71. Comme Plotin l’a longuement expliqué dans les traités 22-23 (VI, 4-5), c’est bien l’intelligible qui, tout en restant un, en lui-même, s’étend à tout, y compris à la grandeur de l’univers (voir 22 (VI, 4), 2-6).
72. Voir, supra, la n. 70. La nature « divisible dans les corps » est donc bien l’âme, du moins dans son activité autre qu’intellective. Produisant les corps et les animant, au moyen de ses facultés sensitive et végétative, l’âme déploie son activité dans la multiplicité et la division. Voilà qui selon Plotin ne menace toutefois pas son unité (comme l’ont notamment démontré les traités 4 (IV, 2) ou 8 (IV, 9)). Ce n’est en effet, comme va l’expliquer la suite du chapitre, qu’une puissance ou lumière issue d’elle-même qui se divise dans les corps, et non pas elle-même.
73. Citation de Timée 69c7 (lorsque Platon décrit la composition de l’âme humaine), que l’on va retrouver à deux reprises au chap. 12. Le Timée distingue en 69c l’âme immortelle, forgée par le démiurge et une autre espèce d’âme, que fabriquent cette fois les aides du démiurge et dont la raison d’être est l’animation du corps. Cette espèce d’âme est dite « mortelle », non pas parce qu’une partie de l’âme est appelée à disparaître, mais parce que les deux facultés attachées à l’animation du corps (la faculté irascible et la faculté désirante) ne s’exerceront plus une fois le corps détruit. Platon écrit ainsi : « Ces derniers [les dieux artisans qui sont les aides du démiurge], à son imitation, entreprirent, après qu’ils eurent reçu le principe immortel de l’âme, de façonner au tour pour lui un corps mortel et, à ce corps, ils donnèrent pour véhicule le corps tout entier cependant qu’ils établissaient dans ce dernier une autre espèce d’âme, celle qui est mortelle et qui comporte en elle-même des passions terribles et inévitables » (69c, trad. L. Brisson). Citant cet extrait du Timée, Plotin veut souligner que l’âme, sans perdre son unité (c’est un même visage qui se réfléchit sur différents miroirs), exerce différentes activités à des degrés différents de perfection (selon la hiérarchie de ses facultés, depuis la hauteur intelligible jusqu’à sa faculté végétative la plus basse). Ces différentes facultés sont rassemblées ici, au gré d’une procession qui fait de chaque faculté l’image affaiblie de celle qui la précède et dont elle est issue. Plotin infléchit donc le texte du Timée, pour lui faire dire ce que Platon ne disait pas : chaque puissance de l’âme engendre celle qui lui est inférieure ; le continuum des facultés psychiques procède selon un lien d’engendrement successif. Plotin va distinguer ici quatre niveaux d’activité psychique : l’âme « qui se trouve là-haut », l’âme sensitive (la puissance psychique qui s’exerce dans le composé), l’âme « génératrice » (qui est donc la cause de la génération et de la croissance) et enfin, une faculté ultime qui engendre un produit différent de l’âme. La distinction des deux dernières facultés reste allusive. On peut toutefois reconnaître et distinguer ici l’âme génératrice qu’est la genn ē tik ḗ, et la puissance ultime de l’âme, désignée par ailleurs comme la puissance végétative (la nature) de l’âme du monde, dont les raisons affaiblies informent la matière. Sur la faculté genn ē tik ḗ, voir les éclaircissements du traité 52 (II, 3), 17 (et les notes de R. Dufour). Le traité 28 (IV, 4), 27 l’avait également évoquée, en donnant une description limpide de ce que Plotin tient pour les trois principales facultés psychiques : l’intellective, la sensitive et la végétative. C’est cette dernière que Plotin nomme également genn ē tik ḗ (la faculté « génétique » et la faculté végétative sont une et la même, voir le texte déjà cité du traité 52, et 28 (IV, 4), 28, 49). L’énumération des quatre puissances distingue donc ici deux sortes de puissances végétatives : celle qui est dans le vivant humain, et celle, la plus « basse », qui n’appartient pas en propre à l’âme humaine, mais qui est bien la faculté végétative de l’âme du monde : la nature.
74. Il s’agit donc de la faculté la plus affaiblie de l’âme, de sa puissance ultime, qui engendre la matière et reste à tort tournée vers ses produits, sans se retourner vers son principe. Voir 30 (III, 8), 4 et 12 (II, 4), 8-11.
