TRINGLOT → TRAIN (art. TRAÎNER)
TRINITÉ n. f., depuis le XIIe s. (1172-1174), antérieurement Trinitad (980) puis Trinitet (v. 1050), est emprunté au latin impérial ecclésiastique trinitas (Tertullien), de trini « triple », « au nombre de trois » (pluriel), dérivé de tres (→ trois).
❏  Le mot est introduit en français avec sa valeur religieuse de « réunion en un seul Dieu du Père, du Fils et du Saint-Esprit », cette union constituant un des dogmes et mystères de la doctrine chrétienne ; en ce sens, il s'écrit avec une majuscule. Par métonymie, il désigne une fête en l'honneur de ce mystère (déb. XIIIe s.), puis (v. 1263) un ordre religieux consacré à la Trinité. Il s'applique aussi (1796) en dehors de la religion chrétienne à une divinité triple ou à un groupe de trois dieux. ◆  Il s'emploie familièrement dans la locution à Pâques ou à la Trinité « à une époque incertaine » (1845), tirée de la chanson de Malbrough.
■  Trinité est passé très tôt dans le vocabulaire général pour désigner un groupe de trois éléments liés (1377), emploi devenu archaïque ou stylistique.
■  C'est aussi l'un des noms de la pensée (1690), d'abord herbe de la Trinité (1546).
❏  On en a dérivé TRINITAIRE n. et adj. (1541), employé dans la religion chrétienne pour désigner une personne qui croit à la Trinité, puis le membre d'une secte dont l'opinion sur la Trinité n'est pas orthodoxe (1690) et un religieux d'un des deux ordres fondés sous l'invocation de la Trinité (1690).
■  Trinitaire « membre d'une secte » a produit l'antonyme préfixé ANTITRINITAIRE n. (1670).
De l'espagnol Trinidad, correspondant à Trinité, vient l'adj. et n. TRINIDADIEN, IENNE, « relatif à l'État de Trinité-et-Tobago », nom français des îles de la Trinité (Trinidad) et de Tobago, aux Antilles, proches du Venezuela.
TRINÔME → BINÔME
? TRINQUART n. m., attesté en 1730, est le nom d'un ancien bateau de pêche au hareng, qu'on a rapproché sans preuve de trinquet.
TRINQUER v. intr. a fait l'objet, entre le XIIe et le XVIe s., d'emprunts successifs aux représentants de plusieurs langues germaniques, dérivés du même mot °drenkan signifiant « boire ». Dès le XIIe s., on relève chez Benoît de Sainte-Maure, qui a écrit pour Henri II d'Angleterre, la forme drinker, empruntée au moyen anglais drinken (anglais moderne to drink). La forme moderne trinquer, employée par Rabelais (1546, prologue du Tiers Livre), est empruntée à l'allemand trinken ; on trouve aussi au XVIe s. drinquer d'après le néerlandais drinken. L'italien trincare (XVe s.) représente l'allemand trinken.
❏  Le mot est passé en français au sens étymologique de « boire », sorti d'usage, avec la nuance de « boire avec excès ». Le sens moderne, qui correspond à une manière de boire en société en choquant les verres, est attesté au XVIIe s. (1690). ◆  Par extension métaphorique, l'accent étant mis sur l'idée de « choc », le verbe a pris le sens de « se choquer, se heurter » en parlant de choses, de véhicules (1880), emplois archaïques, puis (1876) familièrement celui de « subir des désagréments, des pertes », en parlant de personnes, et de « subir un dommage » (XXe s.) à propos de choses. En argot, « être condamné, punir » (1876).
❏  Son dérivé TRINQUEUR, EUSE n. (v. 1550, Rabelais) pour « personne aimant boire », est sorti d'usage.
■  TRINQUÉE n. f. (1885), « action de trinquer », est à peu près inusité (on emploie d'autres mots et expressions, Cf. santé, toast).
❏ voir DRINK.
