CHAPITRE IV

 

Domna, vostre sui e serai,
del vostre servizi garnitz.

 

«Dame, vôtre je suis et je serai,
prêt à votre service.»

 

BERNART DE VENTADORN.

 

 

 

 

 

Amadieu, installé au soleil dans un coin de la cour des communs, regardait avec envie ses compagnons s’entraîner. Il brûlait de les rejoindre, mais il avait promis à la comtesse de patienter encore quelques jours. Alors, il se distrayait en profitant de son immobilité forcée pour les observer de manière à les conseiller utilement. François ne devrait pas laisser approcher ses adversaires d’aussi près: il n’était pas assez lourd pour le corps à corps; Jean faisait trop confiance à sa force: il se découvrait inconsidérément et un adversaire plus souple et plus rapide que lui saurait en profiter. Il le leur dirait à tous les deux. Quant à la manière de Guilhèm, il n’y avait pas de critique à faire: il luttait d’une façon presque parfaite, qu’Amadieu admirait sans réserve.

 

Son attention fut soudain attirée par un mouvement à une fenêtre proche de lui. Il n’était pas le seul à observer les garçons, mais l’autre le faisait en se cachant. Ce n’était pas la première fois qu’il le remarquait, mais il se retournait toujours trop tard. Demain, il faudrait qu’il songe à s’installer de manière à voir en même temps la fenêtre et la cour. Qui donc pouvait bien se dissimuler pour regarder ce qui se passait à la vue de tous? Il avait un doute, certes, mais cela lui paraissait trop invraisemblable pour le croire.

 

Il fut tiré de ses réflexions par l’arrivée de Jean: les couples de combattants s’étaient défaits et ils se dirigeaient en commentant leurs meilleurs coups vers l’appentis où ils vérifieraient l’état de l’armement des chevaliers que les valets amenaient déjà de la salle d’armes. Amadieu s’appuya sur le bras de son nouvel ami et résista à l’envie de poser le pied à terre: cette immobilité lui pesait tellement ! Il s’assit sur un baril et fut aussitôt entouré par un groupe de garçons qui voulaient son avis sur leur façon de combattre. C’était l’aspect plaisant de son invalidité provisoire que cette sorte d’autorité conférée par sa situation d’observateur. Tandis qu’il faisait ses commentaires – en ayant soin, tout de même, de ménager les susceptibilités les plus chatouilleuses –, un messager arriva apportant des nouvelles du comte.

 

Le suzerain, parti depuis quelques jours en compagnie du petit groupe de ses familiers ainsi que de son fils aîné – que ses compagnons avaient vu s’éloigner avec dépit tandis qu’ils étaient laissés pour compte – faisait dire que son absence serait prolongée au-delà de ce qui était prévu. Le cavalier affirmait ne rien savoir de ce mystère et se dirigea vers le donjon pour délivrer son message à la comtesse. Tandis que les autres garçons, lassés de Fronsac et désireux de partir pour la grande ville de Toulouse qu’ils ne connaissaient pas encore, commentaient l’information d’un air navré, Amadieu se réjouissait en secret: ce retard allait lui permettre d’être tout à fait rétabli lorsque viendrait le moment du départ.

 

Les valets arrivèrent, les bras chargés, et chacun se mit au travail. Très vite, le bruit devint si fort, que toute conversation cessa. Pendant que les plus jeunes dérouillaient les hauberts, mettant de côté ceux dont quelques mailles faibles étaient à changer, les plus âgés aiguisaient les pointes des lances et le fil du tranchant des épées. Souvent l’un d’eux faisait des moulinets avec une des lourdes épées qu’il n’aurait le droit d’utiliser que lorsqu’il serait fait chevalier. C’est ce que faisait Guilhèm, ce matin-là, avant de se retourner vivement et de lancer, à la stupéfaction générale, un défi à Sicard de Rivière, qu’il n’aimait pas et qui le lui rendait bien, depuis des années, sans autre raison connue qu’une antipathie naturelle. Chaque fois qu’ils en avaient l’occasion, ils s’affrontaient, habituellement sans grand dommage, mais cette fois cela risquait de tourner au drame: ils étaient armés de lourdes épées tranchantes et n’avaient aucune protection sur leurs torses dénudés. Assurément, l’un d’eux périrait au cours de la joute, peut-être les deux.

