synonyme, prenant le sens de « par un mouvement transversal » (1458).
À travers et
au travers ont des domaines d'emploi identiques, le second étant plus courant au
XVIIe s. et recommandé par Vaugelas.
Passer au travers, « échapper », s'est spécialisé, d'abord en argot de police (1897), pour « échapper aux recherches ».
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L'emploi de
travers comme nom est attesté (fin
XIIe s.) avec le sens de « chemin de traverse » qui, comme plusieurs autres sens techniques anciens, est passé au féminin
traverse (ci-dessous).
Travers n'a gardé en emploi concret qu'un sens, « étendue transversale » (v. 1389), vieilli sauf dans l'expression
par le travers, et des emplois techniques variés, par exemple en marine (1704, « flanc d'un navire »), en boucherie (1877), notamment dans
travers de porc, et en équitation.
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Le mot est surtout usuel avec le sens figuré (1637) de « défaut, imperfection (d'une personne) ».
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Travers a produit deux noms issus de la substantivation de l'ancien adjectif
traversain « transversal, oblique ».
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Le masculin TRAVERSIN n. m. (fin XIIe s.) a signifié « trajet, distance, chemin de traverse ». Il a été repris (1368) au sens de « long coussin cylindrique placé en travers de la tête du lit », toujours usuel.
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Employé en moyen français comme synonyme de traverse (1396), traversin a conservé quelques sens techniques, « traverse renforçant le fond d'un tonneau » (1546) et « fléau de balance » (1671).
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Le féminin TRAVERSINE, d'abord adjectif dans rue traversine « transversale » (1690), est un substantif technique dans divers domaines (1752, en marine).
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Traversaine s'employait en ancien français (v. 1280) pour « traversière » (d'une flûte).
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TRAVERSE n. f. est issu (v. 1130) d'un latin populaire
°traversa, féminin substantivé de
traversus. Dans les premiers textes, le mot est employé dans la locution adverbiale
à la traverse, équivalent ancien de
en travers avec son sens spatial, dont la valeur figurée, « en faisant opposition » (1549), est très littéraire, comme la locution prépositive
à la traverse de (1659), alors que l'emploi pour « sans réfléchir, d'une façon imprévue » (1611) est complètement sorti d'usage.
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Traverse s'est employé pour « vent d'ouest » (déb.
XIVe s.) ; avec l'influence du francoprovençal et du provençal
traversa, le mot s'emploie de la Franche-Comté au Gard pour « vent d'ouest, amenant des perturbations, en traversant le pays vers l'est » (aussi
vent de traverse). La même idée d'une « direction transversale »
(Cf. travers) est aussi réalisée dans l'ancienne locution adjective
de traverse, maintenue dans la locution moderne
chemin de traverse (1532) et dans l'emploi de
une traverse au sens de « passage ».
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Spécialement, le mot s'emploie en français du Québec en relation avec le verbe
traverser pour « passage où l'on peut traverser une voie » (
traverse d'écoliers, protégée). Le mot s'emploie aussi là où on dit en France
passage à niveau. Dans un cours d'eau,
une traverse est un passage étroit, un chenal. Enfin, le mot désigne un service de
traversier (→ 2 traversier, dérivé de traverser*).
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Concrètement, le mot désigne depuis le XIVe s. (1387) une pièce de bois mise en travers de certains ouvrages pour les assembler, sur une porte, des grilles (1680) et, dans un ouvrage de fortification (1552), une levée de terre servant de protection. L'emploi le plus courant concerne la pièce posée en travers d'une voie ferrée et qui maintient l'écartement des rails (1845), qui a donné lieu à travelage, dérivé possible de travée*.
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L'idée première d'opposition est réalisée dans un emploi figuré pour « difficulté, obstacle » (1440-1475) que l'on rencontre encore dans un style recherché.
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DE TRAVIOLE loc. adv. est un équivalent familier (1866) de de travers, en traviole de en travers. Traviole a d'abord été employé pour « traverse » (1836, n. f.). Céline emploie le mot comme adjectif pour « tordu ».
❏ voir
TRANSVERSAL, TRAVERSER.