1 TRINQUET n. m. a d'abord désigné (v. 1477) une voile triangulaire du mât de l'avant, par emprunt soit à l'italien trinchetta (d'où trinquette, ci-dessous), soit à l'espagnol trinquete ou au catalan trinquet, triquet. Ce terme de marine désigne le mât de misaine des bâtiments à voiles latines, à antennes.
❏  TRINQUETTE n. f. (v. 1500) est soit dérivé de trinquet, soit emprunté à l'italien trinchetta, et désigne la voile triangulaire du mât de l'avant.
? 2 TRINQUET n. m. (attesté en 1899) est un emprunt probable à l'espagnol trinquete, attesté depuis le début du XVIIe s. pour le jeu de pelote en salle, lui-même pris au français triquet, diminutif de trique*. En français régional du Pays basque, c'est le nom de la salle où l'on joue à la pelote.
TRIO n. m. est l'emprunt (1582) du mot italien trio, formé comme terme de musique d'après duo* avec l'élément tri-* pour désigner une pièce de musique à trois instruments et, par métonymie, une formation de trois musiciens (XVIIe s.).
❏  Le mot a été emprunté au figuré (jouer en trio), puis au propre (1610) pour désigner une formation de trois musiciens, alors sur le même plan que quatuor. Il s'est étendu à une composition musicale pour un trio (les trios de Beethoven). ◆  Dès la fin du XVIe s. (1585), il est employé dans l'usage courant à propos d'un groupe de trois personnes. ◆  L'acception musicale a reçu à l'époque romantique une valeur spéciale, désignant la seconde partie d'un menuet dans le troisième mouvement d'une sonate (1829), ainsi que la seconde partie de nombreuses compositions de danse.
■  Le passage de 1 triolet* à sa valeur musicale (1839) en fait un quasi-dérivé de trio.
■  En turf, trio désigne une forme de pari sur trois chevaux (différent du tiercé). Cf. triplé.
❏  Un dérivé, avec le l de triolet, est TRIOLISME n. m. (1985) « pratique des relations sexuelles à trois ».
1 TRIOLET n. m. est issu (1488), par l'intermédiaire des parlers franco-provençaux, du grec triphullon (→ trèfle), substantivation au neutre de l'adjectif triphullos « à trois feuilles ».
❏  Le sens propre de « trèfle rampant » est attesté relativement tard en français (1545). C'est pourtant lui qui rend compte du sens métaphorique (1488) de « couplet de huit vers où le premier est repris après le troisième et le second après le sixième », lequel provient d'une comparaison avec la forme tripartie de la feuille de trèfle. La locution comparative du moyen français à la manière de triolet (v. 1500), qualifiant un bouclier composé de trois parties, est sortie d'usage.
■  Au XIXe s., sous l'influence de trio, triolet désigne en musique un groupe de trois notes d'égale valeur qui se jouent dans le temps de deux (1829).
2 TRIOLET n. m. est un mot francoprovençal passé en français (1545), par emprunt au latin trifolium qui a donné trèfle. C'est le nom, en Savoie, en Franche-Comté, du trèfle rampant, et par ailleurs, de la lupuline.
TRIOMPHE n. m., variante graphique (XVe s.) de triumphe (v. 1165), est emprunté au latin classique triumphus qui désignait originellement l'entrée solennelle d'un général victorieux à Rome et, par métonymie, sa victoire. Le mot latin, anciennement écrit et prononcé triumpus (avant d'être modifié par les lettrés de Rome), est probablement emprunté par l'intermédiaire de l'étrusque au grec thriambos, nom de l'hymne chanté en l'honneur des fêtes de Bacchus. Ce mot possède la même finale que les termes grecs dithurambos et iambos (→ dithyrambe, iambe), mais on ignore son étymologie. La forme triumphe est encore courante au XVIe siècle.
