TRÉMOLO n. m. est emprunté (1830 ; 1705, cité comme mot italien) à l'italien tremolo « tremblement dans la voix », substantivation de l'adjectif tremolo « tremblant », représentant le latin tremulus, qui a donné tremble (→ trembler) et a été emprunté, en moyen français, sous la forme tremule adj. (v. 1500) « tremblant (de la lumière) ».
❏  Emprunté comme terme musical pour désigner le tremblement produit par les instruments à archet quand on multiplie les vibrations sur une note, le mot est passé dans l'usage courant au sens de « tremblement artificiel dans la voix » (1872, d'un orateur). Au figuré, il désigne (1866) péjorativement l'expression outrée des sentiments.
TRÉMOUSSER v. est formé (1532, se trémousser, Rabelais) du préfixe tré- (du latin trans-, → trans-, très-), de mousse* « écume » et de la terminaison verbale -er : l'allemand présente la formation comparable überschäumen, qui se dit d'une personne animée d'une vitalité exceptionnelle.
❏  Le verbe s'est employé, intransitivement, aux sens de « frémir » (1549) et « trembler, s'agiter sans repos » (v. 1550, encore au XVIIIe s.) et dans la langue classique en construction transitive pour « secouer » (1611). ◆  L'usage moderne ne connaît que la forme pronominale se trémousser (1532) au sens propre de « frétiller, se tortiller ». Un sens figuré et familier de ce pronominal, « faire de nombreuses démarches pour une affaire » (av. 1672), est aujourd'hui vieilli.
❏  Le dérivé TRÉMOUSSEMENT n. m. (1573) s'applique aussi familièrement par péjoration à une danse agitée.
L TREMPER v. est l'altération (déb. XIIIe s.), par métathèse du r, de l'ancien verbe temprer (fin XIe s.), lui-même issu du latin temperare « disposer convenablement, combiner », « organiser, régler », « modérer », qui a donné tempérer* par emprunt.
❏  Dès les premiers textes, le verbe a le sens de « plonger dans un liquide » (fin XIe s.), plus tard en construction intransitive (XIIIe s.), puis il signifie « imbiber (qqch.) d'un liquide » (1213) : tremper la soupe (1547) se disait pour « verser le bouillon sur les tranches de pain [les soupes] ». De là la généralisation en argot ancien de tremper pour « manger » (1867). Par extension, il signifie, en emploi intransitif (XIIIe s.), « être dans un liquide » en parlant d'un corps et le pronominal s'emploie (1637) pour « se mouiller ». ◆  Le mot a hérité du latin le sens de « modérer par un mélange », sorti d'usage sauf dans la locution tremper son vin (fin XIIIe s.) « le couper d'eau », conservée par confusion entre « tempérer » (sens étymologique) et « mouiller d'eau ». ◆  Dès le XIIe s., il a pris une acception technique, « plonger (un métal) dans un bain froid pour le durcir », dont procède l'emploi figuré « douer (qqn) de fortes qualités morales » (av. 1613). ◆  Par figure, tremper en (fin XVIe s.), tremper dans (1640), signifie « être impliqué dans », généralement péjoratif, d'où vient la locution littéraire tremper dans le sang (1677). ◆  Plus récemment (1876), le verbe a pris un autre sens technique, « enduire de colle (les parties d'un livre à coller) ».
■  Tremper « battre » (1867), sorti d'usage, correspond à une métaphore de lavage ou d'opération technique (Cf. laver la tête, passer un savon et ci-dessous trempe). ◆  Une série de métaphores érotiques, dans l'usage populaire, évoque le coït (tremper sa mouillette [1885], son biscuit, son panais, son pinceau). Enfin tremper est un intensif de mouiller dans tremper sa chemise, son maillot (mil. XXe s.) « faire de gros efforts ».
❏  Le verbe a produit quelques dérivés dont plusieurs d'usage technique.
