Statue bochio (Fon). Bénin.
Bois, textile, aluminium, matières
diverses, patine, hauteur : 78 cm.
Collection Hugues Dubois.
Le bochio, « esprit dans le bois », a un rôle de sentinelle. « Objet de pouvoir », il protège un quartier, une famille, un individu. |
Ayant dépouillé le Manding de la plupart de ses dépendances septentrionales, l’askia Mohammed voulut poursuivre ses conquêtes vers l’Est et pénétra dans le pays haoussa, mais là, il fut moins heureux. D’abord, avec l’aide du kanta ou roi du Kebbi, il s’empara de Katséna (1513) et imposa sa suzeraineté au roi d’Agadès (1515), mais il fut ensuite défait par son allié le kanta, devenu son ennemi (1517), qui mit la main sur la majeure partie des provinces haoussa. Un siècle plus tard environ, celles-ci devaient recouvrer leur indépendance et l’Aïr ou province d’Agadès devait redevenir ce qu’il était auparavant, c’est-à-dire vassal des Touaregs.
L’askia Mohammed cependant, était devenu aveugle et le 15 août 1529 fut détrôné par son propre fils Moussa. Avec celui-ci commença une série de luttes intestines, de guerres civiles, de dilapidations et de débauches, de massacres odieux et d’inutiles expéditions militaires qui désolèrent le Songoï et ruinèrent peu à peu le magnifique édifice élevé par le premier askia. L’un des fils de ce dernier, Daoud, qui régna de 1549 à 1583, essaya de réagir contre les habitudes de tyrannie sanguinaire et de folles dépenses qui s’étaient introduites depuis son frère Moussa à la cour de Gao ; il redonna de l’essor à l’agriculture, encouragea la science et l’étude, sut se ménager l’amitié du sultan du Maroc, Ahmed Ed-Déhébi, qui porta le deuil lors de son décès et se rendit célèbre par ses actes de mansuétude et de générosité. Mais les jours du Songoï étaient comptés.
Le Manding languissant n’était plus redoutable. Cet État était tombé si bas que Daoud put, en 1545-1546, avant de monter sur le trône de Gao, pousser avec l’armée songoï jusqu’à la capitale mandingue — nous ne savons s’il s’agissait de Niani ou de Kangaba —, y entrer après avoir mis le mansa en fuite, y demeurer une semaine et faire remplir d’ordures par ses soldats la résidence impériale.
Mais c’est du Maroc qu’allait venir le coup fatal pour l’empire de Gao. Depuis longtemps, les sultans du Maghreb enviaient aux empereurs du Songoï la possession des salines de Tegaza voisines de celles, aujourd’hui en exploitation, de Taodéni au Sud Ouest du Touat. Dès son avènement (1578), le sultan Ahmed Ed-Déhébi avait obtenu de l’askia Daoud, moyennant dix mille dinars d’or, le privilège d’exploiter ces salines pour son compte pendant un an. Le profit qu’il en retira fut tel qu’il résolut de s’en rendre maître définitivement et après la mort de Daoud, il envoya à Gao, auprès du successeur de ce dernier, une ambassade dont le but secret était de recueillir des informations sur les forces militaires du Songoï ; en même temps, il expédiait dans la région de Tegaza une armée de vingt mille hommes, qui, d’ailleurs, fut complètement décimée par la faim et la soif. En 1585, il fit occuper les salines par deux cents fusiliers qui, ne pouvant s’y nourrir, retournèrent bientôt au Maroc. Cependant il tenait à son projet et était même devenu plus ambitieux : il ne convoitait plus seulement le sel du Sahara, mais aussi l’or du Soudan, cet or dont la soi-disant conquête devait lui valoir le surnom sous lequel il est connu[8].
En 1590, il mit en marche une colonne de fantassins armés de mousquets qui étaient en majorité, non pas des Marocains, comme on l’a cru longtemps, mais des renégats espagnols commandés par l’un d’eux, le nommé Djouder, promu pour la circonstance au rang de pacha. Ces Espagnols reçurent des habitants arabes ou arabisants de Tombouctou le surnom de Roumât ou Arma (lanceurs de projectiles, fusiliers) et ce dernier mot est encore aujourd’hui le nom porté, dans cette ville et dans la région, par les membres d’une sorte de caste noble qui, bien que devenus de véritables nègres, prétendent descendre des guerriers de Djouder.
Ceux-ci avaient quitté Marrakech le 29 octobre 1590 au nombre de trois mille. Ils n’étaient plus que mille lorsqu’ils arrivèrent, le 1er mars 1591, sur les bords du Niger, mais ils avaient des armes à feu, chose jusqu’alors inconnue au Soudan, et ils purent grâce à leurs mousquets triompher aisément près de Tondibi, entre Bourem et Gao, le 12 mars 1591, de l’imposante armée de l’askia Issihak ou Ishak II. Cette dernière comptait pourtant trente mille fantassins et douze mille cinq cents cavaliers d’après le Tarikh es-Soudân ou seulement neuf mille sept cents fantassins et dix-huit mille cavaliers d’après le Tarikh el-fettâch, mais elle n’avait à opposer aux balles des renégats espagnols que des épées, des javelots, des lances et des boucliers de cuir ou de paille tressée. L’Askia avait bien pris la précaution de faire placer des vaches entre l’ennemi et ses propres troupes, de façon à couvrir celles-ci ; mais les malheureuses bêtes, affolées par les feux de mousqueterie, prirent la fuite, se précipitèrent tête baissée sur les guerriers songoï et ne contribuèrent qu’à hâter la déroute de ceux-ci, qui fut complète.
L’Askia, abandonné par ses ministres et ses parents, se réfugia au Gourma, où il fut assassiné par les habitants. Djouder entra dans Gao sans rencontrer aucune nouvelle résistance, mais, médiocrement séduit par l’aspect de cette ville nègre et trouvant, comme il l’écrivit au sultan Ahmed, que la maison du chef des âniers de Marrakech valait mieux que le palais des askia, il alla s’établir à Tombouctou, où il fit son entrée le 25 avril 1591. C’en était fait de l’empire du Songoï, qu’un millier d’Espagnols armés de fusils avaient suffi à jeter à bas.