Le 1er mars 1932, dans le n° 12 du Centaure, supplément littéraire au n° 4 de la Gazette médicale de France, André Marcou publie un entretien avec Valéry qu’il interroge sur la revue de sa jeunesse, l’ancien Centaure, avant d’évoquer et de commenter lui-même « Avant toute chose » (Œ.I.351), l’un des quatre poèmes qui viennent de paraître dans la Revue de France du 1er janvier. Valéry lui répond :
« Ces "Petits Poèmes Abstraits" sont des études faites il y a... huit ou dix ans pour un certain "Alphabet" qu’un éditeur m’avait demandé. Il avait vingt-quatre lettres ornées, de Jou ; et il s’agissait d’écrire autant de pièces de prose, assujetties à la condition de commencer chacune par une des lettres. J’ai eu l’idée de faire correspondre ces vingt-quatre morceaux à une journée de vingt-quatre heures. (Le K, heureusement, manquait.) Le poème que vous étudiez devait se placer au commencement de la matinée de travail, et tenir du psaume 1. Vous avez bien vu que j’essayais de suggérer l’impression du Possible de l’Esprit, du suspens, assez religieux, en somme, - qui se place entre le néant et le créé. Il n’y a rien encore, et il y aura "quelque chose"...
J’ai abandonné la partie, faute de temps. La vie intellectuelle m’a toujours paru pouvoir servir de thème à une certaine poésie, destinée à ceux qui ont une sensibilité pour les passions et émotions de l’intelligence, - et à eux seuls. Mais j’avoue que la tâche ainsi définie n’est pas une tâche facile. Le langage est rebelle, - et il n’y a guère de "précédents"... 2 »