■  TREMPÉ, ÉE adj. qualifie d'abord (XIIe s., tenpré) un acier durci par un bain d'eau froide, d'où le sens figuré moral d'« endurci, rendu fort et résistant » (av. 1613), par exemple dans un caractère bien trempé. ◆  Il a qualifié ce qui n'est ni trop chaud ni trop froid (v. 1150) et ce qui est modéré, sage (v. 1172). ◆  Par la suite, trempé a le sens général d'« imbibé » (1559), de « très mouillé » notamment par la pluie (1669) et se dit (1688) de ce qui a été plongé dans un liquide. On ne le dit plus d'un vin coupé d'eau (1673).
■  Le déverbal 1 TREMPE n. f., altération par métathèse (1559) de tempre (v. 1180), désigne l'opération consistant à tremper un acier, ensuite par métonymie (v. 1570) la qualité qu'il acquiert par ce traitement. ◆  Trempe s'emploie au figuré à propos de l'état d'esprit, de la manière d'être d'une personne (v. 1180), littéraire aujourd'hui. Le mot désigne plus couramment la fermeté de caractère, la force d'âme (v. 1460), surtout dans de la (ma), etc. trempe (1675). ◆  Il est repris à partir du XVIIIe s. dans le vocabulaire technique, désignant l'acte de tremper, en brasserie (1751), en pelleterie (1803), en imprimerie (1803), etc., récemment à propos du processus de raffinage du pétrole (v. 1975).
■  Il a aussi le sens familier de « volée de coups » (1834), d'après le sémantisme de lavage (laver la tête, passer un savon, etc.). 2 TREMPE adj. (1592), en français de Savoie, du Sud-Ouest et du Centre, s'emploie pour « trempé » (son manteau est trempe, Jean est tout trempe). Le même usage s'observe en Suisse (attesté en 1808), au Canada et en Louisiane (ce qui suggère un emploi régional dans l'ouest de la France) et en français du Maghreb.
■  TREMPIS n. m. (1350), « action de faire tremper (qqch.) dans un liquide », est limité dans l'usage moderne à des valeurs techniques désignant la solution dans laquelle on fait tremper du métal que l'on veut décaper (1611) ou l'eau dans laquelle on dessale du poisson (1690).
■  TREMPOIR n. m. (v. 1360), d'abord temproyr (comme temprer, tempre, ci-dessus), s'est dit d'un vase, d'une coupe (1338), puis s'est restreint à l'acception technique de « cuve pour faire tremper une substance » (1611, en tannerie).
■  TREMPEUR n. m. désigne (1611) l'ouvrier qui trempe l'acier, et aussi, le papier.
■  TREMPETTE n. f., « morceau de pain que l'on trempe dans un aliment liquide » (1611), remplacé par mouillette, s'est conservé en français du Canada pour une tranche de pain trempée dans de l'eau d'érable bouillante. Plus couramment, le mot s'emploie pour le fait de tremper des crudités dans une sauce assaisonnée, en hors-d'œuvre. Un autre emploi, au sens de « bain rapide » (1888) dans la locution faire trempette « prendre un bain hâtif, patauger dans l'eau » (1904), est le seul emploi usuel en français de France (on dit plutôt saucette au Québec).
■  TREMPÉE n. f. a eu le sens technique (1723) de « façon donnée à une chose en la trempant », aujourd'hui disparu, et est vieilli pour « volée de coups » (1836), réservé à trempe.
■  TREMPAGE n. m. (1836), TREMPÉ n. m. (1911), « fait de tremper dans une préparation, pour apprêter, etc. » ont trait à des opérations techniques et TREMPABILITÉ n. f. (1964) se dit de la propriété qu'a un alliage de pouvoir être trempé.
Tremper a quelques préfixés verbaux.
■  ATTREMPER v. tr. a signifié « modérer » (v. 1050), « mélanger » (v. 1175), etc. Il a eu (v. 1180) jusqu'au XVIIIe s. le sens de « tremper (un acier) » (Cf. tremper) et se dit spécialement de l'action de chauffer (un four, etc.) et de porter à un très haut degré de chaleur (1751).
■  RETREMPER v. tr. signifie d'abord (v. 1175, retanprer) « durcir (un métal) par une nouvelle trempe » et, comme tremper, s'emploie au figuré (1823). Il a le sens général de « tremper de nouveau » (v. 1250).