75. En même temps qu’elle précise que l’âme supérieure (« cette âme » est celle dont la fin du chap. 8 vient d’expliquer que toutes les autres sont issues, comme des images) nous appartient, cette phrase ouvre le développement éthique et philosophique du traité. Nous « possédons » donc le premier principe, l’Intellect et l’âme. Mais aucune de ces trois réalités, c’est-à-dire aucun des trois principes, n’est responsable du mal. Comme Plotin va l’expliquer, seul le vivant, c’est-à-dire le composé défini depuis le chap. 5, est faillible, c’est-à-dire responsable du mal éventuel. On a donc là une réponse à la question initiale du traité : le sujet des affections, c’est-à-dire aussi des maux, est bien le vivant. Ici, le vivant humain. L’argument conserve la complexité qui est la sienne dès lors que Plotin refuse d’identifier le nous, l’homme et l’âme. Le « nous » possède l’ensemble des principes (il les possède sans en faire toujours usage), l’homme est le vivant composé, l’âme qui est en lui est infaillible parce que impassible. Les trois termes se recouvrent partiellement et s’unissent, puisque l’homme qu’est chacun de nous a une identité (« nous ») et une âme, mais ils ne coïncident pas.
76. Comme on l’a signalé, supra, n. 34, Plotin emploie ici le terme « commun » (koinón) dans un sens parent à celui de sunamphóteron. Nous leur donnons toutefois ici le même et unique équivalent de « composé », pour éviter l’ambiguïté et en comprenant qu’il s’agit bien de ce composé qu’est le vivant dont il est question. Ligne 3, la répétition tò koinón, kaì koinón, (rendue par « ce qui est composé, c’est-à-dire composé ») a paru suspecte à certains éditeurs, dont Müller et Armstrong, qui l’ont supprimée en y voyant une dittographie. Nous avons toutefois conservé le texte édité par H.-S., qui fait sens (il s’agit d’une explicitation et d’un renvoi). Voir J. Igal, « Observaciones a las Enéadas I-II de Plotino : texto y fuentes », p. 241-242.
77. Sur le terme anamárt ē tos (« infaillible » ou « impeccable », en ce sens qu’incapable de faute, amartía), voir 50 (III, 5), 1, 37, et les leçons du traité Sur les vertus : 19 (I, 2), 3 et 6. La question que pose l’interlocuteur est la stricte conséquence des remarques antérieures : si l’âme est bien active dans le vivant et si nous qui sommes ce vivant humain sommes faillibles et capables de faire le mal, comment se fait-il que l’âme puisse rester infaillible ? La question est du même ordre que celle qui demandait comment l’âme, qui anime le corps, peut à la fois percevoir les affections et ne pas en pâtir. La réponse va être ici du même ordre : que l’âme soit « présente » dans le composé, via la puissance qui émane d’elle, n’implique en rien qu’elle soit responsable de (ou affectée par) ce que le composé accomplit.
78. L’opinion fausse est bien la cause du mal. L’interlocuteur rappelle ici le lieu commun de la thèse platonicienne selon laquelle l’ignorance est la cause du mal. Comme le note C. Marzolo dans sa traduction, il est probable que la discussion prenne pour référence platonicienne l’Alcibiade 117d-118a. Plotin assume toujours le lieu commun platonicien, en soutenant que la vertu permet précisément à celui qui la possède de rejeter les opinions fausses : voir 19 (I, 2), 2 et 26 (III, 6), 4.
79. Sur cette multiplicité, voir, supra, les notes 29 et 57. Elle est ici exprimée dans les termes d’un conflit entre le meilleur et le pire en nous-mêmes, que Plotin emprunte aux Lois de Platon (voir I 626e-627b).
80. Cette énumération (désir (epithumía), colère (thumós), image (eíd ō lon)) distingue entre les trois facultés psychiques déjà évoquées que sont le désir, la faculté de colère irascible et la pensée fausse qu’est l’opinion fausse. Elle est qualifiée ici d’image fausse, et Plotin emprunte de nouveau au vocabulaire de Platon (ici, Sophiste 263d-264b).
81. Le vice est victoire en nous du pire ; Plotin emprunte de nouveau le vocabulaire de Platon, Lois I 627a-b.
82. C’est le mécanisme de l’erreur (sensible) qui est ainsi expliqué. Les images qui sont issues de la sensation, et qui sont donc les images de la faculté sensible, ne sont avérées ou non qu’une fois pensées par la faculté rationnelle (qui peut corriger, par exemple, une sensation erronée, comme l’est une illusion d’optique). Voir les remarques identiques de 49 (V, 3), 2, 7-14, ainsi que la Notice de L. Brisson aux Traités 27-29, p. 13-14. Le « sens commun » est la koin ḕ aísth ē sis, qui est comme le centre où convergent les images de la sensation. Il est de nouveau probable que Plotin suive ici l’exposé qu’en donne Alexandre d’Aphrodise (voir notamment De l’âme 62.20-66.5).
83. Littéralement, le texte affirme ainsi que « soit l’intellect touche, soit il ne touche pas ». Notre traduction s’inspire ici de celle de C. Marzolo (« o era in contatto, oppure no »). L’alternative est elliptique, mais elle signifie sans doute que l’intellect n’est pas toujours en contact avec nous. Aussi pourrait-on traduire plus explicitement : « soit l’intellect est en contact avec nous, soit il ne l’est pas », en comprenant que l’intellect, parce qu’il est séparé des autres facultés psychiques, n’est pas toujours en contact avec elles et n’est pas non plus toujours en contact avec nous. Le caractère séparé de la puissance intellective explique ainsi que celle-ci ne soit pas toujours, par nature, attachée au vivant. Pour cette raison, dit Plotin, elle ne peut pas être tenue pour responsable des défaillances du composé.
