Masque (Kwere), début du XXe siècle.
Tanzanie. Bois, hauteur : 50,5 cm.
Fred Jahn Gallery.
Une grande variété d’associations ou de sociétés « secrètes » existait au sein des Kwere à l’époque précoloniale. L’avancée dans les rangs de la société se déroulait lors de cérémonies d’initiation spéciales incluant des chants et des danses. Les danseurs masqués étaient aussi présents lors de rites funéraires particuliers, pour les membres des associations. Très peu d’exemples de masques kwere ont été retrouvés, et nous connaissons peu de choses sur cet art. Cependant il est vraisemblable que les Kwere utilisaient plusieurs sortes de masques, tels que les masques de « guerre » ou ceux réservés aux cérémonies d’initiation. |
Comme le Ouaddaï, le Darfour[13], son voisin de l’Est, était autrefois sous l’autorité de Toundjour idolâtres. Le pouvoir fut usurpé au XVIe siècle par un musulman, Soloun-Slimân, qui était dit-on, d’origine arabe par sa mère et qui fixa la capitale à Bir-Nabak. Omar-Lélé, son quatrième successeur, la transféra à Kabkabié. C’est cet Omar-Lélé qui fut vaincu et fait prisonnier par le roi du Ouaddaï Yakoub-Arous vers 1700. Après lui régnèrent Aboubekr, Abderrahmân Ier, puis Téhérab, qui conquit et islamisa le Kordofan, puis Abderrahmân II, qui transporta la résidence royale à Tendelty, appelé par les Arabes El-Facher, et fut en relations avec Bonaparte durant la campagne d’Égypte (1798-1799).
Sous le règne de Mohammed-Fadel (1800-1840), le Kordofan échappa au Darfour pour être conquis et occupé par les troupes égyptiennes. Ensuite régna Hosseïn. Sous son successeur Haroun, le Darfour à son tour fut annexé au Soudan égyptien par Zobeïr-pacha (1874). Haroun, s’étant révolté, fut vaincu et tué à Koulkoul par Slatin-pacha, qui fut nommé gouverneur du Darfour (1879).
Le Kordofan ou Kordofal sépare le Darfour du Sennar, dont il est séparé lui-même par le Nil. Les habitants sont des Noirs parlant plusieurs langues distinctes, dont certaines se rapprochent beaucoup, comme système, des parlers bantou. Ceux du Nord sont appelés Koldadji ou Koulfân, ceux du Sud Nouba. Ce mot Nouba, dont nous avons fait « Nubie » et « Nubiens », est proprement le nom du pays montagneux qui constitue la province méridionale du Kordofan et des indigènes de cette province, dont une fraction est depuis assez longtemps convertie à l’islamisme. Par extension, Nouba est devenu le surnom donné par les Arabes à tous les Noirs musulmans du Soudan oriental, tandis que les Noirs païens de la même région sont appelés, quelle que soit leur origine ethnique, Fertit au Darfour, Djénakhéra au Ouaddaï et Kirdi au Kanem. D’autre part, on a donné en Europe le nom de « Nubie » à la région située le long du Nil entre Ouadi-Halfa et Khartoum (région de Dongola), parce qu’un certain nombre de Nouba s’y sont établis. Mais la véritable « Nubie » se trouve dans le Sud du Kordofan et il n’est pas inutile de le rappeler ici.
Gouverné au début par des Toundjour païens comme le Ouaddaï et le Darfour, le Kordofan fut ensuite conquis par des Nouba musulmans dont le chef s’appelait Moussabba. Nous venons de voir qu’il fut annexé au Darfour sous le règne de Téhérab, qui réussit à propager l’islamisme parmi les Koldadji et établit un magdoum ou gouverneur à Bara. Il lui fut enlevé sous Mohammed-Fadel par le defterdar égyptien Mohammed-Bey, qui fit d’El-Obeïd le chef-lieu de son gouvernement.
Il n’est guère possible, dans un tableau historique du Soudan oriental, de passer sous silence l’équipée de Rabah et le mouvement mahdiste de la fin du siècle dernier. Zobeïr-pacha, qui appartenait à la tribu arabe des Djaaline, avait été nommé gouverneur du Bahr-el-Ghazel vers 1875. Appelé au Caire pour rencontrer les autorités égyptiennes, il confia sa charge à son fils Souleïmân. Ce dernier, desservi auprès de Gordon-pacha par les gens de Dongola, ennemis des Djaaline, crut à de l’hostilité de la part du gouverneur général du Soudan, prit parti contre le gouvernement égyptien et favorisa la révolte de Haroun, sultan détrôné du Darfour. On envoya contre lui Gessi-pacha, qui lui infligea une défaite sanglante.
Son principal lieutenant était alors Rabah, fils d’une négresse qui avait été la nourrice de Zobeïr-pacha et, par conséquent, frère de lait de ce dernier. Lors de la déroute de Souleïmân, Rabah prit la fuite avec les survivants de l’armée de son maître et commença ses conquêtes au Nord-Ouest du Bahr-el-Ghazal (1878). Poussant vers l’Occident, il pénétra en 1879 chez les Banda, se rabattit en 1883 sur le Kouti, y installa en 1890 Senoussi comme sultan, se jeta en 1892 sur le Baguirmi et s’empara en 1893 de Bougoman, qui remplaçait alors Massénia comme capitale. La même année, il attaqua Hachem, sultan du Bornou, le vainquit et le mit à mort (décembre 1893). Puis il marcha sur le Gober, où s’était réfugié Aboubekr, neveu et successeur de Hachem. Arrêté par l’armée de l’empereur de Sokoto, il se retourna contre les petits États du Sud du Tchad, prit Goulfeï aux Bousso, Kousséri aux Mandara, Logone aux Kotoko, envahit de nouveau le Baguirmi en 1898, incendia Massénia, poursuivit le mbang près de Kouno, s’y heurta avec huit mille hommes à une trentaine de miliciens commandés par l’administrateur Bretonnet (18 juillet 1899) et ne vint à bout de cette poignée de braves qu’après huit heures de combat. Le 22 avril 1900, il était battu à Kousséri par le commandant Lamy et tué à la fin du combat, qui coûta également la vie à son vainqueur. Son extraordinaire aventure avait duré vingt-deux ans et ruiné toute une partie du Soudan.