Dactylographiée par Valéry, cette page est visiblement une esquisse de ce qui aurait pu compléter, peut-être, le poème de la lettre V.
ALPHABET
La forme. La chair. Étrangeté de cette matière : pleine et souple, dure et tendre, fraîche et tiède.
Il y a une affinité de ceci avec la main, ses forces qui permettent à la fois l’obéissance à la forme et l’acte cognitif de la volonté. Organe du réel.
Cette jambe, ce tour du corps, c’est donc TOI ?, c’est bien Toi ? TU ES.
Que les yeux se ferment. La main enveloppe, et par son large mouvement croit contenir, résumer tout ce torse dont la douceur continue, la résistance et complaisance composées sous la paume et les pulpes des doigts errants lui donnent l’impression de former, de créer, mais de créer et former quelque chose qui veut être formée selon ce qu’elle est... La sensation de posséder cette chose s’élève, mais égale à une autre qui est la sensation d’être du même coup, possédée par elle. Et il en naît un trouble total et comme fort, qui envahit la chair, l’âme et l’esprit, suspend le souffle, précipite les temps, porte les actes à l’extrême.
Tous les sens qui s’exercent à distance s’oublient car il n’y a plus, pour quelques instants, que folie de la suprême proximité 1.