84. Posséder l’Intellect ne signifie donc pas spontanément en faire usage. Il faut distinguer entre les deux (selon la distinction que Platon applique à la science, que l’on peut posséder sans s’en servir, dans le Théétète 198d-199a), et rappeler que ce n’est pas l’Intellect qui est agent, en l’âme, mais bien cette dernière, qui se porte vers lui et en lui, pour autant qu’elle accomplit l’acte second de l’Intellect, qu’est la contemplation. Sur ce thème, voir l’étude de J. Pépin, « Prokheírisis. La “prise en main des raisons” (Sent. 16, l. 2), dans le commentaire à la traduction des Sentences de Porphyre », p. 457-470.
85. Nous explicitons ce qui, dans le texte original, est plus elliptique.
86. La sunaísth ē sis (« perception de soi ») est la connaissance ou la « conscience » de soi qu’a une réalité lorsqu’elle parvient à se connaître. Le terme est d’origine aristotélicienne : dans l’Éthique à Eudème VII 12, 1244b26, puis 1245b24, il désigne la perfection d’une vie en acte, qui consiste à avoir conscience de soi-même. Dans le traité 49 (V, 3), il est employé dans les chap. 5-6 et 13, pour désigner la conscience de soi qu’a l’Intellect. Cette perception de soi appartient en propre à l’âme lorsqu’elle rejoint l’Intellect. Dans le volume Traités 7-21, voir nos explications en note au traité 7 (Traités 7-21, note 35, p. 31), où nous indiquons les principales références ainsi que les études consacrées à ce terme (parmi lesquelles : H. J. Blumenthal, Plotinus’ Psychology. His Doctrines of the Embodied Soul, p. 126-137, qui examine les occurrences plotiniennes). Que cette perception de soi appartienne en propre à l’âme « supérieure » a été expliqué en 28 (IV, 4), 2, 24-32 comme en 30 (III, 8) 4, 16-20. Plotin conçoit cette perception de soi ou cette conscience de soi comme une perception qui saisit également, en même temps, le principe de soi. Aussi l’âme se perçoit-elle en percevant en même temps l’Intellect dont elle est le produit. Voir F. M. Schroeder, « Synousia, Synaisthaesis and Synesis : presence and dependence in the plotinian philosophy of consciousness ».
87. « L’actualisation des intellections » (no ḗ se ō n enérgeia) définit l’acte premier de l’âme (et l’acte second de l’Intellect). La formule se retrouvera chez Jamblique, dans les chapitres de son Protreptique que l’on tient aujourd’hui pour la citation d’un texte d’Aristote (dans l’édition de É. des Places, chap. 11, p. 89, l. 1). Proclus la reprend dans son Commentaire à la République de Platon (II 250, 8). Plotin définit donc ainsi la diánoia (la pensée discursive) en la rapportant à la nó ē sis (l’intellection). Ce sont deux formes de pensée différentes (voir les indications de F. Fronterotta, dans le volume des Traités 7-21, p. 222, n. 7), la pensée discursive étant issue de l’intellection. Le raisonnement est présenté comme un intermédiaire entre les opérations psychiques inférieures (et notamment la sensation) et l’intellection. C’est en ce sens qu’il lui revient de rapporter les intellections (qui sont le critère de vérité et de réalité) à ce que l’âme perçoit (en dehors d’elle). Voir, dans le volume des Traités 22-26, la note de R. Dufour, p. 94, n. 86.
88. Le « tumulte » (thórubos) est un terme fréquemment employé dans les dialogues de Platon. H.-S. renvoient le lecteur plotinien aux occurrences qu’on en trouve par exemple en Phédon 66d6 et Timée 43b6. L’usage qu’en fait le mythe de l’attelage ailé, dans le Phèdre, en 248a-b, paraît toutefois convenir plus explicitement à ce que Plotin soutient ici, en imputant le trouble et les modifications au composé.
89. La signification implicite de ce constat est bien sûr que nous ne sommes pas encore « séparés » du corps. Il n’en demeure pas moins, et il s’agit là d’un rappel de Plotin, que nous ne sommes pas notre âme, et que ce dont le composé pâtit n’affecte pas l’âme, y compris cette vie durant (« alors même qu’elle est ici-bas »).
90. Voir, supra, les n. 77 et 78. Les vertus ainsi désignées sont les vertus contemplatives, c’est-à-dire celles qui accomplissent la purification en quoi consiste, cette vie durant, la séparation d’avec le corps (19 (I, 2), 3-6).
