1.4

L’écart et la norme


1.4.1. Le pays de l’erreur

L’affirmation de Mengs selon laquelle le Corrège, en s’attaquant au contour et au réseau des limites où ses prédécesseurs tenaient les formes enserrées, aurait entraîné nombre de ses adeptes au « pays de l’erreur », cette affirmation indique assez que ce n’est pas pour avoir fourni son public d’images ou de thèmes oniriques que ce peintre aurait joué dans l’histoire un rôle déterminant, et peut-être — pour une part — néfaste. L’affaire se joue sur le terrain de la forme, et d’abord sur celui du dessin, assimilé par la théorie à l’expression. Il s’agit de comprendre pourquoi la mise en cause du contour a pu être tenue pour un errement à l’époque néo-classique, cette réaction manifestant — par-delà les remous de surface de l’histoire du goût ou de la « vie des formes » — la résistance d’une structure représentative fondée sur la précellence des fonctions graphiques et dont il apparaît qu’elle n’aura pas été fondamentalement entamée par les expériences « baroques ».

On serait cependant tenté d’en appeler ici aux schémas wölffliniens : la dissolution du contour a pu paraître attenter à l’ordre de la figuration dans la mesure où elle appelait comme son corollaire l’exacerbation d’une picturalité exclusive de toute délinéation trop stricte des formes. Mais pour historiquement datées et localisées qu’elles soient, les productions du Corrège n’en participent pas moins d’une situation beaucoup plus générale, qui est celle-là même de l’image de peinture dans sa différence spécifique (la différence qui la constitue au titre d’image peinte, irréductible en tant que telle à toute autre variété d’image), et qui se traduit régulièrement, et le plus souvent à point nommé (dans une œuvre épinglée d’un nom), par l’apparition dans le champ plastique de traits bientôt désignés comme aberrants, voire comme pathologiques. Au regard des normes reçues, toute innovation prend figure d’écart. Mais parmi ces écarts, il en est qui, loin de se réduire à une simple variation stylistique ou à une transformation plus ou moins profonde des règles de la figuration, paraissent ébranler la hiérarchie des fonctions picturales et, du même coup, poser en termes renouvelés la question du statut de l’image peinte. L’image picturale ne se réduit pas à une icône dont la texture — comme on l’a nommée — serait indifférente : elle a son poids de peinture, un pouvoir permanent de sollicitation sensorielle sans mesure commune avec la minceur de la pellicule colorée déposée sur un support en lui-même neutre et de peu de prix (mais qui n’en est pas moins partie intégrante du produit). Or c’est là ce qu’une certaine tradition de pensée — un système culturel dont l’orientation principalement iconographique des études sur l’art dénonce l’emprise persistante — s’emploie à oblitérer, à refouler systématiquement, en feignant de ne retenir des images que l’information qu’elles véhiculent, information mesurable, analysable, et propre à fournir, en tant que telle, matière à échange.

« UT PICTURA POESIS »

Il en est à cet égard de la peinture comme de la poésie — ut pictura poesis —, encore que dans un sens bien différent de celui où l’entendait la théorie humaniste1 : si dans les conditions ordinaires de l’échange linguistique, la visée du message pour lui-même, la mise en évidence du signifiant acoustique ou scripturaire, dans sa matérialité sensible, apparaît comme une fonction accessoire, subordonnée aux autres fonctions expressives, le langage poétique semble au contraire se caractériser par le rôle prédominant qui se trouve conféré, dans son économie générale, au côté « palpable » des signes, dont la manifestation délibérée et réglée détermine l’organisation du message2. Ainsi que les Formalistes russes l’ont observé, les sons du vers ne sont pas seulement les éléments d’une harmonie extérieure, ni le simple accompagnement (ou décor) du sens : ils ont par eux-mêmes une signification, une fonction verbale et répondent à un dessein poétique autonome3. Mais on ne saurait ignorer, en retour, ce que ces thèses devaient, chez des auteurs dont certains allaient compter parmi les fondateurs de la linguistique structurale, à la prise en considération non seulement de la poésie dite « transrationnelle » (qui usait de mots sans signification) et d’une musique accueillante au « bruit », sous ses diverses espèces, mais à celle encore d’une peinture qui travaillait alors à produire, théoriquement et pratiquement, ce que Mondrian allait bientôt désigner comme les « moyens plastiques » fondamentaux : la surface, la ligne, le point, et encore — d’une façon plus secrète, et autrement transgressive — la couleur, « vérité » longtemps asservie à l’ « expression » (au signe), et qui apparaît désormais comme une fonction picturale irréductible, un instrument formel autonome et complet en soi4.