❏  Le mot a pénétré en français au sens de « succès, réussite » (v. 1165), puis pour désigner (v. 1174) une victoire militaire éclatante ; cette valeur est sortie d'usage, triomphe se disant aujourd'hui d'une victoire à l'issue d'une rivalité (1527) et de l'avènement de ce qui était en lutte avec autre chose (av. 1564), puis d'une action, d'une représentation qui déchaîne l'enthousiasme (1663), d'où le triomphe de qqn (1798). ◆  Il a également repris son sens au latin comme terme d'antiquité (v. 1240) d'où, à l'époque classique, mener qqn en triomphe « lui faire suivre comme vaincu le char triomphal » (1559) et, aujourd'hui, arc de triomphe (1671). À l'imitation de la cérémonie romaine, il s'est dit d'un cortège allant au-devant du prince lors de son entrée dans une ville (1435) et, concrètement, d'un objet porté par des personnes qui défilent (1518), de la décoration établie sur le trajet d'un cortège (1539) ; ces acceptions ont décliné avec l'abandon de ces cortèges ; mais il en reste le sens de « manifestation éclatante, glorieuse » (v. 1265) et la locution en triomphe (1553), notamment dans porter qqn en triomphe (v. 1790). Par métonymie, le mot désigne la joie rayonnante que donne une victoire (v. 1462). ◆  Triomphe a donné lieu à quelques acceptions analogiques concrètes, désignant autrefois au féminin un jeu de cartes (v. 1482), puis un atout aux cartes (1611) et entrant dans le nom d'une variété d'œillet (1715, triomphe de Lille) et de fruits (1872). ◆  Il s'est dit sous la Restauration (1821) d'une fête en l'honneur de l'élève de Saint-Cyr le plus adroit au tir de mortier et depuis 1887 de la fête de la promotion des saint-cyriens qui termine une première année d'études.
❏  Les mots importants de la série sont des emprunts aux dérivés latins.
■  TRIOMPHER v., réfection (1538) de triumpher (v. 1265), est emprunté au dérivé latin triumphare de sens propre et figuré, transitif et intransitif. Triompher de (qqn) signifie « vaincre avec éclat », aussi en emploi absolu (1553), puis par extension (fin XVIe s.) « venir à bout de (qqch.) ». ◆  Le verbe s'emploie avec un sujet nom de chose pour « s'imposer » (fin XVIe s., comme transitif, sorti d'usage). ◆  Il s'emploie absolument pour « célébrer une victoire par un triomphe », en antiquité romaine (1538), et au figuré pour « éprouver et manifester un sentiment de victoire » (1550).
■  Le participe présent TRIOMPHANT, ANTE est adjectivé (v. 1460, triumphant) pour qualifier une personne victorieuse à la guerre, surtout par une victoire éclatante (1538). La valeur figurée de « qui exprime une joie éclatante » (1694), est aujourd'hui la plus usuelle, alors que le sens figuré « splendide, superbe, somptueux » (XVe s.) est littéraire.
TRIOMPHAL, ALE, AUX adj., variante du XVe s. de triumphal (déb. XIVe s.), trionfal (v. 1165), est emprunté au dérivé latin triumphalis appliqué aux attributs du vainqueur et à celui-ci.
■  Le mot qualifie un monument élevé en l'honneur d'un triomphateur (v. 1165, arc trionfal) puis s'applique (v. 1355) à ce qui est relatif au triomphe, dans un contexte antique et (apr. 1435) moderne. ◆  L'adjectif se dit aussi de ce qui est marqué par la solennité (fin XVe s.), de ce qui est fait à l'occasion d'un triomphe (v. 1350) ; à partir du XIXe s. il qualifie ce qui suscite l'enthousiasme (1831) puis ce qui constitue une grande réussite (1904).
■  De l'adjectif dérive TRIOMPHALEMENT adv. (v. 1510, triumphallement) « avec les honneurs du triomphe », qui a développé le sens figuré de « avec un air triomphant » (1876).
■  TRIOMPHALISME n. m. (v. 1960) et TRIOMPHALISTE n. et adj. (v. 1960), autres dérivés de triomphal, s'appliquent à une attitude de satisfaction excessive, en politique.