91. Il s’agit donc de l’image de l’âme supérieure qu’est l’âme sensitive, et aussi bien à son tour l’âme végétative. Il est important de rappeler que, selon Plotin, la mort du vivant signifie l’éloignement de toute l’âme. Pour cette raison que l’âme, quelle qu’elle soit, est tout entière immortelle. L’âme végétative également, en dépit de ce que peut suggérer la mention platonicienne d’une âme « mortelle », que Plotin évoquait au chap. 8, 19 (voir, supra, la n. 73). La question était examinée en 28 (IV, 4), 29 (voir les notes 306 à 310, p. 262 de L. Brisson dans les Traités 27-29).
92. Que les vertus de l’âme résultent « de l’habitude et de l’exercice » est une citation de Platon, République VII 518e1-2.
93. Plotin continue ainsi de répondre aux questions posées au tout début du traité. Il y a donc deux sortes d’amitiés : celles du composé, et celles de « l’homme intérieur ». Ce dernier désigne, de nouveau dans le vocabulaire de la République (IX 589a7), l’âme intellective. Plotin l’emploie de manière plus générale, pour désigner tout ce qui est immortel et psychique. Voir 10 (V, 1), 10, et les notes de F. Fronterotta. L’amitié véritable, comme l’a expliqué 38 (VI, 7), 15, se trouve dans l’Intellect ; les amitiés et les attachements sensibles n’en sont qu’une image.
94. Chez l’enfant, toutes les puissances sont au service du composé, puis s’en libèrent plus tard. L’argument est semblable à celui de Platon, qui explique dans le Timée (44a-b) que l’âme est comme entièrement accaparée par le soin du corps, lorsqu’il croît. L’imperfection de l’enfant, qui est « normale » puisque son corps connaît de perpétuels ajouts (voir, par exemple, 33 (II, 9), 17), exige une activité particulière, sinon exclusive, de la faculté psychique qui se consacre à sa croissance (voir les remarques parentes de 3 (III, 1), 7).
95. On a là une topique psychique remarquable, qui suggère que la croissance (vers la maturité et, le cas échéant, la vertu) est une remontée du « nous », de ce que nous sommes, au sein des facultés psychiques, vers la plus élevée d’entre elles. On a donc là aussi une « situation » du nous, qui semble inscrit entre les facultés les plus basses, consacrées au composé, et la faculté psychique supérieure. Les exégètes ne s’accordent pas sur cette situation et sur la signification de ce « milieu » (méson). Plotin s’en était toutefois expliqué dans le traité 49 (V, 3), 3, en expliquant déjà que notre identité est en propre celle d’une situation intermédiaire entre la faculté sensitive et la faculté intellective (« Les activités de l’Intellect sont ainsi en haut, alors que les activités de la sensation se situent en bas, et nous sommes cela, “la partie dominante en l’âme”, intermédiaire entre deux facultés, l’une étant inférieure l’autre supérieure, et celle qui est inférieure c’est la sensation, celle qui est supérieure, c’est l’Intellect », trad. F. Fronterotta). Il est bien sûr tentant d’identifier ce moyen à telle ou telle faculté. En l’occurrence, à l’âme rationnelle et discursive. Comme on l’a déjà noté (supra, n. 63), Plotin ne fait pas ce choix et n’identifie pas le « nous » à cette âme discursive. Il maintient plutôt le « nous » dans un entre-deux, de sorte que l’on comprend que son identité est susceptible de varier, selon que nous exerçons telle ou telle faculté psychique. Ou, pour le dire autrement, selon que nous infléchissons notre âme dans telle ou telle direction. De sorte que le milieu dont il est question ici est bien plutôt un équilibre qu’une situation déterminée.
96. « Avant le milieu » désigne ce qui lui est supérieur, en l’occurrence la faculté intellective. Plotin va donc redire ici que nous ne possédons réellement l’intelligible que lorsque nous le percevons (et nous nous identifions à lui).
97. L’antíl ē psis est une perception que l’on pourrait dire « consciente ». Elle porte sur un objet extérieur au sujet qui connaît, comme le note L. Brisson dans sa traduction du traité 27 (IV, 3), 23, 8-31. Dans ce même traité 27, Plotin avait expliqué que l’activité intellective est bien continue et permanente, mais que nous ne la percevons pas toujours : « nous faisons toujours usage de notre intellect, mais nous n’en n’avons pas toujours une perception » (chap. 30, l. 14-15). Ici, l’argument est semblable : nous possédons certes toujours l’intellect, mais nous ne le percevons pas toujours. Voir, supra, la n. 84.