L’accueil réservé en leur temps aux productions des « Fauves » par la conscience (le « sens ») commun(e) — fussent-ils à prétentions critiques — témoigne assez du caractère pathologique (« insensé ») que la culture picturale de l’Occident est portée à reconnaître à tout écart qui conduit à donner le pas aux composantes sensibles (matérielles) de l’image de peinture sur ses composantes proprement iconiques (soit, en l’occurrence, à la couleur sur le dessin). En fait, l’ordre suivi par Alberti dans le Della Pittura pour l’exposé des « parties de la peinture » — (a) circonscription (ou délinéation), (b) composition, (c) répartition des lumières et des couleurs — est celui-là même qu’impose un système culturel qui se présente comme trans-historique et dont aucune expérience, si radicale qu’elle ait pu paraître, n’aura pendant longtemps mis le règne en danger. La « vérité » (la couleur) ne doit pas prendre le pas sur l’ « expression » (le dessin) : c’est, comme l’écrira Rousseau (et Kant encore après lui, à peu près dans les mêmes termes) que « les sentiments qu’excite en nous la peinture ne viennent point des couleurs… De belles couleurs bien nuancées plaisent à la vue, mais ce plaisir est purement de sensation. C’est le dessin, c’est l’imitation qui donne à ces couleurs de la vie et de l’âme ; ce sont les passions qu’elles expriment qui viennent émouvoir les nôtres ; ce sont les objets qu’elles représentent qui viennent nous affecter. L’intérêt et le sentiment ne tiennent point aux couleurs ; les traits d’un tableau touchant nous touchent encore dans une estampe : ôtez ces traits dans le tableau, les couleurs ne feront plus rien5 ». Comme le note Jacques Derrida dans le commentaire qu’il donne de ce texte, l’esthétique passe ici par une sémiologie, elle s’inscrit dans la dépendance du signe : dans l’expérience esthétique telle que la définit Rousseau, le sujet est affecté non par les choses (les sensations) mais par les signes, par l’imitation qui procède du tracé, de la délinéation, du contour. Or les mêmes interdits qui assurent la cohérence du système (et d’une pratique fondée sur le signe et l’imitation), en inscrivant par exemple la couleur dans la dépendance technique du contour qui, la délimitant, en fournit la raison6, ces mêmes interdits jouent au niveau de la délinéation elle-même ; la limite ne souffre pas de dérèglements7 ; elle ne saurait non plus prendre trop de corps. Certes, comme l’écrit encore Alberti, on ne saurait traiter de la peinture à la façon des mathématiciens, qui considèrent la forme des choses par la seule pensée et en faisant abstraction de toute matière : celui qui veut les donner à voir doit recourir à « une plus grasse Minerve8 ». Mais dans le système lui-même de la linéarité, il convient qu’ils soient, sinon invisibles, au moins aussi peu apparents que possible, faute de quoi ils ne « représenteraient » (ne démontreraient) plus le contour des formes et des objets mais apparaîtraient, sur la toile ou le mur, comme des fissures (fessura)9, des fentes analogues à celles qui séparent les pièces d’une image de marqueterie — la suraccentuation des moyens graphiques prenant ainsi (comme l’exemple de Gauguin suffira à le prouver) figure de transgression par rapport à une structure représentative fondée sur la stricte subordination des moyens picturaux, graphiques et colorés, aux fonctions iconiques de l’image de peinture.