 

Amadieu maudissait le caractère emporté de son ami qui l’avait poussé à se mettre dans une situation pareille. Il avait tenté de le raisonner et d’autres garçons avec lui, mais rien n’avait pu le convaincre de retirer son défi. Sur la demande de Jean, des valets amenèrent deux lourds boucliers de bois qui ne protégeraient qu’à peine les combattants. Les garçons firent cercle autour d’eux. Si on voyait un peu de contrariété sur le visage du plus grand nombre, quelques-uns, au contraire, montraient un grand enthousiasme et commençaient d’engager des paris. Dressés face à face comme deux coqs, les deux antagonistes s’observèrent un instant avant de se ruer l’un sur l’autre. Le premier coup manqua de précision, car leurs gestes furent ralentis par le poids inhabituel des épées bien moins maniables que les bâtons auxquels ils étaient accoutumés. Les spectateurs hurlaient pour aiguillonner leur combativité et eux-mêmes se donnaient du courage en insultant l’adversaire. Ils s’éloignèrent pour s’élancer à nouveau. Cette fois, leurs gestes étaient plus précis, mais chacun d’eux, néanmoins, esquiva le coup qui le menaçait. Le public, excité, hurlait et trépignait, sentant venir le moment où le sang coulerait. C’est alors qu’on entendit une voix féminine crier:

— Arrêtez!

C’était la comtesse. Elle arrivait en courant, son voile blanc flottant derrière elle, et l’émotion colorait son visage de si belle façon que chacun en resta figé de saisissement. Elle s’adressa aux belligérants qui avaient abaissé leur épée devant elle en signe de respect:

— En l’absence de mon époux, je vous interdis de vous battre et je vous ordonne de poser les armes.

Elle resta là un instant, palpitante et muette, puis elle repartit, aussi vite qu’elle était venue, sans même vérifier si elle était obéie, tant elle était sûre qu’ils n’oseraient pas transgresser sa volonté.

 

Guilhèm et Sicard, après avoir grogné que ce n’était que partie remise et que l’on verrait bien au retour du comte, se séparèrent à regret pour se remettre à fourbir les épées en se tournant le dos. Les autres en firent autant en traînant les pieds: tous étaient déçus d’avoir été privés du spectacle et les parieurs ajoutaient à cette déconvenue le dépit de devoir renoncer aux gains escomptés. L’intervention de la comtesse avait fait l’unanimité: tout le monde la déplorait. Le seul qui en était satisfait, et qui se gardait bien de le montrer, était Sicard, car il savait son adversaire plus fort et plus habile que lui: il aurait eu peu de chances de sortir vivant de l’aventure à laquelle il ne pouvait pourtant pas se dérober sans passer pour un lâche. Or, autant être mort que d’être taxé de lâcheté. Il jugea qu’il serait plus prudent d’éviter désormais de prononcer «voleur de fromage» dans le dos de son ennemi, mais il regrettait de ne pas en savoir plus: il avait appris fortuitement que Guilhèm avait été mêlé à une vilaine histoire, avant que lui-même n’arrive chez le comte, par les racontars d’un garde de Comminges avec lequel il avait partagé une interminable faction de nuit. L’homme ne connaissait l’affaire que par ouï-dire et n’avait pu préciser le rôle du jeune seigneur, mais on pouvait supposer qu’il était important à en juger par sa violente réaction d’aujourd’hui.

