Comment accepter que votre candidature soit jugée sur votre écriture ? La forme importerait-elle autant, voire plus, que le fond ? Après tous les efforts réalisés pour soupeser les termes valorisant au mieux votre candidature et les mettre habilement en forme, vous pouvez être au final évalué sur ce que votre écriture peut laisser penser de votre personnalité !
Mais peut-on raisonnablement juger de la personnalité et des qualités d’un candidat en lisant quelques lignes écrites de sa main ? Sur quels critères se fondent les graphologues pour retenir ou récuser une candidature pour un poste ? Le candidat peut se demander si cette méthode, utilisée à des fins de recrutement, est fondée scientifiquement ou si elle relève juste d’une habitude et d’une spécificité des recruteurs français. Ces derniers y auraient recours pour se rassurer en cas de doute, sans que le procédé ait apporté la preuve de sa validité scientifique.
Au final, le candidat peut craindre que le recrutement, d’une certaine façon, ne se joue sur un « coup de dés », chanceux ou malheureux. Il suffirait donc d’une analyse graphologique défavorable pour que tous les efforts fournis ne servent finalement à rien, pour qu’en dernier ressort, un autre candidat l’emporte au motif que son écriture « colle » mieux au profil du poste ! Après l’angoisse devant la page blanche avant d’écrire lettre et CV, l’angoisse devant la page écrite !
L’écriture est le reflet de la personnalité d’un individu ; avec l’âge, elle évolue et se personnalise. Cet ensemble de signes graphiques donnent des indications sur le profil psychologique d’une personne : son caractère, ses motivations, son implication, son comportement, son intelligence.
La graphologie, utilisée à des fins de recrutement, analyse les différentes formes d’intelligence (abstraite, concrète, pragmatique, technique, empirique, créative). Elle s’attache à identifier le mode de raisonnement d’un individu, sa logique, sa rigueur intellectuelle, son esprit d’analyse, sa faculté de synthèse, son imagination, son discernement et son sens critique. Elle permet également de révéler le dynamisme, la capacité de résistance au stress, la volonté, la persévérance, l’adaptabilité, l’esprit d’initiative, l’implication professionnelle du scripteur.
Ainsi, un recruteur pourra chercher à recueillir des informations sur les formes d’autorité que le candidat utilise pour encadrer une équipe. Les graphologues affirment en effet pouvoir découvrir les qualités d’un individu, son charisme, son envergure, sa forme de management et d’autorité (dirigiste, participative ou d’équité) pour manager un groupe.
L’écriture reflétant le caractère d’une personne, le scripteur a-t-il un contact facile avec les autres ? Quel est son degré de sociabilité ? Est-il autonome dans ses décisions ? Est-il organisé ? A-t-il l’esprit d’équipe ? S’adaptera-t-il facilement au groupe ? Mais attention, prévient Florence Despras, directrice du cabinet AREK, « la graphologie n’est pas une forme de psychanalyse. Elle ne permet pas de remonter à l’origine de la construction de la personnalité pour identifier par exemple les causes de dysfonctionnements. Elle s’intéresse à la personnalité telle qu’elle apparaît à un moment donné pour un poste défini ».
Les recruteurs sont également désireux de connaître les sources de motivation des candidats. Ils disposent pour cela du moment privilégié de l’entretien, mais ce n’est pas toujours suffisant. C’est pourquoi ils demandent souvent aux graphologues de donner leur avis sur le rapport au travail du candidat.
À lire cet énoncé des pouvoirs de la graphologie, on pourrait la considérer omnipotente, omnisciente. Ce n’est pas le cas.
En premier lieu, un graphologue ne va pas remettre en cause les compétences techniques d’un candidat. Pourquoi ? Parce qu’il est incapable d’évaluer les connaissances et le niveau d’intelligence (le quotient intellectuel) d’un scripteur. Seuls des tests correctement menés, mais aussi et surtout une période d’essai sont susceptibles de mettre en évidence les insuffisances techniques d’un postulant à un poste. Autres limites de la technique : il n’est possible de deviner ni le sexe, ni l’âge du scripteur, ni de savoir s’il est droitier ou gaucher, ni de deviner sa formation, ni enfin – et c’est heureux – de connaître les dimensions sociales (milieu d’origine), culturelles ou religieuses du candidat.
L’honnêteté d’un candidat ne peut pas être certifiée par l’analyse de son écriture. Le graphologue va déceler sa vulnérabilité en face de situations délicates, mais il ne peut découvrir que ce que l’écriture révèle, et avec ses compétences techniques. Un professionnel ne s’aventurera pas au-delà.