C’est une question de savoir dans quelle mesure la problématique du signe, à laquelle l’approche sémiologique du phénomène pictural peut paraître subordonnée dans son principe, est liée à un système culturel déterminé, dont les limites historiques et géographiques coïncideraient du même coup avec ses propres limites de validité. Qu’en est-il de la problématique du signe appliquée à des œuvres non figuratives, à des produits où la notion même de représentation, et avec elle celle de signe iconique, se trouve mise en cause ? Ce travail ne prétend pas répondre directement à cette interrogation : il vise bien plutôt à montrer, dans un premier temps, comment la question du signe et des liens privilégiés que celui-ci entretiendrait avec le « dessin », se pose à l’intérieur du système représentatif lui-même et n’aura cessé, historiquement parlant, de le travailler. Mais un tel travail (qui doit être entendu au sens où l’on parle d’un bois qui « travaille » sous l’effet de l’humidité, et qui fait l’un des ressorts de ce qui a nom « histoire de l’art ») suffit à suggérer une analogie entre la pratique poétique et la pratique picturale : l’une et l’autre tendraient à mettre en péril la hiérarchie des fonctions sur laquelle est fondé l’échange des signes. Et de fait, alors que la théorie de la méthode formelle en était encore à ses débuts, ses tenants pensaient ne pouvoir définir le langage poétique autrement que dans son opposition au langage quotidien : dans le langage poétique, à l’encontre de ce qui leur paraissait être la règle dans le langage prosaïque, les formants linguistiques (les sons, les éléments morphologiques, etc.) auraient acquis une valeur autonome, le but pratique de la communication (la transmission d’une information) reculant au deuxième plan10. Mais si le Formalisme a pu se définir, au titre de science de la littérature, comme une science de la « littérarité » (Litteraturnost’), et qui devait définir les traits distinctifs qui définissent l’objet littéraire en tant que tel, la théorie de l’art ne s’est guère souciée, quant à elle, de reconnaître la différence spécifique de l’image de peinture, les caractères par lesquels celle-ci se distingue de toute autre espèce d’image. L’image de peinture ne se résout pas en ce qu’elle figure et/ou représente (son « sujet ») ni dans les contenus qu’elle véhicule : et quant aux formants plastiques (pour autant que la notion en soit recevable), on ne saurait y voir seulement l’instrument d’une communication qui exigerait, pour s’accomplir, la négation de la matière offerte à la perception. La théorie phénoménologique de l’image qui veut que les éléments sensibles fonctionnant à titre de représentant analogique de l’objet visé en image soient « neutralisés » (Husserl), voire « néantisés » (Sartre), pour que la synthèse imageante puisse s’opérer, cette théorie échoue à rendre compte du paradoxe d’une forme qui ne signifie pas mais se signifie11, d’une forme qui est à elle-même son propre contenu, d’une matière qui, d’entrée de jeu, fonctionne déjà comme forme, d’un signifié qui ne se laisse en aucun cas séparer du signifiant : un paradoxe bien fait pour révéler l’écart constitutif d’une pratique dans laquelle les moyens d’expression sont mis en œuvre suivant des voies étrangères aux circuits ordinaires de la communication.