■  2 DÉTREMPER v. tr. « faire perdre la trempe à l'acier » est d'abord attesté au participe adjectif (1440-1475, espée destrempée) ; il s'emploie aussi au figuré pour « affaiblir (le caractère) » (1559). ◆  En dérive 2 DÉTREMPE n. f., terme technique (v. 1500).
❏ voir 1 DÉTREMPER, INTEMPÉRIE, OBTEMPÉRER, TEMPÉRATURE, TEMPÉRER.
TREMPLIN n. m. est emprunté (1680) à l'italien trempellino « tremplin » (1585), dérivé de trempellare « remuer, branler ». Ce verbe est formé sur le radical germanique °tramp-, qui est représenté par l'allemand trampeln « piétiner, trépigner », l'anglais to trample « fouler aux pieds » et dans le domaine roman par l'italien trampoli « échasses », l'ancien provençal trampol « bruit d'une troupe en marche » (v. 1300).
❏  Le mot désigne une planche élastique sur laquelle on s'élance, spécialement pour plonger dans l'eau, puis pour le saut en ski (1905). Employé par métaphore dans l'expression ancienne être sur le tremplin « dans une situation dangereuse » (1829), il a développé le sens figuré de « tour de force, hardiesse » (1872), disparu, et celui de « moyen qui lance qqn, une entreprise » (1853).
❏ voir TRAMPOLINE.
TRÉMULER v. intr. est un dérivé didactique du latin tremulus « tremblant », dérivé de tremere « trembler ». Attesté une fois en moyen français (1464), puis à partir de 1801, ce verbe rare et littéraire signifie « trembler ». Comme intransitif, il signifie « agiter (une partie du corps) ».
❏  TRÉMULATION n. f. (1873) correspond à « tremblement rapide et faible », et est un peu moins rare que TRÉMULEMENT n. m. (dans Huysmans, 1884). ◆  TRÉMULANT, ANTE adj. est tout aussi littéraire.
TRENCH-COAT ou TRENCH n. m. est un emprunt (v. 1920) à l'anglais trench coat n. formé (attesté 1921) de trench « tranchée », déverbal de to trench « faire des sillons, retrancher », lui-même emprunté à l'ancien français trenchier, trencher (moderne trancher*), et de coat « manteau », lui-même emprunté au français cotte*. Le trench-coat, « manteau de tranchée », était en effet porté par les officiers anglais dans les tranchées pendant la guerre de 1914-1918.
❏  Le mot est passé en français sous la forme complète avant d'être abrégé en trench (1954 ; 1930 au Canada). Il a vieilli avec le sens d'« imperméable » mais reste vivant dans le jargon de la mode pour un type particulier d'imperméable, d'apparence britannique.
L TRENTE adj. num. et n. m. est l'aboutissement phonétique (v. 1050), après trenta (v. 980), d'un latin populaire °trinta, contraction du latin classique triginta « trois fois dix », dérivé de tres (→ trois), mot panroman sauf en roumain.
❏  Depuis le XIXe s., l'adjectif cardinal est aussi employé comme ordinal (1872). Il est en composition dans trente-six utilisé familièrement pour indiquer un nombre indéterminé (1306) et avec une valeur d'intensif, d'où voir trente-six chandelles* (1828), tous les trente-six du mois (1831), etc. L'expression guerre de Trente Ans, à propos du conflit allemand de 1618 à 1648, est attestée en 1750. ◆  Trente est substantivé (1463) pour désigner le nombre trente et entre dans des noms de jeux de cartes : trente-et-un (1464), trente-et-quarante (1648), ainsi que dans la locution figurée se mettre sur son trente et un « s'habiller du mieux qu'on peut, s'endimancher » (1833) ; on relève aussi les variantes anciennes se mettre sur son trente-six (attesté 1867), être sur son trente-deux (1834), ces variantes infirmant les hypothèses recourant à des explications anecdotiques ; c'est peut-être une allusion portant sur le jour excédant le compte des jours d'un mois « normal » (de trente jours).