De même, le graphologue ne peut travailler que sur la base d’un profil de poste soigneusement établi et qu’en possession du CV et de la lettre d’accompagnement du candidat (la lettre doit être suffisamment longue pour pouvoir identifier des lignes de cohérence). Sans ces trois éléments, il ne peut pas remplir sa fonction efficacement.
La graphologie, une technique parmi d’autres ?
La graphologie n’est et ne doit rester qu’une technique parmi d’autres ; comme tout outil, il faut savoir l’utiliser. Et là, soyons très clair : il faut s’opposer au « tri graphologique ». La pratique du « flash grapho » qui autorise un professionnel à classer les candidatures en trois piles – les bonnes, les moyennes et celles qui sont à écarter – est dangereuse. Pareil procédé d’élimination des candidats est contestable.
Une analyse graphologique, menée dans les règles de l’art et dans le respect de la loi, permet d’ajouter des informations (qui confirment ou infirment une première tendance) concernant les candidats. Il s’agit donc d’une analyse graphologique après entretien et non a priori comme dans le cas du tri graphologique.
Précisons que le graphologue ne s’intéresse pas au contenu de la lettre de candidature mais au seul graphisme de l’écriture. Il ne va donc pas chercher à tirer des enseignements et des informations du propos du candidat (paraphraser la lettre n’aurait aucun sens, aucune utilité) mais à vérifier en analysant les caractéristiques de l’écriture l’adéquation ou les écarts entre la personnalité et les capacités du candidat et les attentes du recruteur formalisées dans le profil de poste. L’analyse graphologique peut donc se pratiquer « en aveugle », c’est-à-dire sans échanger avec le candidat.
La graphologie, un autre regard sur le candidat
La graphologie sert à affiner le jugement sur un candidat en précisant les contours de sa personnalité. Mais elle est aussi utile – et tant mieux pour les candidats – pour contrebalancer, voire infirmer, l’opinion du recruteur. L’échange entre ce dernier et le graphologue est d’ailleurs particulièrement fructueux quand les opinions divergent. La contradiction ou, à tout le moins, la différence peut provoquer le questionnement du recruteur qui cherchera à vérifier certaines informations sur le parcours ou à en savoir plus sur la personnalité du candidat. Le graphologue ne sert pas de caution technique pour justifier une première impression du recruteur. Elle peut lui être utile pour lever un doute et donc peut servir le candidat. En d’autres termes, l’intérêt de cette technique est de servir au recrutement, non de servir le recruteur.
Prenons un exemple concret. Un graphologue peut détecter dans l’écriture qu’un candidat traverse un passage difficile et qu’il est actuellement fragilisé psychologiquement (les conséquences par exemple d’un chômage de longue durée ou d’un divorce). Cette fragilité du candidat n’est donc pas forcément un trait de sa personnalité et peut donc n’être que temporaire.
Le graphologue n’est pas là pour faire le travail du professionnel du recrutement, à qui revient la responsabilité de présenter des candidats. A fortiori, il ne décide pas non plus à la place de l’employeur, qui est le seul décisionnaire.
Inversement, le recruteur ne rémunère pas un graphologue – ce serait lui faire une injure – pour qu’il appose le sceau de la graphologie sur les dossiers de candidature qui ont sa préférence. Ce que les cabinets de recrutement et les directions des ressources humaines attendent de ces spécialistes, c’est une liberté de jugement et un regard différent du leur. Cet expert doit apporter un « plus » dans la procédure de recrutement.
L’analyse graphologique ne doit en aucun cas servir d’alibi au recruteur pour écarter un candidat ou justifier le choix d’un autre. Menée avec sérieux, elle apporte beaucoup d’enseignements en complément de l’entretien.
L’analyse graphologique est affaire de professionnels
Rappelons tout d’abord qu’une analyse graphologique ne peut se dérouler qu’avec l’accord de l’intéressé. Ce qui signifie donc qu’il peut légitimement décliner la proposition. Mais rappelons aussi que le cabinet de recrutement a reçu pour mission de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires au choix du meilleur candidat pour le poste. L’entreprise cliente comprendrait alors assez difficilement que le cabinet, payé pour cette mission, laisse subsister un doute sur une candidature… alors que la graphologie peut l’éclairer sur ce point.
Généralement, les quelques candidats qui s’opposent à une analyse graphologique expliquent leur refus d’une formule lapidaire : « Je n’y crois pas. » Dont acte ! Légitime et légal, le refus est tout de même curieux.
De fait, la compétence du recruteur est implicitement remise en cause par le candidat. Demande-t-on à un médecin avant une opération quels instruments il compte utiliser dans l’exercice de son art ? Exige-t-on d’un chirurgien qu’il fasse état de ses diplômes avant d’opérer ? Je crois sincèrement qu’il est préférable en la matière de faire confiance au professionnel que vous avez en face de vous. Il en est de même pour le recrutement. Le consultant fait lui-même confiance au graphologue et invite le candidat à adopter la même attitude.
