Haïkus1


La plupart des haïkus cités proviennent des recueils suivants :

COYAUD, Maurice, Fourmis sans ombre. Le livre du haïku. Anthologie. Promenade, Paris, Phébus, 1978.

– , Fêtes au Japon. Haïkus, Paris, PAF, 1978.

MUNIER, Roger, Haïkus, Paris, Fayard, 1978. [Réed. « Points Poésie », 2006].

YAMATA, Kikou, Sur des lèvres japonaises, Paris, Le Divan, 1924.

Les autres haïkus ont été rassemblés et traduits de l’anglais par le professeur.

(1) Avec un taureau à bord,

Un petit bateau traverse la rivière,

À travers la pluie du soir.

(Shiki)

(2) Un jour de brume –

La grande pièce

Est déserte et calme.

(Issa, Munier)

(3) Les citadins

Rameaux d’érable dans les mains

Train du retour.

(Meisetsu, Coyaud)

(4) Couché

Je vois passer des nuages.

Chambre d’été.

(Yaha)

(5) Le vent d’hiver souffle

Les yeux des chats

Clignotent.

(Bashô)

(6) La rivière d’été

Passée à gué, quel bonheur

Savates à la main.

(Buson, Coyaud)

(7) L’aube du jour :

Sur la pointe de la feuille d’orge,

La gelée du printemps.

(Issa)

(8) Liserons éclatants de midi

Flammes

Parmi les cailloux.

(Issa, Coyaud)

(9) Les prairies sont brumeuses

Les eaux font silence

C’est le soir.

(Buson, Munier)

(10) Si rudement tombe

Sur les œillets

L’averse d’été.

(Sampû, Munier)

(11) Premier lever de soleil

Il y a un nuage

Comme un nuage dans un tableau.

(Shusai, Munier)

(12) Comme si rien n’avait eu lieu,

La corneille,

Le saule.

(Issa, Munier)

(13) Un chien aboie

Contre un colporteur

Pêchers en fleurs.

(Buson, Coyaud)

(14) Le petit chat

Un moment plaque au sol

La feuille entraînée par le vent.

(Issa, Munier)

(15) L’enfant

Promène le chien

Sous la lune d’été.

(Shôha, Munier)

(16) « Ah, puissé-je vivre toujours ! »

Voix de femme

Cri de cigale.

(Kusatao, Coyaud)

(17) Sieste, réveil,

J’entends passer

Le rémouleur.

(Bakunan, Coyaud)

(18) Brillante lune.

Pas de coin sombre

Où vider le cendrier.

(Fugyoku, Blyth)

(19) Les fleurs de verveine blanches,

Aussi en pleine nuit

La voie lactée.

(Gonsui, Coyaud)

(20) Employés de banque le matin

Phosphorescents

Comme des seiches.

(Kaneko Tôta, Coyaud)

(21) Lune d’automne,

Alors j’ouvrirai, sur le pupitre,

Des textes anciens.

(Buson, Kikou Yamata)

(22) Petite porte en treillage,

Fleurs dans un pot,

Cabane de la paix.

(23) Jour du Nouvel An –

Le bureau et les papiers

Sont tels que l’an passé.

(Matsuo, Munier)

(24) Aube du Nouvel An,

Le jour d’hier,

Comme il est loin.

(Ichiku, Munier)

(25) Route sur la lande d’automne,

Quelqu’un vient

Derrière moi.

(Buson, Munier)

(26) Poussant leur charrette,

L’homme et la femme

Se disent quelque chose.

(Itto, Coyaud)

(27) Le bruit d’un rat

Griffant une assiette –

Que c’est froid !

(Buson, Munier)

(28) Soir d’été,

Poussière des chemins,

Feu doré d’herbes sèches.

(29) Sentiers sur la montagne,

Crépuscule sur les cèdres roses,

Cloches lointaines.

(Bashô)

(30) Un vieux marécage,

Une grenouille y saute –

Oh ! le bruit de l’eau.

(Bashô)

(31) Fraîcheur,

J’appuie mon front

Contre la natte verte.

(Sonojô, Coyaud)

(32) Fraîcheur,

Au mur la plante de mes pieds nus,

Sieste.

(Bashô, Coyaud)

(33) Je vis la première neige

Ce matin-là,

J’oubliai de laver mon visage.