TRIOMPHATEUR, TRICE n. et adj. est un emprunt (v. 1370) au latin triumphator (au féminin, triumphatrix), dérivé du supin de triumphare. ◆  Le mot désigne la personne qui a remporté une victoire militaire, plus généralement un succès éclatant (1776), d'où air triomphateur (1806) en concurrence avec air triomphant. ◆  Triomphateur n. m. est employé spécialement en antiquité romaine depuis le XVIIe s. (attesté 1690).
TRIONYX n. m. (1827), mot du latin des zoologistes, est formé de tri- et du grec onux « ongle » (→ onyx), comme nom d'une grande tortue carnassière d'eau douce, qui n'a d'ongles qu'à trois doigts.
TRIP n. m. est emprunté (1966) à l'argot anglo-américain trip « état particulier de rêve résultant de l'absorption d'hallucinogènes » (1960, Dictionary of American Slang). Celui-ci est une acception particulière, en usage chez les toxicomanes, de l'anglais trip « voyage » (XVIIe s.), dérivé (XVe s.) de to trip (XIVe s.) « marcher légèrement », lequel est emprunté à l'ancien français trip(p)er, treper « frapper du pied, sauter », lui-même d'origine germanique (→ trépigner, tripot).
❏  Le mot est passé en français familier avec son sens américain, développant par extension le sens de « voyage mental » et, dans un registre familier, « aventure intérieure de qqn », « souhait profond, envie » (v. 1975), par exemple dans la locution c'est (pas) mon trip et, parallèlement, « genre, style » (le trip musique techno).
❏  Il a produit TRIPER v. (v. 1970), d'usage familier.
TRIPANG n. m., écrit tripam en 1770, est emprunté au malais, et désigne une grosse holothurie comestible aussi appelée bêche de mer. Son commerce est à l'origine de la langue mixte nommée bichlamar.
TRIPATOUILLER v. tr. est une variante populaire (v. 1888) de tripoter (→ tripot), probablement par croisement avec patouiller, dérivé de patte* ; cette hypothèse est appuyée par l'existence d'une forme tripatrouiller (1890) qui témoigne d'un croisement avec patrouiller*, variante de patouiller.
❏  Le mot est d'abord relevé dans l'argot du théâtre (E. Bergerat) où il désigne l'action consistant à remanier sans scrupule un texte original. ◆  Par extension, il est employé avec une valeur concrète (1920) équivalant à tripoter, puis à propos de comptes, d'écritures, d'opérations financières.
❏  Les dérivés TRIPATOUILLAGE n. m. (1888), TRIPATOUILLEUR, EUSE n. (1894) et TRIPATOUILLABLE adj. (1888) témoignent du succès du mot à la fin du XIXe siècle. Ils sont restés dans l'usage familier. ◆  TRIPATOUILLÉE n. f. (1834) a signifié familièrement « grande quantité » ; → tripotée.
? TRIPE n. f., d'abord attesté au pluriel (1260), est un mot d'origine incertaine, attesté en latin médiéval de France sous la forme tripae pl. (1re moitié XIIe s.), et implanté dans la plupart des autres langues romanes : italien trippa (XVe s.), espagnol, catalan, provençal, portugais tripa. L'hypothèse d'un étymon arabe tarb « pli de l'intestin » est à écarter, pour des raisons phonétiques (tarb a donné en bas latin zirbus, mot qui a concurrencé le latin classique omentum « épiploon », « entrailles ») et aussi socio-linguistiques, tarb, terme technique d'anatomie, pouvant difficilement avoir donné un vocable populaire comme tripe. ◆  Une autre hypothèse, selon laquelle tripe procéderait d'un membre de la famille germanique du moyen néerlandais stripje, d'où viennent l'anglais stripe, le bas allemand stripe, le danois stribe « bande, rayure », fait de tripe un emploi figuré de tripe « étoffe à poils de laine » (1317) ; elle repose sur l'existence d'un breton stripen « tripe » et d'un bas latin stripa attesté dans plusieurs glossaires latin-allemand. Cependant, elle se heurte à la date tardive de ces glossaires, à peine antérieurs à la Renaissance, et à la difficulté d'expliquer la disparition du s- en français. ◆  On a aussi proposé de voir en tripe le dérivé du verbe étriper (ci-dessous), qui pourrait être plus ancien que les attestations connues, et serait une altération du latin exstirpare (→ extirper) passé du langage médical à l'usage populaire. Enfin, Wartburg propose de remonter à un mot expressif °trippa créé dans le latin du Bas-Empire.