❏  Le plus ancien dérivé est TRENTIÈME adj. num. et ord., sous la forme trentiesme (1462), réfection de trentisme (v. 1119), également employé comme nom (1723, n. m.) et dont est tiré TRENTIÈMEMENT adv. (1636).
■  TRENTAINE n. f. (v. 1155), « nombre de trente ou environ », est spécialement employé pour « âge d'environ trente ans » (v. 1710) et par les historiens en parlant d'un élément d'une compagnie militaire au XVe s. (1904) ; il a produit TRENTENIER n. m. (1265) qui s'est maintenu comme terme d'histoire avec le sens correspondant de « commandant d'une trentaine ».
■  TRENTAIN n. m., après avoir désigné une mesure de capacité (1398), a développé quelques sens spécialisés, désignant une série de trente messes dites pour un défunt (1472) et autrefois un drap de luxe dont la chaîne était faite de trente centaines de fils (1676). ◆  Avoir trentain « avoir trente points » s'employait au jeu de paume (1550).
■  Quant à TRENTENAIRE adj., formé (1495) sur le modèle de centenaire, il est limité à quelques emplois didactiques (en droit) et, comme adj. et n., signifie « qui a entre trente et quarante ans ».
TRENTE-ET-QUARANTE n. m. inv. (1648) est le nom d'un jeu de cartes où sont alignées deux rangées de cartes dont les points réunis doivent compter entre 31 et 40. Jouer à, au trente-et-quarante.
TRÉPAN n. m. est emprunté en médecine (XIIIe s.) au latin médiéval trepanum, lui-même emprunté au grec trupanon « instrument pour percer » « tarière », spécialement « instrument de chirurgie » et, par analogie, « tige enfoncée dans un cylindre creux ». Le mot, dérivé de trupan « trouer, percer », appartient à un groupe important, qui a des représentants en grec (→ 2 tour), en latin (→ trier), en germanique (→ drille) et en celtique (→ taraud, tarière), et qui se rattache à la racine indoeuropéenne °ter- « user en frottant ». ◆  Avant d'apparaître en français, le mot latin a été emprunté en ancien provençal par le traducteur du médecin arabe Albucasis sous les formes tribo (XIVe s.), trempano (v. 1300), puis trepano (v. 1300).
❏  Répandu en français au sens médical latin, trépan désigne par métonymie (ou par dérivation du verbe trépaner) l'opération pratiquée à l'aide du trépan (1680). ◆  Il s'est généralisé à partir du XVIe s. comme terme technique, désignant un type de vilebrequin pour percer la pierre (1611 ; 1562, trapan), peut-être sous l'influence de l'italien trepano. ◆  Par la suite, il a pris quelques acceptions spécialisées. Il se disait autrefois (1765) d'une sorte de foret qui permettait de percer une voûte de mine pour assurer l'aération. Trépan (1876), spécialement trépan de sonde (1872), désigne aujourd'hui un outil employé dans un sondage ou un forage, notamment dans l'industrie pétrolière.
❏  Son dérivé TRÉPANER v. tr. (v. 1370) ne s'emploie plus qu'en chirurgie, autrefois aussi dans le domaine des mines (1765).
■  Dérivé soit du verbe, soit de trépan, TRÉPANATION n. f. (v. 1490) est uniquement un terme de médecine pour « opération pratiquée au trépan », notamment « perforation de la boîte crânienne pour une intervention chirurgicale », ce type d'opération étant pratiqué depuis la préhistoire.
■  TRÉPAN-BENNE n. m. (1973) désigne en technique un outil de forage constitué par une benne tubulaire.
TRÉPASSER v. intr., d'abord trespasser (1080), est formé de tres-, du latin trans (→ trans-, très), et de passer*, par une formation analogue à celle de transir*.
