Bird Effort (Accabonac Creek Series (Effort doiseau (Série Accabonac Creek)), 1946.

Huile sur toile, 61 x 51 cm. Collection Peggy Guggenheim, Venise (Solomon R. Guggenheim Foundation, New York).

 

Elargir l’horizon

Pollock adorait les grands espaces de l’Ouest. Il partageait cette passion avec les Indiens et les premiers peintres pionniers de l’Ouest. Actuellement, le pionnier du Earth Art, Michael Heizer, construit une sculpture dans une zone reculée du Nevada.

Commentant les influences de cet Earth Art, Michael Kimmelman, critique d’art en chef du New York Times, remarque que « les expressionnistes abstraits ont lié l’art américain à l’échelle de la nature. On disait des peintures de Jackson Pollock qu’elles évoquaient les paysages de l’Ouest ». (58)

Afin de jouir d’une vue illimitée sur l’horizon depuis sa fenêtre du second étage, Pollock dut déplacer une grange qui obstruait son champ visuel. D’abord, il coula une chape de béton par ses propres moyens. Puis, comme les bâtisseurs de grange Amish de Pennsylvanie, ses voisins de Springs l’aidèrent à transporter la grange vers son nouvel emplacement. En retour, Pollock aida ses voisins dans plusieurs menus travaux, comme, par exemple, consolider un porche, cueillir les pommes de terre, déplacer des rochers, etc . Parmi toutes les biographies de Pollock, l’histoire orale de Potter décrit probablement le mieux la nature des relations qu’entretenait Pollock avec son voisinnage. (85) (Pollock aida à réparer le toit de la maison de Harold Rosenberg, aujourd’hui la résidence de Robin Holland, le photographe de Village Voice qui prit la photo de la salle consacrée à Pollock au MoMA visible dans cet ouvrage.)

L’une des raisons pour lesquelles Pollock aimait la nouvelle propriété était la vue qu’il avait au nord sur l’Accabonac Creek en montant au dernier étage de la maison. L’étendue de plaine entre la maison et la baie lui rappelait les vastes espaces des Etats de l’Ouest où il avait grandi.

Le panorama de la maison, une fois la grange déplacée, contrastait de façon extraordinaire avec la promiscuité des appartements de Manhattan que Lee et lui avaient partagés. Les fruits de cette vue nouvelle et plus vaste se révèlent quand on compare ses tableaux plus récents avec ceux, petits et suintant la claustrophobie, qu’il créa dans les petits logements de Manhattan, partagés d’abord avec ses frères, puis avec Lee.

Dans son film, PollockSquared, Bill Rabinovitch montre clairement cette vue. De même dans Pollock, Ed Harris révèle l’amour de l’artiste pour la propriété dans une scène où l’acteur principal est couché dans l’herbe et se réjouit à la vue des grands espaces autour de lui.

Manhattan connut un moment excitant lorsque Frank Lloyd Wright concrétisa son projet pour le nouveau musée Guggenheim. Celui-ci dressait sa silhouette novatrice dans un contraste audacieux avec les alignements de « boîtes » bordant la même avenue très chic. La plupart des immeubles de bureaux et des magasins n’étaient pas beaucoup plus créatifs que les rangées de lotissements que l’on pouvait voir dans les banlieues, au moment du boom immobilier de l’après-guerre. Dans un dessin du New Yorker Magazine de 1958, un couple passe en voiture devant l’édifice peu courant lorsque la femme demande : « Ont-ils le droit de faire cela sur la 5e Avenue ? » (328) L’art de Pollock suscitait des attitudes similaires, il n’était pas rare que le grand public demande : « Est-ce permis ? »

Mariage

Bien que sa propre famille traitât Krasner comme une originale, elle fut profondément affligée lorsque son père mourut en 1944. Il semble que son désir dépouser Pollock et de quitter Manhattan se soit intensifié après le décès de son père. Visiblement, elle pensait que si Pollock lépousait, elle serait plus à même de mettre fin à sa consommation dalcool et à ses bagarres.

Lee n’était pas intéressée par un mariage religieux. C’était Jackson qui désirait une cérémonie religieuse, ce qui plut certainement à sa mère. Après avoir essayé auprès de plusieurs églises locales, Lee et Jackson découvrirent que la Marble Collegiate Church de Manhattan autorisait les mariages mixtes. Elle avait grandi dans une famille juive. Les parents de Pollock étaient presbytériens. Le couple fut marié le 25 octobre 1945. A la dernière minute, Guggenheim abandonna son rôle de témoin. Elle fut remplacée par Natale Tabak, l’épouse de Harold Rosenberg. La cérémonie fut présidée par le Révérend Charles J. Haulenbeck, vicaire de l’église. (139)

Le couple s’installa dans sa demeure de Long Island en novembre. A la fin du mois, ils accueillirent leurs familles afin de célébrer Thanksgiving.

Productivité

Pollock ne peignit pas tandis qu’ils remettaient la maison en état. Ils décidèrent de convertir la chambre à coucher du dernier étage en atelier, où Pollock réalisa la quatrième de couverture des mémoires de Peggy Guggenheim, Out of This Century. Il y peignit aussi The Key et se prépara pour sa prochaine exposition. Celle-ci comprenait seize peintures et fut très bien accueillie par la critique.

Pollock transforma également la grange située derrière la maison en un lieu qui devint latelier il réalisa ses œuvres les plus remarquables. Lee rappelle quil se levait tard et « quil prenait son maudit café pendant deux heures ». Plus tard, il se mettait à travailler, et y restait jusquà la tombée de la nuit. La qualité et la quantité de travail quil accomplissait étaient « incroyables », ainsi que le formula Lee. Au début, latelier ne possédait ni lumière ni chauffage, et pourtant ce fut sa période la plus productive.