Pipe à eau nyangwa (Makonde).

Mozambique. Terre cuite, bois,

noix de coco, perles, hauteur : 27 cm.

Collection privée.

 

 

Le tabac a longtemps été un produit important, très recherché parmi la société Makonde, et a été largement échangé contre des biens et des services. Il semble avoir été considéré comme une denrée associée aux qualités personnelles, comme la générosité. La pipe présentée ici est typique de l’art utilitaire makonde le plus délicat dans son inventivité, sa forme et sa remarquable sobriété décorative. Élaboré à partir de quatre éléments détachables, c’est un témoignage remarquable de l’art de la suggestion. En sculptant une paire de jambes pour compléter la base en forme de N, le créateur de la pipe a inventé une forme faisant subtilement allusion à un corps humain assis ; le haut de la pipe figurant la tête et la noix de coco, le fessier.

Les pipes à eau appartenaient en général à des personnes de haut rang, des chefs de village ou de clans, ou encore des spécialistes de rituels. Cet exemplaire est unique car il inclue un orifice pour la fumée en forme de tuyau, en terre cuite décorée de fines lignes incisées typiques de certaines poteries Makonde. La virtuosité démontrée dans cet objet suggère qu’il a été réalisé par un expert dans l’art de la poterie. L’orifice présente une poignée pratique. Les jambes sculptées sont décorées d’un motif miniature de bracelets de chevilles en perles. La pipe a pu être réalisée pour son propre usage ou pour quelqu’un d’autre en échange de services. Dans chaque cas, la pipe n’était certainement pas un simple objet utilitaire, mais aussi un objet de prestige destiné à être exhibé, admiré et contemplé. Elle devait être liée à l’identité de son propriétaire et représente l’un des objets les plus intimes et précieux que nous possédons des objets personnels Makonde.

 

 

Les Noirs du Soudan central et oriental

 

 

Les Pays haoussa

 

Si nous sommes moins documentés sur l’histoire ancienne du Soudan central et oriental que sur celle du Soudan occidental, c’est principalement parce que les musulmans d’abord et les Européens ensuite n’entrèrent en relations avec le Centre et l’Est de l’Afrique noire que bien après avoir pénétré jusqu’au cœur des régions situées plus à l’Ouest. L’islamisation et l’exploration des pays qui s’étendent à l’Est du Niger sont relativement récentes.

 

Le peuple nombreux et fort intéressant des Haoussa ou Afno, dont l’habitat est compris entre le Songoï et le Bornou, fut de tout temps réparti entre plusieurs petits États qui semblent avoir été tributaires les uns des autres tour à tour, sans qu’aucun ait jamais eu sur l’ensemble une prééminence véritable. C’étaient et ce sont encore : le Gober ou royaume de Tessaoua célèbre dès le XVIe siècle par ses tissus de coton et ses chaussures de cuir ; le royaume de Kano, dont la capitale était déjà populeuse au temps de Léon l’Africain et réputée pour son enceinte imposante, ainsi que pour son commerce et son industrie ; celui de Katséna, renommé pour sa richesse agricole et sa puissance militaire ; celui de Zegzeg ou Zana, dont on a toujours vanté la prospérité commerciale et dont on prétend qu’il aurait autrefois, grâce à l’énergie d’une femme qui en était la souveraine, étendu son autorité sur tous les pays haoussa ; d’autres encore, notamment les royaumes de Zinder, du Zanfara, du Kontagora, du Baoutchi, etc.

 

Il semble que ces divers États furent réunis au XVe siècle sous l’autorité des kanta ou rois du Kebbi, pays situé au Sud-Ouest de Sokoto et à l’Ouest de Gando, dont les habitants seraient issus d’un mélange de Songoï et de Haoussa. Vers l’an 1500 régnait un kanta qui passait pour être maître de Katséna, de Kano, de Zana, du Gober et du Zanfara et étendre son pouvoir jusque sur l’Aïr. Le sultan du Bornou, Ali, qui venait de s’installer à Gassaro, à l’Ouest du Tchad, voulut mettre fin à l’extension grandissante du Kebbi et vint attaquer le kanta dans sa résidence de Sourami ; après un siège sans résultat, il dut se retirer. Le roi du Kebbi le poursuivit, l’atteignit à l’Est de Katséna et mit son armée en déroute ; mais, comme il revenait sur ses pas, il fut attaqué par les gens de Katséna révoltés, reçut une flèche et mourut de sa blessure.

 

Son successeur fit alliance en 1513 avec l’askia Mohammed qui l’aida à reprendre Katséna et, en 1515 poussa jusqu’à Agadès. Craignant de voir ses États passer sous la suzeraineté de Gao, le kanta rompit le traité d’alliance. En 1517, il infligea une défaite complète à l’armée que l’Askia avait envoyée contre lui et rétablit l’autorité propre du Kebbi sur Katséna et l’ensemble des pays haoussa. Mais vers l’an 1600, les rois du Gober et du Zanfara s’unirent à celui de l’Aïr contre le kanta qui vivait alors, le vainquirent, détruisirent ses trois villes principales (Goungou, Sourami et Liki) et libérèrent le Haoussa du joug du Kebbi.

 

C’est au début du XIXe siècle seulement que remonte l’islamisation des Haoussa ou, plus exactement, d’une certaine partie d’entre eux. Jusque-là, on ne rencontrait guère de musulmans qu’à Kano, et ils n’y étaient pas nombreux. C’est au zèle mystique et au fanatisme guerrier d’un marabout toucouleur[10], originaire du Fouta-Toro, que cette importante région de l’Afrique dut d’être envahie par le mahométisme.