❏  En ancien et en moyen français, le verbe recouvrait un champ sémantique complexe comparable à celui de passer. Comme intransitif, il a signifié « traverser un endroit » et « s'écouler » en parlant du temps (fin XIe s.) jusqu'au début du XVIIe siècle. Comme transitif, il exprimait l'idée de « dépasser qqn en marchant » (1080), « traverser, franchir (qqch.) » (fin XIe s.) et, au figuré, « trangresser (un ordre) » (v. 1120), « passer sous silence » (XIIIe s.) jusqu'à l'époque classique. ◆  L'usage moderne n'a retenu que le sens de « mourir » apparu dès le XIIe s. (v. 1155), aussi dans les locutions trépasser de ce siècle et trépasser en l'autre monde, archaïques, puis euphémisme pour mourir, courant à l'époque classique, de nos jours employé comme un archaïsme plaisant.
❏  Son déverbal TRÉPAS n. m., d'abord écrit trespas (v. 1130), a connu la même restriction de sens : d'abord employé pour désigner un passage, dans tous les sens de ce mot, il a désigné aussi bien un détroit (v. 1207), un droit de passage, de transit (1373), que, sur le plan temporel, un espace de temps (v. 1160), une chose passagère (XIIIe s.) et, abstraitement, la transgression d'un ordre (XIIIe s.). ◆  Il a seulement gardé le sens de « mort » (v. 1500), notamment dans la locution passer de vie à trépas (1403, aller...) devenue (XIXe-XXe s.) un archaïsme plaisant. ◆  Il reste un vestige de l'idée ancienne de « passage » dans le terme d'archéologie trépas n. m. (1340, trespas) qui désigne un coulant de ceinture dans le costume jusqu'au XVIIe siècle.
■  TRÉPASSEMENT n. m. (v. 1155, trespassement) est rare après l'époque classique.
■  TRÉPASSÉ, ÉE adj., du participe passé (v. 1145, trespassé), d'abord « vieux », a été substantivé ; TRÉPASSÉ, ÉE n. (XIIIe s.) « mort », vieilli même dans un contexte religieux (1690, la fête des Trépassés), survit dans des désignations spécifiques (la baie des Trépassés, en Bretagne).
TRÈPE n. f., mot d'argot ancien, vient d'un verbe devenu dialectal, tréper « fouler du pied, sauter », d'origine francique (°trippon). Le mot, avec des variantes (trèfle en Savoie), a désigné un troupeau en marche. Il est passé en argot au XVIIIe s. (Esnault) au sens de « foule, public nombreux » (y a du trèpe), encore en usage en argot au XXe siècle.
❏ voir TRÉPIGNER.
TRÉPHONE n. m., terme de biologie attesté en 1929, est tiré du grec trêphô, première personne du singulier de l'indicatif présent de trêphein « nourrir » (→ trophée, trophique). C'est le nom de la substance nutritive des extraits embryonnaires, stimulateurs de la croissance cellulaire.
❏  TRÉPHOCYTE n. m., formé (mil. XXe s.) de tréphone et -cyte, est le nom des leucocytes qui élaborent la trophine.
TRÉPIDATION n. f. est emprunté (1290) au latin trepidatio « agitation, désordre, trouble », au propre et au figuré, et spécialement « tremblement nerveux ». C'est le substantif verbal fait sur le supin (trepidatum) de trepidare « s'agiter, se démener », « trembler », dérivé de trepidus « agité, inquiet » et « qui trépigne » (→ intrépide). Cette famille de mots latins exprime une agitation inquiète et fébrile ; elle se rattache à une racine indoeuropéenne °trep- indiquant un mouvement pressé, tel qu'un piétinement (grec trapein « fouler le raisin », sanskrit tr̥práh « inquiet, qui se hâte »), peut-être parent de la racine représentée dans tremere (→ trembler) et terror (→ terreur), avec une nuance de sens différente.
❏  Le mot a été emprunté avec le sens général de « peur, frayeur, tremblement », sorti d'usage. Il désigne un tremblement pathologique du corps (1690) et, plus généralement, l'ébranlement de ce qui subit de petites secousses rapides (1788, du sol) ; seul l'emploi pour le tremblement saccadé d'un moteur (1893) est usuel. ◆  Par figure, trépidation se dit (1839) d'une agitation incessante.