 

Guilhèm, lui, regrettait qu’on l’ait empêché de tuer l’insolent. Quand il avait entendu l’allusion à cette vieille faute, qu’il croyait enterrée depuis longtemps et ignorée de tous, hormis de ses protagonistes et de Fortanier qui n’en avait jamais reparlé, son sang n’avait fait qu’un tour. Comment Sicard avait-il su? Et que savait-il exactement? Maintenant qu’il était un peu calmé, Guilhèm se rendait compte que l’affront n’avait pas été public: l’autre avait chuchoté dans son dos, comme pour vérifier l’importance de l’information qu’il détenait.

— Eh bien, maintenant, il sait que c’est important, dit François quand ils en parlèrent un moment plus tard, puisque tu étais prêt à tuer ou à mourir pour ça.

Amadieu et François étaient d’avis qu’il avait donné une arme à son ennemi en montrant que l’allusion l’offensait: Sicard essaierait d’en profiter. Ce n’était pas un homme d’honneur: il préférait les coups bas, les insinuations voilées, les médisances qui sèment le doute.

— Il n’est pas très aimé, sauf de deux ou trois plus jeunes qu’il impressionne et qui l’admirent, constata Amadieu. On va lui mener la vie dure en l’isolant.

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La comtesse quitta l’appentis la tête haute et le pas ferme sous le regard des hommes pétrifiés par son intervention. Mais l’assurance qu’elle affichait n’était qu’apparente: en réalité, ses genoux tremblaient et son cœur battait si fort qu’elle avait le souffle court et la pensée en déroute. D’ordinaire, tant par indifférence que par crainte d’être désapprouvée par le comte à son retour, elle évitait d’exercer le droit de commandement dont elle jouissait en son absence: l’intendant ou le chef de garnison l’assumait, selon la nature du problème. Mais là, elle n’avait pas réfléchi et s’était retrouvée devant les combattants sans l’avoir vraiment décidé. Heureusement! Si elle n’était pas intervenue, Guilhèm serait peut-être mort à l’heure qu’il était. Elle se rendit à la chapelle pour remercier Dieu de l’avoir inspirée.

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Ce jour-là, Amadieu se rendit seul à la chambre des dames, appuyé sur le bras d’un valet qui l’aidait à marcher, car ses compagnons étaient partis à la chasse. Depuis quelques jours, il entretenait des soupçons quant aux sentiments que la comtesse portait à Guilhèm. Son étonnante intervention du matin, si contraire à sa façon d’être habituelle, et son évidente déception quand elle constata l’absence de Guilhèm levèrent les derniers doutes d’Amadieu: son ami était aimé de la suzeraine. Elle se reprit vite pourtant, et un observateur non averti aurait cru que son désappointement venait, comme elle le disait, du fait d’être privée de son couplet quotidien. Mais Amadieu l’observait, à l’affût d’éléments corroborant sa thèse, et il s’aperçut qu’elle frémissait chaque fois que le nom de Guilhèm était prononcé. Or, il le fut souvent car les jeunes filles avaient eu vent de l’incident du matin et elles voulaient en connaître tous les détails. Il abrégea le récit du conflit, mais il insista longuement sur l’intervention de la comtesse et décrivit sa spectaculaire arrivée avec des accents vibrants d’admiration et une surabondance d’adjectifs plus louangeurs les uns que les autres. Jeanne l’écoutait, visiblement ravie, et ne se laissa pas troubler par la voix pointue de Bernarde qui observa, perfide:

— Quel hasard miraculeux que la dame se soit trouvée là au bon moment, si loin de ses quartiers!

— En effet. C’est Dieu qui m’a guidée, répliqua-t-elle paisiblement.

La jeune fille souriait avec ironie et son air sournois était assez déplaisant. Jeanne ne parut pas s’en soucier, mais Amadieu ressentit un malaise.

 

Au retour des chasseurs, Amadieu leur révéla l’amour de la comtesse pour Guilhèm. Celui-ci tomba des nues: il n’avait pas remarqué qu’il était l’objet d’une attention particulière. Mais l’idée ne lui déplut pas, au contraire, et il se mit à détailler les charmes de Jeanne en des termes fort différents de ceux qu’Odon lui faisait chanter chaque jour et que l’intéressée aurait sans aucun doute trouvés moins poétiques. Amadieu et Jean se réjouissaient de la bonne fortune qui échouait à leur ami et lui, pour sa part, imaginait avec des mines gourmandes les délices d’une liaison avec la comtesse.

