Revenons 1... L’or se meurt, et toute chose peu à peu se fonce et se dégrade. Le sol fume. Un diamant déjà perce dans l’altitude. Les demeures et les dômes de feuilles s’amassent et se confondent ; et toute la variété de la figure de la terre insensiblement s’assemble et se compose en un seul troupeau de formes vagues et obscures accablé de torpeur. Autour de nous, bientôt, la profonde unité des ténèbres sera.
Le plus pur de ce qui existe, le plus pur nous laisse et s’élève. Le haut ciel lentement se déclare univers. Quelque divinité se divise du temps, et tout le poids d’un jour de notre vie nous fait baisser la tête. Le silence nous prend : il nous sépare, il nous unit. Une est la lassitude.
Les tristes ombres des plus simples, des plus grandes, des plus amères et vaines ou naïves pensées nous accompagnent. A la faveur du soir, les mythes viennent, et se font plus sensibles et importants que toutes choses.
Revenons... Recourons à la flamme et aux lampes. Asseyez-vous auprès de moi. Vos mains froides, vos pieds mouillés tendus à la braise, vos yeux songent des étincelles. La vie et la mort dansent et craquent devant vous.
Voici que vous ne pensez plus à rien qui ne soit impossible à dire. Ineffable est le destin de cette durée.
Tout ici est douceur, tiédeur, sagesse et sûreté. Je sais bien, toutefois, que vous sentez et présumez en vous-même la présence de tous les ennemis de notre vie. Ce qui ne sera plus, ce qui sera, voilà l’une et l’autre puissance. Et c’est pourquoi vous frissonnez devant la flamme furieuse, et vous êtes faible et contrainte, toute réduite à votre cœur serré, muette et lamentable au sein des formes du bonheur.
Je sais, en toute certitude, que toutes les terreurs des hommes, et celles des petits enfants, celles des bêtes elles-mêmes, sont en vous à cause de l’heure. Il y a l’âge, l’organisme si frêle, les ténèbres au-dehors si rapprochées, les contes et les brutes, les assassins et les esprits... Une personne est bien peu de chose auprès de tant de périls qui émanent d’elle, la nuit venue. Je le ressens comme si j’étais dans votre chair. C’est pourquoi il faut se prendre dans les bras l’un de l’autre, et les paupières fortement fermées, étreindre une chose vivante, et se cacher dans une existence 2.