(Bashô, Yamata)

(34) Nettoyant une casserole,

Rides sur l’eau,

Un goéland solitaire.

(Buson, Coyaud)

(35) Saison des pluies. Nous regardons la pluie,

Moi et derrière moi, debout,

Ma femme.

(Rinka, Coyaud)

(36) Sieste,

La main cesse

De mouvoir l’éventail.

(Taigi, Coyaud)

(37) Le foulard de la fillette,

Trop bas sur les yeux,

Un charme fou.

(Buson, Coyaud)

(38) Pluie de printemps.

Faisant causette, s’en vont

Manteau de paille et parapluie.

(Buson, Coyaud)

(39) Le bonze un peu gris

Caresse la tête d’un ami,

Véranda sous la lune.

(Boshâ, Coyaud)

(40) Brume et pluie.

Fuji caché. Mais cependant je vais

Content.

(Bashô, Coyaud)

(41) Lune éblouissante,

Pour reposer l’œil,

Deux ou trois nuages, de temps en temps.

(Bashô)

(42) Les fleurs tombent ;

Il ferme la grande porte du temple

Et s’en va.

(Bashô)

(43) Brise printanière :

Le batelier

Mâche sa pipette.

(Bashô, Yamata)

(44) Le chaton

Flaire

L’escargot.

(Saimaro, Coyaud)

(45) Pas d’autre bruit

Que l’averse d’été

Dans le soir.

(Issa, Munier)

(46) Pelant une poire –

De tendres gouttes

Glissent au long du couteau.

(Shiki, Munier)

(47) Jeux de mouches

Sur le bâton d’encre. Printemps,

Rayons de soleil.

(Meisetsu, Coyaud)

(48) Dans l’ombre des frondaisons

Les yeux du chat noir,

Dorés, féroces.

(Kawabata Bôsha, Coyaud)

(49) Êtres sans mémoire,

Neige fraîche,

Écureuils bondissants.

(Kusatao, Coyaud)

(50) Un oiseau chanta –

Tomba au sol

Une baie rouge.

(Shiki, Munier)

(51) Convalescence –

Mes yeux se fatiguèrent

À contempler les roses.

(52) J’arrive par le sentier de la montagne.

Ah ! Ceci est exquis !

Une violette !

(Bashô)

(53) La cueillir, quel dommage !

La laisser, quel dommage !

Ah, cette violette !

(54) Et qu’est-ce que ma vie ?

Rien de plus que le roseau futile

Croissant au chaume d’une hutte.

(Bashô, Yamata)

(55) Comme il est admirable,

Celui qui ne pense pas « La vie est éphémère »

En voyant un éclair !

(Bashô)

(56) Dans ma coupe de saké

Nage une puce,

Absolument.

(Issa, Coyaud)

(57) Dans la jarre d’eau flotte

Une fourmi

Sans ombre.

(Seishi, Coyaud)

(58) Ça, ça,

C’est tout ce que j’ai pu dire

Devant les fleurs du mont Yoshino.

(Teishitsu, Coyaud)

(59) Dans la rivière hivernale,

Arraché, puis jeté là,

Un navet rouge.

(Buson, Munier)

(60) C’est le soir, l’automne ;

Je pense seulement

À mes parents.

(Buson)

(61) Rien d’autre aujourd’hui,

Que d’aller dans le printemps,

Rien de plus.

(Buson, Munier)

(62) Tout le monde dort,

Rien entre

La lune et moi.

(Seifugo, Coyaud)

(63) Dans la maison de la nonne solitaire,

Indifférent à l’indifférente, fleurit

Un azalé2 blanc.

(Bashô, Yamata)

(64) Chauve-souris,

Cachée tu vis

Sous ton parapluie cassé.

(Buson, Coyaud)

(65) Un bateau, on regarde la lune,

Pipe tombée à l’eau,

Rivière peu profonde.

(Buson, Coyaud)

(66) Je m’en souviens,

La vieille laissée pleure

Avec la lune pour compagne.

(Bashô, Coyaud)


1.

Nous publions ici la transcription du fascicule composé par Roland Barthes et distribué lors de la séance du 13 janvier 1979. Voir p. 71-73. Nous restituons la ponctuation telle qu’elle figure dans le document original.

2.

Sic !