 

François, comme d’habitude, joua les trouble-fête. Il avait constaté depuis longtemps l’intérêt, toujours croissant, de la suzeraine pour Guilhèm, et le manque de clairvoyance de son ami l’avait rassuré, car il prévoyait qu’une évolution favorable aux désirs de la dame ne pourrait apporter que des ennuis. Il parla du comte qui, bien qu’il se désintéresse de sa femme, ne tolérerait pas qu’elle le trompe. S’il apprenait qu’elle avait un amant, sa vengeance serait terrible: il les tuerait tous les deux. Et comment pourrait-il ne pas l’apprendre? La comtesse n’était jamais seule, les châteaux où l’on résidait étaient surpeuplés et tout le monde savait toujours tout ce que chacun faisait. Amadieu, se souvenant de la malveillance de la remarque de Bernarde, admit la justesse des avertissements de François et dit que la nouvelle, après tout, n’était pas si bonne. Jean, que les colères du comte effrayaient, se rangea aussi à l’avis de François qui ajouta:

— Et n’oublie pas Sicard! C’est un envieux et il te hait: s’il s’aperçoit de quelque chose il n’hésitera pas à le rapporter au comte.

Mais Guilhèm ne voulait pas renoncer à l’aventure que l’on venait tout juste de lui faire miroiter et balaya leurs arguments du revers de la main: la comtesse saurait bien comment faire pour agir avec discrétion, elle devait en avoir l’habitude. Quant à lui, il allait lui montrer, par des sourires et des œillades, qu’il la trouvait désirable, ce qu’il fit, dès le soir même, au cours du souper. La nuit qui suivit, se remémorant l’agitation provoquée chez Jeanne par ses regards insistants, il fut certain qu’il enfouirait bientôt ses mains et son visage dans le corsage plantureux de sa suzeraine et un sentiment de puissance et d’orgueil l’envahit. Non! quoi qu’en disent ses amis, qui avaient renouvelé leurs avertissements et l’avaient exhorté à la prudence, il ne se déroberait pas!

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Jeanne se coucha, fort émue. Longtemps, elle chercha le sommeil tandis que les événements de la journée se déroulaient dans sa tête en séquences ininterrompues. Elle revoyait d’abord Guilhèm et Sicard face à face tels qu’elle les avait aperçus du pied du donjon, alors qu’elle était déjà loin et prête à disparaître. Elle s’était retournée pour le regarder une dernière fois, et elle avait vu les deux silhouettes en position de combat et l’éclat des épées dans le soleil. Alors, sans réfléchir, elle avait couru. Pour le sauver. Elle avait eu si peur de le perdre que ses jambes avaient tremblé toute la matinée.

Puis il n’était pas venu l’après-midi et elle avait craint qu’il ne lui tienne rigueur d’avoir empêché la bataille. Aussi, quand au repas il l’avait couvée de son désir, son cœur s’était affolé, et lorsqu’il avait poussé son avantage en chantant le couplet qu’elle avait été déçue de ne pas entendre l’après-midi, elle avait perdu tout sens commun et s’était sentie prête à lui céder dès qu’il le lui demanderait. Alors que le sommeil la fuyait, elle le revoyait, un genou à terre, et elle entendait sa voix qui disait pour elle seule:

Amors, aissi˙m faitz trassalhir:
del joi qu’eu ai, no vei ni au
ni o sai que˙m dic ni que˙m fau.
Cen vetz trobi, can m’o cossir,
qu’eu degr’aver sen e mezura
– si m’ai adoncs, mas pauc me dura –
c’al reduire˙m torna˙l jois en error.
Pero be sai c’uzatges es d’amor
c’om c’ama be non a gaire de sen
15.