❏  Le mot désigne d'abord les boyaux d'un animal, spécialement lorsqu'ils sont préparés pour être consommés (v. 1280), divers syntagmes précisant la recette (tripes à la mode de Caen, par exemple). ◆  Il se dit familièrement des boyaux humains (1534, Rabelais), en particulier dans des locutions comme rendre tripes et boyaux « vomir » (1640) et s'emploie au figuré pour « entrailles » (1534) comme siège des sentiments (Cf. viscéral), par exemple dans des locutions comme prendre aux tripes (1934), avoir la tripe républicaine (XXe s.). ◆  Il a quelques sens analogiques (aspect, consistance), par exemple dans œufs à la tripe (1701) ou en tripes (1876) et se dit encore techniquement au singulier de l'intérieur d'un cigare (1867).
❏  La plupart des dérivés ont trait à la consommation des tripes.
■  TRIPIER, IÈRE n. « marchand(e) de tripes » (XIIIe s.), sens usuel étendu à « commerçant qui vend des abats » (distinct du boucher, parfois associé à volailler), s'est employé comme terme d'injure adressé à une femme (1547 Noël du Fail).
■  TRIPERIE n. f. d'abord attesté comme nom d'une rue de Paris où l'on vendait des abats (v. 1300, rue de la Triperie) désigne depuis la fin du XIVe s. (v. 1393) la boutique du tripier et (1873) son commerce.
■  TRIPAILLE n. m. (1458) désigne familièrement le ventre de l'homme, puis des entrailles d'animaux (déb. XVIe s.), et une préparation à base de tripes (1609).
■  Le diminutif de tripe, TRIPETTE n. f. (v. 1460), n'a pas gardé son sens propre, « petite tripe », mais s'est fixé au sens figuré, « chose sans valeur » (1743), dans ça ne vaut pas tripette « ça ne vaut rien ».
■  TRIPOUS ou TRIPOUX n. m. pl., terme régional culinaire, est relevé antérieurement au sens de « boudin » (1655). Ce mot régionalement ancien est connu et employé en français central (1909) pour désigner une préparation de tripes propre à l'Auvergne et aux régions voisines. Le pluriel en x est analogique et hypercorrect (d'après la série célèbre : caillou, chou, genou...).
■  Le dérivé le plus récent est TRIPIÈRE n. f., nom régional pour un récipient où l'on prépare les tripes (XXe s.).
Quant au préfixé ÉTRIPER v. tr. (1690), d'abord écrit estriper (1534), il est employé familièrement à propos d'un homme (1534), Cf. éventrer, souvent avec le sens affaibli de « mettre à mal, battre violemment » (1704), puis en parlant d'un animal (1578). ◆  Par analogie, il a signifié « tailler maladroitement (un arbre) » (1767).
TRIPHASÉ → PHASE
TRIPLE adj. est la réfection d'après le latin, par emprunt (XIVe s., n. m. ; v. 1380, adj.), de trible (v. 1265), lui-même modification de l'ancien français treble (v. 1175) issu régulièrement par voie orale du latin triplus. Ce dernier est la variante de triplex « qui se présente par trois, à trois », de tri- (→ tri-), et -plex pour plicare (→ plier). L'ancienne forme treble a été conservée par l'anglais treble qui l'a empruntée au XVIe siècle.
