Grâce, Daimôn... Hallali, hallali 1... Ce moment m’assassine et je suis tout percé d’idées. Ma tête éclate et les lueurs s’y croisent et s’y combattent... Comment se peut-il que de si brèves étincelles portent chacune tant d’espoir et de certitude, et que la plus petite durée soit précisément celle qui s’identifie avec la plus grande puissance de vérité pour un seul, et d’injonction intérieure ?

Hallali, hallali, ma tête crève de lumières. Je n’en puis plus. J’emplis de griffonnages tous les bouts de papiers, les dos de cartons qui traînent autour de mes mains. Que de choses à la fois... Je ne puis plus me supporter. Je m’essouffle. L’esprit m’essouffle. Presque anhélant 2 je suis... Je m’interroge si cette surabondance existe parce que j’asphyxie ; ou si j’asphyxie à cause d’elle ? Quelle des deux me presse ? La hâte spirituelle me dépense, m’éperonne... C’est la chasse du diable ; le Daimôn se change en Démon.

1 Une esquisse de ce poème, datée « 11.1 1.37 », se trouve dans les Cahiers (C.XX.566). Valéry a noté en marge : « Alph. » et prévoyait de placer ce texte à la lettre H (Hallali). Les Cahiers mentionnent plusieurs fois, dans de brefs fragments consacrés à l’activité de l’Esprit, Socrate et son daimôn, cette voix intérieure qui le conseillait.
2 Haletant.