98. La question semble vouloir étendre l’enquête à l’ensemble des êtres vivants. En réalité, plutôt que de s’intéresser aux âmes ou à l’identité des autres animaux en tant que tels, elle porte sur l’animalité qui est en nous et sur la part de « bestialité » qui se trouve dans le vivant humain et qu’avait évoquée la toute fin du chap. 7 (dans les termes platoniciens de la République). Répondant à cette question, Plotin va choisir d’élargir encore la multiplicité en quoi consiste le vivant (et en quoi « nous » consistons) : tout comme le vivant que nous sommes possède l’âme intellective, l’Intellect et le Premier principe, il possède également la bête. Elle est au nombre de ces possibles, elle est, pour ainsi dire, à sa disposition. La difficulté récurrente va alors de nouveau se poser : comment l’âme peut-elle, dans des animaux qui sont dépourvus de la faculté intellective, s’accorder sans en pâtir avec la « bête sauvage » ? La construction et la compréhension de cette phrase sont disputées et varient selon les traducteurs, qui pour la plupart ne donnent pas au verbe une valeur transitive. Mais la suite du propos (l. 10-11) ne s’accorde alors guère avec la question, telle qu’ils la traduisent parfois (en proposant par exemple, comme le fait Bréhier : « Et les bêtes ? en quel sens ont-elles la vie ? ». G. Aubry reprend cette syntaxe).
99. Plotin fait allusion aux récits qui décrivent la métensomatose et la manière dont les âmes sont attachées à ces corps d’animaux sauvages lorsqu’elles ont mené une vie antérieure mauvaise. Des récits eschatologiques qui abondent dans les dialogues de Platon (voir, entre autres, Phèdre 249b et Timée 42b-d), et auxquels Plotin va plusieurs fois renvoyer dans les chap. 11-12.
100. Ce qui est « séparé », c’est la partie non descendue de l’âme, sa faculté intellective. La question posée sur le compte des bêtes sauvages trouve sa réponse. Elles sont aussi, comme les vivants humains, des composés animés. Et elles le sont aussi par une puissance issue de l’âme (du tout), qui « illumine » le composé. De sorte qu’en elles, l’âme n’est pas immédiatement confrontée à la bestialité, pas plus qu’elle ne l’est dans le vivant humain.
101. Elles ont une « perception de soi » (sunaísth ē sis ; voir, supra, la n. 86) qui est à la mesure de la présence en elles de l’âme. En l’occurrence, l’âme n’est perçue que comme faculté motrice et sensitive, sans pouvoir saisir ce qui, de l’âme, excède cette faculté, sans percevoir donc le rationnel et l’intellectif en elle. C’est ce qui interdit, très littéralement, aux vivants autres qu’humains et divins, de pouvoir « remonter ». Ces vivants ne perçoivent que la puissance psychique qui fait se mouvoir leur corps.
102. Les récits eschatologiques enseignent, comme Plotin vient de le rappeler, que certaines bêtes sauvages sont animées par des âmes « humaines » déchues. Mais ce n’est pas le cas de toutes les bêtes sauvages. Certaines sont animées simplement par la faculté végétative de l’âme du monde, et Plotin le souligne pour indiquer que, quel que soit le mode d’animation, la donne psychique reste inchangée : les vivants inférieurs (à l’homme), ne sont animés que par la faculté psychique descendue et n’ont pas conscience de ce dont pourtant ils disposent encore : d’une âme qui reste supérieure et séparée.
103. Une tradition hellénique commune, celle du jugement des âmes dans l’Hadès après la mort du vivant, puis leur retour dans un corps, mais qui en réalité est très explicitement renvoyée à la version qu’en donne Platon, avant tout dans le mythe d’Er sur lequel s’achève la République ; c’est au livre X de la République que Plotin va faire allusion dans ce chapitre. La question qui occupe l’ensemble des quatre derniers chapitres est posée ici sur le terrain éthique : si l’âme est bien infaillible, impassible et « impeccable », pourquoi y a-t-il du mal, des fautes et des vices ? Et de ce fait, pourquoi existe-t-il des châtiments ? C’est la question à laquelle s’est mesuré le traité 51 (I, 8), en lui donnant une portée cosmologique et ontologique (voir particulièrement les chap. 5-7). Et c’est la question que va reprendre, dans la continuité de la réflexion ici entamée, le traité 54 (I, 7).