Il reste que la conception du langage poétique comme déviation du langage normal tend, comme Julia Kristeva l’a fait observer12, à se figer en un poncif qui interdit d’étudier la morphologie proprement poétique. En particulier, on ne saurait s’en tenir à l’affirmation de l’autonomie des moyens poétiques, laquelle aura correspondu à une première étape, bientôt dépassée, de la théorie formelle. Mais ces remarques valent, aussi bien, pour le « langage » pictural, lequel ne se présente en aucun cas sous les dehors d’un code particulier, et qui devrait être référé à un code (iconique) plus général, qui l’engloberait et dont il violerait les règles. La question de l’écart et de la norme, et des interdits sur le fond desquels celle-ci s’enlève et prend son plus exact contour, doit être formulée en termes plastiques, en termes de plastique, toute innovation — lors même qu’elle est suspendue à des déterminations d’ordre social ou idéologique — intervenant en dernière analyse à l’intérieur de la série picturale, où elle se traduit par une distribution renouvelée des niveaux, des moyens et des fonctions. Rien n’autorise à réduire a priori les produits de l’art à des signes ou à des systèmes de signes, ni les effets spécifiquement plastiques à des effets de communication. Mais si la qualité sensible de l’analogon, son grain, sa couleur, sa texture doivent être autre chose qu’un simple accompagnement de l’information qu’il véhicule, il reste à saisir le rapport qu’entretient l’ordre pictural avec celui des signes, et la relation de complémentarité qui unit le système des règles figuratives — qui confèrent à l’image sa lisibilité — à l’ensemble des variations formelles qui la constituent en tant qu’image de peinture.

1.4.2. Le normal et le pathologique

L’œuvre du Corrège fournit à cet égard un bon point de départ historique : la contradiction entre l’intérêt manifeste que présentait, aux yeux de ses contemporains et de ses successeurs, le décor des coupoles de Parme et le retard de plus d’un siècle imposé dans les faits au succès d’une solution décorative dont il semble qu’elle ait atteint d’emblée à sa forme définitive, cette contradiction donne en effet à penser qu’un interdit implicite aura été ici transgressé : un interdit dont il importerait de déterminer la nature et de mesurer l’impact, la censure ayant pu jouer soit au niveau des moyens plastiques, soit dans le seul registre des signifiés. Toute innovation dans le domaine de l’art apparaît comme un écart, non seulement par rapport à un état antérieur, qui prend alors figure et valeur de norme, mais par rapport à une pratique, à un usage, à des fonctions tenues pour régulières. Mais il y a écart, et écart : ceux-là que la norme tolère, dont elle paraît s’accommoder, et dont la possibilité semble inscrite en quelque façon dans le « système », et d’autres qui en perturberaient l’équilibre, le fonctionnement, et que la société peut s’employer à réduire ou refouler par le canal de ses institutions13. Mais de tels écarts, encore une fois, ne prennent leur plein relief, leur exacte portée, qu’une fois restitués à leur contexte, celui d’une pratique dont la norme est indissociable de la transgression qui la produit, qui la constitue en tant que norme.

Si la texture sensible de l’icône peut apparaître, dans certaines conditions, comme le principe organisateur du « message », est-ce à dire qu’un clivage se dessine entre les fonctions figuratives (iconiques) et les fonctions picturales, l’accent mis sur la facture et les composantes matérielles de l’image étant susceptible de contrarier la synthèse imageante et la lisibilité des figures ? A prendre à la lettre la théorie formelle, dans son expression première, on serait tenté d’étendre à la communication ce que René Leriche disait des allures « normales » de la vie, à savoir que la « santé » c’est « la vie [la communication] dans le silence des organes14 » : dans les conditions « normales » de la communication, peu d’attention est portée à la substance sensible de l’expression, sauf à introduire dans la transmission des messages des désordres plus ou moins étendus. Or ce qui apparaît comme pathologique au regard de la pratique ordinaire de l’expression apparaît au contraire comme la norme dans le règne de l’art. La littérature est cet exercice de l’écriture qui restitue au lecteur la langue, sous ses espèces charnelles, au titre d’organe d’un corps dont elle (la langue) fait dire au sujet qu’il est sien (mais vient-il, ce corps, à prendre la parole pour son compte, sous les espèces de la douleur ou de la jouissance, que le même « sujet » doit admettre qu’il est possédé par lui, comme il l’est encore, depuis « sa » naissance jusqu’à « sa » mort, par le langage). Et quant à la peinture, l’évolution qu’elle a connue depuis Cézanne dit assez qu’il n’y a de vision — comme l’écrivait Merleau-Ponty — qu’astreinte à un corps (social, au même titre que le langage) et initiée par lui aux autres corps et à la nature elle-même15. Mais la littérature, mais la peinture, si elles ont ces pouvoirs, c’est dans la seule mesure où elles ont partie liée avec la substance même de l’expression, avec son matériau. Et l’on ne saurait faire, encore une fois, qu’une pareille alliance n’apparaisse comme paradoxale, voire pathologique, au regard des allures communes de l’expression.

