Untitled (Bald Woman with Skeleton) ( Sans Titre ( Femme chauve et squelette)), 1938-1941.

Huile sur côté lisse de masonite tendue, 50,8 x 61 cm.

Courtesy Joan T. Washburn Gallery, New York.

 

... avec lexpérience il me semble possible de contrôler le flot de peinture la plupart du temps, et je ne recours pas je ne recours pas au hasard parce que je nie le hasard. (406)

Age 38

 

 

Des témoins de l’époque, interviewés par les biographes, ne s’accordent pas sur le temps que Pollock passa à concevoir, ni d’ailleurs à peindre le tableau. Emporté par un furieux élan, il acheva l’œuvre massive en quinze heures selon Naifeh et Smith. (218) Guggenheim écrivit que Pollock la réalisa en l’espace de trois heures. Dans tous les cas, Pollock data clairement l’œuvre de 1943. En outre, la biographe de Guggenheim, Dearborn, mentionne la découverte d’une carte postale de Pollock à son frère Frank, disant que la peinture murale avait été achevée l’été précédent l’inauguration du mois de novembre. (226)

Cette fois, le résultat était une peinture murale portable, mesurant environ six mètres de long (2,47 x 6,05 m), une œuvre exceptionnellement grande, même pour aujourd’hui. Apparemment, il fallut en couper quelques centimètres lorsqu’elle fut finalement transportée dans l’entrée de la résidence de Guggenheim sur la 61e rue Est à Manhattan. C’était une vitrine extraordinaire pour lui, car c’était un endroit fréquenté par les médias et la plupart des personnes influentes de l’art contemporain.

Pour gagner de la place afin de peindre cette toile, Pollock abattit la paroi entre l’atelier de Lee et le sien.

A l’instar des histoires qui perpétuaient l’image de Pollock le cow-boy, celles qui entouraient Mural étaient bien souvent exagérées. L’artiste et Lee se mirent d’accord sur ce qu’ils allaient dire et firent même poser théâtralement Pollock devant la grande toile vide, son ombre s’étirant sur la vaste surface immaculée qui allait bientôt s’animer sous l’emprise de gestes et de couleurs, comme peu d’œuvres auparavant. Pourtant, la vie et l’art de Pollock étaient déjà bien assez dramatiques sans avoir besoin de recourir à ces artifices mythologiques.

Lorsque l’accord pour la peinture murale fut établi, Pollock décida de faire la fête avec Putzel, Rothko et Seliger. Selon une interview avec Seliger par la biographe de Guggenheim, Mary V. Dearborn, les trois compères allèrent dîner, puis au cinéma sur Times Square pour voir les deux succès du box-office de 1931 : Frankenstein et Dracula. (225)

Frankenstein était incarné par Boris Karloff, tandis que Bela Lugosi jouait Dracula. Les deux hommes apparaissaient pour la première fois dans les rôles titres auxquels ils furent associés pour toujours. (On pourrait se demander comment les trois buveurs en goguette, Pollock, Seliger et Rothko, réagirent à la fameuse tirade du personnage de Lugosi : « Je ne bois jamais... de vin ».)

Cette étrange célébration était tout à fait appropriée, car d’autres futures célébrités (Karloff et Lugosi) étaient en train de donner naissance à leurs propres monstrueux mythes et légendes. En outre, le Mural de Pollock était un chef-d’œuvre qui se mua lui-même en monstre légendaire. Brian O’Doherty, dans son ouvrage Jackson Pollocks Myth, analyse les légendes et la mystique qui entourent Pollock. (227)

La critique Ellen G. Landau suggère que l’expérience de la création de Mural entraîna Pollock loin de ses sources totémiques et analytiques, ou de son introspection psychologique, vers une non-objectivité plus confiante. (221) A partir de ce moment-là, il ne se focalisa plus autant sur l’approche jungienne de résolution des problèmes, ou sur ce que Joseph Campbell nomma cinq ans plus tard : « le voyage du héros ». (9)

Après son inauguration dans l’appartement de Guggenheim, Mural fut par la suite l’unique Pollock exposé au MoMA en 1947 parmi les peintures modernes de grand format. Mural est aujourd’hui à l’Université de l’Iowa. Guggenheim le donna à l’école, mais le regretta plus tard parce qu’ils ne semblaient pas en comprendre la valeur et, visiblement, ne cherchaient pas à la rendre accessible aux élèves. L’œuvre fut installée dans le réfectoire des étudiants. Par la suite, elle proposa à l’école de l’échanger contre un Braque, mais ils déclinèrent son offre. (220)

La sensibilité de Pollock

L’amie de Pollock, Ruth Kligman, disait de lui que c’était un « énorme animal » ou « un enfant ». Elle disait qu’elle sentait qu’il « pouvait se mettre à pleurer ou devenir violent à tout moment ». Elle se souvient de la manière dont il réagit lors d’une représentation de la pièce de Beckett, En attendant Godot. Il l’avait déjà vue deux fois, et les deux fois il pleura, ainsi qu’il l’avoua à Kligman. (228)

Le psychiatre Francis O’Connor, suggère que la réaction émotionnelle de Pollock à la célèbre pièce de Beckett puisait de profondes racines dans ses expériences infantiles. Dans sa brillante conférence sur Jackson Pollock : Down to the Weave, il analyse des esquisses provenant du carnet de rêves de Pollock pour étayer sa théorie. (363)

La productivité de Krasner

Lee peignit très peu pendant les pics de productivité de Jackson. Ainsi que Guinzburg l’exprima : « Elle était étouffée dans un mutisme par le tonnerre assourdissant de sa créativité, rendue amère et frustrée par ses besoins et ses névroses ; mais après sa mort, elle reprit possession d’elle-même et peignit prodigieusement. » (229)

 

En 1944, création de la Ménagerie de verre de Williams. Exposition du Plant de tomate de Picasso. Décès de Kandinsky, Mondrian, Lucien Pissarro et Edvard Munch. En 1945, Frank Lloyd Wright expose son projet pour le musée Guggenheim de Manhattan. Au Nouveau-Mexique, explosion de la première bombe atomique. Plus tard, les Etats-Unis utilisent la bombe sur le Japon.