❏  Le français a aussi emprunté au latin trepidare (ci-dessus) le verbe TRÉPIDER v. intr. (1495) avec le sens de « s'agiter », sorti d'usage au profit du sens moderne, « être agité par de petites secousses rapides » (1801). Il s'emploie aussi au figuré (1874).
■  Le participe présent TRÉPIDANT, ANTE est adjectivé avec les sens correspondants, au propre (1876) et au figuré (1890).
L'emprunt TRÉPIDE adj. (1531) « tremblant », « effrayé » (1540), représentant le latin trepidus, n'est attesté qu'au XVIe s. à la différence de intrépide*.
❏ voir INTRÉPIDE.
TRÉPIED n. m., d'abord trepiez, pl. (v. 1150), est issu du latin tripedem, accusatif de tripes « à trois pieds », substantivé pour un vase à trois pieds, de tri- « trois » (→ tri-), et pes, pedis (→ pied).
❏  Le mot est passé en français pour désigner un ustensile de cuisine à trois pieds, et plus généralement un support à trois pieds (1305) ; il a pris le sens spécial de « meuble à trois pieds », servant de support à un vase (1353). ◆  À la Renaissance, il est passé dans le langage savant comme terme d'antiquité grecque pour le siège à trois pieds sur lequel la Pythie rendait l'oracle d'Apollon (1559). Le sens du nom latin, « vase à trois pieds », a été repris par les archéologues (1636).
TRÉPIGNER v. est attesté au XVe s. (1461) mais antérieur, son dérivé trepignis se trouvant déjà au XIVe s. (1352-1356) ; il est dérivé de l'ancien français treper, triper (v. 1155) « frapper du pied en signe de joie ou d'impatience, sauter, danser ». Treper (emprunté par l'anglais to trip) est issu d'un francique °trippôn « sauter », postulé par le suédois trippa « trépigner », et qui a donné l'ancien provençal trepar « trépigner, sauter, danser », l'ancien italien trepare et l'espagnol trepar « grimper ». Les formes avec i viennent d'une influence des langues germaniques.
❏  Trépigner a d'abord été employé avec le sens d'« avancer d'un pas mal assuré », sorti d'usage. Il prend au XVIe s. la valeur de « battre des pieds contre terre à plusieurs reprises d'un mouvement rapide sur place » (1534, Rabelais) et, encore au XVIIe s., « danser sur place » (1538). ◆  Par figure, trépigner de a signifié « avoir très envie de » (v. 1580), aujourd'hui suivi d'un nom de sentiment (av. 1577) pour « témoigner (de la joie, de l'impatience, de la colère, etc.) ». ◆  Par extension il s'emploie (1680) à propos d'un cheval qui piaffe d'un mouvement rapide. ◆  Parallèlement le verbe est employé transitivement comme terme de jardinage (1576), « fouler (la terre) » jusqu'au XIXe s., rare avec la valeur générale de « piétiner violemment » (1690).
❏  Le participe présent TRÉPIGNANT, ANTE est adjectivé pour qualifier une personne qui trépigne (1588, Montaigne).
■  TRÉPIGNEMENT n. m. (1580), réfection de trépinement (1547), est le seul dérivé usuel.
■  TRÉPIGNÉE n. f., plus tardif (1867), mot populaire pour « volée de coups », est sorti d'usage comme TRÉPIGNEUR, EUSE n. (1867).
■  Le féminin TRÉPIGNEUSE n. f. est un terme technique pour désigner un manège à plan incliné et tablier roulant (1907).
❏ voir TRÈPE, TRIP, TRIPOT.
TRÉPOINTE n. f., formé de tré-, du latin trans (→ trans-), et de pointe, est un terme technique, nom de la bande de cuir placée entre deux pièces de cuir, pour renforcer la couture, et spécialement, de celle qui consolide la semelle d'une chaussure, cousue le long du bord de l'empeigne.
TRÉPONÈME n. m. (1909), d'abord treponema (1905), mot latin moderne, est composé du grec trepein « tourner » (→ trophée), et de nêma « fil », dérivé de nein « filer », à rapprocher du latin nere de même sens et peut-être du grec neuron (→ nerf).
