Out of the Web : Number 7, 1949 (Hors de la toile: Numéro 7, 1949), 1949. (Détail)
En 1950, Guggenheim fut également contrariée par une exposition de vingt-trois tableaux de Pollock, car la presse ne mentionnait pas son nom dans les critiques. Elle en voulut à Jackson et spécialement à Lee, qui, selon elle, s’ingéniait à supprimer toute référence à son soutien. Cette animosité perdura par la suite, de sorte qu’en 1956, lorsque Krasner visita l’Europe, Guggenheim ne l’invita pas à séjourner chez elle. (202)
En 1957, alors qu’elle visitait une galerie de Rome, Guggenheim tomba sur War, un dessin que Pollock avait fait en 1947 pendant sa période d’exclusivité avec l’artiste. (204) A ce moment-là, elle était trop occupée pour entrer dans un litige, mais plus tard ses avocats entreprirent des poursuites et il fallut quatre ans pour aboutir à un règlement à l’amiable. Sa biographe remarque qu’ « en guise d’arrangement, Krasner lui donna deux petites toiles de Pollock dont la valeur avoisinait alors 500 dollars les deux ». (205) Visiblement, Guggenheim avait perdu la bataille.
En mars 2005, le one-(wo)man-show signé Lanie Robertson, Woman Before a Glass, fut créé à Broadway. Mercedes Ruehl y incarnait Peggy Guggenhein. Le journal Village Voice expliqua que Guggenheim « avait consacré sa vie à l’amour de l’art et aux artistes – s’impliquant physiquement plus souvent qu’à son tour avec ces derniers ». Le critique du New York Times, Charles Isherwood, fit allusion aux égarements du « flux de pensée » de Guggenheim. Le critique fit remarquer que la scénariste Lanie Robertson « utilise les points d’exclamation avec libéralité, un peu à la façon dont Jackson Pollock utilisait la peinture... » (53a)
Howard Putzel
Le sculpteur Reuben Kadish connaissait Sande, le frère de Jackson, ainsi que Jackson lui-même depuis leurs années d’études à Los Angeles. Plus tard à New York, dans le courant de l’été 1942, Reuben amena Howard à l’atelier de Jackson pour voir ce qu’avait produit celui-ci depuis leur dernière rencontre. Dans leur jeunesse, Kadish et Pollock cognaient ensemble sur des cailloux, apprenant les rudiments de la sculpture. (388) Pollock réfréna toujours son désir de sculpter.
Kadish était l’ami d’Howard Putzel depuis près de dix ans lorsqu’il le présenta à Pollock. En 1944, Putzel inaugura son propre lieu, la galerie 67, par une impressionnante première exposition appelée A Problem for Critics (Un problème pour les critiques). Au départ, Greenberg et Putzel étaient en désaccord sur la signification de l’avant-garde américaine, mais plus tard, le critique en vint à penser que Putzel voyait juste, comme le démontrait cette présentation originale.
Ainsi que le faisait remarquer un article d’Art in America, en 1980, Putzel était « un défenseur du surréalisme et de l’art abstrait des origines ». Sa première exposition réunissait des œuvres de jeunes artistes comme Pollock, Miró, Arp ou Picasso. Le « problème » était apparement de deviner qui était qui.
Alors que l’exposition faisait un tabac, Putzel continuait à avoir de graves problèmes personnels. Il était non seulement alcoolique, doté d’un cœur en mauvaise santé et de troubles de la thyroïde, mais il souffrait aussi d’épilepsie. De plus, c’était aussi un « Athénien », le nom de code désignant à l’époque un homosexuel. (127) Il se lia d’amitié avec beaucoup de futurs grands artistes, alors au début de leur carrière, tels que Mark Rothko, Yves Tanguy, puis Pollock. De Kooning utilise le mot ‘gigglers’ (glousseurs) pour désigner les hommes gays. (398)
Sa galerie de San Francisco fit faillite, de même qu’une autre à Los Angeles, avant qu’il ne se décide à partir pour Paris. Là-bas, il attira l’attention de Guggenheim sur Pollock et d’autres jeunes Américains. Putzel s’assura qu’elle aurait particulièrement conscience de Pollock au moment de lancer sa nouvelle galerie AOTC à Manhattan. Son inauguration fut un tremplin pour les artistes qui évoluaient vers l’expressionnisme abstrait, et pour Pollock en particulier.
Ce fut Putzel, apparemment toujours très pragmatique, qui encouragea plus tard Pollock à réaliser des toiles plus petites qui se vendraient plus facilement. En 1947 et 1948, Pollock peignit quelques paires de tableaux de même taille. En 1948, les peintures d’un seul tenant mesuraient 4 450,16 cm² chacune. Sinon aucune autre toile de Pollock représentée ici en couleur n’est de la même taille.
A cette époque, Pollock travaillait sur des rouleaux de toile. Il peignait sur de longues zones de ces rouleaux, puis découpait des portions de longueurs variées pour en faire des tableaux individuels. (115) Le New Yorker Magazine publia une caricature montrant un artiste décousant des petites sections d’une longue planche représentant un paysage unique, créant un tas de petites peintures, et parodiant ainsi le fait que les méthodes des chaînes de montage pouvaient s’appliquer à la peinture réaliste aussi bien qu’abstraite.
La galerie de Putzel n’était pas ouverte depuis longtemps lorsqu’un de ses mécènes, Kenneth MacPherson, lui retira son soutien financier. (22) Ceci contribua sûrement à miner Putzel à cette époque.
En août 1945, à peu près au moment où Pollock et Lee s’installèrent à Long Island, Putzel mourut. Son corps fut découvert à la galerie.
La biographe de Guggenheim mentionne que la plupart des commentaires attribuent la mort à « son cœur ». Néanmoins, « il pourrait avoir été assassiné par quelqu’un qu’il avait dragué dans la rue ; le fait qu’il y ait eu des rumeurs de suicide laisse à penser qu’on aurait cherché à masquer quelque chose ». (128) Certains, y compris Peggy, envisagèrent le suicide. Mais sa biographe écrit également qu’il a peut-être été assassiné. Friedman affirme simplement que Putzel s’est suicidé, sans citer de source. (12, 17, 128, 129)