❏  Le mot est passé en français avec le sens du latin, et a développé en moyen français le sens de « trois fois plus grand » (v. 1380 ; v. 1310, treble), lequel a donné lieu à un emploi substantivé (un, le triple). Ce nom s'est employé en musique pour un morceau à trois voix (XIVe s. ; XIIIe s., treble), sens disparu, puis à propos d'une quantité trois fois plus importante (1611). ◆  Avec sa première acception, l'adjectif s'emploie ensuite en musique (1740, triple croche) puis dans divers domaines spécialisés, par exemple en chimie (v. 1950, triple point). ◆  Parallèlement, il a pris le sens de « grand » (1772), notamment devant des termes dépréciatifs (triple idiot, etc.) et dans la locution au triple galop (1843). ◆  Il s'applique aussi à ce qui est répété trois fois, spécialement en médecine (1876) et en biologie (alors postposé). ◆  Triple n. m. est entré dans la locution usuelle en triple (1872, Littré).
❏  En moyen français, triple a servi à former TRIPLER v. « multiplier par trois », à la fois transitif (1304) et intransitif (1690), dont on a tiré le nom d'action 1 TRIPLEMENT n. m. (1515), et l'adverbe 2 TRIPLEMENT (v. 1380).
■  TRIPLURE n. f., dérivé du verbe (1636, tripleure) au sens d'« action de tripler », a été reformé au XXe s. (v. 1960) comme terme de couture sur le modèle de doublure.
Les autres dérivés restés en français sont plus récents et se rattachent à des sens particuliers ou spécialisés.
■  Ainsi, le diminutif TRIPLET n. m., d'abord terme du jeu de dés sorti d'usage (1872), est employé au pluriel à propos de trois enfants nés d'une même grossesse (Cf. ci-dessous triplés), tandis que le singulier désigne une combinaison de trois choses, en architecture (1888), en optique (1891), plus récemment (v. 1960) en mathématiques et en biochimie.
■  Le féminin correspondant TRIPLETTE n. f. (1889) s'est d'abord dit d'un cycle à trois sièges puis, de nos jours, d'une équipe de trois joueurs (1901, au football).
■  TRIPLÉ n. m., du participe passé de tripler (1916), appartient lui aussi au langage du sport, désignant le triple succès d'un sportif et, en turf, la combinaison de trois chevaux gagnants. Cet emploi a vieilli au profit de trio. ◆  Triplé, ée n., généralement au pluriel triplés, ées, désigne les trois enfants nés d'une même grossesse (v. 1950), plus courant que triplet (ci-dessus).
■  Au XXe s. est apparu TRIPLEX n. m. (1912), marque déposée d'un type de verre (d'après duplex) et par ailleurs nom d'un procédé d'élaboration d'aciers en métallurgie (v. 1960).
■  Quelques composés scientifiques ont été formés, en biologie, TRIPLOÏDE adj. (1931 ; 1824, n. m. avec un autre sens), TRIPLOÏDIE n. f. (1936), et TRIPLOBLASTIQUE adj. (1961) formé en zoologie avec l'élément -blasto-.
TRIPLICATA n. m. « troisième copie d'un acte », est un emprunt tardif (1743 au Canada : Potier) au latin triplicata, participe passé féminin de triplicare (dérivé de triplex), d'après duplicata* existant antérieurement.
TRIPOLI n. m. est l'emploi comme nom commun (1508) de Tripoli, nom de la ville de Syrie d'où cette matière provenait. Tripoli vient lui-même du grec tripolis « composé de trois villes », de tri- (→ tri-), et polis « ville » (→ police), substantivé comme nom propre en géographie à propos d'un État formé par la réunion de trois villes (en Laconie, en Arcadie) et, spécialement, pour la réunion de Tyr, Sidon et Arados en Phénicie (aujourd'hui Tripoli).
❏  Le mot désigne une roche siliceuse et, couramment, la matière pulvérulente que l'on en tire et qui sert à polir le verre et les métaux.
❏  Il a produit TRIPOLIR v. tr. (1650), « polir avec du tripoli », mot technique fait sous l'influence de polir*.
■  On a aussi formé TRIPOLISSER v. tr. (1800), de même sens, sous l'influence de lisser*.