104. Les « affections terribles » sont, dans le Timée de Platon (69c8-d1) celles qui affectent l’âme humaine « mortelle », l’« autre espèce d’âme ». Ce sont deux conceptions de l’âme qui sont ici distinguées, mais qui selon Plotin conduisent à une seule et même conclusion doctrinale. Dans les deux cas, l’âme est conçue comme infaillible et impeccable. La première formule, la plus stricte, semble bien être celle que défend Plotin depuis le début du traité : l’âme et l’être de l’âme sont une seule et même chose (début du chap. 2), et elle est bien une et simple. C’est la thèse que défend Plotin, en examinant chacune des difficultés qu’elle présente et des objections qu’on peut lui adresser. Il y consacre notamment le traité 8 (IV, 9) tout entier, pour expliquer comment la multiplicité des facultés ou « puissances » de l’âme ne l’empêche pas d’être une (chap. 3), et ne l’empêche pas de se donner à la multiplicité des composés (chap. 5). La « simplicité », entendue comme contraire de la multiplicité, ne sied pas spontanément à l’âme, qui du fait de la multiplicité de ses puissances et de ses objets, est qualifiée par Plotin d’« une et multiple ». La simplicité absolue reste l’apanage du Premier principe, de l’Un. Mais la multiplicité psychique n’implique toutefois aucune forme d’extension physique ni non plus l’existence d’une multiplicité de parties. Le contraire du simple, selon Plotin, c’est le composé (5 (V, 9), 3). Or ce qui est issu de l’Un n’est pas simple (« car rien de ce qui n’est pas premier n’est simple », disait 33 (II, 9), 1, 1-2). L’Intellect déjà, qui est Intellect et qui intellige, comporte une forme de dualité et ne peut donc être simple, stricto sensu (7 (V, 4), 2). Et l’âme à son tour, parce qu’elle comporte une multiplicité, « n’est ni une ni simple » (9 (VI, 9), 5, 23), et c’est pour cette raison qu’elle n’est pas le premier principe, mais que quelque chose existe au-delà d’elle (de plus « un » et de plus simple, puisque « en toutes circonstances, ce qui engendre est plus simple que ce qui est engendré » – 30 (III, 8), 9, 43). Voir encore et parmi d’autres 38 (VI, 7), 1. La « simplicité » de l’âme ne saurait donc s’entendre ici qu’en un sens relatif. Elle n’est « simple » qu’en ce sens où elle est identique à son être et n’est pas de même nature que le composé. Dans la seconde hypothèse doctrinale, l’âme est multiple, et à l’âme impeccable et intelligible s’ajouterait une seconde âme, responsable pour sa part du mal. Il est manifeste que ces deux hypothèses recoupent chacune des éléments de la doctrine platonicienne, et que Plotin s’efforce de montrer que des thèses apparemment divergentes défendues dans les dialogues sont en réalité conciliables. Dans les dialogues platoniciens, l’âme est à la fois incorporelle, impassible et immortelle, mais en même temps, tout particulièrement dans les mythes eschatologiques et dans l’illustration qu’en donne le livre X de la République, bientôt cité par Plotin, elle est jugée pour ses fautes. On a donc là affaire à un débat « interne » à la doctrine platonicienne, et Plotin s’efforce comme souvent de montrer que le propos platonicien, pourvu qu’il soit éclairé, peut être exempté de ses ambiguïtés ou contradictions apparentes. Le débat en question, ancien, est celui de l’origine des maux (sont-ils le fait de la matière ? sont-ils imputables à l’âme, c’est-à-dire à l’intelligible ?), qui occupe le traité 51. La question est donc posée ici de savoir si une « autre » âme s’ajoute à la première, une âme mortelle ou mauvaise. Cette hypothèse de lecture est courante chez ceux des « médioplatoniciens » qui se fient à la lettre du Timée 69c et des Lois X 896d-898c et défendent l’existence d’une âme mortelle, mêlée à l’âme immortelle ou bien agissant contre elle. Voir Plutarque, De la génération de l’âme dans le Timée 1014e-1015f. De même, dans le manuel d’Alcinoos, le Didaskaliskos, xxv. Cette interprétation de Platon a bien entendu l’inconvénient selon Plotin qu’elle suppose une forme d’âme défaillante et mortelle. Il n’en demeure pas moins, comme l’avait à son tour expliqué Numénius, qu’il faut expliquer comment l’âme ordonne et meut un monde dans lequel on trouve du désordre et du vice. Numénius (Fr. 52, dans l’édition É. des Places) demande que l’on explique comment l’âme produit, médiatement ou non, la matière (ou bien comment elle la met en mouvement), et que l’on ne lui impute pas la responsabilité des maux. C’est la voie que va suivre Plotin et qui consiste à imputer à la matière l’origine des maux. De sorte que, même si elles conduisent toutes deux à une semblable conclusion et à une semblable lecture de Platon, il est manifeste que la seconde interprétation n’a aucunement les faveurs de Plotin.
105. Nous suivons H.-S., mais en ne retenant pas la ponctuation qu’ils proposent.
106. « Selon lui » désigne donc Platon qui va être cité, et prouve, s’il en était besoin, que les deux doctrines de l’âme qui ont été évoquées sont bien deux lectures possibles d’une même et seule œuvre : les dialogues.
107. Plotin cite de nouveau Platon : il s’agit ici de République X 611c7-d1 et de l’image de la statue de Glaucos, longtemps plongée dans la mer et recouverte de concrétions et de coquillages, sous lesquels sa véritable nature est dissimulée. Platon applique cette image à l’âme, pour défendre l’argument selon lequel ce qui la déforme ou l’abîme lui vient toujours de l’extérieur. C’est bien ainsi que Plotin cite ce passage, auquel il avait déjà fait allusion en 2 (IV, 7), 10, pour expliquer que les maux ne viennent jamais de l’âme, mais toujours du milieu où elle est plongée. Le détail de la citation est d’intérêt, puisque Plotin cite la phrase de République X en la modifiant pour l’expliciter (et rappeler que c’est bien l’âme que nous avons vue).