TACHES

Les fonctions assignées à l’élément « nuage » dans les productions du Corrège manifestent le rôle déterminant que joue dans l’expression picturale la composante sensible de la peinture et, tout à la fois, la connotation fantasmatique qui vient à celle-ci de la disproportion entre la minceur de la pellicule déposée sur la toile et l’étendue des effets auxquels elle prétend. Sur le registre conceptuel, le « nuage » est cette formation instable, sans contour mais aussi sans couleur définie, et qui cependant participe des puissances d’une matière où toute figure vient au jour et s’abolit, substance sans forme ni consistance où le peintre, comme déjà Léonard dans les taches d’un mur, imprime les emblèmes de son désir. Le rapprochement n’a rien d’arbitraire ni d’anachronique, non plus que l’indice pathologique dont aurait été affecté, dans la peinture du XVIe siècle, un élément — un leurre ? — étranger à l’ordre de l’expression (le dessin), sinon à celui de la « vérité » (la couleur). On en trouvera la preuve dans la Vie de Piero di Cosimo par Vasari, dont il faut noter qu’elle vient immédiatement à la suite de celle du Corrège, elle-même séparée de celle de Léonard par la seule « Vie » de Giorgione. La Vie de Piero di Cosimo se clôt en effet sur un paragraphe où Vasari s’emploie à démontrer l’étrangeté du caractère et des mœurs du peintre, la bizarrerie de son esprit et l’attrait qu’avaient pour lui les choses difficiles et singulières (La stranezza del suo cervello, ed il cercare che egli faceva delle cose difficili) ; toutes choses dont aurait témoigné l’attention qu’il portait aux formations nébuleuses aussi bien qu’aux marques laissées sur les murs par l’accumulation des crachats de personnes malades, d’où il tirait toutes sortes de batailles et de cités fantastiques, et les paysages les plus grandioses16. Il n’est guère besoin de solliciter le texte de Vasari pour reconnaître que de pareils exercices y revêtent la valeur de symptômes, ceux-là d’un mal dont l’art de Cosimo n’est pas seul à porter les stigmates. Mais tel trait qui, rapporté à un individu déterminé, peut être regardé comme névrotique, revêt une tout autre signification dès lors qu’il paraît répondre à une détermination historique objective17, comme c’est ici le cas : le même intérêt pour les taches et les formations nébuleuses où Vasari voyait l’indice, chez Piero di Cosimo, d’une disposition morbide, revêt dans le texte de Léonard de Vinci les allures d’une méthode, méthode propre à favoriser l’invention, pratiquée de longue date en Chine (encore que sous des espèces et dans un contexte différents), et qui devait connaître dans la peinture occidentale une fortune équivoque (cf. 5.1.1. et 5.1.2.).


1.

Cf. Rensselaer W. Lee, « Ut Pictura Poesis : The Humanistic Theory of Painting », Art Bulletin, vol. XXII, 1940, p. 197-269.

2.

Cf. Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, trad. française, Paris, 1963, p. 30-31 et 218.

3.

Boris Eikhenbaum, « La théorie de la méthode formelle », in Théorie de la littérature, textes des Formalistes russes réunis, présentés et traduits par Tzvetan Todorov, Paris, Ed. du Seuil, 1965, p. 40-42.

4.

« Ceux qui ont exercé sur moi le plus d’influence, ce sont les artistes, non les savants. Picasso, Braque, Khlebnikov, Joyce, Stravinsky. En 1913-14, j’ai vécu parmi les peintres, j’étais l’ami de Malevitch. Il voulait que je vienne avec lui à Paris. » (Jakobson, cité par Jean-Pierre Faye, Le Récit hunique, Paris, Ed. du Seuil, 1967, p. 281).