❏  Le mot désigne un genre de micro-organisme mobile qui comprend plusieurs espèces pathogènes, par exemple le tréponème pâle responsable de la syphilis.
❏  TRÉPONÉMATOSE n. f. (l'anglais treponematose est attesté en 1927) désigne une maladie infectieuse contagieuse, causée par des tréponèmes (outre la syphilis, le pian).
L TRÈS adv. continue par voie orale (1050) le latin trans, devenu tras signifiant « au-delà de, à travers » (→ trans-), préposition de sens local mais qui, employé comme préverbe, pouvait correspondre à « de part en part, complètement », donnant lieu à un emploi comme adverbe intensif en latin populaire. En français, très (également écrit tre au XIIe s.) a fonctionné jusqu'au XIVe-XVe s. comme une préposition, avec le sens spatial de « derrière » (1050), bien conservé en occitan et en hispano-roman, et appliqué au rapport de temps : il a pris le sens de « après », d'où les nuances voisines de « dès, depuis » (v. 1170), ainsi que divers emplois en combinaison dans des locutions prépositionnelles.
❏  Très est placé avant un adjectif, un adverbe, puis une expression employée adjectivement (XIIIe s.), un nom, un participe employé comme adjectif. Son emploi (1715, Lesage) devant un participe passé gardant sa valeur verbale de passif, autorisé par l'usage et les meilleurs auteurs (« Gênes était... très menacée par les Piémontais », Voltaire), est réprouvé dès le XVIIIe siècle. On considère qu'il est peu correct d'employer très dans le tour pronominal (je m'en suis très occupé) et franchement incorrect de l'employer à l'actif (« ils ont très irrité le malheureux homme », Leconte de Lisle) : on dit beaucoup et dès l'ancien français moult. ◆  Il est à noter que jusqu'au XVIe s., très s'employait aussi devant un superlatif (très plus) et servait à renforcer tout, d'où un composé trestout. Très s'emploie dans des locutions verbales d'état avec avoir ou faire (v. 1225) et, de manière absolue, en guise de réponse (mil. XVe s.) [tu es content ? Très.]
■  Très (souvent sous la forme tré-) a servi en outre à former des verbes composés où il marque une idée de mouvement au-delà, de déplacement (trébucher, trépasser) ou simplement d'excès (tressaillir, tressauter) : on peut d'ailleurs l'analyser dans certains cas comme un adverbe d'intensité (Cf. l'ancien français trespenser « être extrêmement soucieux »).
TRÉSAILLÉ → TRESSAILLIR
TRÉSOR n. m. est emprunté (v. 1050), avec altération de té- en tré-, au latin thesaurus, emprunté au grec thêsauros « dépôt, magasin où on enferme provisions et objets précieux, trésor » (→ thesaurus). On ignore l'origine du mot et les hypothèses proposées ne sont pas satisfaisantes. La tentation d'y voir un nom composé avec thes-, comme forme de tithenai « placer », se heurte au fait qu'il n'existe aucun exemple de ce type de composés. Le second terme (-auros) n'est pas plus clair ; ce serait selon certains un des noms de l'eau et thêsauros aurait désigné originellement une citerne, ou bien le nom du vent (aura), et il s'agirait alors d'un grenier construit en plein air pour les provisions ; les deux hypothèses sont jugées fragiles par Chantraine. ◆  L'apparition du r dans la première syllabe du mot français n'est pas élucidée. Le caractère emprunté des formes romanes résulte du sens plus que de la forme, sauf pour l'italien tesoro au lieu de tisoro, si le mot était populaire.