108. Il s’agit, littéralement, de frapper les coquillages pour les faire tomber (République X 611e5).
109. L’extrait de la République est modifié par Plotin, qui l’adapte à son propos. Nous avons mis entre guillemets ce qui se figure effectivement dans les deux lignes de Platon auxquelles Plotin renvoie.
110. Cette autre vie est celle de « l’autre espèce d’âme », qu’évoquait la fin du chap. 8 (voir, supra, la n. 73), Plotin redisant ainsi la nécessité de distinguer entre la vie de l’âme non descendue et intellective, et celle de l’âme que Platon qualifiait de mortelle et dont les puissances sont engagées dans le composé. Que l’âme exerce ainsi différentes activités ou plusieurs « actes » (enérgeiai, l. 17) et vive deux vies distinctes est couramment répété dans les traités, qui la désignent comme une réalité « amphibie » (voir, entre autres, 6 (IV, 8), 4). Plotin ne veut toutefois pas avoir recours à la doctrine médioplatonicienne (voir, supra, la n. 106) selon laquelle il existe une autre âme, « mauvaise » et concurrente de la première. Il s’agit bien selon lui d’une seule et même âme, et encore n’est-ce pas elle-même qui « faute », puisque c’est une puissance issue d’elle-même qui se porte dans le sensible, comme Plotin va le rappeler.
111. Ce qui a été ajouté par la puissance descendue de l’âme, qui informe les corps. C’est en propre le rôle de la « nature », c’est-à-dire de la puissance végétative de l’âme du monde. Voir 30 (III, 8), 2-4.
112. De nouveau une citation de Platon, Timée 69c7, comme ci-dessous l. 21. Voir, supra, la n. 73.
113. Plotin ne renvoie pas à un développement antérieur du traité, mais à un autre de ses écrits. Le procédé n’est pas courant dans les traités (voir 27 (IV, 3), 8, 4). H.-S. suggèrent que le lecteur est renvoyé à la démonstration qu’on trouve dans le traité 6 (IV, 8). C’est en effet le vocabulaire de la fin du chap. 2, qui décrit en termes semblables la situation de l’âme et son « inclinaison » (neûsis), celle-ci étant la condition d’existence de la génération (le thème est toutefois repris, avec le même vocabulaire, dans différents traités, 30 (III, 8) ou 33 (II, 9), par exemple, ou bien encore avec un argument extrêmement semblable à la fin de 22 (VI, 4), 16, de sorte que l’on ne peut dire avec précision à quel écrit Plotin fait ici allusion. Plotin reprend le thème de la descente (le verbe katabaínein, employé à trois reprises dans ce chap.) de l’âme et repose donc la question récurrente de la faute : est-ce une faute pour l’âme que de descendre dans le sensible pour y former et y animer les corps ? Est-ce une faute que la vie ? Plotin entend répondre par la négative, comme il le fait toujours, en expliquant que l’âme illumine ce qui procède d’elle et que la responsabilité de la faute incombe à son produit, non pas à elle.
114. Plotin paraît résumer ici un point de doctrine suffisamment bien établi pour ne pas mériter davantage d’explication. Il s’agit de l’étape ultime de la procession et, partant, de l’explication de l’existence du mal. L’âme descendue, ou plutôt, l’âme la plus descendue, c’est-à-dire la puissance végétative de l’âme du monde, engendre la matière. Selon la métaphore de la lumière et de l’illumination, la matière n’a plus rien de lumineux, elle n’est qu’une ombre. Comme vient de le rappeler le traité 51 (I, 8), 14, la matière, quoi qu’elle en veuille, ne parvient pas à recevoir la moindre lumière issue de l’âme. Elle est donc une ombre, une obscurité que l’âme perçoit et à laquelle elle va chercher à donner une certaine lumière (c’est ce qu’expliquait avec plus de précision le traité 27 (IV, 3), 9, 26-28, où Plotin écrit notamment « Voyant cette obscurité, l’âme, puisqu’elle l’a amenée à l’existence, lui a donné une forme. Car il n’est pas permis, on le sait, que ce qui se trouve dans le voisinage de l’âme n’ait point part à une “ raison ”, du genre de celle que reçoit, on le sait, ce qui est dit obscur dans l’obscur qui est venu à l’être » ; voir les notes de L. Brisson à ce chap. 9). Lorsque l’obscurité reçoit une forme ou une lumière, elle devient un corps. Le corps, qui est déjà un produit psychique, est donc bien ce que Plotin désigne ici comme « ce qui est illuminé ». Et c’est cette réalité, le corps animé par une puissance de l’âme, qui est seul responsable de la faute : ce n’est pas l’âme qui serait entrée dans ses produits, puisque, littéralement, elle n’y entre pas, mais ce sont ses produits qui font un mauvais usage des puissances qu’elle leur confère (Plotin en avait donné une explication polémique en dénonçant la manière dont les gnostiques ne comprenaient pas cette « illumination des ténèbres » ; voir 33 (II, 9), 10 et les explications de R. Dufour). Ce qui est illuminé et ce qui est dans le voisinage de l’âme est une seule et même chose : le corps. Pour le même vocabulaire, voir de nouveau et entre autres 27 (IV, 3), 9 ou encore 13 (III, 9), 3, 2.