5.

Jean-Jacques Rousseau, Essai sur l’origine des langues, chap. XIII, cité par Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, 1967, p. 294.

6.

« Ma se una medesima superficie cominciando ombrosa, a poco a poco venendo in chiaro continua, allora quello che fra loro sia il mezzo si noti con una sottillissima linea adcio che ivi la ragione del colorire men dubbia », Leone-Battista Alberti, Della Pittura, éd. Luigi Malle, Florence, 1950, liv. II, p. 85.

7.

Le peintre, écrivait Cennino Cennini, dans son Libro dell’arte (chap. XXIX, éd. Milanesi, Florence, 1859, p. 18), mènera une vie honnête et tempérante, évitant tout ce qui peut faire trembler la main : les jets de pierre, la compagnie trop fréquente des femmes, etc. (La connotation sexuelle de l’interdit se dénonçant ici explicitement.)

8.

« In ogni nostro favellare molto priegho si consideri me non chome mathematico ma come pictore scrivere di queste cose. Quelli con solo ingegnio, separata ogni materia, misurano le forme delle cose. Noi perchè vogliamo le cose essere posta da vedere, per questo useremo quanto dicono più grassa Minerva. », Alberti, op. cit. liv. I, p. 55.

9.

« Pero che la circonscriptione è non altro che disegniamento del orlo quale, ove sia fatto con linea troppo apparente, non dimostrerà ivi essere margine di superficie ma fessura e io desidererei nulla proseguirsi circonscrivendo che solo l’andare del orlo. » Alberti, op. cit., p. 82.

10.

Cf. Lev Yakoubinski, « Sur les sons de la langue poétique », cité par Eikhenbaum, art. cit., p. 39.

11.

Henri Focillon, Vie des formes, Paris, 1947, p. 10.

12.

Cf. Julia Kristeva, « Pour une sémiologie des paragrammes », Tel Quel, 29 (printemps 1967), p. 55 ; repris in Σεμειωτιϰη, Recherches pour une sémanalyse, Paris, Ed. du Seuil, 1969, p. 177.

13.

C’est sur la considération de l’écart, jugé par elle pathologique, qui serait au principe de l’art moderne que la politique culturelle nazie prétendit fonder sa théorie de l’art « malade » ou « dégénéré ». Mais précisément — et c’est là ce qui fait lever de telles résistances — l’art moderne se définit, dans ce qu’il a de radical, par le refus de s’accepter comme écart, déviation, anomalie, pour se constituer, suivant le mot de J. Kristeva, en zone analytique, où s’élabore un savoir spécifique.

14.

René Leriche, « Introduction générale » au t. VI de l’Encyclopédie française, cité par Georges Canguilhem, Le Normal et le Pathologique, Paris, 1966, p. 52.

15.

Maurice Merleau-Ponty, L’Œil et l’Esprit, Paris, 1964, p. 13.

16.

« Fermavasi talora a considerare un muro’ dove lungamente fusse stato sputato da persone malate, e ne cavava le battaglie de’cavagli e le più fantastiche città e più gran paesi che si vedesse mai ; simil faceva de’ nuvoli dell’ aria. » Vasari, Vite, éd. Milanesi, t. IV, p. 134.

17.

Cf. Meyer Schapiro, « Style », in A. Kroeber (éd.), Anthropology Today, Chicago, 1953, p. 29. Au titre, encore, de symptôme, citons les tableautins peints par Antonio Tempesta (Rome, galerie Borghèse) à partir de pierres « imagées » ou « paysagées » : l’adjonction de quelques figures peintes aux formations nébuleuses, végétales ou architecturales que le sciage révèle dans le marbre permet d’obtenir une Tentation de saint Antoine (où l’image du tentateur apparaît dans une nuée tracée par la « Nature »), un Passage de la mer Rouge, etc. (sur la collaboration de l’art et de la « nature », cf. 1.5.)