Masque d’épaule d’mba (Baga).
Guinée. Bois, hauteur : 116 cm.
Collection particulière.
Portées en cimier, ces statues sont nommées « masques d’épaule » car le danseur les place au-dessus de sa tête grâce à une armature en bois. L’exemple le mieux conservé de cette catégorie de statue appartient aux Baga. Il est utilisé pour la moisson, les récoltes, les événements heureux et le culte des ancêtres. Notre exemple montre une femme ayant allaité, symbole de fertilité. |
Celles-ci ont leurs prêtres, qui sont les patriarches pour le culte des ancêtres, les « maîtres de la terre » pour le culte de la terre et des eaux, et un clergé particulier, initié dans des sortes d’écoles aux rites plus ou moins secrets de certains cultes plus spécialisés. Elles ont aussi leurs temples, qui sont parfois des huttes où l’on conserve les restes ou les ossements des morts ou bien les objets consacrés au culte des divinités spéciales, souvent des arbres ou des bois sacrés, fréquemment des rochers aux formes bizarres ou des grottes à l’aspect mystérieux. Elles ont leurs autels, qui peuvent être une sorte de banc en terre battue, un pieu de bois ou un cône d’argile supportant le vase à offrandes, le pied d’un arbre, une urne renversée, une pierre plate, un bassin en cuivre placé sur une manière de pyramide, etc. Elles ont leur matériel de culte, statuettes représentant les défunts, objets divers leur ayant appartenu, paniers remplis d’ossements, vases à libations, couteaux de sacrifice, clochettes ou crécelles destinées à évoquer l’esprit ou à convoquer les fidèles, tambours sacrés et surtout masques en bois qui affectent la forme de monstrueuses têtes d’animaux et dont se coiffent, dans certaines cérémonies, les officiants qui sont censés incarner la divinité elle-même.
On offre en général aux esprits le sang de victimes qui sont des poulets, des chiens, des chèvres, des brebis et qui, autrefois, pouvaient être des êtres humains[17]. L’autel est arrosé avec ce sang, ainsi que les objets consacrés au culte, et on y répand les plumes ou les poils de la victime, qui s’agglutinent avec le sang. Dans les sacrifices modestes et courants, la victime est remplacée par un œuf, dont le contenu joue le rôle de sang et la coquille celui de plumes ou de poils.
La question n’est pas complètement tranchée de savoir si les Noirs de l’Afrique, en dehors de toute influence musulmane ou chrétienne, croient à un Être Suprême, à un Dieu unique. Il semble bien que cette croyance soit à peu près universelle chez eux, mais elle est d’ordre cosmogonique plutôt que d’ordre religieux. Ils admettent que le monde et les êtres qu’il renferme, y compris les esprits, ont été créés par un Être supérieur dont ils reconnaissent l’existence, mais dont ils se désintéressent parce qu’ils ne sauraient comment entrer en relation avec lui et parce que lui-même se désintéresse du sort de ses créatures, n’ayant rien du Dieu-Providence des religions occidentales. Aussi l’Être Suprême n’est-il jamais l’objet d’un culte quelconque chez les animistes africains, à moins qu’il ne soit identifié avec le Ciel, divinité génératrice qui féconde le sol au moyen de la pluie, ou avec la Terre, divinité fécondée et productrice. Il a pu être entendu parfois que des Noirs païens désignent les musulmans par une expression signifiant littéralement « ceux qui invoquent Dieu » ; le fait que des hommes pussent s’adresser à Dieu leur paraissait surprenant et ne contribuait pas peu à rehausser le prestige dont jouissaient auprès d’eux les mahométans.
Comme nous l’avons vu plus haut, la superstition règne chez les Noirs comme chez tous les hommes, plus souverainement encore chez ces peuples, que le mystère impressionne au plus haut point, que chez des populations que la nature plus positive de leur esprit, une instruction plus généralisée et une religion plus abstraite ont pu évader de cette influence primaire. La croyance, aussi naïve qu’indéracinable, aux vertus des amulettes et des talismans est légendaire chez les Nègres. Il n’en est pas un, quelle que soit sa religion, qui ne porte sur lui plusieurs « gris-gris » dont l’un doit le préserver de telle maladie, un second du mauvais œil, un troisième de l’esprit irrité de son aïeul laissé sans sépulture, tandis qu’un autre doit lui procurer l’amour de la femme qu’il aime, ou la générosité du maître qu’il sert ou même, s’il est fonctionnaire, un avancement rapide. Mais ce sont là des manifestations d’une crédulité essentiellement humaine et nous pouvons en voir à peu près autant autour de nous.
Les fabricants d’amulettes, les magiciens et les sorciers ont beau jeu en un tel milieu. De nombreux devins prédisent l’avenir ou révèlent les choses cachées, au moyen de procédés dont plusieurs ressemblent étrangement à ceux qu’emploient nos diseuses de bonne aventure. L’envoûtement, sous diverses formes, est pratiqué sur une grande échelle. Des gens passent pour avoir reçu en naissant le pouvoir de tuer ou de rendre malade à distance, grâce à de mauvais sorts qu’ils jettent, parfois inconsciemment, sur leurs ennemis ou sur des inconnus ; ces jeteurs de sorts sont naturellement très redoutés. Des divinités spéciales, dont le culte comporte des rites étranges, mystérieux et compliqués, ont été inventées et des sociétés secrètes ont été créées à une époque en vue de découvrir ces sorciers, d’annihiler ou au moins de contrebalancer leur pouvoir, et au besoin de les mettre à mort.
Telle était, avec sa sereine logique dans le principe et ses ombres souvent sanglantes dans l’application, avec aussi ses déformations dégradantes, la religion à laquelle sont encore souvent profondément attachés les Africains.