Le lendemain matin, elle était brisée par sa mauvaise nuit, ses yeux brûlaient comme s’ils avaient reçu du sable et la migraine lui battait aux tempes. C’est le moment que choisit la nourrice pour la prendre à part et lui faire la leçon. Cette attirance réciproque trop visible, affirma la vieille femme, allait entraîner sa perte. Elle ne s’embarrassa pas de considérations morales: on ne pouvait guère prêcher le respect d’un époux aussi peu respectable que le comte, mais elle mit en avant tous les dangers d’une aventure.

Le pire serait que son mari l’apprenne: dans ce cas, Raimonde ne donnerait pas cher de la vie de Jeanne, à moins qu’il ne la répudie et ne l’enferme dans un couvent, pour garder la dot. S’il était malin, c’était ce qu’il ferait, mais rien ne permettait de croire qu’il saurait contrôler sa violence. Le garçon, bien sûr, serait épargné: Jeanne était femme et suzeraine, c’était à elle de savoir se comporter.

Quant à Guilhèm, qu’espérait-elle qu’il pouvait lui apporter? Un peu de plaisir? Et encore! La nourrice n’aurait pas parié là-dessus: il avait l’air d’une parfaite petite brute.

— Mais il chante si bien et avec tellement d’émotion des paroles si belles, protesta vivement Jeanne.

— Des paroles trouvées par Odon.

— Par Odon? Mais je croyais…

— Que ces garçons pouvaient avoir dans la tête autre chose que des idées de batailles, de chasses et de coucheries avec des ribaudes? Comment peux-tu être aussi naïve, ma fille? À ton âge, surtout!

La comtesse, piquée, se retourna vivement:

— Comment, mon âge? Je ne suis pas si vieille!

L’autre répliqua, ironique:

— Quinze ans de plus que lui… et huit grossesses.

— Mes seins sont fermes encore et mon ventre… Elle s’interrompit et éclata en sanglots.

La nourrice la prit tendrement dans ses bras.

— Ne pleure pas, ma fille, il n’en vaut pas la peine. Il est comme ton mari. Ils sont tous pareils. Aucun ne vaut que tu pleures pour lui. Et s’il devient ton amant, il s’empressera de le raconter aux autres, et tous estimeront avoir droit à la même chose. Ce n’est pas ce que tu veux, Jeanne, devenir la putain de tous les hommes de la mesnie?

La comtesse se redressa et essuya ses yeux: elle ne laisserait pas Raimonde fouler aux pieds son beau rêve de bonheur. Elle avait imaginé Guilhèm dans le rôle d’un amant tendre et voluptueux et, quoi que dise la nourrice, cette image, qu’elle avait peaufinée pendant des semaines, n’était pas prête à laisser la place à une autre qui lui serait contraire. Ce n’était pas lui qui composait les chansons? La belle affaire! C’était lui qui les chantait avec cette voix qui vibrait d’émotion et qu’elle recevait comme une caresse! Guilhèm ne pouvait pas être comme son mari: il était trop jeune pour avoir acquis ce mépris des femmes que le comte professait si fort et pour avoir tout à fait perdu la fraîcheur de l’adolescence que son visage montrait encore.

Raimonde avait attiré son attention sur les difficultés matérielles de l’entreprise et la nécessité du secret: elle y songea. Il faudrait des complices, forcément: lui, il aurait ses amis et elle, elle aurait Raimonde qui l’aimait trop pour refuser de l’aider, même si elle désapprouvait sa conduite.

La nourrice, navrée, se rendit compte que sa semonce avait eu l’effet contraire à celui qu’elle espérait: voulant détourner la comtesse d’un projet dont elle était sûre qu’il lui vaudrait de grands malheurs, elle l’avait confortée dans son désir de le réaliser et se trouvait entraînée dans une complicité qu’elle ne songeait pas à refuser, mais qu’elle déplorait et jugeait sévèrement.