? TRIPOT n. m. est généralement considéré comme le dérivé (v. 1160) de l'ancien treper (v. 1155) ou triper (v. 1185), « frapper du pied, sauter », issu du francique °trippôn « sauter, sautiller » (→ trépigner). Cette étymologie est contestée par P. Guiraud, qui rattache le mot au dialectal pote « patte » (d'un °pauta selon Wartburg) et voit dans tri- un préfixe à valeur intensive (du latin tres-). Selon lui, il y a synonymie entre tripoter et tripatouiller* et tripoter signifierait proprement « jouer à la paume » (pote étant synonyme de paume de la main), spécialement « manipuler (les cartes, etc.) » ; tripot serait son déverbal.
❏  Tripot a désigné en ancien français à la fois l'acte amoureux et une intrigue, une ruse, une manigance (v. 1180) ; on relève encore au XVIe s. l'expression tripot amoureux (1548), mais le mot a alors perdu la valeur active d'« action de tripoter ». ◆  Tripot a longtemps désigné l'enclos aménagé pour le jeu de paume (v. 1460), entrant à l'époque classique dans les locutions figurées ne bien jouer que dans son tripot « n'être à l'aise que dans son domaine » (1670), battre sur son tripot « sur son propre terrain » (1690), et tirer un homme de son tripot « du lieu où il a l'avantage » (1690), toutes sorties d'usage avec la pratique du jeu de paume.
■  L'usage moderne remonte au XVIIIe s. ; il concerne une maison de jeu (1726, Lesage) et, par extension, un lieu où s'assemblent des gens peu recommandables (av. 1784), où l'on se querelle (1757). Toujours péjoratif, il a notamment été appliqué à une troupe de comédiens (XVIIIe s.). ◆  Par ironie, l'argot l'a employé pour « poste de police » (1849).
❏  Selon qu'on adopte l'hypothèse étymologique généralement reconnue ou celle de P. Guiraud, on verra en TRIPOTER v. le dérivé de tripot ou sa souche. L'attestation de son dérivé tripotage (1482) semble indiquer qu'il remonte lui-même au XVe siècle. Il a eu le sens de « manigancer (une affaire) », aujourd'hui seulement comme intransitif (1845) ; il a signifié « jouer à la paume » (1546) [Cf. ci-dessus tripot] et « mélanger, remuer des choses plus ou moins propres » (1611), encore régionalement, et « embrouiller (une affaire) » (1694). ◆  L'usage moderne l'emploie avec l'idée de « manipuler », à la fois en parlant de fonds, d'argent que l'on fait valoir de façon plus ou moins honnête (1774, Beaumarchais) et concrètement manier sans nécessité (1847), sans précaution (1867) et, familièrement, toucher (qqn) indiscrètement (1787), remplaçant alors patiner et concurrençant peloter.
■  Le plus ancien dérivé du verbe, TRIPOTAGE n. m. a servi à désigner une intrigue (1482). Il a eu à l'époque classique des valeurs concrètes, « mélange d'aliments » (1515), en particulier « mélange peu ragoûtant » (1644), plus généralement « assemblage disparate » (1609) et, par figure, a désigné de petits arrangements, notamment domestiques (1643). ◆  De nos jours, il sert de nom d'action à tripoter, à la fois au sens concret d'« action de manier avec insistance » (1871) et, réactivant le sens premier, au sens abstrait de « combinaison louche » (1834).
■  TRIPOTEUR, EUSE n. (1582) a suivi le même développement, perdant le sens de « personne brouillant les choses » et désignant une personne qui manie l'argent sans scrupules (1802), aussi synonyme de peloteur.
■  TRIPOTÉE n. f. (1843) est le mot le plus familier du groupe, qui désigne une volée de coups, au figuré une défaite (1880), et une grande quantité (1867).
■  TRIPOTAILLER v. tr. (1875) a une valeur péjorative, au propre comme au figuré (1886).
⇒ encadré : Le tzigane ou tsigane