❏  Les deux valeurs principales du mot sont bien représentées dès le début du XIIe s. : « ensemble de choses précieuses réunies pour être conservées » (v. 1112) et « endroit où on les garde » (1135). L'idée s'applique aux richesses d'une seigneurie, incluant titres et archives (v. 1175) et à celles d'une église. Trésor s'applique plus tard (1334) à l'ensemble des archives. ◆  Dès le XIIe s., il acquiert la valeur générale de « ce qui est considéré comme précieux ou très utile » (v. 1130) et se dit en particulier d'une personne chère. De cet emploi vient en français moderne l'usage du mot comme terme d'affection, dans mon trésor (1821) ou trésor ! ◆  Une autre valeur figurée « ensemble de connaissances précieuses » fait entrer le mot, comme le latin thesaurus, dans des titres d'ouvrages, encyclopédies et dictionnaires (depuis le Livre dou Tresor de Brunet Latin, 1265). ◆  Depuis la fin du XIIIe s., écrit avec une majuscule, le Trésor s'applique à l'ensemble des ressources financières d'un prince, d'un souverain, puis d'un État, les deux notions restant longtemps confondues. Trésor public (1748) s'applique aux moyens financiers de l'État, et la locution trésor de guerre, au figuré, (v. 1980) aux ressources plus ou moins cachées servant de réserve à une entreprise. ◆  Employé en général au pluriel, les trésors (1534) désigne une grande masse monétaire avec des emplois métaphoriques de type les trésors de Cérès « les moissons » (1667). Le mot reçoit une définition juridique à l'époque classique (1690) et, en même temps, s'emploie par figure (1541, un, des trésors de) pour parler d'une accumulation de choses belles ou utiles.
❏  TRÉSORIER, IÈRE n. (v. 1170), d'abord tresorer (1080), a été dérivé de trésor d'après le dérivé bas latin thesaurarius, pour désigner spécialement la personne chargée de l'administration des finances d'un prince, plus tard d'une organisation publique ou privée, et en particulier le fonctionnaire du Trésor, d'où trésorier-payeur général (1865). ◆  Il est aussi employé pour celui qui a la charge du trésor d'une église (v. 1170) et, dans l'armée, pour l'officier chargé de la comptabilité d'un corps de troupe (XVe s., n. m.).
■  TRÉSORERIE n. f. a été formé (fin XIIIe s.) sur trésorier après tresorie (v. 1200), directement dérivé de trésor et disparu. Le mot a eu (XVIIe s.) le sens concret de « lieu où l'on garde un trésor » et de « charge du trésorier d'une église », sorti d'usage. ◆  Il s'est limité au sens d'« administration du Trésor de l'État » (fin XIIIe s.), désignant par la suite la charge (1611) et la fonction de trésorier, l'état et la gestion des fonds (1803). Terme d'histoire, il a désigné (1798) le ministère des Finances d'Angleterre.
❏ voir THÉSAURUS.
TRESSAILLIR v. intr. est formé en français (1080) de tres-, du latin trans- (→ trans-, très), et de saillir*.
❏  Le mot a eu des emplois beaucoup plus étendus que de nos jours ; il s'est employé transitivement avec le sens propre de « franchir en sautant » (1080) jusqu'à la fin du XVIe s. et avait diverses valeurs figurées comme « laisser de côté, passer sous silence » (v. 1120), « surmonter » (v. 1175), « transgresser » (v. 1190).
■  L'usage moderne l'a restreint à un emploi intransitif au sens de « frémir, sursauter (sous l'effet d'une émotion) » (v. 1138), alors qu'il avait en ancien et moyen français le sens plus général de « rebondir » (v. 1155), « sauter sur ses pieds » (fin XIIe s.), etc. ; par extension, il s'emploie à propos d'une chose pour « éprouver un ébranlement » (v. 1860). ◆  La valeur technique de « se fendiller (d'une céramique) » est due à une confusion avec TRÉSAILLÉ, ÉE adj. (1923 ; 1803, tressaillé) ou TRÉSALLÉ (1893), terme technique, tiré du participe passé de se trézaller « se fendiller » (1767) ; ce sens représente un emploi spécialisé de tresaler « aller au-delà » (1080), de tres- et aller*.
❏  Le participe présent de tressaillir TRESSAILLANT, ANTE est employé comme adjectif (v. 1270).
■  Tressaillir a aussi donné un nom d'action, TRESSAILLEMENT n. m. (1561), assez courant.
⇒ encadré : Le tzigane ou tsigane