115. Il faut donc qu’il y ait quelque chose après elle, quelque chose qui a besoin de sa puissance, pour que l’âme s’incline. C’est dire, de nouveau, qu’elle ne s’incline pas de son propre chef ou du fait d’une défaillance, mais pour prendre soin (donner forme) de ce qui n’y parvient pas soi-même. Elle donne ainsi les « formes qui sont dernières » (voir la fin de 49 (V, 3), 9) à l’obscurité. C’est donc l’obscurité qui porte la responsabilité de l’inclinaison.
116. Il s’agit donc du corps, qui vit avec elle. Le verbe (suz ē̂ n) est un hapax chez Plotin ; il est employé par Platon et Aristote pour désigner le plus souvent la vie humaine commune (dans une cité), ou bien la fréquentation (la vie auprès d’autrui).
117. Ce qui est dit ici de manière relativement elliptique a été exposé avec beaucoup plus de précision dans le traité 27 (IV, 3), 27 (et chap. 32). Plotin fait allusion à l’épisode de l’évocation des morts du chant XI (v. 601-604) de l’Odyssée homérique. Ulysse y voit les ombres des défunts et s’adresse à certaines d’entre elles. L’une de ces ombres est celle d’Héraclès, dont l’Odyssée précise toutefois qu’il n’est pas vraiment tout entier dans l’Hadès. Seule son image s’y trouve, quand sa véritable personne demeure auprès des dieux. Ici comme dans le traité 27, Plotin trouve dans cet exemple homérique une illustration de la dualité de l’âme et de son caractère « amphibie » : elle est une et double à la fois, capable de vivre deux vies. L’image d’Héraclès dans l’Hadès correspond très exactement à l’image qu’est la puissance de l’âme descendue dans le sensible. Lorsque l’âme aura retrouvé sa seule et véritable nature, (une fois déliée du composé), l’image descendue disparaîtra (et c’est pourquoi on peut dire, comme Platon, que quelque chose de psychique est « mortel », si impropre soit l’expression). Voir l’étude de J. Pépin, « Héraclès et son reflet dans le Néoplatonisme » (avant tout, sur Plotin, les p. 174-178).
118. « Vertu pratique » rend praktik ḕ aret ḗ. Elle est donc le propre de l’homme d’action. L’expression n’est pas commune chez Plotin (voir 44 (VI, 3), 16, 27).
119. « Sa valeur » rend kalokagathía, qui désigne l’excellence morale (celle de l’homme dont on peut dire qu’il est beau et bon).
120. L’exemple homérique est interprété d’une autre façon : Plotin désigne Héraclès comme une figure démonique, intermédiaire entre le divin et l’humain, entre le contemplatif (divin) et le pratique (humain). La comparaison prend alors un sens éthique. Lorsque l’âme est entièrement contemplative, elle s’identifie entièrement à l’Intellect : c’est, pour l’âme (et pour l’homme), le propre d’une vie divine. Lorsqu’elle est active ou pratique, elle atteint un niveau de vertu proprement humain.
121. La question de savoir qui (ou ce qui en nous) mène un examen avait été posée au début du traité, chap. 1, 10.
122. La question peut sembler déconcertante puisque Plotin avait expliqué que nous possédons bien une âme, notre âme. La nuance indiquée suggère en réalité que l’âme n’est pas un instrument que le « nous » posséderait et dont il pourrait faire usage. C’est au contraire l’âme qui, en réalité le possède, et c’est quand nous sommes notre âme que nous exerçons l’activité de pensée, que nous pouvons mener une réflexion à son terme.
123. L’âme a donc deux vies : l’une, qui lui est propre et qui correspond à l’exercice de son acte premier, la contemplation ; l’autre, adventice, qui est comme son acte second et qui correspond à la manifestation de sa puissance dans le composé. Voir, supra, les n. 44, 112 et 119. La mention du mouvement a ici deux fonctions. Elle rappelle d’abord, à la manière platonicienne, que l’âme est un mouvement et qu’elle est au principe de tous les mouvements, ce que Plotin rappelle souvent (voir, par exemple, les remarques de 14 (II, 2), 2-3 puis surtout de 45 (III, 7), 11 à 13 et les notes de M. Guyot) ; elle dit ensuite la nécessité éthique de poursuivre la remontée. Susceptible de descendre, au travers de sa puissance, l’âme l’est donc également de remonter, vers son principe, dont Plotin rappelle qu’il est en nous. La question doit être posée de savoir si cette remontée s’arrête à l’Intellect, ou bien si elle peut se poursuivre au-delà de lui, jusqu’au Premier principe, dont le chap. 8 disait que nous le possédions. Le traité 54 (I, 7) poursuit cette enquête.