L
TRAVERSER v. tr. est issu en très ancien français (v. 980) d'un latin populaire °traversare, altération du latin classique transversare, d'abord chez Virgile au sens rare de « remuer en travers » puis, à basse époque, de « parcourir d'un bord à l'autre ». Ce verbe est dérivé de transversus (→ travers).
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Le mot signifie d'abord « passer à travers (un corps, un milieu) » d'où, par une extension ultérieure, « se frayer un passage à travers (une assemblée) » (1580). Depuis le XIe s., il est aussi employé aux sens de « passer de l'autre côté de » (1080, traverser un pont), puis de « passer d'un bord à l'autre » (v. 1155). Il s'emploie non seulement à propos d'une personne mais aussi d'une chose mobile (1583) et avec un sujet nom de chose signifie « s'étendre d'un bout à l'autre d'un espace » (fin XVIe s.).
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Traverser exprime aussi l'idée de mettre en travers, d'abord (v. 1155) en parlant d'un cheval ; on dit aussi se traverser (1680) ; le verbe s'emploie également avec cette valeur en marine à propos de l'ancre ou d'une voile (1694) et il a eu le sens général de « être en travers » (1687), sorti d'usage.
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Parallèlement, il est utilisé au figuré depuis l'ancien français au sens de « contredire » (v. 1190), puis « empêcher d'agir » (1440-1475) et « tourmenter, troubler » (1621) : toutes ces acceptions sont sorties d'usage.
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Enfin un glissement s'est opéré du plan spatial au plan temporel et au domaine psychologique : traverser signifie « passer par l'esprit » (fin XVIe s.), surtout avec un pronom complément (une idée m'a traversé), puis « pénétrer au plus profond de (qqn) » (1669).
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Le participe présent
TRAVERSANT, ANTE est adjectivé (1382) avec le sens de « qui traverse », sorti d'usage au
XVIIe s. sous la concurrence de
transversal*. Il en va de même pour les emplois substantivés
(un traversant) en géométrie (1637, Descartes) et pour « fléau d'une balance » (1803).
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L'adjectif qualifie dans l'usage littéraire ce qui transperce (déb.
XXe s.). Le langage des agences immobilières l'utilise à propos d'un logement éclairé de deux côtés opposés.
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Le participe passé, TRAVERSÉ, ÉE, lui aussi adjectivé au sens de « transperçant » (fin XVIe s.) et pour qualifier un cheval large du poitrail (1611), a été employé pour « trempé (par la pluie) » (1718, traversé de pluie).
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TRAVERSÉE n. f. (1678) désigne l'action de traverser la mer et par métonymie un trajet qui se fait par mer. Par extension, il se dit de l'action de traverser un espace quelconque (av. 1841), au figuré dans la locution traversée du désert (v. 1969), avec des valeurs particulières en alpinisme et en ski (1886). Il entre dans la locution technique traversée de voie (1876) « lieu où se croisent deux lignes de chemins de fer ».
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TRAVERSAGE n. m., d'abord « droit payé pour traverser une rivière » (1507, traverssaige), est reformé au XVIIIe s. avec un sens technique disparu (1723). C'est aujourd'hui un terme de brasserie (v. 1950).
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1 TRAVERSIER, IÈRE adj. et n., emprunt au latin traversarius, variante du classique transversarius (dérivé de tranversus), s'est d'abord employé pour « traversin » (v. 1180). L'adjectif ne reste aujourd'hui que dans quelques expressions, notamment flûte traversière (1694), tenue en travers, par opposition à la flûte à bec et nommée auparavant flûte traversaine (v. 1280) puis traverse (1589).
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Un homonyme, 2 TRAVERSIER, IÈRE adj. et n. m., dérive de traverser ; il s'emploie notamment en marine, par exemple dans barque traversière (1718 ; 1607, nef traversière).
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TRAVERSIER n. m. (1880) désigne couramment au Canada francophone un bâtiment servant à la traversée des véhicules d'une rive à l'autre d'un fleuve, d'un bras de mer ou d'un lac. Synonyme de bac, le mot remplace avantageusement l'anglicisme ferry (boat) du français de France.