L’entretien est souvent présenté comme l’alpha et l’oméga du recrutement. Incontournable, il n’est pourtant pas infaillible. Les circonstances de la rencontre de deux personnes qui ne se connaissent pas et qui doivent, en un temps limité et dans un rapport inégal, se faire une idée la plus précise possible d’un candidat pour l’un, d’un poste pour l’autre, sont tout à fait particulières. C’est sur cette base fragile que repose l’entretien. Si, pour maintes raisons, le « courant ne passe pas » entre le recruteur et le candidat, la qualité du message s’en trouve altérée et le recrutement peut s’en trouver faussé.
Aussi, tout l’intérêt d’une procédure de recrutement bien pensée et bien menée repose-t-il sur le croisement des techniques et des outils permettant d’affiner le jugement que l’on peut porter sur un candidat en fonction des caractéristiques du poste visé. Comme nous l’avons expliqué plus haut, la graphologie figure à cet égard comme l’une des techniques mobilisables (au même titre que le CV et la lettre d’accompagnement, l’entretien et éventuellement les tests).
L’analyse graphologique n’est pas un verdict
Un candidat est en droit de demander la restitution de son analyse graphologique. Mais attention, en aucun cas, le résultat d’une analyse graphologique ne doit être considéré comme une sentence, comme un verdict ! Pour reprendre l’analogie avec le langage des juristes, il faut considérer les conclusions des graphologues comme une présomption, un commencement de preuve au même titre que les autres techniques. Les conclusions – même motivées, argumentées – de l’analyse graphologique ne sont jamais reçues et interprétées par les recruteurs comme une preuve implacable, une démonstration qui comme une loi s’imposerait à tous. Pour vous en convaincre, je peux témoigner d’un cas où, pour le recrutement d’un consultant dans mon cabinet, je n’ai pas suivi l’avis négatif – ou disons très réservé – du graphologue. J’ai recruté ce consultant et il m’a donné entière satisfaction.
Ne faites pas de complexe vis-à-vis de votre écriture. La beauté d’un graphisme ne compte pas pour un graphologue. Ce qui l’intéresse, ce sont les signes qui se dégagent d’une écriture et, en aucun cas, la beauté des pleins et des déliés. D’ailleurs, une belle écriture classique, copie conforme des exercices d’écriture d’antan, est pauvre en informations sur la personnalité du candidat. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise écriture. Le graphologue s’intéresse au dynamisme de l’écriture.
Si vous faites écrire votre lettre par quelqu’un d’autre (en raison de circonstances particulières), n’oubliez pas de le signaler. Cela évitera des erreurs sur la personne qui pourraient, au final, se retourner contre le candidat.
Rien ne sert de masquer son écriture. Vouloir déguiser son écriture (sur quelles bases ? pour adopter quel type de graphisme ?) dessert le candidat. On peut certes discipliner son écriture (contrôler certains gestes en adoptant par exemple une écriture scripte) mais le spécialiste détectera facilement sur l’ensemble du document ces modifications et les caractéristiques de votre écriture réelle. De fait, il analyse un faisceau d’indications (qu’il croise et vérifie), jamais des signes pris isolément. En aucun cas il ne fonde son opinion sur une seule particularité. Conclusion : ce n’est pas parce que vous inclinez votre écriture vers la droite que le graphologue va considérer que vous êtes tourné vers l’avenir ou vers les autres ! En conséquence, restez vous-même, c’est votre meilleur atout ! Le camouflage de votre écriture est inutile et néfaste.
Ne pensez pas que votre écriture, changeante en fonction des moments, traduise mal votre personnalité ou dévalorise votre potentiel. Certes, l’écriture varie d’une période à une autre car elle est perméable aux influences (positives ou négatives) de l’environnement sur la personne. Mais, rassurez-vous, le professionnel de l’écriture s’intéresse prioritairement à la « structure » et à « l’agencement » de l’écriture indépendamment des variations de la forme, du trait et de la direction. Il pourra toujours déceler les invariants de votre personnalité.
Ne photocopiez pas votre lettre manuscrite. Les télécopies déforment ou cachent les signes que révèle l’écriture (trait plus ou moins fin, « trame » de l’écriture moins évidente à analyser).
Ne cherchez pas à produire des effets. Inutile d’utiliser un papier trop épais par exemple ou une encre de couleur peu utilisée.
Signalez au recruteur si vous êtes gaucher (en post-scriptum de votre lettre). Cette indication serait susceptible d’expliquer certains gestes graphiques propres aux gauchers. Sans cette précision, certains traits de caractère pourraient être interprétés avec plus ou moins de nuance.