Portrait of H.M. (Portrait de H.M.), 1945.

Huile sur toile, 91,4 x 109,2 cm. University of Iowa Museum of Art, Iowa City, Don de Mme Peggy Guggenheim, 1947.

 

Les églises cest bien si vous avez besoin dappartenir à quelque chose pour vous rassurer, mais les artistes nont pas besoin de ça... grâce à leur créativité ils appartiennent au flux dénergie universelle. Regardez nous existons. Nous sommes comme tout le reste, nous sommes seuls, bon Dieu ! (422)

 

 

Krasner joua certainement un rôle maternel dans la vie de Pollock, mais contrairement à sa mère, elle pouvait être très critique à propos de son travail et de son attitude autodestructrice. Cependant, pendant des années, elle mit sa propre production, très appréciée par ailleurs, entre parenthèses, tout en encourageant perpétuellement Jackson à travailler.

Blocage créatif

A l’automne, Pollock s’essaya à la gravure à l’Atelier 17, appartenant à Stanley William Hayter. Mais il semblerait que ce soit pendant cette période d’exploration et de développement, que Krasner fut la moins productive. Dans son livre sur Krasner, Barbara Rose propose une explication du blocage créatif, subi par Krasner pendant sa vie avec Pollock, spécialement au cours des premières années. (223) Rose pense qu’il s’agirait des conséquences de la tentative de Krasner de réconcilier la démarche hautement intuitive de Pollock, cherchant à nourrir son travail « automatique » en puisant dans son subconscient, et sa propre approche plus stricte et cubiste inspirée par Hofmann. (94)

 

En 1946, création de la comédie musicale « Annie Get Your Gun », offrant encore une fois une vision romancée de lOuest sauvage sur Broadway. En 1947, Picasso étend lexpressionnisme à la poterie et à la sculpture. Création de la pièce de Williams « Un tramway nommé Désir » qui gagne le prix Pulitzer lannée suivante.

 

En décembre 1945, et au cours de l’année suivante, Pollock exposa Two pour la première fois à la galerie AOTC. Il l’exhiba ensuite au Whitney Museum of American Art lors de l’exposition annuelle de peinture contemporaine américaine. Elle fut très bien accueillie au cours des quatre expositions suivantes.

Se dissimuler derrière le geste

Pollock et Krasner n’aimaient par le terme ‘drip’ décrivant la technique par laquelle la peinture est envoyée vers la surface de la toile, sous le contrôle du « geste », ou mouvement de l’artiste. Les œuvres qui en résultèrent firent de Pollock un phénomène magnifiquement identifiable de la pop culture. Ses grands formats étaient particulièrement remarquables, mais furent souvent utilisés comme de simples arrière-plans pour des photos de mode, des parodies dans les bandes dessinées ou comme des objets d’art à imiter ou à caricaturer.

Philip Rylands estime que les peintures gestuelles de Pollock constituaient la marque distinctive de son style et la clef de sa dimension historique. (231) Par conséquent, Greenberg était certainement visionnaire lorsque qu’il déclara – bien avant que la technique gestuelle ne domine l’œuvre de l’artiste – que son exposition de 1945 à la galerie AOTC « marque un pas décisif dans son évolution ». (232)

Pollock commença ses peintures gestuelles en 1947. Le peintre Robert Goodnough décrivit la technique dans un article du mois de mai 1951, paru dans Art News. « La peinture – habituellement de la laque, qu’il trouve plus maniable – est appliquée en trempant un pinceau ou un bâton dans la boîte, puis, par des mouvements rapides du poignet, du bras et du corps, il la laisse couvrir la surface d’entrelacements rythmés. Le pinceau effleure rarement la toile. » Sa description concorde avec le film de Namuth, censé montrer Pollock à l’œuvre, et qui inclut quelques rares descriptions par l’artiste lui-même. Ce fut apparemment Namuth qui eut l’idée de filmer Pollock en train de peindre Number 29, en plaçant la caméra sous une plaque de verre.

Selon Relyea, « ce que Pepe Karmel découvre, hélas, c’est que les premières éclaboussures de peinture de Pollock n’étaient en réalité que de joyeuses figurines, dont le peintre tirera ses fameuses abstractions – un jugement reposant en grande partie sur des considérations très personnelles ». (238) Les spectateurs familiers du travail de Pollock pourraient y lire une allusion à Mural, la fresque que Pollock peignit huit ans plus tôt et où l’on distingue assez aisément des figurines voilées.

Relyea remarque que les experts semblent s’accorder sur le fait que « Pollock peignait trop près de la toile pour voir ce qu’il faisait, qu’il en était trop proche pour devenir le spectateur de son propre art. » (239) Cela n’est pas sans rappeler un documentaire montrant Matisse et Picasso, s’éloignant souvent de leur toile pour adopter le point de vue du spectateur. Mais beaucoup de gens pensent que Pollock adoptait rarement cette « distance » par rapport à son travail : il semblait toujours bien plus préoccupé par le processus de création que par le produit final. Après tout, un artiste peut-il voir ou entendre son œuvre de la même manière que les autres ?

Relyea trouve que l’analyse philosophique de Rosealind Krauss « tourne le dos à la vue préférant s’empêtrer dans le réel à la place... Tout en étant conçue comme une ‘dé-sublimation’ de la lecture canonique moderniste de Pollock, ce qu’elle (Krauss) finit par décrire est précisément une expérience du sublime ». (240)

Relyea déclara qu’aux environs de 1900, la photographie était considérée comme un outil très utile pour enregistrer les mouvements des travailleurs exécutant des tâches routinières. C’est dans ce domaine novateur, que Frederick Winslow Taylor mena une campagne qui fut par la suite développée dans l’ouvrage méthodique de son disciple, Frank Gilbreth. (242)